103 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (10 juin 1791.J avez très bien fait; mais si on ne prend quelque autre précaution, il faudra recourir continuellement à des décrets particuliers sur les moyens d’exécution des lois ; il n’y aurait pas de jour où il ne faille rendre un décret. M. Bontteville-Dnmetz. La proposition de M. de Beaumetz est si juste qu’elle n’aurait dû souffrir aucune difficulté. On ne peut pas adopter des formes inconstitutionnelles, comme celles de renvoyer aux ministres à expliquer les dispositions des lois. Un acte déposé dans le procès-verbal n’est rien quand il n’a pas été sanctionné par le roi; il n’a pas le caractère de loi. M. llerlin. Je propose un moyen de concilier les principes invoqués à juste titre par le préopinant avec la marche que vous propose le comité deGoustituti on. Ce moyen consiste à ajouter dans le procès-verbal, à la suite des dispositions qui vous sont présentées, ces mots : « L’Assemblée, considérant que les dispositions proposées, quoique justes en elles-mêmes, ne sont que de purs moyens d’exécution, les renvoie au pouvoir exécutif. » M. Démeunier, rapporteur. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée que tout cela est dans les dispositions que nous vous proposons; on a même ajouté que c’était à cause des circonstances que dans ce moment on prenait ce mode d’exécution. M. d’André. J’insiste pour que l’Assemblée adopte la proposition du comité de Constitution. Plusieurs membres demandent que ces dispositions soient mises aux voix et converties en décret. (Cette dernière motion est décrétée.) En conséquence, le projet de décret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Le tirage au sort de la moitié des membres des administrations de département et de district qui doit être remplacée, au terme de la loi sur la convocation de la première législature, sera annoncé 3 jours à l’avance, et se fera par les directoires de département et de district, les portes ouvertes. Art. 2. « Ceux qui sont morts, et ceux qui auraient donné ou donneraient leur démission avant le tirage, feront partie de la moitié qui doit être remplacée, et le tirage n’aura lieu que pour l’excédent, jusqu’à concurrence de cette moitié. Art. 3. « Un premier tirage fera sortir la moitié des membres des directoires de département et de district, et un second tirage ne portera plus que sur les membres du conseil. Art. 4. « L’administration entière de département ou de district, en nommant les membres qui doivent compléter le directoire, ne pourra les choisir que parmi ceux qui vont être élus ou réélus, aux termes de loi du 29 mai dernier. Art. 5. « Les citoyens qui vont être élus pour renouveler la moitié des membres des administrations de département et de district, n’entreront en activité qu’à l’époque de la prochaine session des conseils, qui sera incessamment déterminée, et chacun des membres actuels des directoires continuera ses fonctions jusqu’à l’ouverture de cette session. » (Ce décret est adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Messieurs, on paraît douter si les électeurs actuels pourront être nommés de nouveau électeurs, aux termes de la loi sur la convocation de la première législature. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi est permis : les électeurs actuels peuvent donc être nommés de nouveau, dès la prochaine formation du corps électoral. On demande, d’un autre côté, si un membre du tribunal de cassation ou d’un tribunal de district peut être en même temps suppléant d’un autre tribunal quelconque. L’incompatibilité résulte de l’esprit des décrets; ainsi un membre du tribunal de cassation ou d’un tribunal de district ne peut être en même temps suppléant d’un autre tribunal quelconque. (L’Assemblée adopte ces explications et ordonne qu’elles seront consignées dans le procès-verbal.) M. d’André. A l’époque où les assemblées primaires vont se former et où les électeurs vont se rassembler, il est urgent que vous décidiez si les électeurs seront payés ou non et comment ils le seront ; car je vous observe qu’il y a eu mille difficultés ià-dessus. Je demande donc que le comité soit tenu de s’expliquer très incessamment sur cet objet. M. Démeunier, rapporteur. Je ne me permettrai pas de rendre compte de cet objet; il en a été question plusieurs fois au comité et on vous en fera le rapport très incessamment. Mais je préviens l’Assemblée, et il serait utile à la chose publique que chacun des députés, dans sa correspondance avec les départements, voulût bien avertir que désormais les électeurs n’auront à s’assembler qu’une fois tous les deux ans, excepté lorsqu’il s’agira d’élection d’évêque, ce qui sera très rare : ainsi ce qui est arrivé en 1790 n’aura plus lieu. M. Boissy-d’ An glas . Je demande que le comité s’occupe des moyens de faire rembourser les sommes avancées aux administrateurs composant les conseils des départements. M. Démeunier, rapporteur. Le comité n’a encore aucune connaissance de sommes avancées aux administrateurs en vertu de délibérations; il va toutefois s’occuper de cet objet de concert avec celui des finances. M. Grelet de Beauregard. Je désirerais qu’aux explications données par l’Assemblée, elle en joignît une pour décider si les fils de famille dont les pères payent une contribution égale à celle qui est nécessaire pour être éligible à la législature et aux places administratives, mais qui, n’ayant encore rien d’acquis, ne sont pas eux-mêmes imposés à la somme nécessaire à l’éligibilité, peuvent être élus. 104 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juin 1791.] Je demande que les fils de famille dont les pères sont imposés à une somme qui, répartie sur tous les enfants, les rendrait éligibles, puissent être élus. (L’Assemblée renvoie la proposition de M. Gre-letde Beauregardau comité de Constitution pour en rendre compte très incessamment.) M. Le Chapelier, au nom des commissaires envoyés chez le ministre de la marine. Messieurs, l’Assemblée nationale a chargé ce matin des commissaires de se rendre chez le ministre de la marine pour savoir où en était l’exécution du décret concernant les colonies ; je suis chargé de vous rendre compte de notre mission. Nous venons de chez le ministre ; il nous a répondu que le garde des sceaux lui avait promis hier de lui envoyer, ce soir ou demain au plus tard, une expédition du décret. 11 nous a ajouté que les commissaires étaient prêts à partir et que des avisos étaient également prêts, depuis plus d’un mois, dans les ports de Brest, de Lorient et de Rochefort. Le ministre nous a toutefois fait part d’un doute qui a ralenti ces dispositions ; il ignore si l’intention de l’Assemblée est que les commissaires partent seulement avec le décret sur les gens de couleur nés de père et de mère libres, ou s’ils doivent attendre les instructions relatives à la Constitution des colonies. L’incertitude du ministre de la marine est justifiée par le texte même de vos décrets. Il nous a donc paru, Messieurs, qu’il était nécessaire de prendre une détermination, premièrement pour savoir si les commissaires partiront — chose qui me paraît utile — ; secondement pour savoir s’ils partiront avec les instructions qui doivent servir de base aux déterminations et aux propositions des colonies sur les diverses parties de leur Constitution intérieure, et s’ils attendront l’époque où vos comités doivent vous faire leur rapport sur cet objet. Ainsi je propose à l’Assemblée de renvoyer cette double proposition du départ immédiat des commissaires, même sans instructions ou accompagnés d’instructions, quoiqu’elles n’aient pas été lues à l’Assemblée, mais comme simple mémoire. Je demande que cette double proposition soit renvoyée aux comités pour en faire le rapport dans deux ou trois jours. (La motion de M. Le Chapelier est décrétée.) M. le Président. La parole est à M. Bureaux de Pusy pour faire un rapport sur Vêtat actuel de l'armée. M. Bureaux de Pusy, au nom des comités de Constitution, militaire, diplomatique , des rapports et des recherches (1). Messieurs, les comités auxquels vous avez renvoyé l’examen des mesures propres à rétablir la tranquillité publique dans le royaume, et à le mettre à J’abri des ennemis du dehors et de ceux du dedans, ont pensé que le premier objet dont ils devaient vous rendre compte était l’état actuel de l’armée, et que d’abord il fallait songer à détruire le principe du poison qui la dévore. Un grand désordre existe dans l’armée : la discipline et l’instruction en sont bannies ; la confiance est détruite entre les supérieurs et les subordonnés; le mal s’accroît avec une effrayante rapidité; vous en êtes avertis de toutes parts : des pétiiions multipliées demandent, les unes, le licenciement total de l’armée, pour la recomposer sur de nouveaux principes ; d’autres se bornent à demander le licenciement des officiers. Les motifs apparents de ces adresses sont l’incivisme dont on accuse ces mêmes officiers, les projets qu’on leur suppose; enfin, le danger de laisser à la tête de la force publique des hommes que l’on regarde comme ennemis de la Révolution. Avant d’apprécier la validité et l’importance de ces raisons, permettez que j’examine d’abord ce qu’il peut y avoir d’utile ou de dangereux dans le licenciement demandé. Il y a deux propositions : celle du licenciement total et celle du licenciement des officiers seulement. Je ne m’occuperai que de cette dernière, tous les raisonnements que je ferai sur cette hypothèse étant applicables à l’autre. Quel est l’objet pour lequel on veut licencier les officiers? C’est, dit-on, pour éloigner de l’armée des hommes ennemis de la loi. Supposons l’accusation fondée et votre résolution prise en conséquence ; alors il s’élève deux nouvelles questions : le licenciement des officiers sera-t-il absolu ou ne sera-t-il que partiel? Examinons d’abord la proposition sous ce dernier rapport. Si vous ne licenciez qu’une partie des officiers, quel sera le mode du licenciement? Il ne s’en présente que trois : un choix arbitraire, le sort, et une réforme qui, frappant également sur tous les grades, fera sortir de l’armée le nombre d’officiers que vous voudrez supprimer. La première manière est une vexation, un acte de despotisme plus odieux, plus insupportable qu’aucun de ceux que l’on reproche à l’ancien régime : d’ailleurs, qui peut vous assurer qu’elle remplirait votre objet? Quels seront les hommes auxquels vous confieriez cet important triage? Qui leur donnera le tact et la justice nécessaires pour remplir cette délicate mission? Qui les dépouillera tellement de passions, de prévention et d’erreur, qu’ils ne puissent choisir précisément que ceux que vous croiriez utile de conserver? Il est donc incontestable que le premier mode, en présentant tout ce que les formes arbitraires ont de plus révoltant, vous laisse dans la plus grande incertitude sur le succès que vous ambitionnez dans cette opération. Si vous faites le licenciement par le sort ou par la réforme, il est évident que vous ne remplissez pas davantage votre objet, car la réforme et le sort peuvent conserver ceux que vous croiriez devoir éloigner, et réciproquement : d’où il suit que ces deux méthodes ne serviraient qu’à tourmenter l’armée, sans utilité pour la chose publique. Le licenciement partiel est donc essentiellement vicieux, quel que soit le mode qu’on veuille adopter pour le faire. Ce n’est pas tout. Suppo-sons-le effectué d’une manière quelconque. Gomment suppléera-t-on les officiers qui auront été licenciés? Leur donnera-t-on pour successeurs les officiers reconnus susceptibles de remplacement par les décrets précédemment rendus ? Mais on peut faire à ceux-ci le même reproche qu’aux officiers en activité ; et le remplacement, suivant cette méthode, ne pourvoit en aucune manière aux inconvénients que vous voulez faire disparaître. Dira-t-on qu’on les soumettra au mode épuratoire qui sera adopté pour le licenciement des officiers en activité ? Mais ce (1) Ce document est incomplet au Moniteur.