SÉANCE DU 27 VENDÉMIAIRE AN III (18 OCTOBRE 1794) - N° 28 253 qui est au milieu de vous, et qui a concouru avec moi à la destruction de l’armée catholique et royale, de déclarer si la crainte d’être soupçonné d’avoir influencé la nomination d’un de mes parents, dont je blâmais hautement la rapidité de l’avancement militaire; si en même temps l’espèce de pressentiment que j’avais dès lors qu’un jour la malveillance m’associerait aux fautes qu’il pourrait commettre, ne me déterminèrent pas à me rendre au sein de la Convention nationale. Hentz et Garrau, envoyés par elle à cette époque, peuvent pareillement lui attester qu’ils me rencontrèrent à Saumur, retournant à Paris ; que ce fut encore vainement qu’ils m’engagèrent à prolonger mon séjour auprès de l’armée. Je leur répondis que quand même l’épuisement total de mes forces physiques, l’usage d’un bras que j’avais presque perdu, enfin la longue et pénible mission que je venais de remplir ne me donneraient pas droit à quelques moments de repos, il n’était ni dans mes principes, ni dans ma volonté de rester près d’une armée dont je voyais avec peine le commandement décerné à un de mes parents. Ils n’insistèrent pas, et je partis pour Paris. Il résulte de ce que je viens de vous dire que, loin d’avoir excusé la conduite du général Tur-reau, je n’ai jamais été le témoin de ses opérations. Certes, s’il s’est rendu coupable des forfaits inouïs qui vous ont été dénoncés et que j’eusse été sur les lieux, toutes les facultés de mon être eussent été consacrées à les prévenir, et, si je n’y avais pas réussi, j’aurais appelé de toutes mes forces le fer vengeur des lois et l’exécration de la république sur la tête de leur abominable auteur. S’il fallait dans cet instant vous rendre un compte plus approfondi de mes sentiments et de ma conduite, j’ajouterais : comment a-t-on pu concevoir le plus léger doute sur la complicité de crimes que désavoue la nature, de la part de celui qui, pendant qu’il combattait l’armée catholique et royale, employa avec ses collègues les mesures les plus humaines pour ramener à la Répubbque, pour faire refluer sur les derrières de l’armée les malheureux habitants des campagnes, égarés par le fanatisme, les vieillards, les femmes et les enfants des rebelles ; qui ne consentit jamais à ce que la tête d’un brigand tombât sans la condamnation du tribunal, établi pour les juger ; qui plusieurs fois s’élança entre le fer du soldat égaré et les victimes infortunées dont le sexe et la faiblesse réclamaient protection et clémence; qui, à son passage à Nantes, alarmé des bruits qui se répandaient, qu’on mettait en jugement des enfants de dix ans, prit avec ses collègues un arrêté pour ordonner qu’ils ne pourraient y être mis qu’au-dessus de seize ans ; qui eut besoin, dans le temps où la Convention crut devoir déployer la vengeance nationale envers un département rebelle, de s’armer de force et de courage pour défendre son âme du sentiment d’une pitié dangereuse? Pardonnez, législateurs, cette expansion d’un coeur accablé sous le poids d’une imputation aussi atroce que peu méritée ; il n’a rien moins fallu pour oser vous entretenir du peu de bien que j’ai pu faire; et si l’on conservait encore quelques doutes sur la sincérité de ces détails, si quelque action indigne de moi et de la république, dont j’étais le mandataire, a pu souiller le cours de ma mission pendant mon séjour dans ces malheureuses contrées, que Richard, Choudieu, Goupilleau (de Fontenay), Goupilleau (de Montaigu), Ruelle, Bellegarde, Gillet, Cavaignac, Méaulle, Merlin (de Thion-ville), Bourbotte, Prieur (de la Marne), et tant d’autres témoins de ma conduite, se lèvent et m’accusent ; j’invoque leur témoignage. J’invoque en même temps, Convention nationale, ta justice ; un de tes membres a été inculpé pendant son absence ; il n’a pu quitter le poste que tu lui as assigné pour venir dans ton sein élever la voix contre une fausse dénonciation. Je demande que ma réponse soit insérée au bulletin et renvoyée au comité chargé du rapport sur la Vendée. Je dois à la France entière, à toi, à la confiance dont je suis investi, la conviction de l’injustice qui plane sur moi. Signé Turreau. 28 L'administration du département de l’Yonne félicite la Convention nationale sur son Adresse au Peuple français; elle exprime son voeu pour que la vertu soit appelée aux emplois publics, pour que toute autorité rivale soit abattue, et que le gouvernement révolutionnaire soit maintenu jusqu’à la paix. Mention honorable, insertion au bulletin (53). [. L’administration du département de l’Yonne à la Convention nationale , d’Auxerre, le 22 vendémiaire an III] (54) Liberté Egalité Fraternité Citoyens représentans du peuple, Au règne des triumvirs succède le règne de la justice et de la vertu; votre sagesse répare les maux de la terreur, et cette arme des tirans ne frappera désormais que les satellites de l’Angleterre et de l’Autriche. La république entière respire dans votre adresse au peuple français, et ce peuple qui, depuis son origine n’avait pas encore entrevu l’aurore de la liberté, l’a conquise par la seule force de sa puissance ; il vous en a rendu dépositaire, et vous n’en faites usage que pour assurer son bonheur et sa gloire. (53) P.-V., XLVII, 235. (54) C 321, pl. 1348, p. 10. Bull., 28 vend. ; Moniteur, XXII, 276; Débats, n° 756, 406; Gazette Fr., n” 1021; Mess. Soir, n‘ 791; M. U., XLIV, 427. 254 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les états d’Amérique ne doivent pas être les seuls qui présentent à l’univers le spectacle d’un gouvernement prospère; il appartient à la république française de leur être unis par les sentiments de la fraternité, autant que par la sagesse de ses institutions morales; et le bonheur des deux mondes repose en ce moment sur le Congrès et sur la Convention nationale de France. Peu nous importe le mouvement combiné de l’Europe pour nous asservir; n’avons-nous pas la bayonnette et le pas de charge qui nous ouvrent partout les chemins de la victoire : n’avons-nous pas le télégraphe et l’aérostat, qui trompent la surveillance de nos ennemis : n’avons-nous pas la force de notre marine qui résiste à toutes les tentatives d’Albion et assure nos communications commerciales avec les puissances neutres ? (55) N’avons-nous pas enfin, citoyens représentants, pour garants de notre liberté ce que vous faites tous les jours pour son triomphe? Le vaisseau va cesser enfin d’être agité par la tempête; vous allez le fixer au port en comprimant la scélératesse, l’intrigue, en appellant la vertu seule aux emplois publics, en abattant tous les phantômes d’autorité qui voudroient s’élever à côté de la vôtre, en terrassant le fédéralisme et l’aristocratie, en maintenant jusqu’à la paix le gouvernement révolutionnaire, et en continuant, par la fermeté de vos principes, par la sagesse de vos loix, par l’énergie de vos vertus, de mériter d’être les représentants d’une nation, qui est digne de la liberté, comme vous êtes dignes de son amour. Les administrateurs du département de l’Yonne, Simonnet, président, et cinq autres signatures. 29 Le député Merlin (de Thionville), au nom d’une citoyenne anonyme, fait don à la patrie d’une somme de 12 L en numéraire (56). 30 Le citoyen Potier, garçon horloger à Chartres [Eure-et-Loir], offre une somme de 10 L pour les victimes du 14 thermidor (57). (55) En marge : Nota. Il ne faut pas insérer ce qui est souligné. (56) P.-V., XLVII, 235. C 321, pl. 1342, p. 30. (57) P.-V., XLVII, 235. C 321, pl. 1342, p. 30. 31 La société dramatique de Nevers [Nièvre] offre, pour le même objet, une somme de 300 L. Mention honorable de ces dons, insertion au bulletin, et renvoi au receveur des dons patriotiques (58). 32 Un secrétaire fait lecture des décrets rendus dans la séance d’hier : la rédaction est adoptée (59). 33 Sur le rapport de ses comités, la Convention nationale rend les décrets suivans. a André DUMONT : Vous ne devez pas vous étonner si les départements ne connaissent pas l’opinion de la Convention, et si l’opinion n’est pas uniforme dans les départements, puisque les rapports dont elle ordonne l’envoi ne sont imprimés que plusieurs décades après que cet envoi a été décrété. Le discours de Robert Lindet sur l’état de la république, le rapport de Grégoire sur les encouragements à accorder aux littérateurs et aux savants, n’ont été remis qu’hier à l’agence des lois, tandis qu’ils devaient être envoyés sous deux décades; il en est même plusieurs que cette agence n’a pas encore reçus ; cependant la République entretient à grands frais, dans cette agence, de nombreux ouvriers qui n’ont souvent rien à faire, tandis qu’on pourrait les employer à imprimer les rapports dont la Convention décrète l’envoi aux départements. Je demande donc que l’agence des lois soit chargée de l’impression des rapports dont l’envoi est ordonné (60). La Convention nationale décrète que l’agence de l’envoi des lois sera chargée d’imprimer tous les rapports et instructions décadaires dont l’envoi dans les dé-partemens sera décrété, et d’en fournir la quantité d’exemplaires nécessaires à la distribution à faire aux membres de la Convention (61). (58) P.-V., XLVII, 235. (59) P.-V., XLVII, 235. (60) Moniteur, XXII, 276. J. Paris, n° 28; Gazette Fr., n" 1021. (61) P.-V., XLVII, 235. C 321, pl. 1337, p. 1. Décret attribué à A. Dumont par C* II 21, p. 13. F. de la Républ., n° 28; Gazette Fr., n” 1021; J. Fr., n° 753; J. Paris, n° 28; J. Per-let, n” 755; Mess. Soir, n° 791; Rép., n 28.