383 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {28 mars 1?90.] blit le domicile comme une condition , suffisante de l’éligibilité. Il aurait pu voir que cet article même exige un domicile de deux ans ; or, un domicilié de deux ans n’est point un étranger. Je passe à des observations plus importantes. On a demandé la suppression de tout ce qui est relatif aux raisons qui doivent éloigner les colonies de se séparer de la métropole. Quand le pouvoir législatif s’enveloppait de nuages, on pouvait dire: « Il Haut vouloir et ne pas expliquer pourquoi l’on veut ; » mais à présent, il s’agit de plaider pour la raison contre la raison humaine: on pouvait ordonner aux esclaves ; c’est par la persuasion qu’il faut régner sur des hommes libres. L’observation sur le premier article des dispositions de l’instruction doit être adoptée. On a dit, au sujet de l’article 4, qu’il n’y a point d’impôts clans les colonies : il y en a sur les nègres ; c’est une capitation mise sur une partie très immorale de la propriété, mais enfin sur une propriété. Les observations sur les articles 17 et 18 sont plus graves-; mais qu’on lise tous les détails de ces articles, on verra qu’il ne s’agit pas d’autoriser les colonies à créer pour elles un pouvoir législatif et un pouvoir exécutif, mais qu’elles sont invitées à présenter leurs vues sur la manière don tces pouvoirs doivent exister. L’observation qui a pour objet le changement du mot chef en celui-ci , dépositaire, est très juste. Je conclus à l’admission de l’instruction, et à son envoi très prompt. — (On demande à aller aux voix.) M. le comte de Reynaud. J’ai demandé la parole dans l’intention de relever moi-même l’erreur de l’expression dont je me suis servi d'après mes commettants. J’avais déjà dit clairement, dans mon opinion imprimée, que les colonies reconnaissaient l’autorité du corps législatif: ainsi, c’est une méchanceté du préopinant, etje demande qu’il soit lui-même mis à l’ordre. M. l’abbé Maury monte à la tribune. — On lui observe qu'il n’a pas la parole. — L’Assemblée consultée la lui accorde. — Il annonce qu’il ne se permettra contre M. de Reynaud d’autre méchanceté que celle de lire la phrase de M. de Reynaud ; il lit cette phrase, et cherche à prouver que cet opinant a fait une application dangereuse d’un principe dangereux. M. l’abbé Grégoire. Je craignais que l’article 4 ne laissât quelque louche sur un objet important; mais MM. les députés des colonies m’annoncent qu’ils entendent ne pas priver les gens de couleur de l’éligibilité, et je renonce à la parole, à condition qu’ils renonceront à l’aristocratie de la couleur. M. de Cocherel. Ils n’ont pas dit cela; et je proteste contre cette assertion, au nom de ma province. M. l’abbé Grégoire. M. Arthur Dillon m’a annoncé que c’était l’intention de la députation. M. de Cocherel. M. Arthur Dillon peut parler de la Martinique comme il le voudra; mais il n’a pas lé droit de faire les honneurs de l’île Saint-Domingue. M. de Lusignan. Je demande que la discussion soit fermée, M. Blin. Je réclame l’ordre du jour. M. Garat l'aîné. J’invoque la question préalable sur la question qu’on veut soulever en ce moment, et que vous avez déjà écartée. Il s’agit uniquement de savoir si nous adopterons l’instruction qui nous est présentée. M. Charles de Lameth. On doit fermer la discussion sur la proposition indiscrète de M. l’abbé Grégoire; mais elle ne peut l’être sur le fond de l'instruction. L’Assemblée, consultée, décide qu’on ne discutera pas la question annoncée par M. l’abbé Grégoire. La discussion est reprise sur le projet d'instruction. M. le marquis de Gouy-d’Arsy. Messieurs, c’est avec le sentiment d’une profonde reconnaissance, que les députés de Saint-Domingue ont pressé l’expédition de vos décrets vers une colonie où leur publicité va, sans doute, resserrer de plus en plus les liens de l’intérêt et du sang qui l’unissent si intimement à la métropole. Cependant, au moment de voir partir la frégate qui va porter vos dépêches, la députation n’a pu se défendre d’un mouvement d’inquiétude qu’elle doit déposer, avec confiance et respect, dans le sein des représentants de la nation. Tous les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, ont été adressés aux cours de judicature du royaume, avec ordre de les transcrire sur leurs registres, et de les faire publier. Donc, le décret de l’Assemblée nationale sur les colonies, aussitôt qu’il sera muni de la sanction royale, devra être adressé aux conseils supérieurs des colonies, pour transcription en être faite et publication ordonnée. Sans cette formalité, la loi ne serait pas revêtue de cette dernière forme qui peut seule manifester aux peuples l’obligation ae s’y soumettre. Ici, Messieurs, se présente une difficulté de quelque considération. Saint-Domingue a toujours eu, jusqu’en 1787, deux conseils supérieurs, l’un au Port-au-Priuce, l’autre au Gap. A cette époque, ils furent réunis, en vertu d’un édit surpris à la religion du roi, et cette réunion désastreuse fit le désespoir de la province du Nord. Depuis cet instant, elle n’a cessé de réclamer avec force contre une opération qui, sous mille rapports, trop pénibles et trop longs à exposer dans ce moment, portait une atteinte prejudiciable à l’existence et à la fortune des habitants de la plus florissante partie de la colonie. Ce grief fut un des principaux motifs qui fit désirer à Saint-Domingue d’avoir des représentants aux Etats généraux. Dès que la province du Nord eut nommé ses députés, elle leur remit des cahiers dont le premier article contenait la mission expresse de réclamer de la justice de la nation le rétablissement du conseil du Gap, auquel est attachée la prospérité de celte dépendance. Les députés de Saint-Domingue, fidèles à leur mandat, ont sollicité sans refâche, auprès du ministre de la marine, l’exécution du vœu réitéré de leurs commettants. Ils ont appris, par les dépêches dont ce ministre fl) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. le marquis de Gouy-d’Arsy.