402 [Assemblée nationale.] sance étrangère... Songez que les parties du royaume qui se trouvent d’un diocèse étranger ne peuvent être dans un chômage de juridiction spirituelle ; c’est sur ce motif que, par une intention vraiment pure, et qui ne se dirige qu’à la complète exécution de vos décrets, je demande un article 6, dans lequel il serait dit : que le roi sera supplié de prendre toutes les mesures qui seront jugées nécessaires par les voies canoniques, pour l’exécution du présent décret, et que jusque-là l’article 4 du litre Ier restera en suspens. M. Treilhard. Je demande la question préalable contre cette proposition. Il est facile de faire sentir qu’elle n’est point admissible. Quand un décret est rendu, qu’il est sanciionné, le roi est obligé de le faire exécuter. Il est donc inutile de dire qu’il prendra toutes les mesures nécessaires pour l’exécution. Cette proposition est dangereuse, parce qu’elle tendrait à faire croire qu’il y a des difficultés dans l’exécution d’un décret aussi facile à exécuter que tout autre. (On demande que la discussion soit fermée.) M. de Vlrieu. Il faut que cette affaire soit profondément discutée. (On réclame l’ordre du jour.) M. de ’Virien. Puisqu’on n’est pas libre, puisqu’on veut éteindre la confiance, je remets tout le mal qui peut en arriver sur la tète de ceux qui veulent que ce mal arrive. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article 6.) M. Perreney ( ci-devant de Gros -Bois) envoie une protestation contre le décret rendu dans la séance de samedi. L’Assemblée, par des murmures presque unanimes, montre qu’elle n’en veut pas entendre la lecture. M. Vonlland. La députation de Nîmes m’a chargé de vous lire l’extrait de diverses lettres arrivées de cette ville. Le 4 de ce mois, il se passa quelques désordres devant les portes du palais, où le corps électoral était assemblé. La municipalité demanda à ce corps quel secours il voulait ; ce corps s’en rapporta à la municipalité et aux commissaires du roi. Des patrouilles furent ordonnées et faites par les dragons et parle régiment de Guienne. Le lendemain, les compagnies qui portaient ci-devant des cocardes blanches, et qui depuis ont arboré des houpes rouges, voulurent faire ces patrouilles. La municipalité s’adressa aux commissaires du roi, dont l’opinion fut contraire à la volonté de ces compagnies ; cependant la municipalité défendit au régiment de Guienne et aux dragons de continuer les patrouilles. Le 13, les compagnies de Froment, Melchion et des Combes, officiers municipaux ou notables, attaquèrent des dragons démontés, dont l’un fut tué et volé. Les citoyens se réunirent aux dragons ; les agresseurs voulurent attaquer les citoyens : le désordre fut très considérable. Les commissaires du roi demandèrent que la loi martiale fut publiée, et que le régiment de Guienne marchât. Ce ne fut que deux heures après que les publications furent faites. Le régiment de Guienne ne fut pas commandé, et les patriotes furent repoussés. Le 14, les assaillants recommencèrent le désordre ; ils se cachèrent dans leurs maisons, desquelles ils tiraient sur les citoyens ; enfin, ils se réfugièrent [21 juin 1790.] dans une tour attenant à la maison de M. Froment : ils s’y fortifièrent et placèrent des pierriers qui paraissaient préparés de longue main. Le 15, le régiment de Guienne vint au bas de cette tour ; on se disposait à des conciliations, on n’attaquait point; mais, soit trahison, soit imprudence, les agresseurs firent feu sur les patriotes. Le régiment de Guienne ne put alors être arrêté : la tour fut forcée et beaucoup de personnes tuées. Le lendemain, les agresseurs, retirés dans un couvent, tirèrent sur les patriotes ; ils furent encore forcés, et le combat recommença ; les patriotes restèrent maîtres du couvent. Le nombre des personnes tuées dans ces différentes affaires s’élève à quatre-vingts. Parmi les morts se trouvent plusieurs capucins. — Des courriers ont été envoyés pour arrêter les gardes nationales des villes voisines qui venaient au secours de Nîmes,— M. Vidal, procureur syndic de la commune, etM. Laurent, officier municipal, ont été ar rêtés. — On a désarmé les agresseurs; on a trouvé chez quelques-uns des munitions, et chez d’autres plus d’armes qu’ils ne pouvaient en avoir besoin. — La ville de Nîmes désirerait que le roi témoignât sa satisfaction aux commissaires pour la formation du département du Gard, et qu’il leur conservât leurs pouvoirs jusqu’au rétablissement du calme. C’est aussi le vœu de la députation. Nous n’avons pas d’autres projets de décret à vous présenter. M. de Marguerittes, maire de Nîmes. J’avais entendu dire qu’il était arrivé de malheureux événements à Nîmes; je n’ai reçu aucune lettre de messieurs les officiers municipaux; j’en ai reçu seulement d’un endroit qui n’est pas Nîmes, mais qui est peu éloigné de cette ville. On m’annonce que plusieurs personnes sont mortes. N’ayant pas de lettres officielles, je suis allé chez M. de Saint-Priest ; il m’a fait voir une lettre d’une ville voisine. Je prie l’Assemblée d’attendre que le comité des recherches aie fait un rapport, ou que j’aie reçu des nouvelles. {Il s’élève beaucoup de murmures.) J’appuie la demande faite, de supplier le roi de continuer les pouvoirs des commissaires. C’est le vœu de tous bons citoyens. M. Voulland. Monsieur le maire de Nîmes n’a pas reçu de lettre de messieurs les officiers municipaux, ses collègues : cela n’est pas extraordinaire; ils ont tous pris la fuite. M. Barnave. Les malheureux événements de Nîmes ne prouvent que trop la nécessité des mesures que l’Assemblée nationale avait déjà été engagée à prendre, et qu’elle aurait adoptées, si elle avait eu moins d’indulgence. En ce moment, on vous propose seulement de donner des pouvoirs plus étendus aux commissaires du roi. La municipalité, par une conduite au moins équivoque, a peu mérité la confiance des citoyens et la vôtre. Je demande que la disposition des forces militaires, tant des troupes de ligne que des gardes nationales, pour la tranquillité publique, ci-devant aux mains des officiers muncipaux, soit confiée aux commissaires du roi par un acte de l’Assemblée nationale. M. de ’i'irleu. Adopter cette disposition, ce serait dire que l’Assemblée nationale nomme les commandants des forces militaires : ce serait faire une insulte au roi. Je demande qu’il ne soit pas du tout question de cela, ni que le nom de la municipalité soit prononcé dans le décret. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (21 juin 1790.] 1Q3 M. Cortois de Ralore, évêque de Nîmes. Je ne parais un instant dans cette tribune que pour témoigner à l’Assemblée nationale la profonde douleur dont je suis pénétré. Le désir le plus sincère de voir rétablir l’ordre et le calme dans la ville de Nîmes me fait adhérer à la proposition de donner aux commissaires tous les pouvoirs nécessaires pour faire renaître la paix. Je ne me permets qu’une seule réflexion : elle porte sur l’imputation faite aux officiers municipaux d’avoir fui. Sans doute, ils auraient commis une grande lâcheté, mais rien n’annonce dans l’extrait qu’on vous a lu qu’ils s’en soient rendus coupables. Je prie l’Assemblée de suspendre son jugement contre ces officiers. M. de Montlosier {ci-devant comte). La motion de M. Barnave a évidemment pour but d’ôter aux officiers municipaux une partie des prérogatives que la Constitution a attachées à leurs places. Je dis que les lois destinées à réprimer les passions des hommes, les événements et la violence ne doivent pas céder à l’influence des passions et des événements, qui ont trop d’influence dans une assemblée délibérante, quand elle est unique. Je dis qu’il faut attendre des détails authentiques, et ne pas prononcer une flétrissure provisoire contre des officiers qui doivent être présumés innocents jusqu’à ce que le délit soit constaté. Je demande donc que jamais l’Assemblée ne prononce ainsi, non seulement sur les officiers municipaux de Nîmes, mais sur toutes personnes. Je demande que, fidèles à la raison que vous avez consacrée, vous ne vous permettiez pas un semblable préjugement. J’ai cette opinion de la justice qui est dans vos cœurs que vous ne ferez pas cette injustice effroyable, contraire à la raison et à la justice immuable que vous avez professées. Je demande le renvoi au comité des rapports, qui ferait sur-le-champ le dépouillement des pièces. M. Fréteau. Il faut statuer d’abord sur la première partie, qui concerne seulement la prière à faire au roi de conserver les pouvoirs des commissaires du département. Quand l’Assemblée sera positivement instruite des faits, elle statuera sur la seconde. M. de La Rochefoucauld {ci-devant duc). La division proposée tend à établir deux pouvoirs à Nîmes. En supposant que la fuite des officiers municipaux ne soit pas vraie, il est au moins certain que quelques-uns d’entre eux sont arrêtés. {On demande , du côté droit, si cela est vrai.) Quand cette nouvelle encore ne serait pas vraie, il n’en est pas moins vrai qu’il y a des troupes à Nîmes, et que les officiers municipaux n'ont pas rempli le devoir de vous en prévenir. J’adopte en sou entier la proposition de M. Barnave, et je demande qu’on aille aux voix dans l’instant. (On ferme la discussion.) (On fait lecture du projet de décret de M. Barnave.) M. Cortoîs de Ralore, évêque de Nîmes. Je demande la division, et je l’appuierai sur ce qu’il n’est pas certain que les officiers municipaux de Nîmes soient en fuite, et sur ce qu’en publiant la foi martiale ils ont rempli en partie leurs fonctions. Il est possible qu'après des événements funestes ils se soient absentés pour une demi-journée, pour un jour; il est possible qu’ils soient retenus dans leurs maisons. M. de Marguerittes demande que les pièces soient remises sur le bureau. M. Voulland porte au bureau l’extrait dont il a fait lecture. M. de Rochebrune. La pièce sur laquelle nous délibérons n’est pas parfaitement authentique. On ne peut rendre aussi légèrement un décret contre une municipalité ou contre un corps quelconque. Que celui qui a fait une motion contre la municipalité de Nîmes la signe et soit responsable. M. Rewbell. Je ne crois pas que la pièce ‘lue doive seule faire la base de votre délibération; mais un fait avéré, c’est que nous n’avons pas reçu de nouvelles de la municipalité de Nîmes. La meilleure excuse de cet oubli, c’est qu’elle est en fuite; si elle n’était pas en fuite, elle serait coupable. (La division est rejetée.) M. de Menou. Le projet de tous les membres de l’Assemblée nationale est de rétablir le calme partout où il est troublé. J’en connais un moyen facile, et j’en fais l’objet d’un amendement. Plusieurs opinants ont parlé de justice, de patriotisme-, ils peuvent, en ce moment, donner une preuve signalée de l’un et de l’autre : qu’ils rétractent la déclaration qu’ils ont signée, et qu’ils n’ignorent pas être la cause de tous ces malheurs. {On applaudit dans la plus grande partie de la salle.) On peut un moment se laisser entraîner dans l’erreur. La proposition que j’ai l’honneur de faire aux honorables membres les couvrirait de gloire aux yeux de toute la France. {La partie droite jette de grands cris.) C’est par cette démarche qu’ils acquerront des droits à la reconnaissance publique. Tel est l’amendement que je propose, en adoptant le projet de décret. M. de Montlosier {ci-devant comte). J’appuie très sincèrement la motion de M. le baron de Meuou ..... {On rappelle à l'ordre.) Que l’Assemblée révoque son décret et déclare la religion catholique la religion de l’Etat : elle se couvrira de gloire. {La partie droite applaudit ). M. de Menou. L’amendement que j’ai proposé n’est point un amendement, c’est une simple considération. M. de Montlosier {ci-devant comte). Et moi, je déclare que ma motion est une motion, et non une considération. Je demande qu’on en délibère. ( Cette motion est fortement appuyée par le côté droit). (On demande vivement la clôture de la discussion.) M. le Président met la clôture aux voix ; elle est prononcée. Le projet de décret de M. Barnave est ensuite adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera sur-le-champ devers le roi, pour le supplier de continuer les pouvoirs de ses commissaires préposés à l’établissement des assemblées administratives, dans le département du Gard, et de les charger expressément du maintien de la tranquillité publique dans la ville de Nîmes et les environs ; décrète, en conséquence,