[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (28 juin 1791. 579 L'orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, « Les officiers, sous-officiers et gendarmes de la première division, dans laquelle sont comprises les compagnies chargées de la garde du Corps législatif, et celles servant auprès des tribunaux de cette capitale, auraient eu l’empressement de se réunir complètement, pour supplier les augustes resprésentants de la nation de les admettre a un serment que leur cœur ne démentira jamais, si, chargés d’une partie de la surveillance publique, leur présence pouvait cesser d’être nécessaire dans les différentes résidences auxquelles leurs fonctions les attachent. « Jaloux de justifier l’opinion que l’Assemblée nationale a bien voulu prendre d’un corps auquel nous avons l’avantage d’appartenir; jaloux également de mériter de plus en plus la confiance de nos concitoyens ; impatients de porter aux augustes représentants de la nation le tribut de reconnaissance, d’hommage et de respect, dont chacun des officiers, sous-officiers et gendarmes est pénétré ; notre zèle, notre attachement aux lois prouveront que, fidèles interprètes des sentiments de tout le corps, il n’est aucun de nous qui ne sache vivre et mourir pour la patrie et le maintien de ia Constitution. (. Applaudissements .) M. le Président répond : « Messieurs, « Vous êtes une partie importante de la force publique ; les fonctions civiles et militaires, dont vous êtes chargés, intéressent à la fois la liberté des citoyens et leur repos. Votre civisme nous est garant que l’autorité dont vous êtes investis ne vous empêchera pas de respecter sans cesse les droits individuels et que vous saurez par un service actif, mais toujours soumis à la loi, faire trembler les méchants, sans porter atteinte aux droits des hommes libres. Vous devez être attachés à la Constitution ; elle vous a donné des devoirs honorables à remplir : vous devez l’être à une nation généreuse, dont chaque crise politique ajoute à sa gloire; vous le serez à vos serments : l’Assemblée y compte, les reçoit au nom du peuple français, et satisfaite de vos hommages, vous invite à assister à sa séance. » ( Applaudissements .) M. le Président fait lecture de la formule du serment. Les membres de la députation répondent : Nous le jurons I (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de la députation et de la réponse du président et leur insertion dans le procès-verbal.) Une députation des citoyens des villes de Char-lemont et de Givet est admise à la barre. M. Marchand, citoyen de Givet, président de la société des amis de la Constitution , s’exprime en ces termes; Messieurs, « La paix et la tranquillité avaient toujours régné dans nos villes ; fidèles observateurs de vos sages décrets, les citoyens envisageaient déjà avec joie le terme de vos travaux, l’assurance de leur bonheur; et, quoique environnés de toute part de peuples esclaves, nos murs retentissaient sans cesse du mot sacré de liberté. « Un courrier, dépêché par le directoire du district de Rocroy, apporte à la municipalité la nouvelle affligeante du départ du roi et de sa famille ; elle s’empresse d’en faire part à toute la ville. « Le roi avoir abandonné la France ! Non, non, il n’en est rien; on veut nous tromper : un père chéri ne s’arrache point ainsi du sein de ses enfants. Louis XVI serait parjure! »Les preuves multipliées confirment les faits ; on n’en peut plus douter. Le courage le plus intrépide succède alors au premier moment de consternation. Le roi est parti, se dirent tous les bons citoyens : eh bien 1 cet événement n’a rien qui doive nous décourager ; l’Assemblée nationale suppléera à tout ; et si la royauté était une récompense, ses travaux immortels lui en ont mérité les droits. Nos législateurs ont juré de ne se séparer que quand l’ouvrage immense serait entièrement achevé: nous pouvons nous reposer sur leur serment ; ils y seront fidèles, eux , ils y seront fidèles ! « Un instant avait suffi pour rassembler les citoyens et la garnison, composée des régiments d’Alsace et Foix, infanterie; d’un escadron de chasseurs à cheval de Normandie et d’une compagnie de canonniers : on était tous réunis dans la salle des amis de ia Constitution, et les voûtes retentissaient des cris réitérés de : « Vive la na-« tion! Vivent la liberté et la loi! Vive l’Assem-« blée nationale !» A ce premier mouvement d’enthousiasme succèdent de sages observations. Les citoyens, sûrs de leur fidélité réciproque, veulent néanmoins l’être encore davantage. La garnison demande qu’un même serment soit le gage de la plus intime union; ils en proposent la forme: « Nous jurons, s’écrie un d’entre eux, « d’être fidèles à la nation et à la loi, et de dé-« fendre au péril de notre fortune et de notre vie « la Constitution décrétée par l’Assemblée na->< tionale, de dénoncer les traîtres à la patrie, et « enfin de vivre libres ou mourir. » Ce serment est généralement adopté; et pour donner plus de poids, plus de force à ce nouvel engagement, il est arrêté qu’il sera signé de tous les corps. Beaucoup d’officiers se sont empressés de s’unir à nous : tous ont signé ce pacte sacré; mais il en est, nous craignons de le dire, qui ont osé mêler leurs noms sacrilèges à ceux de tant de généreux citoyens et soldats. Nous les reconnaissons, et nous prévenons l’Assemblée qu’au premier signal d’un danger public, les soldats, justement irrités de leur basse conduite, appréhendant une trahison, peut-être depuis longtemps combinée, paraissent résolus d’éloigner d’eux des chefs si peu dignes de les commander. Nous ne vous rappellerons pas ici les propos injurieux, les menaces réitérées qu’ils nous ont fait faire : il suffira de vous instruire que le public, alarmé sur le sort qu’ils nous promettaient, a demandé avec instance à la municipalité qu’elle requît une escorte pour nous accompagner à une distance éloignée de la ville. « On accuse les soldats d’insubordination, quand ils donnent chaque jour de nouvelles preuves de leur soumission à la loi. Législateurs, c'est vous qui leur avez rendu leurs droits et fait connaître leurs devoirs ; ils soutiendront les uns et ne s’écarteront jamais des autres. « Quand les calomnies les plus atroces cherchent à les noircir dans l’opinion publique, il est de notre devoir de publier leurs actions héroïques. La vérité terrasse l’imposture.