642 [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { �J1 Thuriot. Il ne suffit pas d’éelairer une partie de l'Europe. Je crois que c’est ici le cas d’adou¬ cir la rigueur de nos décrets relatifs aux étran¬ gers. Nous devons nous faire un devoir autant qu’un honneur, de répandre la vérité par toute la terre. Je demande que ceux de nos collègues qui savent les langues étrangères s’adjoignent au comité de correspondance, pour faire des traductions de ces renonciations. Ces diverses propositions sont décrétées. Chabot monte à la tribune, et y prononce son abjuration de prêtre comme il suit : « Citoyens, « Je n’étais pas dans la Convention lorsque mes collègues ont renoncé à leurs titres sacerdotaux; mais il y a longtemps que j’avais prêché cette renonciation : en 1788, lorsque j’étais encore sous le froc de Saint-François, j’ai imprimé les principes philosophiques qui ont dissipé les erreurs de la superstition; j’ai osé dire alors que la nation devait s’emparer des biens soi-disant ecclésiastiques et défroquer les moines et les prêtres. Cet ouvrage me valut une honorable lettre de cachet. En quittant les capucins, comme la loi m’en donnait la liberté, je renonçai à toutes les fonctions ecclésiastiques; cependant,* à l’époque du départ de Louis le dernier, j’acceptai une place de vicaire épiscopal à Blois, parce que la plupart des ecclésiastiques, craignant la contre-révolution, refusaient d’accepter les fonctions qu’on appelait alors constitutionnelles, et où tout bon citoyen pouvait servir sa patrie. « Appelé à la législature, je manifestai, aux Jacobins et dans l’Assemblée des représentants, le désir que j’avais de voir disparaître le clergé soi-disant constitutionnel, comme le clergé ré¬ fractaire. Je brûlai dès lors mes lettres de prê¬ trise et de vicaire épiscopal; j’aurais donné ma démission de cette dernière place, si je n’avais craint de me voir un successeur qui aurait coûté 2,000 livres de pension à la République. Dès les premières séances de la Convention, je lus un discours sur les finances, que la Convention honora d’un décret d’impression; j’y manifestai hautement mon opinion sur la nécessité de sub¬ stituer le culte de la loi à celui de toutes les su¬ perstitions existantes. J’ai donc renoncé de fait et d’intention à tout autre culte que celui de la liberté. Il ne me reste qu’à renoncer pour le reste de mes jours à toute pension de ci-devant capu¬ cin ou de vicaire épiscopal. L’épouse qui m’a donné sa main a une fortune capable d’entre¬ tenir deux républicains et leurs enfants; et si cette fortune est nécessaire à la patrie, nous sau¬ rons pourvoir par le travail à notre subsistance et à celle des républicains que nous donnerons à la patrie; car mon épouse n’est pas moins dé¬ vouée que moi au bonheur de la République sans cette condition, je ne lui aurais jamais offert ma main. » L’Assemblée eu décrète l!insertion au « Bul¬ letin » (1). (1) Procès-verbaux de la Convention , t, 25, p. 104, Compte rendu du Moniteur universel (1). Chabot. Je ne me suis pas trouvé ici dans la séance, où. quelques individus ci-devant prêtres ont abjuré la superstition. Je crois en avoir donné l’exemple à nos collègues. Dès 1788, étant encore sous le froc de l’ordre des franciscains, je dis hautement qu’il fallait le défroquement des prêtres et la restitution des biens dont le fana¬ tisme et la crédulité avaient dépouillé la patrie. Je fus honoré d’une lettre d’exil. J’ai dit depuis, et il y a déjà longtemps, qu’il fallait substituer le culte de la loi et de la raison, à celui de l’erreur et de la superstition. J’ai donc renoncé à la prê¬ trise. Si je n’ai pas abdiqué mes fonctions de vi¬ caire épiscopal, c’est parce que l’évêque en aurait pris un autre qu’il aurait fallu salarier; au lieu que moi je n’avais que le titre. J’y re¬ nonce aujourd’hui, ainsi qu’à toute pension à laquelle je pourrais avoir droit comme ci-devant capucin. Ma femme et moi nous gagnerions de quoi vivre, si le bien qu’elle m’a apporté deve¬ nait utile à la République; car ma femme est aussi bonne républicaine que moi. Je ne dépose pas mes lettres de prêtrise; il y a longtemps que je les ai brûlées. {On applaudit.) (2) Des députés de la commune de Sèvres sont admis à la barre; ils offrent l’argenterie de leur église. Un des citoyens de la députation dépose sur le bureau une pièce d’alliance en argent et un écu de 6 livres (3). Suit l'hommage des députés de la commune de Sèvres (4). Commune de Sèvres, département de Seine-et-Oise. « Citoyens représentants, « Le conseil général de la commune de Sèvres adhère aux grandes mesures de sûreté et de salut public que vous avez prises pour sauver la patrie depuis le 31 mai jusqu’à ce jour; il vous invite à rester à votre poste, jusqu’à ce que les ennemis de la République soient complètement terrassés ; c’est pour parvenir à ce but que le Conseil fait don à la patrie de l’argenterie de l’église de sa commune sans en rien réserver : ce sont les sen¬ timents des membres du conseil général qui sont avec respect et fraternité. » (Suivent 13 signatures.) (1) Moniteur universel [n° 51 du 21 brumaire an ÏI (lundi 11 novembre 1793), p. 206, col. 2]. (2) Le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 417, p. 264) et V Auditeur national [nd 414 du 20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 6] mentionnent également que le discours de Chabot fut applaudi. (3) Procès-verbaux de la Convention , t, 25, p. 105. (4) Archives nationales, carton C 273, dossier 752. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. “ “ 643 Compte rendu du Moniteur universel (1). Une députation de la commune de -Sèvres, dé¬ partement de Seine-et-Oise, apporte l’argenterie de son église. L'orateur. On n’immolera plus de victimes humaines aux dieux imaginaires. Le Dieu ré¬ publicain, c’est la liberté, c’est l’égalité : Vive la République une et indivisible! (On applaudit.) Le citoyen Crevon Méricourt renonce à exer¬ cer aucune fonction sacerdotale, et abjure toutes les professions que la Révolution a proscrites; il ne veut être que citoyen, et il remet les 1,000 livres de traitement, comme réformé, que la nation lui faisait. Il joint à ses titres superstitieux, qu’il dépose sur le bureau, 10 lettres de cachet que son zèle pour les intérêts du peuple lui a fait obtenir de la ci-devant Cour, Mention honorable, insertion au « Bulle¬ tin » (2). Suit la lettre du citoyen Crevon Méricourt (3). « Législateurs, « Je m’empresse de me réunir à tous les fidèles du culte de la liberté, en me conformant à la volonté souveraine du peuple. Je déclare que je renonce, pour le reste de mes jours, à exercer aucune fonction sacerdotale; j’abjure toutes les professions de ci-devant qu’elle a proscrites. Je ne veux être qu’un citoyen de la République une et indivisible. « Je rends à la nation, pour les besoin de l’État, les 1,000 livres de traitement de réforme qui m’é¬ taient accordées pour indemnité. La remise du titre vaudra quittance. « J’apporte à la Convention les titres de la superstition, pour justice en être faite; j’y joins dix lettres de cachets que je regarde comme faveurs de la ci-devant Cour, puisque mon zèle (1) Moniteur universel [n° 51 du 21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 206, col. 3]. D’autre part, le Journal des Débats el des Décrets (brumaire an II, n° 417, p. 265) rend compte de l’admission à la barre du conseil général de la com¬ mune de Sèvres dans les termes suivants : « Une députation du conseil général de la com¬ mune de Sèvres, département de Seine-et-Oise, vient déclarer qu’elle adhère à toutes les mesures de salut public, prises par la Convention depuis le 31 mai dernier. Elle invite les représentants du peuple à rester à leur poste, jusqu’à ce que la liberté n’ait plus d’ennemis. Elle dépose sur l’autel de la patrie l’argenterie de son église. La commune n’en a point réservé. Il restait un écu de 6 livres à un officier municipal, membre de la députation. Il ne veut pas le garder plus longtemps; il le donne à la patrie. (On applaudit beaucoup.) « Les citoyens de Sèvres reçoivent les honneurs de la séance. » (2) Procès-verbaux de la Convention , t. 25, p. 105. (3) Archives nationales, carton C 280, dossier 767; Bulletin de la Convention du 9e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II de la République (samedi 9 novembre 1793). pour la défense des intérêts du peuple me les a seules procurées (1). « Crevon Méricourt. « Vive la République! liberté, égalité, fraternité ou la mort! » Certificat (2). Département de Paris . Administration des domaines nationaux et traitements ecclésiastiques. Je soussigné, secrétaire général du départe¬ ment de Paris, certifie que M. Nicolas -Michel-Crevon de Méricourt, ci-devant bénéficier, est employé sur les registres des immatricules du département de Paris, sommier premier des bénéficiers, folio 62, pour un traitement de douze cent cinq livres dix-huit sols deux de¬ niers, auquel il a droit en sadite qualité, aux termes d’un arrêté du directoire du départe¬ ment de Paris en date du 18 mai mil sept cent quatre-vingt-onze, dont la minute avec les pièces de liquidation dudit traitement qui con¬ sistent dans les provisions et prise de possession de ladite chapelle, l’acte de résignation et per¬ mutation avec le sieur Auvray, formant titre en faveur dudit sieur de Méricourt de sa pen¬ sion de huit cents livres sur les fruits et reve¬ nus de son canonicat de Metz et autres, sont de¬ meurés aux archives du département. Fait à Paris, ce trente-un décembre 1791. Blondel. Les représentants du peuple près les départe¬ ments méridionaux, Paul Barras et Fréron, écri¬ vent de Marseille, en date du 2 brumaire, qu’ils ne perdent pas un instant; que cette commune est changée en un vaste arsenal, ainsi que Bri-gnoks, Draguignan, Barjols, etc.; les châteaux, et tous les signes ou monument» de la royauté tombent sous le marteau patriotique; on respecte les monuments antiques des Romains. On tra¬ vaille avec activité aux habits des volontaires de l’armée d’Italie; ils font travailler en même temps à la construction de 2 frégates; les parents des patriotes égorgés par le tribunal populaire reçoivent des indemnités. L’esprit public com¬ mence à se relever à Marseille; on a planté l’arbre de la liberté à l’entrée de chaque atelier révolutionnaire. La Convention décrète l’insertion de cette lettre au « Bulletin », approuve et confirme les arrêtés pris par ses commissaires, et renvoie le surplus à son comité d’instruction publique. Il s’ouvre une discussion sur les moyens de fournir promptement des chemises et des bas aux défenseurs de la patrie. La Convention adopte sur cet objet le projet de décret suivant : (1) Vifs applaudissements, d’après le Journal des Débats et des Décrets {brumaire an IL n° 417, p. 265). (2) Archives nationales , carton C 280, dossier 767.