554 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { %™sfera Art. 1er. « Les armées de la Moselle et du Rhin, la oison et les citoyens de Landau ont bien mérité de la patrie. Art. 2. « Les représentants du peuple envoyés près les années de la Moselle et du Rhin sont chargés de recueillir les traits de courage et de bravoure gui ont signalé oette victoire, et de les transmettre incessamment à la Convention nationale. Art. 3. « Ils sont autorisés à décerner les récompenses civiques, au nom de la République, aux braves républicains qui se sont distingués dans cette campagne par des actions éclatantes. Art. 4. « Les représentants du peuple sont chargés de taire, sans délai, le tableau des pertes qu’ont essayées les patriotes, soit dans le bombarde¬ ment de Landau, soit par l’entrée des brigands royalistes fie l’Autriche et de la Prusse sur le ter¬ ritoire de la République. Art. 5, « Rs enverront à la Convention le nom du citoyen de Landau qui a vu brûler sa maison sans abandonner son poste à l’arsenal, ainsi que le nom du soldat qui a coupé la tête du canonnier prussien, et s’est emparé dn canon. Art. 6. « Le présent décret sera envoyé par des cour¬ riers extraordinaires dans les départements et aux armées de la République (1). » Suit le texte du rapport de Barère d’après le document imprimé par ordre de la Convention (2). Rapport sur les succès des armées de la Moselle et du Rhin, paît au nom du comité de Salut public, a la Conven¬ tion NATIONALE, PAR BARÈRE, DANS LA SÉANCE DU 12 NIVOSE L’AN II DE LA RÉPU¬ BLIQUE. (Imprimé par ordre de la Convention nationale.) Le cri de la victoire a retenti des bords du Yar aux bords du Rhin : c’est de Landau que (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 213 à 217. (2) Bibliothèque nationale, 22 pages in -8° Le”, n° 636. Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l’Oise), t. IV, n° 20. D’après le premier Bulletin de Ja Convention du 12 nivôse an II, le rapport de Barère aurait été précédé de la lecture d’une lettre du citoyen’ Chasseloup, adjudant général du général Hoche, annonçant la prise de Landau. Voici, en quels terme s s’exprime le Bulletin : Le citoyen Bcli-er annonce de nouveaux succès de l’armée du Rhin. Il a fait lecture d’une lettre datée du 9 nivôse : « Victoire, mes amisi Landau est libre, après deux jours de combats opiniâtres, les 2 et 6 courant. L’ennemi fuit précipitamment. Vive la République et le pas de charge ! « Signé : Chasseloup, adjudant général du général Hoche. » le général Hoche vient de dater ses nouveaux succès; c’est à Landau que les représentants du peuple Saint-Just et Lebas sont entrés victorieux à la tête des colonnes républicaines. Ainsi les triomphes de la liberté paraissent à la fois aux portes de l’ Italie et de l’Allemagne; ainsi la République prend en même temps des forces au Nord et au Midi, comme elle s’af¬ fermit au «entre sur les ruines hideuses de la Vendée. Il n’y a qu’un jour, à cette tribune, nous faisions connaître au Nord les victoires du Midi; maintenant, nous allons apprendre aux défenseurs des Pyrénées les victoires de la Moselle et du Rhin; c’est à eux de s’en rendre dignes. Encore Mer, nous en recevions l’heu¬ reux présage dans le récit de l’adjudant géné¬ ral arrivé de la Moselle. Dans la nuit du 5 au 6 nivôse, nous a-t-il dit, la nouvelle de la prise de Toulon a été annoncée à l’armée du Rhin et de la Moselle ; c’était au milieu de la nuit. La. droite de l’ar¬ mée de la Moselle était campée marchant sur Lauterbourg, le centre sur les hauteurs de Hansparck, la gauche de l’armée du RMn sur les hauteurs en deçà de Risfeldz, la droite de l’armée de la Moselle touchant à la gauche de l’armée du Rhin, et campée sur les hauteurs en face de Doth, où était campé l’ennemi. Une voix réveille le camp, et crie : Toulon est pris; l’Espagnol et l’Anglais fuient comme des lâches. Aussitôt les soldats se sont écriés : Vive la �République! Puisque nas frères sont entrés à Toulon, nous voulons aller à Landau. Et ils partirent, et Landau n’a plus vu d’en¬ nemis à' ses portes. Incroyable concert, étrange circulation de victoires qui s’est établie entre les armées de la République, au milieu des glaces et des fri¬ mas, au cœur même de l’hiver ! Non : la liberté outragée ne connaît ni climats ni saisons; elle ne compte pas ses ennemis, elle ne sait que les vaincre. Les Autrichiens ont été complètement battus; les Prussiens ont essuyé la plus grande déroute, et exécuté sur les bords du Rhin une fuite aussi belle, aussi honorable que celle des Espagnols et des Anglais sur la Méditerranée. Elles étaient si célèbres, les troupes formées par Frédéric à la victoire, conduites si bonne¬ ment par Guillaume sur nos frontières, et prodiguées si insolemment par Brunswick ! et cependant des bataillons à peiue exercés les ont battues. Elles étaient si fortement taeticiennes les armées de Prusse ! elles étaient si aguerries les troupes autrichiennes 1 et cependant ce qu’elles appelaient des carmagnoles, les ont mises en déroute, et les ont chassées de la Répu¬ blique, comme des hordes de brigands et des bandes de voleurs. Qu’ils apprennent donc à connaître la valeur des hommes libres, à l’avenir, et les résolutions d’un grand peuple, dont les mouvements dans les armées prennent, dans chaque partie des frontières, comme dans l’intérieur, le carac¬ tère qui leur appartient. Voüà la véritable tactique. Au centre, une guerre d’extermination contre les instruments des guerres civiles; sur la fron¬ tière septentrionale, un courage froid et im¬ perturbable; dans les légions méridionales, une exaltation de courage qui ne connaît ni bornes, ni obstacles. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I 12 nivôse an M 5y5 1 1 ) 1"' janvier \ ;94 La victoire de Toulon est l’effet de l’enthou¬ siasme du courage. La victoire de Landau est l’effet de la cons¬ tance et de l’intrépidité la plus soutenue. A Toulon, le climat dédommageait les soldats, adoucissant les fatigues de la guerre d’hiver. A Landau, c’est au milieu des neiges, c’est sur les glaces du Nord que la chaleur du com¬ bat se déployait. Dans le midi, la victoire, assimilée aux pro¬ ductions du climat, a frappé l’Espagnol et l’An-g'ais comme la foudre frappe les palais inutiles et superbes. Dans le nord, la victoire assimilée aux élabo¬ rations lentes, mais vigoureuses, de la nature, n’a ouvert son sein qu’au travail constant des troupes, à leur patience infatigable, à leur courage républicain. On dit que les Français n’ont que le mo¬ ment de l’impétuosité. Les historiens de la monarchie, après quelques écrivains d’Italie, appelaient notre courage, la furia francese. 'Que les historiens de la République prennent ■donc leur burin et qu’ils gravent pour la pos¬ térité les traits de courage et de constance qui, pendant un mois et demi, ont signalé la reprise de la frontière du Rhin, la chasse des hommes qui ont la réputation la plus belliqueuse de l’Europe, et qu’ils disent que le Français répu¬ blicain est capable et doué de cette grande persévérance militaire qui semblait être l’apa¬ nage exclusif des automates prussiens. Les armées du Midi mettent, s’il est permis de parler ainsi, de la poésie dans leur triomphe; les armées du Nord surpassent l’art des géné¬ raux et s’élèvent au-dessus de toutes les tac¬ tiques. L’armée devant Toulon a frappé un grand ■coup : elle a subitement vaincu : les armées de la Moselle et du Rhin se sont constituées en victoire permanente. Elles sont à Landau; elles poursuivent l’en¬ nemi; elles prennent son artillerie, ses muni¬ tions et ses vivres. Les lâches ! ils voulaient nous donner des lois, et ils ne savent que fuir; et ils oublient même qu’ils furent militaires. En marchant vers Landau, on voulait dis¬ tribuer du pain aux bataillons : « Nous rien voulons, s’écrièrent-ils, que lorsque nous serons arrivés à Landau. » En entrant dans la ville, on a remarqué de l’ordre, de la discipline : pas un homme qu’on puisse accuser de désordre ou de pillage. Un canonnier prussien allait mettre le feu à une pièce de 17; un républicain l’aperçoit, ■court au canonnier, lui tranche la tête, et s’em¬ pare de la pièce. Voilà du sang républicain ■épargné, et un acte de bravoure qui honore le •3e régiment de hussards, dont le colonel Bou-chotte, ministre de la guerre, avait républica-nisé les moeurs et le oourage. Londres et Madrid ont dû calculer hier le résultat de la prise de Toulon; c’est aux cours de Vienne et de Berlin à sentir aujourd’hui les effets du débloquement de Landau. L’influence de ce nouveau succès doit frapper les petits princes d’Allemagne et les villes à contingent, comme la prise de Toulon a frappé les petits princes d’Italie et ses diverses Répu-biques. C’est une commotion militaire et poli¬ tique qui doit se faire sentir aux deux bouts de l’Europe. Il était temps que le ressort de la République, trop longtemps comprimé par les trahisons des généraux et de l’état-major, par le fédéra¬ lisme administratif et législatif, par le parti audacieux de l’étranger, par le faux patrio¬ tisme, par un fanatisme usurpateur des cou¬ leurs de la liberté, par l’intolérance même de l’athéisme, et par les excès d’une philantropie diplomatique; il était temps que ce ressort reprît son élasticité première, et aussitôt vous l’avez vu, dans la saison même consacrée au repos, renversant à la fois les armées des tyrans coalisés, exterminant la Vendée, punissant les traîtres, abattant les fédéralistes, profitant même des excès du fanatisme prétendu philo¬ sophique, reprenant ses cités, reconquérant ses frontières, punissant tous les rebelles, éta¬ blissant un gouvernement provisoire, un gou¬ vernement nouveau dans l’histoire des peuples et des révolutions, le gouvernement des tem¬ pêtes politiques. Asseyons ce gouvernement sur les ruines de la Vendée, sur les débris du fédéralisme, et sur les victoires remportées par les armées de la République. Voici les lettres. « Landau, le 9 nivôse. (c Je profite du courrier pour te dire un seul mot : nous nous battons, mais le temps est couvert de neige. « Je t’écrirai demain. « Signé : Hoche. » « Landau, le 8 nivôse, 3 heures après-midi. « Gloire soit rendue à la République fran¬ çaise ! « Les représentants du peuple, Signé : M. A. Baudot, Saint-Just, J.-B. La¬ coste, Lebas, G.-F. Dentzec. » . « Landau, le 8 nivôse à midi. « Citoyen ministre, (ÇJe m’empresse de t’annoncer que Landau est 7 débloqué; j’y suis depuis une heure : le général Hoche te donnera des détails. « Salut et fraternité. « Signé : Pichegru. » Pour copie conforme : Signé : Bouchoite. Le ministre de la guerre aux représentants du peuple, membres du comité de Salut public. « Paris, le 12 nivôse, l’an II de la Répu¬ blique française une et indivisible. « Je vous envoie, citoyens, copie de la lettre de Pichegru. Elle est datée du 8, de Landau, où il est entré le premier. Il commandait l’armée du Rhin le 6, lorsqu’elle a emporté Lauter-bourg et les 1.6 pièces de canon. 11 commandait la totalité à la j ournée dite de Werth ; le 2, il s’est transporté lui-même dans ce point. Là, toutes les opérations peuvent se regarder comme indi¬ vises. L’une et l’autre armée a des droits à la reconnaissance publique. Il est de mon devoir 5 56 [Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. > V' nivisc a d’appeler votre attention sur la vertu et le répu¬ blicanisme de Pickegru, parlant si peu de ce qu’il fait, lorsqu’il a cependant fait beaucoup de bien. L’on a pas assez considéré la situation où il a pris le commandement de l’armée du Rhin; inférieure en nombre, détraquée en grande par¬ tie, l’esprit public détendu, et dans un pays où la révolution avait bien des ennemis, sa constance et son courage au milieu de ces embarras, est une chose bien remarquable. Il a fallu tout rétablir, défendre les gorges de Saverne; l’on a livré mille petits combats en attendant les renforts de l’armée de la Moselle, qui ont permis d’en entreprendre de plus sérieux. Si vous voulez faire entrer l’aide de camp de Pichegru, il vous donnera des détails qui ne pourront que vous satisfaire. Maurice, chef de brigade du vingt-deuxième de l’Avey¬ ron, et Legros, chef de bataillon de Seine-et-Mame, arrivent de Landau avec des dépêches; ils demandent aussi d’être entendus : je vous prie de vouloir bien les admettre. « Signé : Bouchotte. » « Landau, le 28 décembre 1793, l’an II de la République française une et indi¬ visible, 1er de la Constitution populaire, la première heure du déblocus. « Victoire! vive la République! « O mes amis, mes chers collègues, régéné¬ rateurs de la postérité entière, la patrie est sauvée encore une fois. Vive la République et la sans-culotterie ! Landau est débloqué; nous sommes libres, notre esclavage est fini; nos frères, nos sauveurs sont ici, quelle ivresse règne ici ! Je suis saisi, ô mon pays ! tu es sauvé ! j’ai sauvé avec mes frères d’armes cette place si importante de la République. « Nous avons bravé le bombardement et les vaines menaces de ces audacieux tyrans coalisés : les porteurs vous en apprendront davantage. J’attends vos ordres pour voler dans vos bras, pour vous apprendre le bonheur des Français et la défaite totale des tyrans. « Le représentant du peuple près l’armée du Rhin, à poste fixe, à Landau. « Signé : G. F. Dentzee. » a Landau, le 9 nivôse, l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. Citoyen ministre, « Vive la République ! Les amis de la liberté, nos braves frères d’armes, viennent de rem¬ porter une victoire complète sur les despotes coalisés contre nous; partout ils ont été repous¬ sés. Hier à midi, nous avons eu la douce jouis¬ sance d’embrasser nos frères d’armes de Lan¬ dau et de les rendre à la libersé. Qu’il serait difficile de te donner une idée du courage et de l’intrépidité avec laquelle les défenseurs de la République se sont montrés dans la journée du 6 nivôse ! Dans le moment où je t’écris, citoyen ministre, les troupes de la Répu¬ blique sont à la poursuite de l’ennemi qui fuit de toutes parts, en nous abandonnant des magasins de toute espèce, et des positions où une poignée de républicains résisteraient à une armée entière d’esclaves. * La terreur est si forte chez l’armée ennemie, quelle ne s’opposera pas à ce que nous nous rendions maîtres du Palatinat. Kiermeczeul-zemen est tout à l’heure à nous; c’est à un prochain courrier que je remets à t’apprendre cette bonne nouvelle. Tu as été sûrement informé que le citoyen Hoche, général de l’armée de la Moselle, a été nommé général en chef des deux armées par les représentants du peuple Baudot et Lacoste; tu reconnaîtras à ses opérations s’il s’est rendu digne de la confiance nationale. a Le 3e régiment de hussards a combattu et a chargé l’ennemi avec son impétuosité ordinaire. Un d’entre eux se détacha des rangs, fondit sur un canonnier qui était prêt à mettre le feu à une pièce de 17, lui coupa la tête et se rendit maître de la pièce. Les représentants du peuple vont s’occuper à connaître l’esprit qui règne dans cette ville, et à sévir contre les traîtres. a Salut et fraternité. a Signé : Moukgoin. » a A Bâle, le 7 nivôse, l’an II de la Répu¬ blique. a Citoyen ministre, a La République française va s’élever rapide¬ ment à la hauteur de sa brillante destinée : les satellites des despotes, pressés sur tous les points, abandonnent en grande hâte le dépar¬ tement du Bas-Rhin, et leur fuite honteuse met la terreur et l’épouvante à l’ordre du jour dans le Brisgaw et sur les rives du Danube. La nou¬ velle de la prise de Toulon, et surtout les grands moyens que le comité de Salut public déploie, font l’étonnement de l’étranger stupide et la consternation des malveillants. Ce coup de foudre a terrassé les émigrés. Ils sont errants par les chemins et les bois; et les calotins fugi¬ tifs, le sac sur le dos, font retentir les airs de leurs blasphèmes contre un Dieu démocrate et vengeur, qui abandonne leur cause et frappe sur cette horde fanatique, au point qu’elle va devenir l’exécration du genre humain et être marquée du sceau de la proscription et de la malédiction éternelles. a On entend dire partout, citoyen ministre : « A quoi servent la plus grande partie des b troupes françaises dans le département du a Mont-Blanc, les garnisons de Besançon et les « troupes qui sont dans le département du a Doubs! Pourquoi ne réunissons-nous pas a toutes ces forces sur le Haut-Rhin! » Le brave général Scherer est aussi instruit qu’en¬ treprenant, il a un excellent état-major; et je te réponds, citoyen ministre, que si le comité de Salut public veut frapper un grand coup, la dernière heure de l’imbécile enfileur de gre¬ nouilles, qui se trouve assis sur le trône des Césars, a sonné; le peuple, toujours supersti¬ tieux, regarde la fin de l’année et le commence¬ ment de celle où les Germains vont entrer, mar¬ qués par de si grands événements, comme d’un sinistre augure, et les prêtres qui veulent ras¬ surer les paysans y perdent leur latin. a Nous avons annoncé formellement aux Au¬ trichiens que nous allions passer le Rhin; et si le comité de Salut public peut faire passer 10,000 hommes d’infanterie et 1,000 hommes de cavalerie, ce passage se fera en plein jour, sous Huningue, par billets d’invitation qu’on enverra aux Autrichiens, comme pour assister à [Convention nationalc.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. V rllvuse a" ”, 557 J !■' îanvier 1794 un bal que la République française donnera pour leur faire danser la carmagnole. « Signé : Bâcher, premier secrétaire interprète de la 'République française en Suisse. » Citoyens, voilà le résultat, du courage des armées; voilà le prix de vos travaux : le fort Vauban est bloqué, la tyrannie ne le déshono¬ rera pas longtemps. Mais faisons sortir de ces faits glorieux une pensée courageuse pour le législateur, un coup de foudre pour les intrigants de l’intérieur et un tableau consolateur pour la République. Quello nomenclature de succès le comité de Salut publie a-t-il à vous présenter? Que la Con¬ vention, pour tenir facilement les rênes du pou¬ voir national, dont elle s’ést enfin ressaisie, n’éloigne jamais ses regards du recensement de ses travaux et du tableau de ses succès : Lyon royaliste, rebelle, punie de ses crimes; Toulon vénale, anglo-espagnole, mais frappée de la foudre nationale; Dunkerque entourée de séduction, mais con¬ servée victorieuse à la République; Maubeuge cernée par l’Autriche et circonve¬ nue par des trahisons, maintenue fidèle à la France ; La frontière suisse, la plus importante à pré¬ server, maintenue dans l’amitié de voisins libres et fidèles; L’armée d’Italie, peuplée de héros, défendant les frontières nouvelles de la République avec un courage inverse, du nombre de ses soldats, maintenant Gênes dans sa neutralité et l’ar¬ mant de vengeance contre les Anglais par sa belle conduite. Je n’ai rien dit de la Vendée, et c’est là que sont nos plus énormes, nos plus pénibles succès. Mortagne, Cholet, Fontenay voient nos troupes victorieuses. Ensuite, Granville arrête les brigands de la Vendée, et le brigand anglais qu’ils attendaient. L’affaire de Granville a été trop peu célébrée, c’est une des plus impor¬ tantes. Faut-il passer sous silence les victoires du Mans, d’Angers, de Savenay, de Nantes et des deux bords de la Loire? C’est là que l’An¬ gleterre et son infâme duc d’York ont vu leur trône s’engloutir. Que reste-t-il à faire à la République? D’abord, affranchir les Pyrénées, qui ont oublié les victoires de Roncevaux et le siège de Bar¬ celone. Ensuite chasser le discret Cobourg de Valen¬ ciennes, de Condé et du Quesnoy, et lui donner encore une leçon belgique. Enfin, frapper et punir Londres, cette cité orgueilleuse, banquière, marchande, ministé¬ rielle et royale, qui dévore le monde, tyrannise les mers, opprime l’Europe et avilit la morale des peuples. Tel est le tableau sommaire que nous a ins¬ piré le nouveau succès de Landau. Qu’il est doux pour la Convention de n’avoir que des palmes civiques à décerner aux armées ! Vous allez donc décréter que les armées de la Moselle et du Rhin ont bien mérité de la patrie, et que des récompenses nationales seront données aux vainqueurs de la Prusse et de l’Autriche. Les récompenses nationales pour des triomphes signalés, voilà ce qui forme les vertus républi¬ caines, qui raffermit la discipline sans lois pé¬ nales, qui forme l’éducation guerrière de la jeu¬ nesse sans écoles primaires. C’est ce rapport bienf aisant qui lie les const1 tutions civiles et les constitutions politiques, et qui élève une nation à la fois dans le sénat et dans les camps. C’est surtout sur la garnison de Landau que le comité a cru devoir appeler vos regards. En¬ clavée dans le pays ennemi, abandonnée presque à elle-même depuis plus de quatre mois, igno¬ rant ce que la valeur française méditait pour sa délivrance; imaginez combien de constance elle a dû avoir, de quel courage elle a dû s’armer tous les jours. Elle paraît avoir résisté à tous les genres de corruption, l’ennemi a voulu, à force de sollicitations, l’engager à méconnaître le général qui la commande, et à nommer un chef qui lui fût dévoué : entendez la réponse du commandant et de la garnison aux généraux prussiens et autrichiens, elle est digne, dans quelques parties, d’être entendue par des répu¬ blicains. Lettre du prince Hohenlohe au général comman¬ dant de ville et forteresse de Landau, en date du 14 décembre 1793. « Mon général, ayant servi la France et ayant été en garnison à Landau, j’ai toujours conservé un grand attachement pour cette ville, ce qui me fait enVisager avec beaucoup de peine les malheurs auxquels vous vous exposez par une résistance plus longue et inutile. Car il n’y a pas un homme parmi vous qui ne sente l’impossibi¬ lité de conduire des canons et des troupes par des chemins devenus impraticables depuis le mauvais temps, quand même il n’y aurait pas deux armées qui gardent à une grande distance de vous les défilés qui nous séparent. Je vous invite en conséquence, mon général, à envoyer des personnes dignes de votre confiance pour traiter avec notre général qui, loin de vouloir troubler ou détruire vos propriétés, ne cherche qu’à vous en assurer la jouissance paisible et procurer le rétablissement de l’ordre, sans lequel il ne peut exister de bonheur et de véritable liberté. Vous savez comme moi, mon général, que l’époque à laquelle on fait une capitulation influe nécessairement sur les conditions que les habitants et la garnison peuvent espérer. « Reconnaissez, je vons prie, mon général, à cette ouverture la franchise et le loyauté d’un militaire qui ne sait point masquer la vérité, qui a fait ses premières armes dans votre patrie, dont il reçut des marques de considération et d’estime. Il n’en a point perdu le souvenir, et il sera toujours aussi flatté qu’empressé de profiter de toutes les occasions de vous donner des preuves des sentiments que vous lui avez ins¬ pirés et avec lesquels j’ai l’honneur d’être, mon général, « Votre très humble et très obéissant servi¬ teur, « Le prince de Hohenlohe. « Walsheim, ce 14 décembre 1793. » Réponse faite le 15 décembre 1793, l’an II de la République, par le général Laubadère, com¬ mandant en chef à Landau, à la lettre à lui adressée par le prince Hohenlohe, le 14 du même mois. « Monsieur le général, mon aide de camp ne m’a pas laissé ignorer le dernier entretien qu’il 558 [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAMES, j 1* nivôso an n I l'r janvier 1794 eut l’honneur d’avoir avec vous; il lui parut que vous consentiriez à donner un passeport à une personne digne de ma confiance pour aller jusque dans votre armée. J’ai cru devoir d’au¬ tant moins accepter cette offre que, d’après le rapport même d’un de vos déserteurs, je me suis convaincu que je ne m’étais point trompé sur le motif qui l’a déterminé, ce qui, en me le fai¬ sant rejeter, m’a dispensé de vous en témoigner ma reconnaissance. Je me suis d’autant plus applaudi de n’en avoir pas profité, que tous nos frères d’armes ont eu à l’unanimité la même opinion que moi, d’ailleurs, des nouvelles plus promptes nous transmettent depuis quelques jours les succès de nos armes. « Dès que vous avez fait vos premières armées en France, et que vous avez été en garnison à Landau, vous devez avoir conservé du Français et de cette place cette opinion qui justifie du reste notre longue résistance; parmi les braves défenseurs de cette forteresse, ü n’en est pas un qui ne soit convaincu de la possibilité de con¬ duire des troupes et des canons partout où les intérêts de la République les appellent. Vous avez, comme nous, la faculté d’entendre le bruit de cette dernière arme ; il ne laisse aucun doute sur nos conjectures, ni sur les intervalles qui nous séparent de nos armées; cette dernière cir¬ constance, je vous l’avoue, monsieur le général, redouble mon étonnement sur le renouvellement d’une demande aussi hors de propos qu’inutile, quand bien même la certitude du rapprochement de nos frères d’armes n’existerait pas. « Ne vous abusez pas, monsieur le général, sur le sort de la place de Landau, et croyez-en ma franchise et ma loyauté. Soyez donc certain qu’aux ressources d’énergie que vous avez dû lui trouver en son temps, elle en ajoute d’autres qui fournissent à ses braves défenseurs de puis¬ sants moyens de lasser votre persévérante, mais inutile ambition; la nôtre se borne à montrer à l’univers entier que nous étions dignes de la confiance nationale; elle a remis en nos mains ce dépôt si précieux ; notre résistance fait notre gloire; elle nous captive l’estime publique, même la vôtre. « Cessez donc, monsieur le général, de me parler de capitulation et de traité; il n’en existe aucun entre le devoir et le déshonneur. D’un œil serein et tranquille, je contemple les espérances trompeuses dont vous vous bercez; je défends la cause de l’humanité entière, vous défendez celle des rois. La mienne prépare le bonheur du globe, la vôtre en a toujours fait le tourment. Qui de nous deux a le plus de droit à des succès? « Si vous reçûtes jadis des marques de consi¬ dération et d’estime de ma patrie, aecordez-moi pour toute reconnaissance de ne jamais m’en¬ tretenir, dans vos correspondances, que d’après l’honneur dont vous faites profession et qui vous captive mon estime. « Il y a encore à Landau trois prisonniers prus¬ siens, que je n’ai pu vous renvoyer avec les quatre autres, parce qu’ils étaient alors très ma¬ lades à l’hôpital; mais aujourd’hui qu’ils se por¬ tent mieux, je vous propose de les échanger contre les trois Français qui sont dénommés dans l’état ci-joint; si vous jugez à propos de les faire venir, vous voudrez bien me prévenir de leur arrivée pour que l’échange puisse s’opérer. « Pour copie conforme à l’original : « J.-M. Laubadère, commandant en chef dans la place. » Copie de la lettre de M. le baron de Knobelsdorfr général en chef du corps prussien devant Lan¬ dau, aux soldats français de la garnison de cette place et du quartier général de Bechingen, le 13 décembre 1793. « Messieurs, S. A. le prince de Hohenlohe me communique dans l’instant la lettre qu’il reçoit du général Laubadère, avec la proposition d’échange de quelques prisonniers. Cette lettre est conçue dans des termes et contient des expressions si extraordinaires, si contraires aux bienséances et aux usages reçus entre des na¬ tions policées, que je ne puis supposer que la garnison de Landau l’ait approuvée; ainsi je me vois obligé, sans autre explication, de renoncer à toute correspondance avec le général. Mais comme cette conduite ne me paraît pas devoir influer sur les motifs qui nous ont fait consentir l’échange des prisonniers, vous voudrez bien faire choix de telles personnes que vous jugerez mériter votre confiance, auxquelles je puisse désormais m’adresser pour les échanges et autres relations indispensables, et m’en faire part; vous assurant d’ailleurs que je saurai toujours dis¬ tinguer les procédés d’un particulier, de ceux d’une garnison entière que je crois incapable de méconnaître les égards que l’honnêteté prescrit même entre des ennemis. « J’ai l’honneur d’être, etc. « Le baron de Knobelsdorf, général en chef du corps prussien devant Landau. « Au quartier général de Bechingen, le 18 dé¬ cembre 1793. » Copie de la lettre des soldats républicains français , défenseurs de Landau, à M. le baron de Kno¬ belsdorf. « Landau, le 19 décembre 1793, l’an II de la République française, une et indivi¬ sible, et le Ier de la Constitution popu¬ laire. « Monsieur le général, les soldats français com¬ posant la garnison de Landau ont trop de con¬ fiance dans le général Laubadère, leur chef, qui, de concert avec le représentant du peuple, n’a cessé de mériter leur estime, pour accorder à d’autres qu’à eux un emploi que leurs lois leur donnent. Pour leur patrie et pour la liberté, ils seront toujours prêts à sacrifier leurs intérêts les plus chers, et leurs chefs n’auront pas la dou¬ leur de n’être pas écoutés toutes les fois qu’ils leur parleront de lois, de patrie, de liberté et de gloire. « Cessez donc, monsieur le général, de vouloir entretenir avec les soldats défenseurs de Landau une correspondance qui ne doit ni ne peut avoir lieu, puisque, par les lumières dont leurs chefs se sont entourés, ils se sont mis à même de les faire applaudir à toutes les démarches qu’ils ont faites; il serait d’ailleurs trop désagréable pour eux de se voir obligés de renvoyer vos lettres sans y répondre; et cependant leur devoir les y obligerait, si vous continuiez à leur écrire. « Nous avons l’honneur d’être, monsieur le-général, « Les soldats républicains défenseurs de Landau,. « Signé : Schubert, au nom du 1er bataillon. 559 [Convention nationale.] ARCHIVES du 21e régiment d’infanterie; Basse, au nom du 2e bataillon du 21e régiment d’infanterie; Chevalier, au nom du 55e régiment d’infanterie; Dechaud, au nom du 2e bataillon de l’Ailier; Ville-neuve, au nom du 3e bataillon de la Corrèze; Perrin, pour le bataillon de la Haute-Saône; Champion, au nom du 2e bataillon des Côtes-du-Nord; Leroux, pour le bataillon de Seine-et-Marne; Erard, au nom du bataillon de la Mon¬ tagne; Dormet, au nom du 22e régiment de cavalerie; Chabrier, au nom de la gendarmerie nationale; J. -B. Lemonon, au nom des dragons du 16e régiment; et Cadet, au nom de l’artillerie. J’avais bien raison d’appeler vos regards sur la garnison et sur les citoyens de la ville de Landau : elle a résisté au bombardement avec une énergie qui mérite d’être écrite dans l’his¬ toire. Landau a reçu 25,000 bombes; il y a trois semaines que la garnison a vécu de chevaux et de chats. Elle a mangé du pain de seigle et de pois. Un pain de munition s’est vendu jusqu’à 143 livres, le sucre 80 livres la livre, une oie 100 livres. Ils nous racontaient ces faits ce matin, à leur arrivée, ces braves républicains que vous voyez à la barre : Vous êtes une garnison bien étonnante, leur dis-je. Bien étonnante, ont-ils répondu avec énergie, d’avoir fait notre devoir! j’ai cru devoir vous transmettre cette réponse; elle peint le soldat français. Mais Landau n’est pas la borne posée à nos succès; l’armée républicaine pour¬ suit les esclaves, elle est peut-être à Spire et à Guermesheim dans ce moment ; il faut enfin que Vienne et Berlin retentissent de nos victoires, en attendant que les cris du peuple allemand et prussien, massacré dans cette horrible guerre faite à la liberté, retentissent autour de ces trônes usurpateurs et accusent les tyrans pour les juger comme le dernier des Capets. Encore une réflexion inspirée par les circons¬ tances. La manie des rois, c’est la conquête; l’intérêt d’une grande République, c’est la con¬ servation. Les pays immenses unis au corps de l’empire augmentèrent le spectaele de la magni¬ ficence romaine. Mais l’expulsion des hordes étrangères, l’abat¬ tement des trônes, la conservation du territoire de la République française, voilà la vraie puis¬ sance : La République est, parce qu’elle existe. C’est à nous de raviver, de soutenir cet orgueil national, cet esprit conservateur des Répu¬ bliques qui veut établir la liberté sur notre grand territoire, la liberté dans toute sa lati¬ tude, et ne la donner aux autres peuples que par le spectacle de notre bonheur et du main¬ tien des Droits de l’homme et du citoyen. Je vais terminer ce rapport par un trait de géné¬ rosité républicaine. Pendant le bombardement, un citoyen de Landau ( I ) avait été requis pour éteindre le feu à l’arsenal : au moment même qu’il travaillait à l’éteindre, une bombe met le feu à sa maison; [on vient l’avertir; il répond sans se déranger de ses travaux : « Ma maison (1) C’est un garde-clocher nommé Georges-Jacques Klée, qui, selon la lettre des officiers municipaux de Landau, est demeuré à son poste et n’a pas même montré des regrets que l’intérêt sait rarement déguiser. CRLEMENTA1RES. j ja nivôse a» n n’est qu’une propriété particulière, je me dois tout entier à la République, et je ne quitterai pas mon poste; je dois défendre les propriétés de la nation. » Combien une telle réponse accuse les citadins, les propriétaires de Valenciennes et les égoïstes avares de nos cités. D’où sortent cependant ees exemples? Du peuple seul, des artisans, de ces hommes qui aiment la liberté, comme ils la défendent avec dévouement et pour elle-même. C’est aux représentants du peuple à récompen¬ ser cette belle action avec la monnaie de l’opi¬ nion, en attendant que la République indem¬ nise ce citoyen ainsi que tous ceux de Landau qui ont éprouvé des pertes dans cet horrible bombardement et dans les dévastations com¬ mises par les brigands royalistes du No.rd de l’Europe. Laissons à la royauté le fléau dos destructions et des bombardements. Ce n’est qu’à la Répu¬ blique de féconder et de construire. Les tyrans sont les torrents dévastateurs du monde; ils n’ont que des ruines, des tombeaux et des crimes à présenter à l’histoire. Les Républiques sont les rivières vivifiantes de la politique ; elles ue présentent que des campagnes fertiles, des cités prospères et des terres cultivées. Il n’appartient qu’à la liberté et à l’égalité de changer la face du monde et de rendre heureuse l’espèce humaine. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Salut publie, décrète : Art. 1er. « Les armées de la Moselle et du Rhin, la garnison et les citoyens de Landau ont bien mérité de la patrie. Art. 2. « Les représentants du peuple envoyés près les armées de la Moselle et du Rhin, sont char¬ gés de recueillir les traits de courage et de bravoure qui ont signalé cette victoire et de les transmettre incessamment à la Convention nationale. Art. 3. « Ils sont autorisés à décerner des récom¬ penses civiques, au nom de la République, aux braves républicains qui sè sont distingués dans cette campagne par des actions éclatantes. Art. 4. « Les représentants du peuple sont chargés do faire, sans délai, le tableau des pertes qu’ont essuyées les patriotes, soit dans le bombarde¬ ment de Landau, soit par l’entrée des brigands royalistes de l’Autriche et de la Prusse, sur le territoire de la République. Art. 5. « Ils enverront à la Convention le nom du citoyen de Landau qui a vu brûler sa maison sans abandonner son poste à l’arsenal, ainsi que le nom du soldat qui a coupé la tête du canon¬ nier prussien, et s’est emparé du canon. Art. 6. « Le présent décret sera envoyé par des