153 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1790.] M. Necker, qu’il vient de recevoir ; la lettre portant : « Monsieur le président, « Le roi m’a ordonné de vous adresser, pour en donner la première connaissance à l’Assemblée nationale, la proclamation de Sa Majesté, relative aux assignats décrétés par l’Assemblée. Je ne doute point que cette disposition, déterminée par le roi, ne soit agréable à l’Assemblée nationale. « J’ai l’honneur d’être avec respect, « Monsieur le président, votre très humble et très obéissant serviteur, « Signé : NECKER. « Ce 20 avril 1790. » L’Assemblée ayant manifesté son vœu d’entendre la lecture de la proclamation du roi, mentionnée dans la lettre de M. Necker, un de MM. les secrétaires fait lecture de ladite proclamation, dont la teneur suit : « Du 19 avril 1790. « Le roi vient de sanctionner le décret de l’Assemblée nationale pour la création et l’admission dans les paiements, d’une somme de 400 millions de billets nationaux, portant trois pourcent d’intérêt jusqu’à leur remboursement. Ces billets, indépendamment de l’hypothèque spéciale qui leur a été assurée, doivent être considérés comme la dette la plus sacrée de la nation : ainsi, quoique le décret revêtu de la sanction du roi, n’ait imposé et n’ait pu imposer que l’obligation de recevoir ces billets dans les paiements qui ont lieu d’un débiteur à un créancier, Sa Majesté invite tous les habitants du royaume à les recevoir de même sans aucune objection ni difficulté, dans tous les contrats et les marchés libres; de telle manière que, par l’effet d’une juste confiance, les billets nationaux soient estimés partout à l’égal du numéraire effectif. Un sentiment patriotique doit faire à tous les bons Français une loi de cette conduite; et dans un temps où tant de biens doivent dériver d’un pareil sentiment, Sa Majesté ne saurait douter que chacun ne s’y montre fidèle. 11 n’existera jamais d’occasion où l’on puisse manifester d’une manière plus réelle et plus utile, la puissance étendue d’une nation, lorsque les citoyens sont unis par l’honneur, la raison et la liberté. Le roi protégera dans tous les temps l’engagement solennel que les représentants de cette grande nation viennent de contracter pour la sûreté des assignats, auxquels ils ont donné le caractère de monnaie; ainsi, le roi en invitant ses sujets à favoriser de tout leur pouvoir le crédit et le cours de ces assignats, croit concilier parfaitement son inviolable attachement aux principes inaltérables de la justice, avec l’intérêt dont il sera constamment animé pour le rétablissement de l’ordre dans les finances, la facilité du commerce et la prospérité générale du royaume. A Paris, le dix-neuf avril mil sept cent quatre-vingt-dix. Signé : LOUIS. Et plus bas , par le roi : de Saint-Priest. » L’Assemblée ordonne que la lettre et la proclamation seraient transcrites dans le procès-verbal; elle charge en outre son président d’exprimer au roi les sentiments de la vive reconnaissance de l’Assemblée, de l’empressement de Sa Majesté à concourir à tout ce qui tend au bien public, et qui peut opérer le bonheur de l'Etat. Les députés du district de l’abbaye Saint-Ger-main-des-Prés, admis à la barre de' l’Assemblée, présente le bordereau de l’offrande patriotique de la section de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés. Un membre de la députation fait le discours suivant : « Les citoyens de la section de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés vous présentent leur offrande patriotique ; ce n’est pas un tribut payé par l’aisance, c’est un don offert par l’honnête médiocrité. Combien de fois nous nous sommes félicités de ne compter dans notre sein que des hommes égaux entre eux, dès avant les jours de l’égalité. Nous en avons chéri davantage la Révolution, même à son aurore. Nous avons fourni un plus grand nombre de défenseurs à 1a patrie et dans ce moment où nous faisons des vœux si ardents pour la prochaine organisation delà municipalité, nous en sommes plus de vrais amis de la constitution et de vos décrets, auxquels nous jurons de nouveau de demeurer inviolablement attachés. » M. le Président répond : « Tout acte de patriotisme, tout ce qui annonce ou qui prouve des cœurs vraiment citoyens, a droit d’intéresser les représentants de la nation. Ils sont accoutumés àtrouver ces sentiments dans les habitants delà capitale, et le dévouement particulier de la section de Saint-Germain-des-Prés n’a rien qui les étonne. L’Assemblée nationale reçoit cet hommage avec satisfaction; elle vous permet d’assister à sa séance. » Les députés dubataillon des Théatins, admis à la barre de l’Assemblée, manifestent les sentiments de leur bataillon de la manière suivante : « Le bataillon de Saint-Etienne-du-Mont a eu l’honneur de vous présenter une Adresse, pour vous assurer que rien n’était capable d’altérer les sentiments patriotiques et le zèle de la garde nationale parisienne; que la permanence ou la non-permanence des districts ne l’éloigneront jamais de l’obéissance qu’elle doit aux lois décrétées par l’Assemblée nationale, et sanctionnées par le roi. Le même esprit, les mêmes sentiments animent le bataillon des Théatins qui, adhérant aux principes consacrés par Y Adresse qui vous a été présentée par celui de Saint-Etienne-du-Mont, nous députe vers vous, pour jurer en son nom une entière soumission aux lois décrétées par l’Assemblée nationale et sanction qées par le roi. N’importe le régime que vos décrets donneront à la ville de Paris, la garde nationale obéira et emploiera son courage et sa force pour le soutenir. Elle attend, cette garde nationale, que vous décrétiez, Messieurs, l’organisation de l’armée, pour connaître ses devoirs qui seuls dirigeront sa con - duite. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale n’a jamais eu aucun doute sur les sentiments de la milice parisienne. Elle s’est toujours reposée sur le patriotisme qui l’a formée, pour compter sur sa fidélité, sur son dévouement, et sur sa soumission aux lois. Elle attache à votre adhésion le prix qu’elle a attaché à celle de toutes les autres sections de la garde nationale de Paris. Elle vous permet d’assister à sa séance. » Les députés de V Assemblée générale des représentants de la commune de Paris admis à la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1790.] barre de l’Assemblée, présentent l’adresse d’adhésion à ses décrets, de protestation d’une fidélité inviolable à la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et à toutes les lois qui en sont et seront émanées. Pénétrés de la sainteté de leurs devoirs, ils jurent de rester à leur poste jusqu’au moment où d’autres viendront le remplir. Us demandent que l’Assemblée nationale s’occupe incessamment de l’organisation de la municipalité de Paris et prenne en considération leurs représentations sur celui de ses décrets, qui, liant les droits de l’homme à la législation et à la répartition de l’impôt, prive du droit d’éligibilité à l’Assemblée nationale les citoyens qui ne payent pas un marc d’argent d’imposition directe. M. Ic Président répond aux représentants de la commune de Paris : « L’Assemblée nationale, qui siège au milieu de vous, connaît toute l’importance des objets que vous venez lui rappeler. Ses regards qui se portent jusqu’aux extrémités de la France, pour rétablir partout le règne des lois, se sont déjà arrêtés sur la nécessité pressante d’assurer à la capitale une bonne administration. Si le résultat de ses travaux à cet égard n’est pas encore connu, c’est que la marche d’un législateur doit être lente, pour être sûre. L’Assemblée nationale a reçu différents plans pour l’organisation de la municipalité de Paris; elle les pèsera tous dans sa sagesse, et donnera une attention particulière à celui qui lui a été présenté au nom de l’Assemblée générale des représentants de la commune de Paris. Elle prendra en considération les réflexions que vous lui présentez sur les décrets qu’elle a déjà rendus, et vous permet d’assister à sa séance. M. Léopold delVncé, capitaine au régiment de Courten, Suisse, fait hommage et don patriotique à la nation de sa pension de 600 livres, pour la résente année et pour 1791. Il jure à la face e la nation, de la défendre de tout son pouvoir, tant qu'il sera au service de la France, sans déroger aux traités des Suisses avec la France. M. le Président répond : « La France a droit de compter sur le patriotisme de tout Français ; elle y est encouragée par les preuves qu’elle en reçoit chaque jour ; vous lui prouvez qu’elle a des enfants parmi ses alliés. L’Assemblée nationale apprécie votre hommage autant qu’il le mérite ; elle vous permet d'assister à sa séance. » • La paroisse de Gennevilliers près Paris fait don patriotique : 1° par le sieur Glément-Jean-Baptiste Manet, syndic municipal, du remboursement de 600 livres de principal de son quart patriotique ; 2° par la commune, de 250 livres en principal de son quart patriotique ; 3° par la fabrique, de 200 livres pour même objet; 4° par tous les habitants en nom collectif, du quart de l’imposition des ci-devant privilégiés , pour les six derniers mois de 1789. Les députés de cette paroisse demandent à prêter le serment civique, et sont admis à le prêter au nom des habitants de cette paroisse. M. le Président répond aux députés, porteurs de ces dons : « Quand les actes de patriotisme se répètent journellement, il faut bien que l’Assemblée nationale répète les expressions du sentiment qu’elle éprouve, en voyant cet heureux concours de tous les enfants de la patrie. Elle reçoit votre hommage particulier avec sa satisfaction ordinaire, et vous permet d’assister à sa séance. » La municipalité de Soissons présente et remet sur le bureau une délibération par laquelle elle demande d’acquérir pour six millions de biens ecclésiastiques ; elle en fait soumission expresse, sauf à augmenter cette somme par la suite, dans le cas où les biens d’apanage seraient mis à la disposition de la nation. La Société royale (T agriculture fait, par l’organe de ses députés admis a la barre, le discours suivant: « La société d’agriculture a déjà transmis à l’Assemblée nationale, dans un mémoire qu’elle a eu l’honneur de lui présenter, les vœux que des cultivateurs de toutes les provinces lui avaient fait parvenir sur les abus nuisibles au libre exercice, et conséquemment aux progrès de leur article. Ces vœux ont été presqu’aussitôt exaucés que formés ; chaque jour les laboureurs de tous les cantons du royaume nous annoncent l’amélioration de leur sort et en rendent hommage à votre justice. Nous venons dans ce moment, de leur part, vous témoigner leur reconnaissance pour vos sages décrets, vous annoncer l’heureuse influence qu’ils ont eue déjà sur leur bonheur, et vous remercier surtout du peu d’intervalle que vous avez bien voulu mettre entre leurs réclamations et vos bienfaits. « Non, quoi qu’on ait osé dire, les décisions que vous avez rendues pour délivrer l’agriculture de ses entraves ne sont point anticipées : daignez en croire par notre organe, les habitants des campagnes, c’est-à-dire la portion la plus saine et la plus nombreuse des citoyens. Elle nous a depuis longtemps fait connaître combien elle était impatiente de rentrer dans ses droits. Que ceux qui croient avoir lieu de se plaindre sachent que s’ils ont été obligés de lui tout rendre, c’est qu’ils lui avaient tout ôté. « Vous avez fait disparaître cette longue suite de droits arbitraires qui, prélevés au nom et pour les besoins de la chose publique, appauvrissaient le laboureur sans enrichir l’Etat; l’impôt sera réparti en raison des propriétés, et il sera commun à tous; le cultivateur ne sera plus obligé de partager ses récoltes avec le gibier et le déci-mateur ; il ne sera plus avili par la mainmorte ; son asilè ne sera plus sujet au retrait féodal, aux déclarations; il ne sera plus humilié par les droits de franc-fief et de la dérogeance; il ne verra plus ses récoltes soumises à des baux arbitraires qui trop souvent en occasionnaient la perte ; son grain, son pain, sa vendange ne seront plus soumis à la banalité; le transport de ses denrées ne sera plus empêché par des péages établis sur toutes les routes; il ne lui sera plus défendu d’user des eaux pour arroser ses héritages, et l’eau courante ne sera plus la possession d’un seul qui en abusait le plus souvent pour noyer les terres voisines ; la justice ira trouver les paisibles habitants des champs, et ceux-ci ne viendront plus dans les villes la chercher, le plus souvent sans la trouver; des vœux de stérilité et d’inaction n’enlèveront plus à la culture des hommes forts et vigoureux ; les cérémonies augustes de la religion ne seront plus soumises à un tarif honteux; une loi odieuse n’ôtera plus au cultivateur la faculté de se procurer le sel si nécessaire à la conservation de ses bestiaux; soldats et laboureurs, ses enfants ne fuiront plus à