(Assemblée national*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mai 1791.] 795 où le terme du bail actuel arriverait avant deux années. Bnftn, si le doraanier n'exploite point par ses mains, si le terme du bail n’arrive qu’après deux ans, si même le foncier a déjà pris de nouveaux engagements avec un autre cultivateur, nous ensons que, dans tous ces cas, la loi du contrat oit être exécutée. Nous ne nous sommes pas bornés à ce détail particulier. Nous avons cru qu’il était important de régler la forme des prochains congémenls, en délivrant l'action réciproque, qui peut en résulter, des entraves de l’ancienne pratique. Nous n’avons pas négligé l’article de la dime et celui de l’impôt foncier. Nous nous sommes efforcés enfin de prévoir et de régler tout ce qui, dans cette matière importante, pourrait ou troubler la paix qui doit régner entre le propriétaire et le cultivateur, ou blesser leurs droits mutuels. Vous trouverez, Messieurs, le résultat de toutes nos discussions dans le projet de décret que je vais vous lire. <• Art. 1er. Les concessions ci-devant faites dans les départements du Finistère, du Morbihan et des Côtes-du-Nord, par le3 propriétaires fonciers aux domaniers, sous les titres de baux à convenant ou domaine congéable, et de baillées ou renouvellement d’iceux, continueront d’être exécutés entre les parties qui ont contracté sous celte forme, leurs représentants ou ayants cause, mais seulement sous les modifications et conditions ci-après exprimées ; et ce, nonobstant les use-menl8 deRohan, Cornouailles, Brouerec,Tréguier et Gouëllo, et tous autres qui seraient contraires aux règles ci-après exprimées, lesquels usements sont à cet effet et demeurent abolis à compter du jour de la publication du présent décret. « Art. 2. Aucun propriétaire foncier ne pourra, sous prétexte des usements dans l’étendue desquels les fonds sont situés, ni même sous prétexte d’aucune stipulation, insérée au bail à convenant ou dans la baillée, exiger du domanier les droits et prérogatives ci-après exprimés, et déjà supprimés expressément ou implicitement, comme dérivant de la féodalité et de la justice, savoir : le droit de suite à sa ci-devant justice ou juridiction ; celui de suite à son moulin; l’obligation par le domanier de faire la recette du rôle de ses cens et rentes, et le droit de déshérence ou échule. « Art. 3. Pourront les domaniers, nonobstant tous usements ou stipulations contraires, aliéner les édifices et superficies de leurs tenues pendant la durée du bail, sans le consentement du propriétaire foncier, et sans être sujets aux lots et ventes; et leurs héritiers pourront diviser entre eux lesdits édifices et superfices,sans le consentement du propriétaire foncier, sans préjudice de la solidarité de la redevance, ou des redevances dont lesdites teuues sont chargées. « Art. 4. Le propriétaire foncier ne pourra exiger du domanier aucuns des services d’hommes, voilures, chevaux ou bêtes de somme qui n’auront fioint été expressément stipulés et détaillés dans e bail ou la baillée, et qui n'auraient été exigés qu’en vertu des usements ou d’une clause de soumission à iceux. Lesdits services qui auront été expressément stipulés ne pourront être exigés qu'en nature, et ne s’arrérageront point. « Art. 5. Pourront néanmoins les propriétaires fonciers, d’après les seuls usements, exiger les charrois ou services de hôtes de somme nécessaires pour le trausport des grains provenant des redevances coQvenancières dues par les domauiers. « Art. 6. Ne poarront les domaniers exercer contre les propriétaires fonciers aucune action en restitution, à raison des droits ci-dessus supprimés pour l’avenir, qui auront été payés ou servis; mais toute action ou procès actuellement subsistant, et non terminé par un jugement en dernier ressort, pour raison desdits droits non payés ou servis, est éteint et les parties ne pourront les faire juger que pour la question des dépens faits antérieurement à la publication du présent décret. <* Art. 7. Les propriétaires fonciers et les domaniers, en tout ce qui concerne leurs droits respectifs sur la distinction du fonds et des édifices et superlices, des arbres dont le domanier doit avoir la propriété ou le simple émondage, des objets doDt le remboursement doit être fait au do-manier lors de sa sortie ; comme aussi en ce qui concerne les termes des payements des redevances convenanciêres, la faculté de la part du domanier de bâtir de nouveau ou échanger les bâtiments existants; se régleront d’après les stipulations portées aux baux ou baillées, et, à défaut de stipulation, d’après les usements anciens auxquels les parties se sont soumises, ou dans l’étendue desquels Ie3 fonds seront situés. « Art. 8. Au cas où le bail ou la baillée et les usements ne contiendraient aucun règlement sur les châtaigniers et noyers, Iesdit3 arbres seront réputés fruitiers, à l'exception néanmoins de ceux desdits arbres qui seraient plantés en avenues, masses ou bosquets, et ce nonobstant toute jurisprudence à ce contraire. « Art. 9. Dans toutes les successions directes ou collatérales qui écherront à l’avenir, les édifices et superlices des domaniers seront partagés comme immeubles, selon les règles prescrites par la coutume générale de Bretagne et par les décrets déjà promulgués, ou qui pourront l’être par la suite comme lois générales pour tout le royaume. « Art. 10. Pour éviter toule contestation, et nonobstant le décret du premier décembre dernier, auquel il est dérogé quant à ce, pour ce regard seulement, et sans tirer à conséquence pour l’avenir, les domaniers profiteront, pendant la durée des baillées actuelles, de l’exemption de la dime; mais ils supporteront la totalité des impositions foncières, et ils retiendront au foncier, sur la redevance convenancière, une partie de cet impôt proportionnellement à ladite redevance. c Art. 11. A l’expiration des baux ou des baillées actuellement existants, il sera libre aux domaniers qui exploitent eux-mêmes leurs tenues, de se retirer et d'exiger le remboursement de leurs édifices et superfices , pourvu néanmoins que les baux ou baillées aient encore 2 années complètes à courir, à compter de laSaint-Michel, 29 septembre 1791. Dans le cas où les baux ou baillées seraient d’une moindre durée, le domanier ne pourra se retirer avant l’expiration desdites 2 années, à compter de la Saint-Michel 1791, sans le consentement du propriétaire foncier, et réciproquement le propriétaire foncier ne pourra congédier le domanier, sans le consentement de celui-ci, qu’après l’expiration du délai fixé par le présent article. « Les colons qui foDt actuellement exploiter les tenues par des sous-fermiers pourront être congédiés, ou se retirer, et exiger le remboursement de leurs édifices ou superlices, à l’échéance du bail ou de la baillée subsistante, à quelque époque qu’elle arrive. 726 [AuemLIéa atUottle | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 nui 1791. J • Les domaniers dont les bouz sont expirés, et qui jouissent par tacite reconduction, ne pourront être congédiés ni se retirer qu'après 4 années complètes échues à compter de la Saint-Michel 1791 . • Art. 12. L< s propriétaires fonciers qui justifieront par actes authentiques, antérieurs au premier mars de la présente année, ou ayant date certaine avant cette époque, avoir concédé à de nouveaux domaniers les tenues, par entrer en jouissance avant l’expiration des délais accordés par l’article précédent, pourront nonobstant les -dispositions dudit article, congédier les domaniers dont les baux ou baillées seront liais avant l’expiration desdits délais. * Art. 13. A l’expiration des baux ou baillées actuellement existants aux époques ci-dessus fixées, il sera libre à l’avenir aux parties, et sous les seules restrictions ci-après exprimées, de faire des concessions à titre de bail à convenant, sous telles conditions qu’elles jugeront à propos, soit sur la durée desdits baux, soit sur la nature et Siuotité des redevances et prestations, soit sur la acuité du domanier de construire de nouveaux bâtiments ou de changer les anciens, soit sur les clôtures ou défrichements, soit sur la propriété ou jouissance des arbres, soit sur la faculté de prendre, par le domanier, des arbres, de la terre ou du sable pour réparer les bâtiments; et les conventions aes parties, textuellement exprimées, seront à l’avenir la seule règle qui déterminera leurs droits respectifs. « Art. 14. Tout bail à convenant ou baillée de renouvellement seront désormais rédigés par écrit. Si néanmoins le propriétaire foncier avait laissé continuer au domanier ia jouissance après le terme du bail ou de la baillée expiré, ou si le domanier avait conservé cette jouissance faute de remboursement, le bail ou la baillée seront réputés continués par tacite reconduction, pour 2 ou 3 années, selon que l’usage du pays sera de régler l’exploitation des terres par 2 ou 3 années. « Art. 15. Ne pourra pareillement le propriétaire foncier, sous prétexte de la liberté des conventions portée en l’article 13, stipuler en sa faveur aucuns des droits supprimés par les articles 2 et 3. « Art. 16. Seront au surplus les conventions, que le3 parties auront faites, subordonnées aux lois générales du royaume, établies ou à établir, our l’intérêt de l’agriculture, relativement aux aux à ferme, eu ce qui sera applicable au bail à convenant. « Art. 17. Après l’expiration des baux ou des baillées actuellement existants, et lorsqu’il s’agira de procéder au remboursement des édifices et superfices, il sera procédé au prisage à l'amiable entre les parties, ou à dire d’experts convenus, ou nommes d’office parle juge de paix du canton dans le ressort duquel les tenues seront situées, sauf aux parties, en cas de contestation sur l’estimation, à sc pourvoir devant le tribunal des districts. « Il en sera usé de même pour les baux à convenant qui pourraient être passés à l’avenir, lorsque, d’après les conventions des parties, il y aura lieu à un remboursement et à une estimation. « Art. 18. Les frais de la nomination d'experts, de leur prestation de serment, du prisage et de l’affirmation, seront supportés, à l’égard des baux actuellement existants, par le propriétaire foncier; et pour les baux qui seront faits à l’avenir, ils seront payés par ceux que les conventions en chargeront. « Les frais de la revue seront supportés par celui qui la demandera. « Art. 19. Tous les objets qui doivent entrer en estimation seront estimes, suivant leur vraie valeur, à l’époque de l’estimation qui en sera faite, à l’expiration des baux subsistants, ou des délais ci-dessus fixés. Les propriétaires fonciers seront tenus de rembourser aux domaniers tous lesdits objets, même les labours et engrais, sur le pie 1 de l’estimation. Après ledit remboursement effectué, les domaniers ne pourront, sous aucun prétexte, s’immiscer dans l’exploitation et jouissance des tenues dont ils auront été congédiés. « Le3 estimations qui pourront avoir lieu en exécution des baux à venir seront faites conformément aux conventions des parties. * Art. 20. S’il s’élève des questions sur la nature des objets qui doivent entrer dans l’estimation des édifices et superfices, et des améliorations à rembourser au domanier, elles se régleront, pour les baux actuellement existant-», et pour les tenues dont les domaniers jouissent par tacite reconduction, d’après les divers usements anciens ; pour les baux qui seront faits à l’avenir, d’après les conventions des parties. « Art. 21. Le domanier ne pourra être expulsé que préalablement il n’ait été remboursé, et à cet effet le prisage sera toujours demandé 3 mois auparavant l’expiration de la jouissance et fini dans ce délai. * Art. 22. A quelque époque qu’ait commencé la jouissance des domaniers qui exploitent actuellement les tenues, soit en vertu de baux ou baillées subsistants, soit par l’effet de la tacite reconduction, le congément ne pourra être réciproquement exercé à d'autre époque de l’année qu’à celle de la Saint-Michel (29 septembre). Si l’exploitation du domanier avait commencé à un autre terme, il sera tenu de payer au propriétaire foncier la redevance convenancière, au prorata du temps dont il aura joui de plus. « Art. 23. A défaut de remboursement effectif de la somme portée en l’estimation, le domanier pourra, sur un simple commandement fait à la personne ou au domicile du propriétaire foncier, faire vendre, après trois publications de huitaine en huitaine, et sur enchères, en l’auditoire du tribunal du district, les édifices et superfices et subsidiairement en cas d’insuffisance, le Fonds. « Si le prix de la vente des édifices, superfices et du fonds ne suffit pas pour le remboursement du domanier, il pourra se pourvoir par les voies de droits pour le payement du surplus. « Art. 24. A défaut de payement, delà part du domanier, des prestations et redevances par lui dues à leur échéance, le propriétaire foncier pourra, en vertu de son titre, et sans jugement préalable, faire saisir les meubles, grains et denrées appartenant au domanier. 11 pourra même faire vendre lesdits meubles, et, en cas d’insuffisance, lesdits édifices et superfices, après néanmoins avoir obtenu contre le domanier un jugement de condamnation ou de résiliation du bail. « Art. 25. La vente des meubles du domanier ne pourra être faite qu’en observant les formalités prescrites par l’ordonnance de 1667, et sous les exceptions y portées, A l’égard des édifices et superfices, ils seront vendus sur trois publications en l’auditoire du tribunal du district du ressort. < Art. 26. En cas d’insuffisance des meubles, des édifices et superfices vendus, le propriétaire foncier pourra se pourvoir par les voies de droit pour ce qui lui restera dû. »