lAssemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 avril 1791.) ministres et accompagné de la députation; il se place debout devant le fauteuil du Président, les ministres à sa gauche en descendant vers le bureau, le Président à sa droite, tous les membres de l’Assemblée et des galeries debout, les secrétaires debout à leurs places ordinaires; il lit le discours suivant : « Messieurs, « Je viens au milieu de vous avec la confiance que je vous ai toujours témoignée. Vous êtes instruits de la résistance qu’on a apportée hier à mon départ pour Saint-Cloud : je mai pas voulu qu’on la'fît cesser par la force, parce que je crains de provoquer des actes de rigueur contre une multitude trompée, et qui croit aair en faveur des lois, lorsqu’elle les enfreint. Mais il importe à la nation de prouver que je suis libre : rien n’est si essentiel pour l’autorité des sanctions et des acceptations que j’ai données à vos décrets. Je persiste donc, par ce puissant motif, dans mon projet de voyage à Saint-Cloud; et l’Assemblée nationale en sentira la nécessité. « Il semble que, pour soulever un peuple fidèle et dont j’ai mérité l’amour par tout ce que j’ai fait pour lui, on cherche à lui inspirer des doutes sur mes sentiments pour la Constitution. J’ai accepté, et i’ai juré de maintenir cette Constitution, dont la constitution civile du clergé fait partie, et j’en maintiens l’exécution de tout mon pouvoir. Je ne fais que renouveler ici l’expression des sentiments que j’ai souvent manifestés à l’Assemblée nationale. Elle sait que mes intentions et mes vues n'o it d’autre but que le bonheur du peuple, et ce bonheur ne peut lésul-b r que de l’observation des lois et de l’obéissance à toutes les autorités légitimes et constitutionnelles. » M. le Président répond : « Sire, « Si le sentiment profond dont l’Assemblée nationale est pénétrée était compatible avec quelque plus douce impression, elle la recevrait de votre présence. Puisse Votre Majesté trouver elle-même parmi nous, dans ces témoignages d’amour qui l’environnent, quelque dédommagement de ses peines! « Une inquiète agitation est inséparable des progrès de la liberté. Au milieu des soins que prennent les bons citoyens pour calmer le peuple, on se plaît à semer des alarmes ; des circonstances menaçantes se réunissent de toutes parts, et sa défiance renaît. « Sire, vous, le peuple, la liberté, la Constitution, ce n’est qu’un seul intérêt : les lâches ennemis de la Constitution et de la liberté sont aussi les vôtres. « Tous les cœurs sont à vous; comme vous voulez le bonheur du peuple, le peuple demande le bonheur de son roi : empêchons qu’une faction trop connue par ses projets, ses efforts, ses complots, ne se meite entre le trône et la nation ; et tous les vœux seront accomplis. « Quand vous venez, sire, resserrer dans cette enceinte les nœuds qui vous attachent à la Révolution, vous donnez des forces aux amis de la paix et des lois; ils diront au peuple que votre cœur n’est point changé; et toute inquiétude, toute déliant e disparaîtra; nos communs ennemis seront encore une fois confondus, et vous aurez fait remporter à la patrie une nouvelle victoire. » Le roi sort de la salle au milieu de vifs ap-201 plaudissements et des’eris répétés de Vive le roi! partant de tout ie côté gauche et de quelques membres du côté droit. M. de Noailles. Je demande l’impression du discours du roi et de la réponse de M. le Président et leur envoi aux 83 départements. M. Briois - Beaumetz. Je demande qu’il soit envoyé une députation au roi, de la part de l’Assemblée nationale, pour le remercier de la démarche qu’il vient de faire et pour le prier de vouloir bien remettre le discours qu’il a prononcé, afin que, le discours du roi et la réponse de M. le Président étant imprimés de l’autorisation du roi, ils servent de proclamation pour le rétablissement de la paix publique. Plusieurs membres : Bravo ! bravo I (Applaudissements.) M. le Président. Il n’y a pas de contradiction dans les deux propositions. Plusieurs membres : Non! non! M. le Président. Je consulte l’Assemblée. (L’Assemblée décrète les motions de MM. de Noailles et Briois-Beaumetz et rend le décret suivant) : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fait une députation au roi, pour le remercier de la démarche qu’il a faite auprès de l’Assemblée nationale, et pour le prier de vouloir bien remettre le discours qu’il a prononcé et qu’elle a applaudi, afin que ce discours, imprimé et envoyé aux 83 départements, avec la réponse de M. le Président de l’Assemblée nationale, y serve de proclamation pour le maintien ou le rétablissement de la paix publique. » M. de Blacons. C’est la première fois que je prends la parole, dans cette Assemblée, à cette tribune. J’avoue que je vois avec peine que personne ne m’y a précédé dans cette circonstance. Le roi est venu, par une démarche pleine de confiance, vous annoncer, ce que vous saviez tous, qu’il n’avait pas pu mettre à exécution l’intention qu’il avait d’aller à Saint-Cloud. Il vous a annoncé qu’il était d’une importance majeure, pour la Constitution et pour les lois sanctionnées, qu’il eût l’air d’être libre. (Murmures prolongés à gauche; vifs applaudissements à droite.) Tout le côté gauche : Mettez-le à l’ordre ! Un grand nombre de membres : L’ordre du jour! M. de Cazalès. Je m’oppose à la demande de passer ù l’ordre du jour. M. le Président. Je consulte l’Assemblée. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. de ülontlosier. Monsieur le Président, je réclame ..... Plusieurs membres : La levée de la séance! MM. Barnave et Boutteville-Bumetz . Non! non! Il ne faut pas lever la séance. M. le Président. Voici les noms des dépu'és qui doivent aller chez le roi. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 avril 1791.) 202 (Assemblée nationale.) MM. de Cazalès et llalonet insistent, dans le tumulte, pour avoir la parole. M. de Castellane. Je demande qu’il soit permis au préopinant d’exprimer sa pensée. (Bruit.) Voix à gauche : Non! nou 1 Voix à droite : Si ! si ! M. le Président. Voici les noms des membres de la députation. (Il donne lecture de ces noms.) Plusieurs membres : Levez la séance ! M. le Président. On demande que la séance soit levée. M. de Montlosier. Non! non! Plusieurs membres parlent dans le tumulte. M. de Cazalès. Je demande... Plusieurs membres : Vous n’avez pas la parole. M. Roederer. Je demande que la parole ne soit accordée au préopinant qu’autant qu’il voudra bien se charger de nous expliquer pourquoi, dans son côté, lui et ces Messieurs qui se disent si souvent les amis du roi et de la royauté n’ont pas donné un seul applaudissement au roi et n’ont pas mêlé leurs acclamations à celles d’une très grande partie de cette Assemblée. ( Vifs applaudissements à gauche ; murmures à droite.) (Un officier de la garde nationale, placé à l’entrée de la salle sur un des bancs réservés aux députés applaudit vivement aux paroles de M. Roederer; un membre du côté droit, le remarquant, l’interpelle et lui fait observer qu’il est à une place qu’il ne doit pas occuper; plusieurs membres du côté droit se joignent à leur collègue et font sortir de la salle cet officier.) M. de Cazalès. Cette interpellation déplacée que vient de faire M. Roederer... M. de llontlosier. Nous ne pouvions pas applaudir à la réponse de M. le Président. ( Bruyantes interruptions à gauche .) M. Bouche. Je demande que la séance soit levée. M. Prieur. Non! l’ordre du jour! M. de Cazalès parle dans le tumulte. Plusieurs membres à gauche font signe au Président de lever la séance. M. le Président. Je mets aux voix l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. le Président. La séance est levée. (La séance est levée à trois heures.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 19 AVRIL 1791, AU MATIN. Opinion de M. Malouet, commencée et interrompue dans la séance du 19 avril 1791, sur la violence faite au roi dans la journéé du 18 avril 1791. Messieurs, ce n’est point au milieu de la consternation générale qu’il est possible d’attacher votre attention à l’organisation de la marine. Lorsque les lois fondamentales de l’Empire sont violées ; lorsque la Constitution est attaquée dans la personne du monarque... (Ici l’ordre du jour , les cris et les murmures ne m'ont pas permis d’achever.) Mais puisqu’il m’esi impossible de parler à l’Assemblée, je continue et je parle à la nation. AhI citoyens, ne vous aveuglez pas; un danger commun nous presse et nous menace tous. Il ne s'agit plus de savoir quel est celui de nous qui se rendra le plus odieux à la faction dominante, il s’agit du salut de l’Etat et du vôtre. Le roi, arrêté dans sa voiture, dans son palais, par une partie de la garde préposée à sa sûreté ; les lois sans autorité; les magistrats impuissants et méconnus; les chefs de la milice repoussés, désobéis ; des hommes armés délibérant, prescrivant des conditions au monarque, interprétant, au gré de leur fureur, les lois nouvelles ; les administrateurs du département sans service, sans moyens, remettant aux sections l’exercice de leurs pouvoirs ; et l’Assemblée refusant de délibérer sur un tel ordre de choses, répondant à la plainte douloureuse du monarque par des battements de mains, lui accordant son approbation pour tout secours (1) : telle est notre position. Elle est horrible. La nation veut une Constitution libre, où est-elle? Est-ce le roi qui est libre, lorsque, outragé, violenté dan3 son palais, il ne peut en sortir sans exciter une sédition ; lorsque les outrages et les séditions dirigés contre lui sont impunis? — Sommes -nous libres, nous, les représentants du peuple, lorsque nous ne pouvons, sans péril, parler d’autre langage que celui des factieux, lorsqu’on étouffe notre voix, si nous voulons braver le danger qui nous menace ? Sont-ce les magistrats, les administrateurs qui sont libres, lors-ue leurs ordres sont méprisés, lorsque, au lieu 'ordonner et de punir, ils se croieat réduits à la honteuse nécessité de dissimuler et d’obéir aux mouvements populaires ? La voilà donc accomplie, cette prophétie de Mirabeau expirant. Son convoi funèbre serait, disait-il, celui de la monarchie 11 a vu, il asignalé les crimes et les dangers. Votre orateur, votre héros vous a répété de son lit de mort ce que sa voix tonnante vous avait annoncé dans la tribune, que tout périrait par l’anarchie ; et vous voulez l’anarchie ! Vous proclamez la liberté, la Constitution, et vous entrez en fureur quand on vous parle des moyens de maintenir l’une et l’autre! O vous I hommes faibles qui n’êtes point corrompus, vous n’en êtes pas moins coupables ; les malheurs de la France vous seront imputés. Les scélérats sont conséquents, ils marchent rapi-(1) M. Rœderer s’est permis à cette occasion une remarque qui ne me laisserait pas un instant de repos le reste de ma vie si j’en étais l’auteur.