[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 août 1191.] 659 Un membre : Dans ce cas, il aurait la réplique. M. Salle. Je demande que l’article commence ainsi : « La censure îa plus entière sur tous les actes des pouvoirs constitués est permise à tout homme... » et le reste de l’article restera comme au projet des comités. (Murmures.) J’observerai à l’Assemblée que l’amendement que je propose est le résultat de l’opinion de M. Duport; j’ajoute que cet amendement est pro-pre à rassurer les bons citoyens (. Murmures .), car il est bien dit dans le paragraphe lor adopte hier que l’on a le droit d’imprimer sur quelque matière que ce soit; mais ce mot « matière » est beaucoup trop abstrait. Je demande, Monsieur le Président, que vous mettiez aux voix cet amendement qui, d’ailleurs, est appuyé. (Oui! oui!) M. Thouret, rapporteur. Si l’Assemblée n’est pas blessée de l’imperfection réelle de la rédaction de M. Salle, elle peut l’admettre; car au fond c’est l’avis du comité. (L’amendement de M. Salle est mis aux voix et adopté.) M. Chabroud. Je crois que les expressions dont s’est servi le comité ne remplissent pas ses intentions. Voici comment je rédigerais l’article : « Si des fonctionnaires publics sont méchamment et à dessein calomniés contre leur probité et contre la droiture de leurs intentions dans l’exercice de leurs fonctions# les calomniateurs pourront être poursuivis. » Plusieurs membres : Aux voix, l’article des comités ! M. Thouret, rapporteur. Il est impossible que l’amendement de M. Salle soit rédigé autrement qu’en ces termes ; « la censure Sur les actes des pouvoirs Constitués est permise. » (Assentiment.) Voici donc, avec cet amendement et suppression faite du mot « dénoncées » dont le retranchement a été demandé par M. Duport, la rédaction du paragraphe 2 de l’article i*p : « La censure sur les actes des pouvoirs constitués est permise; mais les calomnies volontaires contre la probité des fonctionnaires publics, et contre la droiture de leurs intentions dans l’exercice de leurs fonctions, pourront être poursuivies par ceux qui en sont l’objet. » (Ce paragraphe est mis aux voix et adopté.) M. Thouret, rapporteur. Voici le paragraphe 3 : « Les Calomnies ou injures contre quelques personnes que ce soit, relatives aux actions de leur vie privée, seront punies sur leur poursuite. » (Ce paragraphe est adopté.) En conséquence, l’article 1er est mis aux voix dans les termes suivants : Répression des délits commis par la voie de la presse, Article 1er. « Nul homme ne peut être recherché ni poursuivi pour raison des écrits qu’il aura fait imprimer ou publier, sur quelque matière que ce soit, si ce n’est qu’il ait provoqué à dessein la désobéissance à la loi, l’avilissement des pouvoirs constitués et la résistance à leurs actes, ou quelqu’une des actions déclarées crimes ou délits par la loi. « La censure sur les actes des pouvoirs constitués est permise; mais les calomnies volontaires contre la proüté des fonctionnaires publics et comre la droiture de leurs intentions dans l’exercice de leurs fonctions, pourront être poursuivies par ceux qui en sont l’objet. « Les calomnies ou injures contre quelques personnes que ce soit, relatives aux actions de leur vie privée, seront punies sur leur poursuite. » (Adopté.) M. Thouret, rapporteur. Les comités ont pensé qu’ils devaient retrancher de l’article 2 qu’ils proposent, le dernier paragraphe; cet article serait dono ainsi conçu ; Art. 2. « Nul ne peut être jugé soit par la voie civile, soit par la voie criminelle, pour faits d’écrits imprimés et publiés, sans qu’il ait été reconnu et déclaré par un juréî 1° s’il y a délit dans l’écrit dénoncé ; 2° si la personne poursuivie en est coupable. » (Adopté.) M. Thouret, rapporteur. Nous passons aux articles relatifs aux délais à fixer dans le cas de l’abdication présumée du roi. Je prie l’Assemblée pour l’interprétation des 2 articles que nous proposons sur cet objet, de se reporter aux articles 5 et 7 de la section lre du chapitre II, du titre III de notre travail. Lorsque vous décrétâtes ces articles, on fit la motion de fixer un délai pour les 2 cas d’abdication qu’ils contiennent. Cette motion fut renvoyée aux comités et nous Vous la rapportons aujourd’hui. Voici notre article 1er. Délais à fixer dans le cas de l'abdication présumés du roi . Art. 1er. « Si, un mois après l’invitation du Corps législatif, le roi n’a pas prêté ce serment, ou si, après l’avoir prêté, il le rétracte, il sera censé avoir abdiqué la royauté. » M. Giraud. Je propose un amendement qui tend à réduire à moitié le délai proposé par ies comités. Si en effet, pendant le délai prévu par l’article, il survenait une crise, il serait du plus grand danger de laisser trop longtemps le royaume dans un état d'anarchie. Je propose donc de fixer le délai à 15 jours. M. Thouret, rapporteur, j’observerai que nous avons dû nous occuper des moyens de garantir le roi, des factieux qui pourraient lui faire déserter le royaume et s’emparer de l’opinion des Corps législatifs ; c’est ce qui a motivé de notre part la fixation d’un mois. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Giraud et adopte l’article 10P sans change lient.) M. Thouret, rapporteur. Voici notre article 2 : « Si le roi étant sorti du royaume, n’y rentfâit pas dans le délai de 2 mois, après l’invitation qui lui en serait faite par une proclamation du Corps législatif, il serait censé avoir abdiqué la royauté. » M. Prient. Je demande à proposer un amendement. 600 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PAJ Mettez-vous bien, Messieurs, dans la position où serait le royaume si le roi l'avait quitté ; alors les mesures les plus sages et les plus promptes doivent être prises pour savoir si le roi rentrera dans le royaume ou restera hors du royaume : car alors on ne peut supposer au roi des intentions pacifiques. Il est impossible qu’un roi des Français sorte du royaume de France sans l’aveu du Corps législatif, à moins que ce soit pour aller chercher chez les puissances étrangères des secours contre la Constitution française; or, je dis que, dans de pareilles circonstances, il serait trop dangereux d’accorder à ce roi, 2 mois pour assembler une armée nombreuse sur les frontières (. Applaudissements dans les tribunes.), pour parcourir toutes les cours de l’Europe et leur demander des secours ; dans ce cas, je ne voudrais pas que l’Assemblée prescrivît un délai ; c’est à la sagesse du Corps législatif à prescrire le délai dans lequel un roi qui aurait quitté sa patrie devra rentrer dans le royaume. Je demande donc que l’article soit ainsi rédigé : « Si le roi, sorti du royaume, n’y rentrait pas après l’invitation contenue dans une proclamation du Corps législatif, et d’après le délai qui y sera énoncé, il sera censé avoir abdiqué la royauté. » M. Giraud. Je sens bien le danger qu’il y aurait à prolonger le délai à accorder au roi et je suis d’avis qu’il est de l’intérêt de la société de le réduire à un mois. M. Guillaume. Je crois que le préopinant n’a pas bien saisi quelle était l’opinion de M. Prieur, dont j’appuie l’observation. J’en ajoute une autre non moins importante : dans une matière aussi grave, je crois que la Constitution ne doit rien laisser d’indéterminé et je demande que les délais commencent à courir du jour de la publication qui sera faite dans le lieu où le Corps législatif tiendra ses séances, de l’invitation ou de la proclamation ; car c’est là le domicile légal du roi; c’est là qu’il doit être, c’est là où il faut lui notifier tous les actes qui le concernent. M. de La Rochefoucauld. Il est de l’essence d’une loi pénale prononçant une déchéance d’établir un délai; et certainement dans l’espèce actuelle la fixation de ce délai doit être prononcée par la loi constitutionnelle et ne doit pas être laissée à l’arbitraire du Corps législatif. Je vous avoue même que l’éloignement d’un roi est un événement si important, et le danger de changer de roi est si grand, que je voudrais qu’en prenant 2 mois pour le terme nécessaire, ce terme pût être prolongé par le Corps législatif. Alors, en laissant la fixation de cette prolongation du Corps législatif, vous ne courriez aucun risque, puisque, par d’autres articles constitutionnels, vous avez pourvu, d’une manière très sage, à l’administration de l’Etat dans le cas d’absence du roi. J’adopte donc l’avis de comités en y ajoutant cet amendement. M. Regnaudl (de Saint-Jean-d’Angély). Je demande une addition à l’article; addition qui, tenant au principe même, ne souffrira sûrement pas de difficulté. Il est bon sans doute de fixer les cas imprévus dans l’hypothèse où il n’y aurait qu’un Corps législatif assemblé, parce qu’il est bon de prémunir la royauté même contre les atteintes du Corps législatif; mais il me semble qu’il est une circonstance qu’il est bon de pré-EMENTAURES. 123 août 1791.] voir dans la position où nous nous trouvons, qui est celle où il y aurait un corps constituant rassemblé, car alors la démarche d’un roi s’écartant de ses Etats peut avoir une toute autre importance, peut avoir l’inconvénient d’mfluencer d’une manière frappante les délibérations du Corps constituant pour opérer du changement dans la Constitution : je sens qu’on ne peut pas faire de loi pour le Corps constituant; mais je sais qu’il est bon de déclarer ses droits. Je suis très éloigné de croire qu’avec la Constitution que vous al lez porter au roi, il puisse lui venir dans l’idée d’abandonner tous les avantages ui en résulteront pour lui, pour aller chercher ans le pays étranger des secours contre la Constitution qui les lui donne ; mais enfin, lorsqu’on est dans une position difficile, lorsque l’intérêt du peuple commande puissamment, je crois qu’il faut tout prévoir, et vous devez vous mettre dans une telle position que quelque chose qu’il arrive on ne puisse pas vous opposer la loi que vous auriez décrétée. Voilà quelle est mon intention, je le déclare ; d’après cela je dis que s’il était possible que les ennemis du bien public déterminassent le roi à une démarche aussi contraire au véritable intérêt de sa personne, de sa famille et de son Empire, que de s'éloigner pour aller au milieu des factieux qui bourdonnent sur nos frontières, je dis alors qu’il serait extrêmement fâcheux de donner un délai aussi long que celui qui est présenté. (Applaudissements.) Je dis qu’en votre qualité de corps constituant, il vous appartiendrait de déterminer les mesures pressantes que vous auriez à prendre, et je dis qu’il ne faut pas vous mettre en avant des entraves et vous exposer à ce qu’on vous oppose les termes du décret que vous allez rendre. Ce n’est donc pas pour le pouvoir constituant à venir, à la souveraineté duquel la raison portera tous les êtres pensants à rendre hommage, c’est pour une circonstance qui peut survenir, c’est pour le grand intérêt dont nous sommes dépositaires que je demande, non pas que vous fassiez une loi, mais que vous déclariez comme un droit inhérent à la qualité de pouvoir constitutionnel celui de prendre les déterminations que les circonstances paraîtront exiger, le cas arrivant. M. Prieur .Ce que vient de dire le préopinant s’applique également aux législatures suivantes, car lorsque l’Etat sera en danger et que le Gorps constituant ne sera pas assemblé, et qu’il rny aura qu’une législature, il faudra bien que cette législature prenne les mesures qui peuvent sauver l’Etat. Vous n’avez qu’un moyen de concilier ce que propose le préopinant avec ce qu’exige le salut de l’Etat; c’est d’adopter ce que je vous avais proposé, de laisser à la discrétion soit de la législature, soit du Gorps constituant, Je délai à fixer à un roi qui sortirait du royaume. Je persiste, d’après l'avis du préopinant, à ce qu’on désigne que ce sera le Gorps législatif qui déterminera le délai dans lequel le roi devra rentrer dans le royaume. M. Thouret, rapporteur. Il y a un grand intérêt à ne pas abandonner aux législatures le droit de fixer un délai aussi important ; il serait possible que, daDS des circonstances difficiles, elles fissent mal cette fixation, surtout si des factions partageaient le royaume ou le Gorps législatif. La disposition que nous vous avons [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 août 1791.] 664 soumise n’est point en faveur des législatures contre le roi. Le délai de 2 mois que nous proposons est, au contraire, en faveur du roi contre les législatures. C’est pour ne pas le laisser abandonner au Corps législatif et au peuple dans des moments critiques; il faut, d’autre part, une latitude suffisante, pour qu'il ne soit pas forcé de ne rentrer qu’à la tête d’une armée ; dans le cas où il en aurait levé une, ce ne serait pas vos décrets mais la force qui prévaudrait. Je n’adopte pas la proposition de M. Prieur, tendant à laisser aux législatures le droit de déterminer le délai dans lequel le roi devra rentrer dans le royaume, mais comme nous touchons à une discussion délicate, il faut porter beaucoup de circonspection dans la délibération. Je pense donc qu’il est possible de marier la proposition de M. Prieur avec celle des comités et de dire : « Si le roi ne rentre pas dans le délai fixé par le Corps législatif, qui ne pourra être moindre de 2 mois, il sera censé avoir abdiqué. » ( Marques d'assentiment.) Quant au pouvoir constituant, il concentre en lui seul tout le salut de la chose publique ; il ne peut être entravé en aucune manière, et il a le degré d’autorité nécessaire pour prendre telle précaution qu’il juge convenable. M. Rœderer. Vous avez répondu à l’observation de M. Regnaud ; mais je vois ici une vraie difficulté, c’est de savoir si,’ pendant le temps que le roi pourra être absent, il tiendra toujours les rênes du gouvernement, s’il pourra commander comme chef du pouvoir exécutif; si l’avis des comités était pour l’affirmative, le délai ne pourrait être trop réduit. M. Thonret, rapporteur. Nous croyons qu’en principe, le seul fait de la sortie du roi du royaume, ne le suspend pas un seul instant de ses fonctions ; mais nous pensons aussi que, du moment que la proclamation du Corps législatif est publiée pour l’inviter à rentrer dans le royaume, le pouvoir exécutif doit être suspendu dans sa main. Voilà l’opinion des comités. M. Rœderer. Il faut l’exprimer dans l’article. M. Thoaret, rapporteur. On peut l’y ajouter. (La discussion est fermée.) L’article est mis aux voix avec les amendements de MM. Prieur, Guillaume et Rœderer, dans les termes suivants : Art. 2. « Si le roi étant sorti du royaume n’y rentrait pas après l’invitation qui lui en serait faite par le Corps législatif, et dans le délai qui serait fixé par la proclamation, lequel ne pourra être moindre de 2 mois, il serait censé avoir abdiqué la la royauté. « Le délai commencera à courir du jour que la proclamation du Corps législatif aura été publiée dans le lieu de ses séances ; et les ministres seront tenus de faire, sous leur responsabilité, tous les actes du pouvoir exécutif, dont l’exercice sera suspendu dans la main du roi. » (Adopté.) M. le Président. L’Assemblée nationale a décrété hier que le ministre de la marine serait entendu pour lui rendre compte des mesures qu'il a prises en vue d’assurer l’exécution des décrets des 13 et 15 mai derniers sur les colonies. Quoique malade, M. le ministre s’est rendu hier à l’Assemblée ; mais votre discussion s’est tellement prolongée qu’il lui a été impossible d’être entendu. Il est maintenant ici ; je prie l’Assemblée de vouloir bien l’entendre. M. Thévenard, ministre de la marine , a la parole et s’exprime ainsi : « Je prie l’Assemblée d’excuser ma diction; je n’ai pas l’habitude de parler en public et les ma rins ne sont pas éloquents. » Il donne ensuite lecture du mémoire suivant : « Monsieur le Président, « L’Assemblée nationale, par le décret du 1er février, sanctionné le 11, en arrêtant, qu’il serait envoyé 3 commissaires civils à Saint-Domingue, a eu particulièrement en vue d’accélérer l’organisation de cette colonie, puisqu’elle dit (art. 2,) que l’assemblée coloniale qui aura dû être formée, suivant le décret du 12 février 1790, ne pourra mettre à exécution aucun de ses arrêtés avant l’arrivée des instructions qui lui seront incessamment adressées. « Les 3 commissaires ont été nommés à la fin du mois de mars. « Il leur a été donné connaissante de toutes les pièces relatives aux troubles de Saint-Domingue depuis leur origine, pour qu’ils pussent y puiser des connaissances qui devaient les rendre plus utiles, en attendant qu’ils reçussent les instructions qui devaient être arrêtées chaque jour. C'est alors que les décrets des 13 et 15 mai ont été rendus; et l’Assemblée nationale a cru devoir y joindre, le 29 du même mois, un exposé des motifs qui les lui ont dictés. « Ces décrets, sanctionnés le 1er juin, n’ont été mis en forme et imprimés que quelques jours après; et alors il était entendu qu’ils ne devraient être envoyés qu’avec les instructions dont l’exposé du 29 mai fait mention. « Les mesures prises pour l’exécution de décrets relatifs aux colonies, ont été les mêmes pour toutes celles des îles du Vent et sous le vent, c’est-à-dire, que l’on a tenu prêts depuis plusieurs mois ; « 1° Une frégate à Brest pour transporter les commissaires à Saint-Domingue, avec les décrets et instructions; « 2° Un bâtiment àLorient, pour transporter les commissaires à Cayenne avec lesdits décrets et quelques recrues, ou autres troupes destinées depuis quelque temps pour cette colonie; « 3° Un aviso à Lorient pour porter les décrets et instructions destinés pour la Martinique, la Guadeloupe et Tabago. « Ces bâtiments armés depuis plusieurs mois, dans l’attente des décrets et instructions, m’ont déterminé à écrire, le 8 juin dernier, au comité des colonies pour le prier de presser les travaux relatifs aux instructions destinées pour les colonies, à l’effet de faire partir les commissaires, les décrets et instructions pour ces différents endroits, et de diminuer les frais occasionnés par les bâtiments armés pour le transport dès objets ci-dessus. « J’eus l’honneur de réunir chez moi, le 28 du même mois, quelques membres de l’Assemblée nationale avec les commissaires destinés pour les colonies; et il fut convenu que les commissaires devaient emporter avec eux l’instruction de l’Assemblée nationale, arrêtée le 15 juin. Cette instruction dont on hâtait les copies, et dont les expéditions et les signatures furent retardées