VILLE DE VALENCIENNES. CAHIER Des plaintes, doléances et remontrances des magistrat et conseil particulier de la ville de Valenciennes (1). Les magistrat et conseil particulier de la ville de Valenciennes, pour satisfaire aux ordres de Sa Majesté et répondre à ses vues bienfaisantes, se sont occupés de différents objets relatifs au bien public, au régime de la ville et à son administration. Ils les ont divisés en deux parties : la première contenant les objets généraux et communs au royaume ; La seconde, les objets propres à cette ville. PRM1ÈRE PARTIE. OBJETS GÉNÉRAUX. SECTION PREMIÈRE. Administration. Art. 1er. Remercier Sa Majesté d’avoir convoqué les Etats généraux, et maintenir la ville dans son privilège d’y envoyer des députés directs pour Py représenter. Art. 2. Demander le retour périodique des Etats généraux dans le ternie qui sera fixé par eux. Art. 3. Que les voix y seront comptées par tête et non par ordre. Art. 4. Qu’avant de délibérer sur aucune proposition, Sa Majesté daigne les faire connaître aux villes par la voie de leurs députés ou par telle autre voie qu’elle jugera convenable. Art. 5. Qu’il soit statué sur chacune des doléances des villes. Art. 6. Qu’il ne soit établi aucune imposition ni fait aucun emprunt sans le consentement préalable des Etats généraux. Art. 7. Que toutes les impositions seront à temps et qu’il ne sera fait aucun emprunt sans en assurer en même temps le capital et les intérêts. Art. 8. Que la répartition des impositions tant générales que particulières à chaque ville, bourg et village, sera rendue publique, ainsi que les comptes de l’administration générale de celle particulière. Art. 9. Qu’il ne sera établi aucune commission intermédiaire pour être en activité, après la tenue des Etats généranx. Art. 10. Supprimer les commendes et en appliquer le produit aux objets analogues à la destination des biens ecclésiastiques. Art. 1 1 . Résidence des bénéliciers, et les bénéfices conférés aux seuls ecclésiastiques du diocèse. Art. 12. Un plan uniforme et simple d’éducation, et de la confier aux communautés religieuses. Art. 13. Permettre aux mainmortes de donner leur argent à cours de rente aux particuliers et d’échanger leurs biens, les donner en emphytéose et en arrenlement sans autorisation des cours (1) Nous publions ce cahier d’après uu manuscrit des Archives de l’Empire. l,e Série, T. VI. souveraines, et qu’elles puissent bâtir sans être assujetties aux lettres d’octrois ni ah droit d’amortissement. Art. 14. Liberté abolie de la navigation sur les rivières. Art. 15. L’entretien et curement des rivières navigables à la charge de tout le royaume, à l’exemple de ce qui se pratique pour les canaux de Bourgogne, de Picardie, de la Lys, de la rivière d’Ax. Art. 16. Liberté des routes, et en conséquence suppression des privilèges exclusifs. Art. 17. Suppression de tous droits de traverse, vinages, pontenages, péages et autres de semblable nature, levés au profit de Sa Majesté ou donnés par elle en engagère. Art. 18. Suppression des visites domiciliaires, sous prétexte ou par présomption de fraude. Art. 19. Liberté individuelle de chaque citoyen; en conséquence, suppression des lettres de cachet. Art. 20. Que les villes ou provinces forment des approvisionnements de blés dans le temps d’abondance pour fournir les marchés dans les moments de disette. Art. 21. Supplier Sa Majesté de faire remettre les blés d’approvisionnement que la province avait en magasin, et que Sa Majesté a employés à son service, nommément à la ville de Valenciennes 8,000 sacs qui lui appartenaient. Art. 22. Suppression des annates. SECTION II. Finances. Art. 1er. Abolition de tous privilèges exclusifs. Art. 2. Que les administrations qui seront établies et celles municipales verseront directement leurs contributions dans le trésor royal. Art. 3. Qu’il n’y ait plus aucun exempt ni pri-vivilêgié ; que les ecclésiastiques nobles soient tenus de payer les impositions et tous autres droits pour leurs personnes et biens comme le tiers-état. Qu’à cet effet il ne soit plus fait de rôle particulier, mais un rôle pour tous. Art. 4. Que les villes affranchissent les campagnes des droits que le domaine perçoit à la sortie des villes sur les objets de consommation. Art. 5. Diminuer ou ôter les droits sur le charbon de terre des Pays-Bas autrichiens, ressource indispensable pour ie royaume, attendu l’insuffisance de ses mines et la disette de ses bois, ce qui ne fera pas rester l’argent chez l'étranger, la plus grande partie des mines de charbon des pays autrichiens étant exploitées par des sociétés de Français. Art. 6. Réduction des pensions, suppression de celles de faveur; fixation des fonds destinés à leur payement et qu’elles ne soient plus accumulées sur une tête. Art. 7. Suppression des droits des 8 sols pour livre qui se perçoivent sur les greffes des villes. Suppression des droits sur les huiles, savons, cuirs, cartes à jouer, papier, carton, amidon, poudre à poudrer, qui se perçoivent au prolit du Roi, droits fort onéreux à ses sujets et peu profitables aux finances de Sa Majesté, par les profits 7 98 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ville de Valenciennes. intermédiaires que font ceux qui sont chargés du recouvrement. Suppression de tous droits réservés, et en cas de nouvelles suppressions d’offices, les droits y attribués devront être supprimés avec eux, sans pouvoir les réserver sous quelque prétexte que ce soit, même de servir au remboursement desdits offices. SECTION III. Justice . Art. 1er. Abolition de tous committimus et de toutes espèces d’évocations, les cassations d’arrêt restreintes aux seuls cas de contraventions aux ordonnances, et pour le fond des affaires seulement. Art. 2. Proportionner la peine des banqueroutiers aux circonstances de la faillite, les poursuivre à la requête du ministère public , abolir les sauf-conduits, lettres de répit et surséances. Art. 3. Fixer, de l’avis des Etats généraux, le pouvoir des parlements et autres cours souveraines du royaume sur la vérification et l’enregistrement des lois. SECONDE PARTIE. OBJETS PROPRES A LA VILLE DE VALENCIENNES. SECTION PREMIÈRE. Administration. Art. 1er. Conservation des usages, franchises, privilèges, libertés et immunités de la ville, conformément à sa capitulation : rétablissement en entier de sa constitution; réforme des atteintes y portées depuis le règlement de 1615, nommément par l’arrêt du conseil du 14 mars 1789, en ce qui peut y être contraire sous les modifications qui seront trouvées convenables pour remédier aux abus ; sur tous lesquels objets on pourra donner un mémoire particulier. Art. 2. Persister dans les réclamations faites contre l’établissement des Etats du Hainaut et protester de nouveau contre ces Etats, comme inconstitutionnels, onéreux à la ville et à ses habitants. Demander la révocation de l’union de la ville auxdits Etats comme destructive de sa constitution, blessant les droits des citoyens et étant une surcharge inutile, par les frais de l’administration desdits Etats. Art. 3. En cas que Sa Majesté ou les Etats généraux trouveraient nécessaire pour le plus grand avantage du royaume, d’y établir des administrations uniformes, soit par province ou arrondissement, il lui plaise accorder des administrations provinciales, constitutionnées et organisées à l’instar des Etats généraux, et dont les membres nécessaires et qui ne seront qu’à temps, rempliront leurs fonctions sans appointement; qu’en conséquence, les nouveaux Etats du Hainaut actuellement existants, étant inconstitutionnels, soienft regardés comme non avenus ainsi que les choix j nominations et appointements par eux accordés. Art. 4. Communication de l’Escaut, pour la navigation, avec la Sensée et autres rivières de l’intérieur du royaume et passage de la navigation dans la ville. Art. 5. Suppression des droits qui gênent la navigation et révocation des arrêts du conseil, surpris par les bateliers de Condé, au préjudice de la navigation de la ville de Valenciennes. SECTION II. Finances. Art. 1er. Supplier Sa Majesté de décharger toutes les villes frontières, et nommément celle de Valenciennes, des frais de garnison, de fortification, de logement, d’entretien des casernes de l’état-major et des autres militaires y employés ; cette dépense coûtant à la ville [M as de la moitié de ses revenus : demander que ces frais, qui ont pour objet la sûreté du royaume, soient répartis sur tout le royaume, à l’exemple de ce qui se pratique pour la marine. Art. 2. Réintégration de la ville dans son octroi sur les cartes à jouer. Art. 3. Proscrire ou modérer les droits d’octroi qui sont onéreuxaux habitants, surtout au peuple, ou nuisible au commerce, réunir et simplifier ceux qu’il serait indispensable de conserver. Art. 4. Suppression de toute exception sur les droits d’octrois et autres et de tous privilèges pécuniaires. Art. 5. Suppression des sous pour livre. Art. 6. Que les fonds destinés au payement des rentes assennes et des fortifications, soient remis aux villes qui en sont responsables, comme cela se faisait ci-devant. Art. 7. Diminution des droits sur les toilettes en y assujettissant ceux qui viennent du dehors. Art. 8. Qu’il ne soit créé pour cette ville aucun office, aucun brevet de maîtrise, ou autres, conformément à la charte de Charles, duc de Bourgogne, du 27 mars 1472 et à l’arrêt du conseil du 21 juin 1704. Art. 9. Pourvoir à l’indemnité des propriétaires des terrains pris pour la navigation en principaux et intérêts. Art. 10. Qu’à Valenciennes les demandes et subsides qui sont accordées au Roi, ne pourront y être levés que par impositions sur les personnes. Art. 11. Que les droits sur le vin se payent à l’entrée de la ville et non à la consommation. SECTION III. Justice. Art. 1er. Qu’il soit déclaré que toutes les matières réelles et de succession dépendent du chef-lieu de Valenciennes, conformément à la coutume, soit qu’on agisse par action réelle ou personnelle. Art. 2. Confirmer le droit appartenant à la commune d’être jugée par ses pairs au moins au nombre de sept, suivant la charte du ressort, sans qu’en matière civile il puisse être appelé des jugements, lorsque le principal n’excédera pas 500 livres. Art. 3. Que dans le nombre des prévôts jurés et échevins qui composent le magistrat de Valenciennes, il y ait toujours sept gradués en droit ayant exercé ou exerçant la profession d’avocat, ou les fonctions de juge. Art. 4. Demander la conservation du parlement de Flandre, et qu’il soit toujours composé de gens du pays, conformément à l’article 49 de la capitulation de Lille, à l’édit de création du conseil souverain de Tournai et aux traités de paix. Ainsi fait et arrêté en l’assemblée des commis-missaires nommés par résolution de Messieurs des magistrat et conseil particulier du 6 de ce mois, pour rédiger le présent cahier de doléances. A Valenciennes, le 9 avril 1789. Signé Bouzé ; Crendal fils ; Berlin ; Despinoy ; A. Denize ; Doffegnies ; Watterreau l’aîné; de Ba-vay ; G. Serret, et Goube. [États gén. 1789. Cahiers. ’J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ville de Valenciennes.] 99 Lu et approuvé au conseil particulier de ce jour, 9 avril 1789. Signé WaroQUET. CAHIER. Des remontrances plaintes et doléances des habitants de la commune de Valenciennes (1). Liste des commissaires qui ont été nommés pour la rédaction de ce cahier dans l’assemblée générale de la commune de Valenciennes du 7 avril 1780. MM. Moreau père , avocat. Delangle, curé et doyen do Saint-Jacques. Perdrix l’aîné, avocat. Pourtalés, négociant. Nicodème, id. Bar lier, id. Bornicîie, id. j Perdrix cadet, avocat. Prouveur de Pont, conseiller pensionnaire de la ville de Valenciennes. Castillon père, négociant. Grenet , avocat. Jamart, directeur général des domaines du Roi. Le comte d’Espiennes. Le Hardi, chevalier, seigneur de la Loge. Hallemant, curé de Saint-Nicolas. Motel, négociant. Mustellier , doyen des chapitres de Saint-Géry. Discours de MM. les commissaires. « Messieurs, « Les commissaires que vous avez honorés de votre confiance, pour rédiger le cahier des plaintes, remontrances et doléances de la commune de cette ville, vont mettre sous vos yeux le résultat de leur travail. « Pénétrés de l’importance de leur mission, et jaloux de justifier l’honneur de votre choix, ils n’ont rien négligé pour exprimer vos vœux, avec tout le zèle que vous attendiez d’eux. En se livrant à ce travail, Messieurs, ils se sont infiniment élevés au-dessus de toutes considérations personnelles ; ils n’ont vu que vos désirs, vos droits, vos intérêts, et les ont soutenus avec la chaleur et la fermeté qui convenaient à l’importance de l’objet. « Ils présument trop bien de leurs concitoyens pour craindre que ceux dont les intérêts particuliers se trouveraient choqués par quelques-unes des demandes contenus dans ce cahier, puissent leur supposer d’autres vues que le bien général. « S’il se trouvait pourtant quelques personnes qui méconnussent à ce point le devoir du citoyen et l’amour de la patrie , la peine que vos commissaires en ressentiraient se trouverait bientôt effacée par le glorieux avantage d’avoir mérité l’assentiment public et l’approbation générale, récompense à laquelle on ne peut rien comparer. » CAHIER. Les habitants de la commune de Valenciennes supplient très-humblement Sa Majesté d’agréer les assurances respectueuses de leur amour, de leur vive fidélité et de la reconnaissance que (I) Nous publions ce cahier d’après uu manuscrit des Archives de l’Empire. leur inspirent les bontés de leur souverain, qui, en convoquant 1a-nation, leur permet d’envoyer dans son assemblée deux députés pour porter au pied du trône les vœux et plaintes de la commune. Elle ne peut en cette circonstance donner une preuve plus sensible de son attachement à la patrie, qu’en formant ie vœu de voir toujours régner sur la monarchie l’auguste maison de Bourbon et que les vues paternelles d’un roi bon et bienfaisant se trouvent encore longtemps secondées par les efforts et les lumières d’un ministre dont les talents supérieurs et l’austère probité ont captivé l’estime et la confiance des Français , ainsi que l’admiration de l’Europe entière. Valenciennes étant un comté distinct et séparé de celui de Hainaut, les trois ordres se trouvent confondus dans son administration : les habitants de cette commune, pour exposer leurs plaintes et doléances, ont cru devoir adopter un ordre et une division qui leur ont paru sympathiser mieux avec le régime qui jusqu’à ce moment a gouverné cette ville Ce cahier sera donc divisé en deux. La première partie sera divisée en huit sections. La première section traitera des Etats généraux. La seconde des Etats provinciaux. La troisième, de l’administration. La quatrième, du clergé. La cinquième, de la justice. La sixième, de la police. La septième, des finances. La huitième, du commerce en général. La seconde partie recevra trois subdivisions. L’une, relative à l’administration de la ville de Valenciennes. La seconde, à la gestion de ses finances. La troisième comprendrais objets qui intéressent son commerce particulier. PREMIÈRE PARTIE. SECTION PREMIÈRE. Des Etats généraux. (Les articles compris dans cette section ont été séparés en trois classes différentes.) On a rangé dans la première les demandes concernant l’assemblée nationale et son organisation. Dans la seconde, les dispositions provisoires. Et dans la troisième, les notions tendant à établir des lois qui seront réputées fondamentales et autres dispositions permanentes. 1° De l’assemblée nationale et de sa formation. Art. 1er. MM. les députés présenteront leurs cahiers dans la même forme que les deux premiers ordres, et veilleront avec attention et fermeté à ce que l’ordre du tiers reçoive de la part des autres ordres les égards qu’il a droit d’en attendre. Art. ?.. Ils soutiendront sans pouvoir s’en écarter que les voix doivent être comptées par tête et non par ordre. Art. 3. Ils demanderont qu’aucun membre des Etats ne puisse être inquiété ni recherché, pour ce qu’il aura dit ou soutenu dans les Etats généraux. Art. 4. Que les Etats généraux organisent leur constitution de manière que les choix soient libres et que le tiers se trouve toujours en nombre égal à celui des deux autres ordres. °Art. 5. Qu’ils ne puissent établir aucune commis