[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Jj JsSSbrfi793 337 blioain démocratique et populaire, la plaie de la domesticité puisse continuer d’affliger le corps social aussi profondément qu’elle l’a fait jusqu’à présent. Toute mère de famille doit apprendre à se passer de secours étrangers, et ne doit point abandonner à des mains merce¬ naires les soins qui lui sont confiés. La domesti¬ cité n’est point une profession ; elle ne doit être considérée que comme un temps d’apprentissage, un genre d’instruction pratique, où la jeunesse peut recueillir des leçons et des exemples utiles. Cet apprentissage doit être de courte durée; et ce période révolu, il est d’autres soins et d’autres devoirs dont la nature et la société imposent l’accomplissement. Il est une vérité dont chacun dit être bien pénétré, c’est que, dans une république où les fortunes doivent être très divisées, où chacun doit avoir peu, pour que tous aient quelque chose; chez une nation d’où une horde immense de prêtres, de filles cloîtrées , de femmes égarées par la superstition ou dégradées par le vice, va disparaître sans retour, il faut que les mariages recouvrent leur dignité, et que le célibat soit frappé d’une éternelle proscription. Le célibat ne fut jamais qu’un raffinement de corruption, et un moyen d’assouvir plus librement de hon¬ teuses voluptés. J’abandonne ces réflexions à la méditation des sages et des vrais amis de la cause popu¬ laire : elles ne me sont inspirées que par l’ardent désir que j’ai de voir les hommes heureux. Ces réflexions ne sont point faites pour être livrées à la discussion des savants. Il n’appartient qu’au sentiment et à la touchante sensibilité de les apprécier, et de demeurer convaincu que ce n’est qu’en réalisant la mesure que je pro¬ pose, qu’on verra s’accélérer la régénération morale, seule capable d’opérer la prospérité et l’immuabilité de la République. CONVENTION NATIONALE Séance du 22 frimaire, Pan n de la République française, une et indivisible. (Jeudi, 12 décembre 1793.) La séance est ouverte à 10 heures du matin. Un membre [Bourdon {de l'Oise) (1)] donne lecture de la correspondance et des différentes pièces ci-après (2) : Les représentants du peuple Barras, Fréron, Robespierre jeune et Ricord, font passer à la Convention nationale un exemplaire de la pro-(1) D'après le Moniteur universel. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 127. lre SÉRIE, T. LXXXI. clamation qu’ils ont fait publier, au nom du peuple français, datée de Marseille le 14 de ce mois. Cette pièce énergique a été vivement ap¬ plaudie. La mention honorable et l’insertion au « Bul¬ letin » ont été décrétées (1). Suit le texte de la lettre et de la proclamation des représentants à Marseille d’après le Bulletin de la Convention (2). Les représentants du peuple près les armées et les départements du Midi, au comité de Salut public de la Convention nationale. « Marseille, le 14 frimaire, Fan II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. « Citoyens collègues, « L’exécution de votre arrêté, qui met cette commune en état de siège, a fourni à quelques malveillants le moyen d’exciter des troubles. La nuit qui a suivi la proclamation du comman¬ dant a été orageuse. La Société populaire, égarée par des meneurs, s’est déclarée perma¬ nente et est venue nous demander compte des motifs qui nous avaient déterminés à prendre cette mesure. La municipalité a poussé l’audace plus loin ; elle a délibéré de mettre en état d’arres¬ tation le commandant de la place et de retenir dans ses murs le bataillon des sans -culottes, dont nous avions ordonné le départ. Quatre bataillons de cette commune avaient encore reçu l’ordre de s’assembler dans leurs arrondis¬ sements respectifs. « Enfin, sous le prétexte d’une revue, on avait commandé toutes les troupes de nouvelle levée. Heureusement le peuple est resté calme; il a entendu la voix des représentants du peuple, et est resté sourd à celle des intrigants et des instigateurs. Par notre vigilance et notre fer¬ meté, nous avons déjoué ce grand complot, ourdi, nous n’en doutons pas, par des scélérats, qui, sous le masque du patriotisme, ne respirent que sang, et ne voient, dans la Révolution, que l’espoir de faire fortune et de s’enrichir des dé¬ pouilles de ceux qu’ils veulent immoler. « Nous savions, depuis longtemps, qu’on devait égorger les prisonniers : quelques soi-disant patriotes nous avaient même avoué que c’était dans les circonstances le seul parti à prendre. Sous prétexte de faire subvenir aux frais de la guerre, des conseillers municipaux avaient souillé leur écharpe en allant dans les prisons exiger des détenus des sommes considé¬ rables, qu’ils ont reportées le lendemain sur nos ordres. « Ainsi le meurtre et le pillage étaient au grand ordre du jour à Marseille; mais tout est déjoué. Le même jour a vu éclore et finir ce mouvement contre-révolutionnaire. Le départe¬ ment et le district se sont ralliés à nous. La Société populaire, revenue aux vrais principes, a délibéré tranquillement, la municipalité a (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 127. (2) Bulletin de la Convention, séance du 22 fri¬ maire (jeudi 12 décembre 1793), l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. 22 338 [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j � ïï“"£“72, paru reconnaître son erreur ; elle a elle-même engagé le bataillon des sans-culottes de partir, et il a parti (sic); mais ce n’est pas assez : la justice nationale ne peut être satisfaite encore. Nous sommes à la recherche des grands cou¬ pables : nous rassemblons les preuves, et nous comptons envoyer le tout au tribunal révolu¬ tionnaire à Paris, qui en fera bonne justice, nous le répétons; tout est calme à présent. Comptez sur notre zèle et notre fermeté : nous vous envoyons ci-joint un exemplaire de la pro¬ clamation que nous avons cru devoir faire. « Salut et fraternité. « Signé : Paul Barras, Fréron, Ricord. « Le secrétaire de la Commission nationale. « Signé : Theure. » Proclamation au nom du peuple français (1). Les représentants du peuple près les armées et les départements du Midi, à la commune de Mar-\ seille. Braves républicains, Des intrigants dont nous aurons bientôt fait une justice éclatante, cherchent à vous replon¬ ger dans de nouveaux malheurs, en excitant de nouveaux troubles. Voudraient -ils donc, en provoquant des actes de désobéissance à la Convention nationale et aux représentants du peuple, qui ont reçu d’elle des pouvoirs illi¬ mités, voudraient -ils ressusciter le monstre du fédéralisme et rallumer les torches de la guerre civile? Il est de notre devoir de vous éclairer sur les pièges que l’on vous tend. Nous avons sauvé une fois le Midi, nous le sauverons encore ; nous conserverons notre ouvrage. Depuis longtemps des avis certains, une correspondance interceptée, nous apprenaient que nos perfides ennemis, réunis à de vils roya¬ listes de l’intérieur, n’ont point abandonné le projet de faire de Marseille une seconde Toulon. Doutez-vous, citoyens, que les Anglais n’aient des intelligences dans votre cité? Doutez-vous que des émissaires de Pitt, se couvrant du masque d’un patriotisme exagéré, et répandant à pleines mains un or corrupteur, ne cherchent à vous entraîner à un mouvement contre-révo¬ lutionnaire? Quel est l’intérêt de nos ennemis? de nous agiter, de nous inquiéter dans les dépar¬ tements situés sur les derrières de l’armée cam¬ pée sous Toulon, afin de distraire et d’éparpiller les forces qui sont dirigées contre cette ville rebelle. Comment y parvenir? par la calomnie, l’intrigue, par des assassinats médités avec une froide barbarie, et enfin par la désobéissance à nos ordres, l’opposition à nos mesures, l’avi¬ lissement des autorités constituées et de celui de la première de toutes, la Convention natio¬ nale. N’est-ce pas par ce même système que la contre-révolution a déjà été opérée à Marseille? (1) Bulletin de la Convention du 22 frimaire an II (jeudi 12 décembre 1793); Moniteur universel |n0 83 du 23 frimaire an II (vendredi 13 décembre 1793), p. 336, col. 1]; Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 450, p. 309), On parle de République une et indivisible, et le fédéralisme est enraciné dans les cœurs î II semble circuler avec le sang et la vie ! On parle de soumission aux lois, et on se permet de dis¬ cuter si on les exécutera ! On parle d’obéissance à la Convention nationale, seul centre de l’unité républicaine et de tous les pouvoirs qu’elle tient du souverain, et on élève sans cesse une lutte criminelle des volontés particulières contre la volonté générale ! On ne veut voir que Marseille dans toute la République. Eh ! que deviendrait aujourd’hui cette même Mar¬ seille, si les autres départements ne la nourris¬ saient pas? Elle périrait dans les convulsions de la famine. Le comité de salut public de la Convention nationale nous a ordonné de mettre cette com¬ mune en état de siège. Et cette mesure a pu vous étonner, vous que la seule distance de dix lieues sépare des ennemis et des esclaves qui ont choisi pour maître Louis XVII. Il n’y a que des citoyens profondément pervers ou égarés qui aient pu calomnier les motifs du comité de Salut public. Que pouvez-vous craindre? Quatre représentants du peuple qui, certes, ont fait leurs preuves, sont dans vos murs et veillent à votre tranquillité. La municipalité a commis une erreur qui a étrangement compromis la chose publique. Elle a reconnu la faute et l’a réparée solennellement en notre présence. Nous avions ordonné le départ du bataillon des sans-culottes ; et cet ordre a pu être contrarié un jour, une heure, une minute ! Que savez-vous, si le moindre retard n’a pas empêché une attaque importante dont l’occa¬ sion ne se présentera plus? Quelle est donc cette autorité rivale qui oserait se mesurer dans Marseille avec l’autorité nationale ? Qu’elle paraisse, et elle sera écrasée. Reconnaissez-vous à présent les manœuvres de l’infâme Pitt et de ses infâmes complices? Voyez la profondeur du piège qui était dressé sous vos pas; on voulait achever de perdre et de déshonorer Marseille par vos propres mains. Peuple, magistrats, autorités militaires, Socié¬ tés populaires, qui vous êtes ralliés hier autour des représentants du peuple, dans un moment de crise que l’aristocratie voulait tourner à son profit, ne laissez point se propager dans votre sein de vaines alarmes; c’est à vous d’éclairer l’opinion publique. Une fausse direction donnée au peuple, un mouvement à contre-sens, c’est là que les seotionnaires vous attendent. Reposez-vous sur nous du soin de déjouer ces perfides complots. Tout est prévu, tout est calculé par nous. Soyez calmes : que les propriétés soient respectées ; que l’homme traduit au tribunal de la loi ne soit jugé et puni que par son glaive. Souvenez-vous sans cesse, citoyens, que c’est par le reproche des contributions forcées et des vengeances personnelles, exercées par quelques faux patriotes, que tous les vrais républicains ont été naguère enveloppés dans les mêmes proscriptions. Aujourd’hui c’est la même mar¬ che, la même intrigue, les mêmes moyens. Lais¬ sez aux tribunaux le soin de frapper les têtes coupables. Le sol de la liberté sera purgé de tous les conspirateurs et de tous les traîtres, nous allons prendre à leur égard de grandes mesures qu’on cherchera peut-être à calomnier : mais cette nouvelle trame est déjouée puisqu’elle est connue. Que le meurtre ne vienne point demander son salaire avec ses mains ensanglantées. Con-