637 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] rier d’une part, et d’autre part, des administrateurs qui n’étaient ni intéressés, ni parties, du moins quanta l’intérêt du Trésor public. Cependant, MM. Périer ne pouvaient, pas plus que les administrateurs, ignorer l’existence d’une partie déplus, savoir l’agent du Trésor public; car, sous le nom de contrôleur de bons d'Etat et dès les premières procédures, il avait été reçu partie intervenante dans la cause au Châtelet. Ils n’en ont pas moins fait déclarer commun avec lui un arrêt concerté, et, qui plus est, un arrêt concerté sans lui. En délibérant sur ces faits, on en concluait que le représentant du Trésor public, l’agent créé par vos décrets, n’ayant eu aucune part à ce concert, il n’y avait point d’arrêt contre la nation ; qu’en conséquence il fallait commencer avant tout par décréter la réintégration des deniers de la nation dans la caisse de la compagnie des eaux; que comme les effets d’un acte ne doivent se rapporter qu’à leur cause et ne peuvent engager que ceux qui les ont passés, c’était à ceux-là qui avaient disposé de la propriété de la nation, ou qui l’avaient envahie, à en être personnellement responsables. D’autres, plus affectés des formes, ne craignaient point cependant de reconnaître un véritable arrêt dans l’effet de la convention entre MM. Périer et les administrateurs de la compagnie des eaux : mais frappés des vices multipliés de la procédure, ils envisageaient sa nullité sous d’autres rapports. Ainsi, par des motifs et des moyens différents, tous tendaient de concert avec les lois vers un même but, tous pensaient que l’expédient le plus désirable serait sans contredit celui qui, sans contrarier aucune forme ni aucune loi, pourrait s’accorder avec l’intérêt du Trésor public ; tous enlin pensaient que cet expédient devait être promptement exécutable, parce qu’il pourrait y avoir du péril dans le retardement. Tels sont les motifs qui ont déterminé l’adoption de la mesure que votre comité m’a chargé de vous proposer. Elle consiste à dénoncer au roi l’arrêt du 22 septembre ; cette mesure n’est pas nouvelle, vous l’avez déjà employée, et dans des occasions moins importantes. Elle consiste ensuite à joindre à cette dénonciation la demande expresse de faire, dans le plus bref délai, réintégrer dans la caisse de la compagnie des eâux, les deniers de la nation qui en sont indûment sortis. Cette mesure consiste enfin à vous proposer d’ordonner, pour prévenir de nouvelles erreurs, que la même caisse, dont les quatre cinquièmes appartiennent à la nation, soit déposée au Trésor public. Si c’est l’intérêt de la nation, ce n’est pas moins celui des actionnaires dont tous les droits doivent également être conservés et protégés. Ce sera ensuite d’après le décret que vous allez rendre, que votre comité fera passer vos ordres et vos instructions à l’agent du Trésor public. Il est temps, Messieurs, que l’Assemblée nationale commence à frapper les esprits du profond respect dû à la fortune publique, à ces pénibles fruits des sueurs du peuple; et à elle-même que l’As-, semblée nationale se doit de tracer enfin une ligne de démarcation entre les erreurs d’une administration vicieuse, et la fermeté d’un régime austère sans lequel le payement de la dette publique et le rétablissement des finances seraient la plus vaine des fictions. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, sur l’arrêt rendu par la chambre des vacations du parlement de Paris, le 22 septembre dernier, décrète : Art. 1er. Le président de l’Assemblée nationale sera chargé de dénoncer au roi l’arrêt concerté entre les sieurs Périer et les administrateurs delà compagnie des eaux, afin qu’il soit pourvu à ce que les intérêts de la nation et du Trésor public n’en souffrent aucun dommage. Art. 2. Sera pareillement chargé le président de l’Assemblée nationale de demander au roi que, dès à présent, et sans préjudice aux droits des actionnaires, des abonnés, ou de toutes autres parties, il soit donné les ordres les plus prompts pour faire rétablir, dans le plus court délai, et dans la caisse de la compagnie des eaux, les sommes qui en ont été tirées, en vertu de l’arrêt du 22 septembre dernier, et pour faire porter au Trésor public tant les sommes rétablies dans ladite caisse, que celles qui peuvent y être actuellement déposées, et à l’avenir celles qui devront y être remises; pour lesdites sommes y rester par forme de séquestre jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, toutes oppositions tenantes entre les maius de l’administration du Trésor public. Art. 3. L’Assemblée nationale se réserve de faire rendre telles plaintes qu’il appartiendra contre les personnes qui ont obtenu ou fait obtenir l’arrêt du 22 septembre dernier, et suivi l’exécution dudit arrêt, comme aussi contre les auteurs, fauteurs et adhérents de toutes les manœuvres par lesquelles on est parvenu à enlever au Trésor public les sommes mentionnées dans le rapport de son comité de liquidation. En conséquence, elle lui enjoint expressément de prendre tous les renseignements nécessaires à cet égard, et de s’occuper de tous les moyens de faire rentrer lesdites sommes dans le Trésor public. M. Prieur. Je demande que le procureur général de la nation, dès qu’il sera nommé, ait pour mission de poursuivre spécialement les di-pidateurs. Je demande, en outre, que les rapports de M. de Batz soient imprimés pour que les noms des agioteurs soient connus. (Cette motion est décrétée.) Diverses membres proposent d’aller tout de suite aux voix sur les trois articles du projet présenté par M. de Batz. Ces trois articles sont adoptés sans modification. M. Bouttevilie-Dumetz, au nom du comité d’aliénation, propose et fait adopter les deux décrets suivants : PREM'ER DÉCRET. « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des 038 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2a novembre 4790.] domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de Thivilie, du 8 septembre dernier, en exécution de la délibération prise par le conseil général de cette commune, ledit jour huit septembre, pour, en conséquence des décrets des 19 novembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir, entre autres biens nationaux, eeux dont l’état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble les procès-verbaux d’estimationset évaluations desdits biens, faits les 10 et 12 novembre présent mois, vus et vérifiés par le directoire du district de Châleau-dun, et par celui du département d’Eure-et-Loir, les 10, 12 et 16 dudit mois de novembre; « Déclare vendre à la municipalité de Thivilie, district de Châteaudun, département d’Eure-et-Loir , les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdits procès-verbaux d’estimations et évaluations, montant à la somme de 82,793 liv.. 11 s. 9 deniers, payable de la manière déterminée par le même décret. » DEUXIÈME DÉCRET. « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité du Mée, du 5 septembre dernier, en exécution de la délibération prise par le conseil' général de la commune, ledit jour 5 septembre, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir, entre autres biens nationaux, ceux dont l’état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble les estimations et évaluations desdits biens, vues et vérifiées par le directoire du district de Châteaudun, le 5 novembre présent mois, et approuvées par celui du département le 17 dudit mois de novembre ; « Déclaré vendre à la municipalité du Mée, district de Châteaudun, département d’Eure-et-Loir, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par Jesdites estimations et évaluations, montant à la somme de 31,962 liv. 18 s. 7 d'en., payable de la manière déterminée par le même décret. » M. le Président donne lecture d’une lettre du roi, qui annonce à l’Assemblée nationale que, sur la démission de M. l’archevêque de Bordeaux, Sa Majesté a nommé M. Duport Dutertre pour le remplacer comme garde des sceaux. La lettre du roi est ainsi conçue : « Je vous prie, Monsieur lé Président, de faire part à l'Assemblée que, sur la démission de M. l’archevêque de Bordeaux, j’ai nommé1 M. Duport Dutertre pour le remplacer. » Signé : LOUIS. M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité de l'imposition sur les droits d'enregistrement des actes civils et judiciaires et des titres de propriété. M. de Talleyrand, évêque d'Autunf rapporteur (1). Messieurs, votre comité ue l’imposition vous a exposé l’ordre et le plan de son travail (1) Le Moniteur a mentionné, mais n’a pas inséré le rapport de M. de Talleyrand. dans un premier rapport fait par M. de La Rochefoucauld le 18 août dernier. Vous avez ensuite entendu les rapports qui vous ont été présentés, relativement à la contribution foncière, à la contribution mobilière, et à la partie du revenu public établie sur la consommation du tabac. Nous vous entretiendrons aujourd’hui des détails relatifs aux impôts appelés si improprement droits domaniaux. Je ne m’étendrai pas sur la nature de l’impôt en général. Ses principes et ses éléments vous sont parfaitement connus; et vous avez eu occasion de les développer dans la discussion sur la contribution foncière. Je vous rappellerai seulement que tous les impôts se réduisent à quatre classes : ils portent, ou sur la personne, ou sur les biens-fonds, ou sur les marchandises ou denrées, ou sur les actes de la société civile. Ges quatrej branches du revenu public ne devraient avoir rien de contradictoire entre elles, quoique la contribution soit directe daDS quelques parties, indirecte dans d’autres. Lorsque vous vous êtes occupés de la contribution foncière, vous avez reconnu, Messieurs, que, pour être établie dans toute son étendue, ili fallait, avant tout, qu’elle fût analysée dans ses rapports avec les autres parties de la richesse individuelle qui doivent nécessairement concourir à cet impôt; que le cultivateur, malgré l’estimation qui réduirait un certain nombre d’années à une année commune, ne se verrait cependant pas, sans quelques alarmes, dans la dépendance immédiate et périodique des saisons; que l’étude et la réflexion lui apprendraient trop lentement, pour le succès d’une opération pressante et déjà relardée, qu’eu effet le riche donne: à la société une quantité de subsistances égale à l’excédant de ses besoins physiques ; qu’il rend au fisc, sous d’autres formes, la même somme de contributions qu'il aurait directement acquittées; etqu’ainsiil paye dans une proportion relative, quoiqu’il ne paraisse pas participer aussi immédiatement à l’impôt, sous la dénomination générique. Ges idées, il faut eu convenir, supposaient une foule de réflexions intermédiaires, de connaissances approfondies ; et Ton ne peut élever une nation fout entière, à cette hauteur, qu’avec les précautions du doute qrn conduisent le plus sûrement à la vérité. Yous avez aussi pensé, Messieurs,, que l’existence des corporations donnait aux classes industrieuses les moyens de maintenir, par un accord très facile entre elles,, la taxe des profits et le prix des consommations, à un point trop élevé pour que les propriétaires de terres, s’ils étaient chargés seuls du poids de l’impôt, fussent assurés de recevoir quelque indemnité sur leurs jouissances et leurs consommations. Matin vous avez voulu éviter que, dans un temps où l'intérêt de l’argent était très, élevé, où une foule de capitalistes mirent sur des placements très lucratifs, l’impôt les épargnât absolument pour aggraver le sort du propriétaire. ü’cst d’après des vues aussi sages, Messieurs, que vous ave', cru devoir établir ta somme de l’impôt territorial dans des-proportions modérées, et appeler l’impôt indirect à son appui, pour composer les revenus de l’Etat. L’impôt indirect offre d’ailleurs des idées consolantes. Etant presque toujours volontaire, il n’est jamais exagéré. Le pauvre voit, dans les