Séance du 30 fructidor an II (mardi 16 septembre 1794) Présidence de BERNARD (de Saintes) La séance est ouverte à onze heures. 1 Un secrétaire fait lecture du procès-verbal de la séance du 9 fructidor, dont la rédaction est adoptée. Le même secrétaire fait lecture du procès-verbal du 14 fructidor, dont la rédaction est aussi adoptée (1). 2 Un membre de la commission des dépêches fait lecture de la correspondance. La société populaire d’Elne, chef-lieu du canton de ce nom, district de Perpignan [département des Pyrénées-Orientales], félicite la Convention sur ses glorieux et immortels travaux; elle l’assure de ses bons principes, annonçant qu’elle a exclu de son sein tout individu qui croyoit trouver un asyle pour y trâmer de nouveaux complots. Mention honorable, insertion au bulletin (2). \La société populaire d’Elne, chef-lieu de canton du district de Perpignan, à la Convention nationale, Elne, s. c?. ] (3) Citoyens Représentans Grâce à votre énergie, la liberté est encore une fois échapée des mains de ses cruels persécuteurs, la marche rapide et triomphante de nos armées a jetté l’épouvante et le désespoir dans le cœur de tous les ennemis du bien public. La Révolution prend tous les jours de (1) P.-V., XLV, 282. (2) P.-V., XLV, 282-283. (3) C 320, pl. 1319, p. 21. nouvelles forces et l’instruction fait partout de nouveaux progrès. C’est pour vous féliciter sur ces glorieux travaux, que la société populaire de la commune d’Elne a délibéré cette adresse. Cette société quoique nouvellement formée n’en a déjà pas moins contribué à l’instruction publique, elle a pris de sages réglemens, elle s’est épuré avec exactitude, elle a courageusement exclu de son sein, tous les intrigans, tous ceux qui pouraient souiller la pureté de ses principes, tous ceux qui pour se mettre à l’abri de la justice nationale et de l’opinion publique qui les poursuit, croyent trouver un azyle dans les sociétés populaires et tramer encore de nouveaux complots. Vos décrets étaient ignorés ou méconnus. Elle a formé une commission chargée spécialement de les faire connaitre au peuple et le comité de surveillance de la commune de concert avec celui de la société veille sans cesse à leur exécution. Les préjugés religieux qui jusqu’alors avaient infecté toute cette partie du département des Pyrenées-Orientales sont presque détruits et s’il y avait encore dans cette commune des ennemis de la Liberté qu’ils tremblent, car ils n’échapperont pas aux soins et à l’activité du comité de surveillance. Nous ne vous dissimulerons pas, Citoyens Représentans, que cette espèce de régénération nous a présenté des difficultés ; quelques habitans du pays ont cherché à détourner leurs concitoyens des instructions patriotiques qui se faisaient chaque jour aux séances de la société, et si malgré cela nous avons la douce satisfaction d’avoir réussi, ce n’est pas la faute de quelques aristocrates qui voyant leurs espérances s’évanouir prirent tous les moyens possibles pour séduire le Peuple, pour l’égarer, et pour nous susciter des persécutions. Mais en dépit d’eux et de leurs criminelles intrigues les habitans de la commune d’Elne ont recouvré leurs droits, secoué le joug des préjugés, senti les bienfaits de la Révolution, reconnu la perfidie des traitres qui semblaient leur dire qu’ils n’étaient pas nés pour être libres. Et cette commune qui jusqu’alors avait été plongée dans la plus profonde ignorance SÉANCE DU 30 FRUCTIDOR AN II (MARDI 16 SEPTEMBRE 1794) - N08 3-4 211 reçoit avec avidité les instructions que la société lui donne chaque jour. Lorsque la nouvelle du complot que vous avez déjoué dans la fameuse séance du 9 thermidor, nous fut parvenue, on en fît lecture à la société et tous les membres s’écrièrent spontanément « des mandataires coupables conspiraient contre la Représentation Nationale, ils ont péri sur l’échaffaud, périssent ainsi tous ceux qui voudraient la détruire ; pour nous, jurons d’exterminer tous les traîtres, de nous unir fortement avec la Convention nationale et de contribuer avec elle au bonheur de nos concitoyens » Ce serment terrible et qui a fait pabr les tyrans sur leurs trônes fut repetté avec enthousiasme le 23 thermidor, jour auquel nous célébrâmes la fête de la déchéance de Capet. C’est ainsi Citoyens Représentans que toutes les communes de la République animés d’un même esprit, guidés par votre exemple, encouragé par nos succès vont bientôt opérer la destruction totale des tyrans qui nous font la guerre et consolider pour jamais les bases du gouvernement Républicain. Leblanc, président, Hugon, Dupin, Grenade Castillon, secrétaires. 3 La société populaire de Sézanne [département de la Marne] applaudit à l’anéantissement de Robespierre et de ses complices ; mais elle s’effraye des progrès que l’aristocratie fait depuis l’ouverture presque générale des maisons d’arrêt. C’est ainsi qu’elle s’exprime en termes très énergiques : « nous ne vous demandons pas de mettre la vertu à l’ordre du jour, elle y est dans nos âmes; nous ne vous demandons pas d’y mettre la terreur, elle fut toujours l’arme des rois ; l’ordre du jour que nous vous demandons, est dans vos cœurs, c’est le bonheur du peuple ». Mention honorable, insertion au bulletin (4). Représentans du peuple, Le supplice de Robespierre et des monstres qui conspirèrent avec lui, avoit été pour les amis de la patrie le présage heureux de l’affermissement de la liberté publique. Ils étoient loin de s’attendre que de nouvelles intrigues, des manœuvres coupables retarderoient encore une fois la marche imposante de la révolution sublime, que le courage du peuple a commencée, et dont il ne peut trouver le terme que dans l’anéantissement des ennemis de ses droits. (4) P.-V., XLV, 283. Depuis l’ouverture presque générale des maisons d’arrêt, le modérantisme fait des progrès effrayans. Déjà l’aristocratie joyeuse ne cache plus ses projets de vengeance, le fanatisme rallume ses torches, la calomnie aiguise ses poignards, et le patriotisme est outragé chaque jour, par ce que la France renferme encore de vils suppôts du despotisme. Un tel renversement ne peut durer plus long-tems. C’est ajourner le triomphe de la patrie, que d’en laisser respirer en paix un seul moment les ennemis cruels. Levez-vous, Représentans, et qu’à votre aspect, disparoissent enfin pour jamais, ces hommes, fléaux de l’humanité, qui, comme de dégoutans insectes, semblent s’être élancés du cadavre putréfié de la tyrannie, pour en répandre par-tout la corruption. Robespierre couvert de forfaits, prétendoit avec audace donner au peuple des leçons de vertus; récemment encore, on voulut lui en donner de justice. Eh ! depuis quand le peuple n’est-il plus la justice, et la vertu par excellence ? Citoyens Représentans, nous ne vous demandons pas de mettre la vertu à l’ordre du jour, elle y est dans nos âmes; nous ne vous demandons pas d’y mettre la terreur, elle fut toujours l’arme des rois. L’ordre du jour que nous vous demandons, est dans vos cœurs, c’est le bonheur du peuple. Remettez en vigueur la loi du 17 septembre, et déclarez nuis les élargissemens prononcés en faveur de ceux qui y sont formellement compris. Il n’y aura jamais de Hberté là où se trouveront des nobles et des prêtres ; nous vous demandons également de lever la suspension sur le décret sage qui les repousse des fonctions publiques. Trop long-tems des exceptions en faveur de quelques individus de ces deux classes hypocrites, exceptions fondées sur des suppositions perfides, ont compromis le sort de la République (5). Suivent les signatures. 4 L’agent national du district de Limoux [département de l’Aude] instruit la Convention nationale de l’action républicaine du citoyen Berger, cultivateur, qui ayant, lui troisième, découvert dans le château d’un émigré 5 400 L en numéraire, a été le déclarer, offrant de remettre à la caisse qui lui seroit indiquée, ce qui lui revenoit. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi au comité des Finances (6). (5) J. Mont., n° 138. (6) P.-V., XLV, 283. Bull., 3e jour s.-c.(suppl.). Cette gazette indique qu’il s’agit du tiers de la somme trouvée.