[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juillet 1789.] 279 L’orage est encore sur nos têtes, dit-il ; les dangers augmentent tous les jours. Doit-on prendre des ménagements avec des individus qui ont tramé la perte de la nation ? Tous les fléaux nous poursuivent et nous menacent ; et ils amèneront, si l’on ne prend toutes les précautions nécessaires, la dissolution de l’Assemblée nationale. Je conclus donc qu’il faut que le paquet soit renvoyé à l’Assemblée nationale. M. Robespierre. L’Assemblée peut-elle et doit-elle refuser des pièces dénoncées par l’opinion publique, envoyées par le maire de la capitale comme des pièces essentiellement intéressantes et nécessaires aux éclaircissements de la plus fatale conspiration qui fut jamais tramée? Je ne le crois pas. Les -ménagements pour les conspirateurs sont une trahison envers le peuple. M. **\ Le premier principe et le principe fondamental de tout intérêt social est l’intérêt des peuples. Quelle est la conséquence que l’on en doit tirer? La voici : Le premier et le plus grand des devoirs d’une assemblée de législateurs,' est de l’assurer, ce salut. Toute autre considération doit être subordonnée à celle-ci. Quoique le vœu unanime de nos cahiers soit que le secret de la poste soit inviolable, nous ne pouvons et ne devons croire que l’intention de nos commettants soit qu’il faille respecter cette inviolabilité aux dépens de leur salut et de leur liberté. Le plus impérieux de nos devoirs est donc de les leur assurer. Ne serait-il pas ridicule et absurde , en effet, de croire que nos commettants ne pensent et ne veulent pas faire marcher avant toute autre considération tout ce qui intéresse le salut et la liberté commune et individuelle? En vain me dirait-on qu’il n’est pas de la loyauté de la nation de pousser les choses plus avant ; en vain me dirait-on que nous jouissons du calme. Qui peut répondre que la conspiration est étouffée? Qui peut répondre des suites? Peut-être le mal est-il plus grand que jamais. Rappelez-vous, d’ailleurs, que vous avez promis la punition des coupables. Eh! comment y parvenir si vous vous ôtez tous les moyens d’instruction ? Or, n’est-ce pas de gaieté de cœur vous en priver, que de renoncer à des papiers qui peuvent vous en donner? M. de Clermont-Tonnerre. De tous ces papiers il n’y a que la lettre lacérée dont on pourrait tirer quelque induction. Occupons-nous d’objets plus essentiels : examinons les causes des désordres actuels. Les tribunaux nous envoient des députations, nous font présenter leur hommage ; mais que font-ils pour coopérer au bien public , et remettre tout dans l’ordre ? Ils gardent le silence ! Que ce silence est coupable, que ce silence est alarmant! Enfin l’on va aux voixj et cette question se termine par décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer. On fait lecture d’un procès-verbal et d’une lettre des officiers municipaux de Nogent-sur-Seine, qui instruisent l’Assemblée de l’arrestation de M. l’abbé de Galonné à son passage dans cette ville. Voici en substance ce qu’ils apprennent : « M. l’abbé de Ca�nne, suppléant du clergé du bailliage de Melun, passait par Nogent. Il avait changé de costume. Arrêté par la milice nationale, il a déclaré s’appeler de Héraut, et aller aux eaux de Spa. « La milice a reconnu M. l’abbé de Calonne sous son double déguisement. Pressé vivement, il a déclaré son véritable nom, et a dit qu’il n’avait changé d’habit qu’à cause des circonstances, et pour n’ètre pas insulté dans sa route. Il a été arrêté. On a trouvé sur lui plusieurs lettres à son adresse, en français et en anglais, et quelques chansons. Dans ces circonstances, la milice et les habitants de Nogent ont jugé convenable de retenir M. l’abbé de Calonne jusqu’à ce que l’Assemblée nationale se fût expliquée sur son sort. » M. de Clermont-Tonnerre. Il est certain que M. l’abbé de Calonne a été arrêté légalement ; il était sans passeport ; il était dans un déguisement; enfin il porte un nom qui prête à la suspicion. C’est aux juges à décider du sort de M. l’abbé de Calonne. Un membre prétend qu’il faut faire avant tout la constitution ; qu’on ne doit songer à M. l’abbé de Calonne que quand elle sera arrêtée et déterminée. Un autre membre propose, attendu le caractère de M. de Galonné, attendu qu’il est suppléant aux Etats généraux, de lui rendre la liberté; que d’ailleurs tout citoyen doit être accusé pour être arrêté. Cette question allait se terminer lorsqu’elle a été suspendue par une motion de M. de Volney. M. de Volney. Vous avez dû observer que depuis huit jours nous ne nous occupons point des affaires de l’Etat. Pendant trois jours on s’est occupé du tumulte de Paris ; après, de celui de Saint-Germain; enfin, de la proclamation. Il me semble que, pour ne pas nous transformer ici en lieutenants de police du royaume, pour ne pas nous jeter dans un dédale immense, il convient d’établir un comité auquel seront renvoyées toutes les affaires d’administration et de police. Le même parti a lieu dans le parlement d’Angleterre , dans le congrès d’Amérique. J’irais peut-être encore plus loin, en observant que j’ai pris des renseignements sur les alarmes que nous donne l’Angleterre. Une personne qui en arrive m’a assuré qu’il n’y a qu’une flotte dans la Baltique pour maintenir Ja balance entre la Suède et le Danemarck. Dans ce moment-ci le parlement d’Angleterre ne s’occupe que d’un déficit d’un million sterling, d’après la déclaration de M. Pitt, ce qui équivaut à 25 millions de notre monnaie. M. tle Bouftlers propose une autre motion : celle de déclarer à toutes les municipalités l’incompétence de l’Assemblée pour reconnaître toute affaire de police et d’administration. M. Garat. Je félicite l’Angleterre de n’être pas assez immorale pour profiter des circonstances malheureuses où nous nous trouvons. Un membre lit le projet de lettre suivant qui est adopté : « Quoique l’Assemblée nationale ne doive pas s’occuper de la police et de l’administration judiciaire du royaume, elle me charge, M. le président, de voùs dire que la détention de M. l’abbé de Calonne ne peut être continuée à moins qu’il ne soit accusé d’un délit. » Plusieurs membres réclament contre cette dernière phrase, qu’ils disent dangereuse, en ce