BAILLIAGE D’ALENÇON ■*— NJ-CAHIER DES VOEUX, REMONTRANCES ET DOLÉANCES DU CLERGÉ DU BAILLIAGE PRINCIPAL D’ALENÇON, RÉUNI EN LA VILLE D’ALENÇON EN VERTU °DES ORDRES DE SA MAJESTÉ, PORTÉS DANS LA LETTRE DE CONVOCATION DU 24 JANVIER DERNIER ET POUR SE CONFORMER AU RÈGLEMENT CI-ANNEXÉ (1). Du 27 mars 1789. L’ordre du clergé charge ses députés de faire parvenir au pied du trône, l’iiommage de son ftrofond respect, de son attachement, de sa fidé-ité et de sa vive reconnaissance. Quoique ces sentiments soient gravés dans tous les cœurs français, le clergé se fera toujours un devoir d’en donner l’exemple et de faire les vœux les plus sincères pour la gloire et la conservation de Sa Majesté. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.- 1° N’admettre personne aux Etats s’il n’est député par la nation, toute autre qualité étant contraire aux lois d’une véritable représentation. 2° Arrêter que si un membre des Etats se chargeait de porter à l’assemblée nationale les ordres du gouvernement, il perdrait sa qualité de député et ne pourrait plus délibérer. 3° Déclarer les députés personnes inviolables, qu’ils ne seront coupables qu’envers l’assemblée des Etats de ce qu’ils pourront dire, proposer ou faire. 4° Prendre acte de la déclaration du roi, par laquelle Sa Majesté a reconnu qu’elle ne pouvait pas établir d’impôt sans le consentement de la nation, déclarer par une loi nationale que la nation ne reconnaîtra plus d’autres impôts que ceux qu’elle aura librement consentis. 5° Défendre aux députés de s’occuper au commencement de leur séance d’aucun impôt et renvoyer cet objet à la fin de Rassemblée: Religion. 1° Demander qu’on la maintienne dans toute son intégrité et dans sa pureté, ne se prêter à rien de ce qui pourrait y porter la moindre atteinte. 2° Empêcher la circulation des livres impies qui attaquent le dogme et la morale; mêmes précautions à prendre pour les ouvrages obscènes qui portent la corruption dans les cœurs. 3° Travailler au rétablissement des mœurs publiques; c’est d’elles que dépend la prospérité des empires. 4° Maintenir la solennité du culte, et qu’il soit réservé exclusivement à la religion catholique. La saine politique même proscrit deux religions publiques dans un Etat. 5° Demander le rétablissement des synodes et (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. des conciles provinciaux pour le maintien de la discipline ecclésiastique, et qu’ils soient convoqués périodiquement tous les cinq ans. 6® Demander le maintien des lois et ordonnances reçues dans le royaume qui forment le droit public ecclésiastique et canonique. 7° Demander que les rituels de chaque diocèse soient homologués au Parlement. 8° Demander spécialement l’exécution des lois relatives à l’observation des fêtes et dimanches et à la décence que l’on doit garder dans les églises. 9° Prendre des moyens efticacespour réformer l’éducation publique, multiplier les moyens d’instruction et doter suffisamment les collèges qui jouissent d’un modique revenu. 10° Maintenir les corps religieux, y maintenir également la régularité. Cierge ’. 1° Y maintenir la décence, la subordination et la régularité, établir son gouvernement sur des bases fixes, en bannir l’arbitraire ; 2° Lui conserver sa forme de répartition. 3° Réformer la composition et l’organisation des chambres ecclésiastiques ; que les membres en soient nommés par les différentes classes de bér néficiersdu diocèse, qu’ils changent tous les trois ans, et que les curés soient en nombre égal aux autres membres. 4° Demander que tous les revenus ecclésiastiques situés dans l’étendue d’un diocèse y soient imposés, quelle que soit la situation des bénélices dont ils dépendent. 5° Que l’on ne puisse faire aucune dépense publique dans chaque diocèse à la charge du clergé sans l’avoir consulté auparavant et obtenu son consentement dans une assemblée composée de députés de son choix et qu’il lui soit rendu compte de l’emploi des sommes levées jusqu’à ce jour. 6° Prendre des mesures efficaces pour régler la disposition des bénéfices d’une manière plus canonique et plus conforme à l’esprit de l’église, demander qu’on n’en accumule pas plusieurs sur la même tête, et que tout bénéficier réside. 7® Demander la révocation de l’arrêt du conseil du 5 septembre 1789, obtenu par l’administration des domaines, qui oblige les ecclésiastiques à passer à l’enchère en présence du subdélégué de l’intendant les premiers baux de construction et reconstruction. 8° Etablir dans chaque diocèse un fonds disponible pour donner des secours aux pauvres prêtres infirmes et aux curés qui seront obligés de se démettre soit à raison de leur âge, soit à raison de leurs infirmités, en confier la répartition au bureau diocésain formé d’après le nouveau plan. 9° Demander que le clergé du second ordre de toutes les classes soit admis par des députés de son choix, soit dans les assemblées générales du [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d'Alençon.] 7€9 clergé, soit dans les conciles provinciaux, soit dans les Etats provinciaux, et généralement dans toutes les assemblées publiques qui pourraient intéresser l’ordre entier de la société. 10° Reconnaître toujours le clergé comme premier ordre de l’Etat et lui conserver le rang qu’il a toujours eu, en cette qualité, dans toutes les assemblées. 11° Demander la suppression du droit de déport, sauf l’indemnité. 12° Demander que la prévention en cour de 'Rome ne puisse avoir lieu qu’un mois après la mort du titulaire. 13° Demander la permission de reconstituer les deniers provênant des amortissements des gens de mainmorte. 14° Restreindre l’usage des moratoires aux cas graves, aux jugements des officiaux sans qu’on puisse. les contraindre. Cures. 1° Unir toutes celles divisées en plusieurs titres ou portions. 2° Augmenter les portions congrues à raison de la population, de l’étendue et des charges des paroisses, de manière que chaque curé portion-naire ou non ait au moins quinze cents livres, et pour les paroisses où les dîmes ne suffiraient pas, y suppléer par l’union des bénéfices, pourvoir provisoirement au sort de ces curés en attendant l’exécution de ces unions, augmenter la pension des vicaires en proportion. 3°’ Demander une loi qui simplifie les formalités des unions. 4° Autoriser les curés et vicaires à écrire sur papier libre tous actes sous seing privé, pourvu qu’ils le fassent gratuitement. 5° Demander la révocation de l’édit de 1696 dans les articles contraires aux droits des curés. Constitution. 1° Déclarer que la France est une monarchie tempérée, que le monarque doit régner suivant les lois et que tous les citoyens sont égaux devant la loi ; 2° Que la couronne est héréditaire de mâle en mâle et importable; 3° Que tout citoyen français est libre sous la sauvegarde des lois, qu’on ne peut porter aucune atteinte à sa liberté individuelle, à sa propriété et à son honneur, que par l’application des lois et l’intervention des tribunaux ordinaires. 4° Supprimer les lettres de cachet et tous ordres arbitraires, de manière que les citoyens ne dépendent uniquement que des lois. 5° Que tout citoyen qui serait arrêté et emprisonné sera remis dans les vingt-quatre heures entre les mains de ses juges, et qu’il pourra citer et poursuivre devant le juge celui qui l’aura fait arrêter. 6° Ménager des ressources aux familles pour réprimer les écarts de leurs membres. 7° Déclarer que si l’avantage public exige qu’un citoyen cède une partie de sa propriété, on la fera estimer contradictoirement et on lui en remettra le prix sur-le-champ, seule condition en vertu de laquelle on puisse l’obligera faire ce sacrifice. 8° Prendre des mesures pour que les grâces et les honneurs ne soient plus le prix de la faveur ou de l’intrigue, mais la reconnaissance des services, des talents et des vertus. 9° Supprimer toutes les places inutiles, ne conserver que celles qui imposent des devoirs et des obligations envers la société. ' 10° Ne les confier qu’à ceux qui sont en état de les remplir, supprimer leur vénalité : ce n’est pas l’argent qui conduit aux postes établis pour maintenir l’ordre, la justice et l’harmonie dans la société, mais le suffrage de l’opinion publique. 11° Que les talents et les vertus pourront mener à tout ; supprimer toutes les exclusions qui seraient uniquement fondées sur la naissance. 12° Dans la concurrence pour les places, don� ner la préférence à la noblesse, toutes choses égales d’ailleurs. 13° Supprimer la vénalité de la noblesse ; elle doit être la récompense des services publics et non le prix de l’argent: c’est la dégrader. 14° Permettre à la pauvre noblesse certains états honnêtes sans qu’elle déroge. 15° Permettre la liberté de la presse avec des modifications' convenables. 16° Prendre des moyens convenables pour détruire le luxe, ou du moins en arrêter le progrès : il énerve et corrompt les âmes. 17° Diriger le génie national vers des objets utiles. 18° Conserver la distinction et le rang des trois ordres qui composent la nation. 19° Respecter les propriétés des individus et des corps connus, chose sacrée et inviolable ; conserver les privilèges, les prérogatives du clergé et ses formes antiques comme faisant partie de sa propriété. Impôts. Avant d’en accorder aucun, constater par pièces justificatives l’état réel de la recette, des charges et du déficit ; ce droit des députés est fondé sur la nécessité du consentement des peuples pour la légalité des impôts. On ne peut établir un impôt sans en déterminer la quotité et on ne peut la déterminer sans connaître l’étendue du besoin. Cette vérification faite, examiner les retranchements, économies et bonifications que l’on peut faire dans toutes les parties, donner au roi la représentation convenable au souverain d’un grand empire. Après ces opérations préliminaires, déclarer : 1° Que le clergé dudit bailliage consent à l’égalité de la répartition de l’impôt à condition toutefois que sa dette sera comprise dans celle de la nation comme en faisant partie ; 2° Qu’on ne reconnaîtra d’autres impôts que ceux qui auront été consentis par la nation légalement assemblée ; 3° Qu’on ne pourra en consentir aucun, sans en déterminer la durée, et qu’à la révolution de l’époque fixée, nul ne pourra en exiger le payement. 4° Reconnaître et sanctionner la dette publique : l’honneur et la justice le demandent. 5° Qu’on ne pourra’ faire aucun emprunt, ni extension d’emprunt, sans le consentement des Etats généraux. 6° Faire exécuter la loi sur la chasse, aviser au moyen de mettre les riverains à l’abri des dégâts commis par les bêtes fauves. 7° Soumettre les parcs , avenues et terrains d'agrément à l’impôt et en régler la quotité sur la nature et l’étendue du sol. Trésor royal. Examiner sérieusement : 1° Les gratifications et pensions, discuter les motifs de leur concession, afin de les conserver, flO {États gén. 4780. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Alençon.] supprimer ou réduire suivant les cas, arrêter qu’aucune ne sera accordée à l’avenir que pour services rendus à l’Etat, qu’on en fera imprimer la liste tous les ans avec les motifs de leur concession, Justice, Réformer le eode civil et criminel, supprimer les peines distinctives, simplifier la procédure, n’enlever jamais personne à ses juges naturels, supprimer les commissions, attributions et évocations. 2° Etablir des juges de paix et attribuer aux municipalités dans les campagnes la connaissance de3 actions possessoires comme conciliateurs. 3° Demander des arrondissements pour les juridictions sulbaternes, augmenter la compétence des présidiaux, bailliages et sénéchaussées. 4° Réduire les tribunaux de première instance, permettre à tout citoyen de se pourvoir directement devant le juge royal. 5» Demander qu’on rende à la société ceux qui ont été condamnés et sont détenus pour contravention aux lois féodales et fiscales et l’abolissement des peines infamantes attachées à ces infractions. 6° Demander que les banqueroutiers ne puissent déposer leur bilan, s’ils ne se constituent prisonniers, que les franchises et les asiles soient abolis. 7* Accorder protection à la juridiction consulaire. 8° Autoriser les municipalités à faire gratuitement les actes de tutelle et inventaires. 0o Demander qu’il soit fait un règlement en Normandie pour fixer l’âge nécessaire pour contracter mariage sans le consentement des tuteurs. Administration. 1« Prendre des moyens pour empêcher les abus et les déprédations. 2» Régler la dépense des divers départements, le nombre des commis nécessaires, leur traitement et celui des ministres. 3q Attribuer aux tribunaux ordinaires les contestations relatives aux domaines. 4° Consentir aux aliénations du domaine qui ont pu être faites ou qu’on pourrait proposer, si elles sont avantageuses au roi et à la nation. 5° Examiner les échanges qui ont pu être faits, se prêter à l’action que l’on pourrait intenter pour les faire annuller gp on reconnaît qu’ils sont onéreux à la nation. 6° Soumettre les parties de domaines situées dans les provinces à l’inspection des Etats provinciaux, ainsi que les forets royales, et prévenir par des plantations la disette des bois. 7° Encourager l’agriculture et le commerce par la suppression des privilèges exclusifs, des entraves qui les gênent et par 'le reculement des barrières aux frontières du royaume. 8« Supprimer les aides, gabelles, fermes du tabac, et laisser aux provinces d’aviser aux moyens de les remplacer, 9» Modérer les droits de contrôle et droits sur les actes judiciaires. 10® Demander la suppression des ponts et haussées et charger de cette partie les Etats provinciaux. Etats provinciaux. 1° Remettre en vigueur les droits et prérogatives de la province de Normandie consignés dans la charte normande. 2° Continuer, coneéder ou rétablir les Etats provinciaux dans foutes les provinces du royaume. 3° Que les membres en soient élus librement parles habitants, qu’ils soient pris dans tous les ordres, qu’ils ne puissent conserver leur place que trois ans. 4° Leur confier la répartition et la perception des impôts et la faculté de les faire porter directement au trésor royal. 5° Dans les provinces un peu étendues, établir. des commissions intermédiaires ; dans les villes principales, conserver les assemblées de département et les municipalités pour veiller à l’exécution des ordres qui leur seront adressés. 6° Examiner s’il serait plus avantageux de rendre les Etals généraux périodiques ou permanents, jusqu’à ce qu’ils aient mis la dernière main à l’ouvrage qu’ils n’auront fait qu’ébaucher dans leur première tenue. 7° Réclamer la forme ancienne de voter par ordre, Troupes. i* Empêcher leurs déplacements fréquents, les employer à des travaux publics : on préviendra les vices et les désordres qui sont la suite nécessaire de l’oisiveté. 2° Faire enregistrer les lois nationales dans les cours souveraines, sans qu’elles puissent y faire aucune modification, 3° Demander que la monnaie ne puisse être changée ou altérée, et que la valeur numéraire soit en proportion de la valeur intrinsèque. 4° Prier les Etats généraux de prendre en considération l’établissement de la société des amis des noirs, et de s’occuper des moyens d’en abolir la traite. Au surplus, donne l’ordre du clergé à ses députés toutes instructions et pouvoirs pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et la nation, en leur recommandant spécialement d’employer leur prudence, leur sagesse et tout leur zèle à faire valoir toutes lés demandes et remontrances contenues au présent. Fait et arrêté le vendredi vingt-septième jour de mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, la minute signée de Rassemblée de l’ordre du clergé et enfin Richer, président, et Marchand, prêtre secrétaire. En suite de quoi est écrit : « Le présent, contenant cinq feuillets, a été coté et paraphé par nous, Joseph Richer, curé de Perte ville, président de l’ordre du clergé du bailliage principal d’Alençon, ce vingt-sept mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, signé Richer, président. » Collationné par nous et délivré, sur la vérité d’icelle, par nous, greffier soussigné, signé Bré-montier. CAHIER DE L’ORDRE DE LA NÔBLESSE DU BAILLIAGE D’ALENÇON (1). Art. 1er. En l’assemblée de l’ordre de la noblesse du bailliage d’Alençon, tenue audit Alençon, par suite et en exécution des lettres du roi, données à Versailles le 24 janvier dernier, pour la convocation des États libres et généraux du royaume, (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat.