(Assemblée natîoiîâ.te«j ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES* [io août 179 Lî R3Î Plusieurs membres : Fermez la discussion. M. Rœderer. Je demande à parler pour la souveraineté nationale. M. d’André. Je n’ai pas fini mon opinion. ( V Assemblée est dans une grande agitation). Je demande à conclure; je vois que l’Assemblée veut aller aux voix ; je n’ai point présenté de conclusion, la voici : On a proposé un amendement. Cet amendement consiste à retrancher de l’article que le roi est représentant. Ma conclusion est la question préalable sur cet amendement. Plusieurs membres : La discussion fermée ! (Bruit.) M. Rewbell. Je retire mon amendement sur l’article 2. MM. Rœderer et Rarnave parlent dans le tumulte. M. le Président. Monsieur Rœderer et Monsieur Barnave, à l’ordre : vous n’avez la parole ni l'un ni l’autre; je vais consulter l’Assemblée pour savoir si elle veut fermer la discussion. M. Rarnave. Je demande la parole pour une motion d’ordre. M. le Président. Je donne la parole à M. Barnave. M. Rarnave. J’ai demandé la parole pour une motion d’ordre qui tend à fixer nettement l’état de la question, parce qu’il est évident que M. Rœderer l’a déplacée en disant que reconnaître le roi pour représentant de la nation c’était aliéner la souveraineté nationale. 11 est nécessaire, pour délibérer avec connaissance de cause sur cette question, de se déterminer d’une manière lixe sur ce qu’on entend par représentation constitutionnelle. La véritable représentation souveraine, générale, indéfinie, qui est une aliénation momentanée de la souveraineté, cette représentation n’existe et ne peut exister que dans le corps constituant: ce n'est donc pas de celle-là qu’il s’agit dans la Constitution, et ce n’est pas celle-là qui est déléguée au roi concurremment avec le Corps législatif. La représentation constitutionnelle consiste à représenter la nation; or, dans l’ordre et dans les limites des fonctions constitutionnelles, ce qui distingue le représentant de celui qui n’est que simple fonctionnaire public, c’est qu’il est chargé dans certains cas de vouloir pour la nation, tandis que le simple fonctionnaire public n’est jamais chargé que d’agir pour elle. (Applaudissements.) Le Corps législatif est le représentant de la nation parce qu’il veut pour elle : 1° en faisant ses lois ; 2° en ratifiant les traités avec les puissances étrangères lorsqu’ilsont été commencés et convenus par le roi ; le roi est représentant constitutionnel de la nation : 1° en ce qu’il consent et veut pour elle que les nouvelles lois du Corps législatif soient immédiatement exécutées ou qu’elles soient sujettes à une suspension ; 2° en ce qu’il stipule pour la nation, en ce qu’il prépaie et fait en son nom les traités avec les nations étrangères, qui sont de véritables actes de volonté, qui sont de véritables lois, qui lient réciproquement une autre nation avec nous, tandis que les lois intérieures, les lois qui nous sont propres, émanent du Corps législatif. Vous avez décrété que le roi, comme le Corps législatif, était inviolable; or, il répugne à là raison que celui qui n’est chargé que d’agir et qui est simple fonctionnaire public soit inviolable, attendu que toutes ses actions nécessitent la responsabilité (Applaudissements). Mais il est nécessaire pour la nation que celui qui veut pour elle soit inviolable; car sans cela sa volonté cesserait d’être libre ; les intérêts et la liberté du peuple seraient par là même compromis : ainsi l’inviolabilité, que vous avez reconnue, est une conséquence immédiate du caractère de représentation. Mais il y a plus; si en faisant la Constitution vous le donniez au Corps législatif sans le don-� ner au roi il en résulterait que le Corps législatif serait seul chargé des pouvoirs de la nation : dès lors il n’aurait plus de limites; dès lors ses volontés ne reconnaîtraient plus de frein ; dés lors, parla nature des choses, le Corps législatif deviendrait corps constituant. Ainsi donc ou le roi veut pour la nation dans l’ordre de ses fonctions constitutionnelles, ou il cesse d’être roi, et la forme de gouvernement est changée. Que s’il a le droit de vouloir pour le peuple il est donc son représentant ; ou bien il exerce un droit individuel: son pouvoir cesse d’être légitime, et devient une tyrannie. (Vifs applaudissements.) (La discussion est fermée.) M. d’André. Je demande la question préalable sur tous les amendements. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y à pas lieu à délibérer sur les amendements.) M. Rewbell. Messieurs, j’ai dit moi-même que je retirais l'amendement que j’avais fait de retrancher la dernière phrase du deuxième paragraphe de l’article 2 ; mais c’est parce que vous venez de décréter, je crois, avec raison, que le roi est représentant, qu’il faut que vous preniez toutes les précautions nécessaires pour qu’on ne puisse pas abuser de ce mot. Comme le roi ne fait partie d’aucune section du peuple, il faut que personne ne soit tenté de lui dire qu’il peut s’attribuer héréditairement la souveraineté. En conséquence, je demande que la dernière disposition du premier paragraphe de l’article premier soit rédigée comme suit : « Aucune section du peuple, aucun individu , ne peut s’en attribuer l’exercice. » M. Thouret, rapporteur. J’adopte cette proposition; voici, en conséquence, la rédaction des 2 premiers articles : TITRE III. Dès pouvoirs publics. Art. 1er. « La souveraineté est une, indivisible, inaliénable, imprescriptible et appartient à la nation ; aucune section du peuple, aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. « La nation, de qui seule émanent tous les pouvoirs, ne peut les exercer que par délégation. » (Adopté.)