[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 décembre 1789.] 697 et à sacrifier toutes les considérations importantes qu’il présente pour l’extension du commerce et pour la défense des côtes, aux besoins ou aux désirs qu’a énoncés l’Angoumois? Les intérêts de l’Angoumois doivent-ils prévaloir contre ceux de l'Aunis ? faut-il pour arranger l’Angoumois perdre le commerce de la Rochelle et celui de l’île de Ré? Une triste expérience nous a appris depuis la perte du Canada et de la Louisiane, combien l'activité du commerce avait été diminuée, et combien sa diminution avait influé sur la population et sur la culture des terres. Tout ce qui porte quelque atteinte au crédit du commerce, tout ce qui peut restreindre l’activité de ses opérations nuit essentiellement au débit des denrées du pays, et dès lors à tous les genres de culture et d’industrie. Si le comité veut prendre en considération ce simple exposé des faits qui pourrait conduire à de plus grands détaijs et à des réflexions plus précises et plus politiques sur les intérêts combinés du pays d’Aunis et du Bas-Poitou, et sur leurs rapports avec l’intérêt général du royaume, il se convaincra peut-être de la nécessité de former le département isolé de l’Aunis, tel que nous le proposons, ou de l’augmenter d’une portion du Bas-Poitou. Les dépenses considérables, faites depuis longtemps pour le port de la Rochelle, tous les établissements nécessaires à une administration de département, existants dans cette ville, l’intérêt qu’inspire le département de la marine royale fixé à Rochefort, l’importance de l’île de Ré, le port et le marché de Daligre, réclament en faveur de l’Aunis l’attention et la protection de l’Assemblée nationale. L’art a secondé la nature pour y apporter le commerce et toutes les facilités de l’importation et de l’exportation. Le commerce peut seul encourager et vivifier la culture des terres dans le département que nous proposons. Le laissera-t-on languir et s’éteindre, faute de lui donner le secours que nous ne cesserons de réclamer pour lui dans la circonstance actuelle? A Paris, le 15 décembre 1789. Signé : PiNNELiÈRE, curé de Saint-Martin de l’île de Ré, le vicomte de Malartic, Griffon de Romagné et alquier. 2e annexe. Observations des députés du pays de Léon et de la partie de Tréquier , en Basse-Bretagne, sur la fixation du chef-lieu de département (1). C’est à regret que nous nous sommes détermi-ninés à porter au comité de coustitution, et à soumettre à l’Assemblée nationale des contestations qui n’auraient pas dû sortir du sein delà députation de Bretagne. Cette province, qui peut se flatter d’avoir eu une grande part à la conquête de la liberté, d’avoir puissamment contribué à la révolution par l’union et l’énergie de ses mouvements patriotiques, ne dût jamais se voir divisée dans la personne de ses représentants. Heureusement, nous pouvons assurer que leur parfaite intelligence pour le soutien de la cause commune n’est point altérée par les difficultés relatives à la division de son territoire. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. L’Assemblée nationale a décrété que la France serait divisée en départements, dont elle a fixé le nombre de soixante-quinze à quatre-vingt-cinq. Chaque département doit contenir environ trois cent vingt-quatre lieues ou dix-huit sur dix-huit; chaque lieue entendue de deux mille quatre cents toises, et, d’après cette règle de procéder, la province de Bretagne, qui contient 1,660 lieues de superficie, ne doit fournir que cinq départements, dont le comité de constitution a tracé le plan. La députation de Bretagne a nommé des commissaires pour en faire l’examen. Ceux-ci ont appelé deux ingénieurs qui ont perfectionné le projet de division d’après les convenances locales, et ce travail a été plusieurs fois discuté dans les assemblées du comité de la province. Alors il s’est arrêté à deux questions préliminaires : premièrement, quelle sera l’étendue de terrain que prendra le département de Nantes dans les marches communes de la Bretagne et du Poitou? Ce premier point de démarcation était indispensable avant toutes choses, parce qu’il est nécessaire de former la masse avant de procéder à la division ; on ne peut connaître l’étendue et la valeur d’un tout qu’après avoir déterminé les parties qui doivent le composer. Il était donc essentiel de convenir, avec la province du Poitou, du partage des marches communes avant de pouvoir fixer celui de la Bretagne en cinq portions égales (1). Secondement, cette égalité doit-elle être étendue et exécutée, comme l’ont observé les ingénieurs dans leur plan de division, en assignant à chaque département un terrain de trois cent trente-deux lieues carrées ? Cette égalité géométrique ne tendrait-elle pas à léser considérablement chacun des quatre autres départements, s’il était vrai que celui de Nantes se trouvât avantagé d’un quart en sus, par sa population et par ses richesses ? Tel était l’état des difficultés présentées au comité de la députation de Bretagne le 7 décembre. MM. les députés de Nantes reconnaissaient sans peine la supériorité de leur département, pour la fertilité du sol, pour les avantages incalculables que lui apportent les fleuves et les rivières qui l’encernent ou le traversent : la Loire, la Vilaine, i’Erdre, le üoro, etc. Mais ces mêmes députés n’avouaient pas également la disproportion non moins considérable de la population, quoiqu’elle soit presque toujours la suite naturelle de la richesse d’un pays, de la fécondité du soi, quoique la ville de Nantes seule ait environ 100,000 habitants. Ils sont allés jusqu’à pouvoir persuader que leur département, tel qu’il était tracé, égal aux autres en étendue, l’était à peine en population. D’après une pareille assertion, il paraîtra moins étonnant qu’ils aient posé en principe qu’au surplus les bases de la population et de la contribution sont parfaitement indifférentes à la distribution des départements. Quoi qu’il en soit, le résultat de l’assemblée du 7 décembre fut que MM. les députés de Nantes se concerteraient incessamment avec ceux du Poitou, pour la division préalable des marches communes, et qu’ils rendraient compte de cette conciliation à la prochaine assemblée , fixée au vendredi 11 décembre. (1) Il vient de paraître un mémoire où les députés des Marches-communes demandent à porter la totalité de leur territoire dans le département de Nantes, ce qui aggraverait encore l’inégalité de la division de la Bretagne. 698 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 décembre 1789.] Elle fut peu nombreuse : on savait qu’on n’y agiterait que ce rapport particulier, et qu’on s’occuperait ensuite de la lecture de l’adresse au peuple breton, dont l'examen fut long. Après cela, les signatures devant occuper le reste de la séance, plusieurs membres qui y étaient se retirèrent. MM. les députés de Quimper saisirent ce moment opportun pour demander à mettre en délibération le choix du chef-lieu du département, composé de toute la partie basse de la Bretagne, vers l’Océan. Les deux députés présents de l’évêché de Léon, et l’un des députés de Tréguier, s’opposèrent parce qu’il était déjà l’heure de clore la séance, parce que leurs collègues étaient absents, et sortirent sans délibérer. M. Bodinier, commissaire pour la sénéchaussée de Rennes, parfaitement désintéressé dans la délibération proposée, crut devoir observer qu’elle n’avait pas été annoncée, qu’il n’était ni régulier, ni convenable de délibérer sur un objet non prévu et en l’absence des confrères qui devaient y prendre part. On lui répondit que la désignation du chef-lieu, en faveur de Quimper, importerait peu aux autres villes, qui probablement demanderaient à alterner ; ce projet, qui paraissait déjà concerté, fut donc délibéré. Les auteurs de cet arrêté ne se crurent pas exempts de blâme, et changeant de système pour se conformer à ce qui avait été pratiqué par les départements de Nantes et de Vannes, ils se ravisèrent pour convoquer une assemblée au 14 décembre, où le département de Saint-Brieuc, également appelé, ferait séparément le choix de son chef-lieu. Réunis avec nos collègues de départements en comité particulier, le lundi 14, nous dûmes leur faire observer que leur intention, dans cette nouvelle convocation, était sans doute de regarder comme non avenu ce qui avait été fait en la dernière assemblée, et on en demeura d’accord. Il fut procédé à un premier scrutin, où les voix se trouvèrent partagées entre Landerneau et Quimper, un treizième suffrage, que M. deKvenlengan dit être le sien, était porté à la ville de Morlaix. De l’observation qu’il n’y avait pas dans le premier scrutin une voix pour la ville de Brest, qui semblerait cependant réunir plus de motifs qu’aucune autre pour exercer cette prétention, l’un de ses députés plaça cette remarque et déclara que quel que pût être l’événement de la délibération actuelle (qu’il signerait cependant , comme on en était convenu), il n’entendait pas s’y tenir et se réservait de soumettre à l’Assemblée nationale les griefs particuliers de sa ville et les réclamations communes aux quatre autres départements contre la prépondérance de celui de Nantes. Cette déclaration excita beaucoup de clameurs. M. de Kvenlengan les fit cesser, en observant avec beaucoup de calme combien il était important, dans les circonstances actuelles, que les députés de la Bretagne s’accordent sur leur division ; il obtint que la décision du second scrutin faisait la règle irrévocablement ; il s’attendait qu’il serait conforme à ses vues, et devait l’espérer d’autant plus que le comité n’était composé que de treize membres, dont six de l’évêché de Quimper, cinq de celui de Léon et deux du diocèse de Tréguier. Cependant l’intérêt bien réfléchi de la commodité publique en décida autrement; la majorité absolue des voix se déclara pour Landerneau; ainsi prise pour constante, on s’était occupé de la composition des districts de ce département. Le 23 décembre, la députation de la province est encore assemblée, pour prendre connaissance de la pétition de la ville de Saint-Malo, qui demande à passer du département de Rennes à celui de Saint-Brieuc-, et parce que cette réclamation ne paraissait pas porter sur l’intérêt générai de la députation ; de soixante-six membres qui la composent, il ne se trouva à cette assemblée que trente-neuf. Quand on a eu ajourné l’objet des députés extraordinaires de Saint-Malo, parce que leur mémoire n’était pas prêt, on a vu avec surprise un député de Saint-Brieuc faire la motion de révoquer la délibération particulière du 14, qui avait fixé le chef-lieu de notre département à Landerneau, et de remettre cet article en délibération. Cette motion fut bientôt accueillie par tous ceux qu’on avait intéressés dans la coalition, que l’un de nous ne put se retenir de qualifier de son nom propre. Il fallut aux autres beaucoup de modération, pour observer froidement combien il était extraordinaire qu’un député de Saint-Brieuc qui ne nous avait pas appelés sur la délibération relative à son département, fût chargé de contrarier le règlement de nos intérêts particuliers. Nous nous prévalûmes de l’arrêté, pris et signé dans l’assemblée du département, le 14 ; nous objectâmes qu’il n’y avait plus lieu à délibérer à ce sujet; et que, si les députés de Quimper, qui ne s’étaient pas encore expliqués, avaient à se plaindre de la fixation du chef-lieu à Landerneau, ils devaient se pourvoir directement dans le comité de constitution et adjoints préposés pour vider ces discussions en faire le rapporta l’Assamblée nationale. Nous terminons par cette réflexion, que la motion étonnante du député de Saint-Brieuc n’avait pas été annoncée par la convocation, et que dans le cas où elle aurait été admissible, il serait de la loyauté de ne la délibérer qu’en présence des 27 députés absents, ou dûment avertis d’y prendre part. D’après ces protestations recommandées par la raison, par la franchise bretonne; nous nous fîmes un devoir de laisser le champ libre au parti que nous voyions formé dans l’assemblée, et qui a entraîné 25 voix pour mettre au néant la délibération libre et régulière du 14, et pour accorder à Quimper le chef-lieu. 11 faut croire que les démarches qui ont amené cette résolution inattendue, n’ont pas été capables de mouvoir un plus grand nombre dans la députation de Bretagne, puisqu’elles n’ont gagné que vingt-cinq suffrages, de soixante-six membres qui la composent ou du moins de soixante-quatre, parce qu’il y a deux démissions qui n’ont pas été remplacées ; et sous ce rapport, la délibération est loin de la majorité. Nous regrettons d’avoir été forcé d’entrer dans ce récit des faits, qui peuvent paraître indifférents à MM. du comité de constitution et à l’Assemblée nalionale. Mais il n’est pas indifférent pour nous de rendre à notre province un compte exact de tout ce qui s’est passé, relativement à cette discussion. Tout se rétablit devant le tribunal de la nation, qui pèsera dans sa sagesse les intérêts respectifs, qui jugera s’il est dans l’esprit de ses décrets que la circonscription des départements soit déterminée, sans autre considération, par la règle unique d’égalité de terrain, s’il n’est pas juste d’y faire concourir à certains égards, la propor- ["21 décembre 1789.) 699 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tion de population et de richesse, pour assurer en même temps l’égalité de la représentation; enfin, s’il n'y a pas de nécessité de rappeler au principe, quand il est évident que le département de Nantes, réunissant à une égalité parfaite de territoire la prépondérance de sa population et de sa richesse, jouirait de l’avantage de nommer aux législatures onze à douze députés, quand chacun des autres départements de la Bretagne ne donnera que huit à neuf. Ce grief est commun à toute la députation, et doit la réveiller sur un intérêt aussi pressant. Nous nous renfermons ici dans notre tâche particulière, qui est de prouver que le chef-lieu de notre département doit être placé dans la ville de Landerneau. Des autres villes qui se sont mises sur les rangs, comme Morlaix, Carhaix, Quimper et Brest, celle-ci seule pouvant disputer la préférence en raison de sa population, de ses forces et de sa contribution. L’enceinte de Brest, coupée parle port de mer, renferme plus de 30,000 âmes, et dans ce nombre on ne comprend pas les troupes de la garnison. Le projet déjà tracé de l’agrandissement de cette ville, la nécessité d’en suivre l’exécution pour favoriser le service et assurer la défense de ce port, qui est le premier du royaume, lui assigne un nouveau rang et la place déjà dans la classe des villes du second ordre. Brest est sans contredit le principal entrepôt des forces publiques sur lesquelles reposent la sûreté du commerce, la prospérité de l’Etat et l’honneur des armes de la nation. Il est d’une extrême importance d’accroître la considération politique attachée à cette ville, de faciliter les approvisionnements de son arsenal et d’y iixer l’opinion publique qui a pris dans cette importante cité une faveur, peut-être étonnante, dans une ville de guerre. La somme de sa contribution triple celle des autres villes de cette partie de la province. Cette source précieuse du secours public prend encore de nouvelles forces dans le patriotisme de ses habitants. Une preuve digne d’en être mise sous les yeux de l’Assemblée nationale est dans la déclaration des sept Brestois qui se sont présentés les premiers pour exécuter son décret sur la contribution du quart, leur soumission s’élève à 20,900 livres. Il est possible que l’Assemblée nationale se détermine par le concours de tant de motifs de prépondérance à assigner le chef-lieu du département à la ville de Brest. Elle verra cependant avec soumission, accorder la préférence à celle de Landerneau qui n’en est distant que de quatre lieues, et qui alors doit s’approprier toutes les raisons, toutes les considérations qui réclament pour Brest, parce qu’on ne peut en écarter l’application, parce qu’on ne peut, sans constituer en souffrance cette première place du royaume, fixer loin d’elle le siège de l’administration publique. Avec cet avantage supérieur que la ville de Landerneau trouve dans la proximité de Brest, elle pourrait se dispenser d’invoquer ceux de sa situation locale, dont elle a fourni le détail dans une adresse à l’Assemblée nationale. La petite ville du Faou est géométriquement le point central du département. Landerneau n’en est éloigné que de quatre lieues et se trouve précisément la seule ville approchant du centre, capable de comporter un gouvernement d’administration en chef. Autour de Landerneau vient se former un cercle nombreux de villes, Brest, Saint-Renan, Le Gonquet, Lannilis, Lesneven, Plouescat, Saint-Paul-de-Léon, Roscoff, Landivi-siau, Morlaix, le Faou, la Feuillée, Granzon, Lo-cronan, Douarnenez et Ghateaulin, dont les plus éloignées ne sont que de sept à huit lieues. Les villes les plus distantes, comme Garbaix, Ghâ-teauneuf et Quimper, le sont de onze à douze lieues; Quimperlé seul, qui forme une pointe à l'extrémité du département, sera à la distance d’environ vingt lieues (1). Landerneau vient après Brest et Morlaix pour sa population, pour la quotité de contribution et pour la commodité de ses établissements. La certitude de son accroissement futur, est dans ses relations avec Brest, dont elle est en temps de guerre l’entrepôt pour les approvisionnements de toute espèce, pour les mouvements et le séjour des troupes destinées à être embarquées. Les magasins et le port de Landerneau ont toujours servi à décharger celui de Brest du regorgement de ses munitions de guerre et des vaisseaux de transport; son commerce est encore un objet important. Ginq grandes routes aboutissent à Landerneau et toutes offrent des relais de poste commodes, excepté sur celle qui conduit à Garhaix. Les établissements de l’hôtel de ville sont assez étendus pour recevoir sans aucune nouvelle dépense, tous les bureaux d’administration; et la maison des dames Ursulines qui a été prise, pendant la dernière guerre, pour hôpital de la marine, et qui sûrement sera supprimée par l’effet de la réunion de cette communauté à celle de Lesneven, double la facilité du choix à faire pour placer les bureaux de département. Que peut mettre en parallèle la ville de Quimper pour soutenir la concurrence (2)? rien qui au moins s’accorde avec l’avantage public et la commodité du département. On rappelle pour Quimper une iaiportance an-. tique et parfaitement ruinée, qui dans des temps éloignés fut le motif d’y placer un présidial. Mais dès avant la naissance de la discussion, nous avons proposé à nos collègues de Quimper d’y conserver le siège d’une présidialité ou tribunal de département. Pour soulager la médiocre existence de ses habitants en général, nous avons même consenti à ce que la cour supérieure soit transférée à Quimper, dans le cas où les transports économiques permettent d’en créer deux eu Bretagne. Quelle condescendance! Et comment pourrions-nous en rendre raison à nos commettants? En effet, l’importance de cette ville, soit dans le commerce, soit dans l’ordre politique, est no� toirement nulle. Sa population est au-dessous de 8,000 âmes. Sa contribution comparative dans le payement des impôts n’égale pas, à beaucoup près, celle de prest, Morlaix, Landerneau, etc. La situation de Quimper la place à une extrémité de la cité, sous la distance de trois lieues et demie de la grande mer, dans un point de 4, 5 et 6 lieues, et partout ailleurs, une pointe seulement dite le Bec-du-Rat, se prolonge sur la côte jusqu’à la distance de dix lieues. L’inspection du plan démontre l’exactitude de ce tableau. Si on consulte le grand motif, la raison décisive, l’incommodité de la très-majeure partie du (1) On continue de raisonner par la lieu de 2,400 toises. (2) Quimper-Corenlin, où l’on sait que le destin conduit les gens quand il veut qu’ils enragent. 700 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 décembre 1789. [ département, on voit que la ville de Quimper est à vingt, vingt-deux et même vingt-six lieues de la côte de Léon, la plus populeuse du royaume, et qui, prenant à la pointe de Saint -Mathieu, se prolonge sur la Manche par un demi-cercle de vingt-cinq lieues, pour atteindre l’extrémité du département dans l’évêché de Tréguier. Les habitants de cette dernière contrée ne peuvent se rendre à Quimper qu’en faisant un circuit très-considérable pour venir prendre Landerneau, ou en se jettant dans les montagnes d’Arré, impraticables dans le temps indiqué aux assemblées de département, et qui, dans toutes les saisons, offrent les dangers les plus effrayants. La liste des personnes qui périssent tous les ans dans les neiges en traversant ces montagnes, ou qui, échappées aux voleurs, deviennent la proie des bêtes féroces, présenterait une image trop affligeante. Mais, abstraction faite de ces inconvénients, faudra-t-il que 300,000 habitants de Léon en aillent chercher 100,000 perdus en quelque sorte au milieu des montagnes et des bois infestés de brigands? Faudra-t-il que le grand nombre rassemblé dans un évêché moins étendu, mais fertile et distribué en plusieurs villes, soit attiré au loin par le petit nombre, pendant qu’il existe un lieu de département moralement central et commode à tout le monde? On croira avec peine que nos collègues de Quimper aient osé hasarder cette prétention. Et sur quels fondements encore ? Rendons leurs allégations. Ils ont dit que Quimper a besoin de se relever de sa détresse ; qu’on y trouve les établissements d’une neuvième commission intermédiaire, qui recevait les ordres de celle principale de Rennes; que ces établissements sont disposés sans nouveaux frais, pour une administration de département, et demeureraient en pure perte, s’ils n’étaient pas employés à cette destination ; ils font sonner bien haut que leur ville est épiscopale; qu’on y trouve une église cathédrale, un séminaire et un collège. Eh bien 1 toutes ces petites considérations se trouvent dans la ville de Saint-Paul de Léon, siège épiscopal, cathédrale plus à la moderne, bureau de commission intermédiaire, séminaire, et, par-dessus tout, un collège dont l’édifice vient de coûter 400,000 livres. Cependant la ville de Saint-Paul ne demande pas un chef-lieu de département. On ne pourra même pas y placer un district, ni l’indemniser de la perte d’une juridiction de l’évêque et du chapitre, dont le ressort était fort étendu. Saint-Paul de Léon cède à la rigueur du principe, qui veut que l’intérêt particulier ou local soit sacrifié à l’intérêt public et général. Pourquoi la ville de Quimper ne subirait-elle pas la même loi? Pourquoi ne ferait-elle pas de très-légers sacrifices, à la commodité publique? La convenance générale est la base de toutes les déterminations propres auxétablissements de l’administration civile, et cette base, dans l’hypothèse présente, indique pour siège de département, la ville de Landerneau, comme la plus voisine du centre, la plus rapprochée de la grande population. S’il était utile d’accumuler d’autres considérations, on ferait remarquer, par exemple, le danger connu du transport des fonds publics à Quimper, la convenance d’en approcher le dépôt de Brest, où l’acquittement direct de l’impôt trouve un moyen prompt et facile de s’exécuter. Tout se réunit donc en faveur des réclamations de Landerneau. La raison tranchante est dans la situation ; et en nous attachant à la défense de cette ville contre Quimper, nous nous sommes si peu livrés à aucune propension particulière, que nous adopterions Morlaix, comme chef-lieu de département, comme la ville centrale, dans le cas où, par un mouvement général dans les département de Bretagne, sollicité par Saint-Malo, le nôtre dût comprendre tout l’évêché de Tréguier. Nous exprimons devant l’Assemblée nationale le vœu du bien public, et nous sollicitons ses décrets sur une disposition déjà prévue par sa sagesse. Il est entré dans ses vues de disperser les différents établissements, pour en communiquer les avantages aux principaux lieux de chaque département ; et c’est pour arriver à cet ordre de distribution, avec la plus scrupuleuse équité, que nous sommes chargés de demander : 1° Que la ville de Landerneau soit le chef-lieu du département et le siège de son administration. 2° Que le siège d’une cour supérieure, s’il est décidé qu’il y en ait deux en Bretagne, soit fixé en la ville de Quimper, qui, en tout cas, serait le tribunal de département ; 3° Que, dans la supposition première ci-dessus, le tribunal de département ne soit pas accordé à la ville de Brest, et que dans tous les cas elle soit autorisée à établir un consulat terrestre et maritime ; 4° Que l’évêché soit conservé à la ville de Saint-Paul de Léon, même en supposant qu’il n’y ait qu’un siège épiscopal dans le département. Le Gendre, Moyot, Expilly, Dom Verguet, Leguen de Kerangal, Keraugon, Lelay de Grantugen, Mazürier de Pennan-nech. Arrêté du 14 décembre 1789. DÉPUTÉS PRÉSENTS ET VOTANTS. MM. : Evêchés : Leguen de Kerangal .... ..... Léon . Leissegues de Losaven ...... Quimper . Expilly ..................... Léon. Lelay de Grantugen .......... Tréguier. Mazürier dePennanech _____ _ Tréguier. Le Goazre de Kervélegan .... Quimper. Ledéan ............ ......... Quimper. Tréhot de Clermont .......... Quimper. Le Gendre .................. Léon. Moyot ................. ..... Léon. Le Golias ................... Quimper. Prudhomme de Keraugon. . . . Léon. Billette ..................... Quimper. Sept voix pour la désignation du chef-lieu de département à Landerneau, contre six voix pour Quimper, 14 décembre 1789. Signatures de l’arrêté : Expilly, Keraugon, Le Gendre, Moyot, Leguen de Kerangal, Lelay de Grantugen, Mazürier de Pennanech, Leis-seigues, Le Golias.