[26 septembre 1789.] [Assemblée nationale.] vateur y a à peine vendu sa récolte, qu’il est obligé d’employer une grande partie de son produit en frais de nouvelle exploitation ; que par cette raison ou par d’autres, il en est peu qui ne soient obérés; qu’il n’y a peut-être pas en France deux cent mille particuliers qui aient le quart de leur revenu net disponible. Si vous le demandez à l’amiable, beaucoup se croiront fondés, sur leur détresse, à ne pas l’envoyer ; si vous en voulez forcer le payement, je vous prie de considérer que jusqu’à ce que la nation soit heureuse, il sera imprudent de lui commander autre chose que ce qu’elle voudra. 11 faut des moyens prompts, des moyens possibles; nous rougirions devant ceux qui nous ont honorés de leur confiance, si, avant de leur demander des devoirs nécessaires, nous ne frappions pas sur des richesses immenses., des richesses mortes , des richesses dont le remplacement se fera presque sans aucuns frais. Ces richesses sont l’argenterie de toutes les églises ou monastères de France; de ces richesses qui en mériteront véritablement le nom si elles sont employées à épargner l’obole du pauvre et à solder notre liberté. Un habile calculateur fait monter l’argent orfèvre du royaume à un milliard, ce qui est assurément le calcul le plus modéré ; évaluons que l’argenterie des églises compose seulement le septième de cette somme et je crois encore ne pas 1 exagérer, voilàune somme déplus de 140 millions; il n’est pas besoin de vous faire sentir l’avantage d’une pareille somme dans un pareil moment. Ce n’est pas devant une Assemblée aussi éclairée qu’il est besoin d’exercer une pareille émotion; si un conseil honteux pouvait sauver la nation française, je dirais, il lui appartient dépérir, mais notre respect pour l’Etre suprême ne sera point douteux. Son luxe est dans la magnificence de la nature qu’il a ordonnée pour nos besoins et non dans les présents mesquins de la vanité des hommes. M. Le Clerc de Juigné, archevêque de Paris, demande la parole et dit : Messieurs, nous avons vu l’Eglise consentir au dépouillement des temples pour secourir les pauvres et pour subveuir aux besoins de l’Etat; ces exemples que nous offre l’histoire nous détermi-i nent, au moins c’est le vœu de tous les confrères qui m’environnent, de soutenir l’Etat parla portion de l’argenterie qui n’est pas nécessaire à la décence du culte divin. Je propose de faire ce dépouillement de concert avec les officiers municipaux, les curés et les chapitres. M. GIe*en. Messieurs, il faut un décret exprès de l’Àssemblée nationale pour autoriser la vente ‘ de l’argenterie des églises. Les évêques et le clergé n’ont pas le droit d’en disposer parce qu’elle ne leur appartient pas. M. Pelauque fait une autre motion tendant à donner aux églises des reconnaissances du produit de la fonte de l'argenterie avec intérêt à 4 0/0 au profit des pauvres. Divers membres demandent à aller aux voix sur la motion de M. le baron de Jessô. D'autres membres demandent au contraire qu’on reprenne l’ordre du jour, c’est-à-dire l’examen du plan financier proposé par M. JNecker. L’Assemblée adopte cette dernière proposition. M. le vicomte de Mirabeau. Messieurs, je lre Sérié, T. IX. 193 m’élève contre l’impôt par quart et j’appuie la remarque qu’il est permis de faire ses propres honneurs, mais non pas ceux de ses commettants. Je conçois, que les ci-devant privilégiés, les capitalistes, les propriétaires, pourront supporter l’impôt que vous voulez leur imposer; mais comment parviendrez-vous à le faire payer par celte classe indigente, attachée à la glèbe, qui attend de vous quelque secours, et à qui vous en promettiez? C’est ici que je réclame contre. La justice préside au calcul. L’enthousiasme, Messieurs, ne calcule jamais. M. Garat, l'aîné, député du Labour. Je déclare que ma province est la plus pauvre ; mais je connais le sentiment de nos compatriotes; il n’y en a aucun qui ne sacrifiât sa fortune à la patrie. Eh ! Messieurs, la pauvreté même sera généreuse l L’Assemblée revient ensuite à l’argenterie des églises. M. Treïlhard, de concert avec M. l’archevêque de Paris, offre l’arrêté suivant: « L’Assemblée nationale, sur l’offre faite par MM. du clergé, par l’organe de M. l’archevêque de Paris, a arrêté qu’il sera incessamment, par les archevêques, évêques, curés, chefs de maisons, supérieurs, etc., dressé, conjointement avec les municipalités, un état de l’argenterie des églises qui est nécessaire pour la décence du culte divin, et que l’excédant sera porté dans les monnaies du royaume pour les besoins de l’Etat. » On propose des amendements à ce projet. D’abord, on veut ajouter apres églises, les mots de fabriques et confréries. On veut de plus fixer ce qui est nécessaire. On fait encore d’autres observations, et, pour la seconde fois, on abandonne ce projet pour retourner à la discussion entamée sur le plan financier de M. Necker. M. le comte de Mirabeau rentre en ce moment dans la salle et donne lecture du projet de décret qu'il vient de rédiger: « L’Assemblée nationale, délibérant sur le discours lu par le premier ministre des finances, à la séance du 24 septembre, après avoir entendu les observations du comité des finances, frappée de l’urgence des besoins de l’Etat et de l’impossibilité d’y pourvoir assez promptement par un examen approfondi et détaillé des propositions contenus dans ce discours; considérant que la confiance sans bornes que la nation entière a témoignée à ce ministre autorise l’Assemblée et lui impose, en quelque sorte, l’obligation de s’abandonner à ses lumières, a arrêté et décrété d’adopter textuellement les propositions du premier ministre, relatives aux mesures à prendre actuellement pour subvenir aux besoins instants du Trésor public, pour atteindre au moment où l’équilibre entre les revenus et les dépenses fixes pourra être sûrement établi. « Autorise en conséquence le premier ministre des finances à lui soumettre les projets d’ordonnances nécessaires à l’exécution de ces mesures, pour recevoir l’approbation de l’Assemblée, et être de suite présentés à la sanction royale. » (Cet arrêté essuie beaucoup de contradictions; l’un propose des amendements, l’autre rejette la rédaction et en adopte l’esprit.) M. de Vlrleu s’écrie que M. de Mirabeau poignarde le plan de M. Necker. M. Duval d’Eprémesnll prétend qu’il ne 43 ARCHIVES PARLEMENTAIRES.