[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1791. ) 463 quelques inquiétudes sur le silence de vos commissaires et l’on semble craindre qu’il ne se fabrique une masse d’assignats plus considérable que celle déterminée par vos décrets. S’il pouvait se glisser quelque abus dans une, opération aussi importante, il c’y aurait plus ni confiance, ni crédit à espérer, et si cette base fondamentale de toute prospérité nationale venait à s’ébranler, il ne nous resterait plus que des vœux stériles à former et l’idée affligeante que la ruine de l’Etat est l’ouvrage de nos propres main -. Je demande que les commissaires à la fabrication des assignats soient tenus de présenter incessamment l’état de cette fabrication. M. «le Saint-Martin. J’ai l’honneur d’observer que les commissaires nommés pour surveiller la fabrication des assignats n’ont pas oublié les soins dont elle est susceptible; les matrices et ustensiles qui ont servi à cette fabrication ont été renfermés sous clefs. M. de Folleville. La réponse du préopinant ne doit pas empêcher ma motion d’avoir lieu; je répète que c’est le soin le plus sévère qui peut 'entretenir et confirmer le crédit des assignats et il est important de donner aux faits qui viennent d’être indiqués la plus grande publicité. M. Itegnaud {de Saint-Jean-d'Angély). Dans une matière aussi importante et aussi délicate que celle des assignats, il faut que l’on rende des comptes à l’Assemblée dès qu’elle le demande, qu’elle connaisse l’état de cette fabrication, que le public sache qu’il a été remis à la caisse de l’extraordinaire tant de millions, qu’il en reste tant à fabriquer, afin qu’une opération de laquelle dépend le crédit public, sur laquelle repose le succès de la Révolution, soit toujours sous les yeux de tout le monde. La demande de M. de Folleville est juste et je l’appuie de tout mon pouvoir. (L’Assemblée décrète que les commissaires à la fabrication des assignats rendront compte incessamment à l’Assemblée de l’état de cette fabrication.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre des citoyens français de Saint-Domingue mandés à la suite de U Assemblée. Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Les 85 citoyens français de Saint-Domingue, venus sur le vaisseau le Léopard, et réduits aujourd’hui par la mort au nombre de 80, ne peuvent, dans l’inexprimable situation où ils se trouvent, se dispenser de faire encore une tentative pour solliciter la justice de l’Assemblée nationale. Si on leur conteste toute qualité, du moins ne leur refusera-t-on pas celle d’infortunés, puisqu’ils ne peuvent attendre que de l’Assemblée nationale la fin de cette infortune, encore moins les repous-sera-t-on de l’audience qu’ils sollicitent depuis 6 mois, pour obtenir un jugement qui décide enfin de leur sort et de l’examen qui doit le précéder. « Cet examen leur a été formellement promis le 12 octobre dernier, dans le rapport mêmequi a motivé le décret de ce jour; le rapporteur, en demandant l’anéantissement de leurs actes et de leur destitution, a ajouté : « Nous n’arrêterons point au-« jourd’hui votre attention sur iaconduite indivi-« dueile des membres de-i’assemblée de Saint-Marc. « Il est juste à cet égard de, leur donner du temps ; « il convient de peser attentivement jusqu’à quel « point l’éloignement des lieux et la fermentation « du moment peuvent excuser certaines erreurs. « Des hommes qui ont été choisis par la confiance « de leurs concitoyens ont, sans doute, à faire « valoir de puissantes préventions; et lorsque >< leurs actes sont jugés, c’est encore un devoir « d’examiner l’esprit et les motifs qui les ont « conduits. » « Ce texte est formel, l’examen qui en est résulté comme un devoir, est ce que nous demandons, et pour le requérir, nous avons encore un titre plus authentique, plus solennel, s’il est possible, que cette déclaration du rapporteur, qu’on ne soupçonnera pas de nous avoir été trop favorable; c’est la lettre que nous a écrite, il y a précisément un an, au nom de l’Assemblée nationale, un de vos prédécesseurs dans la plus auguste place où vous siège*. M. l’abbé Montes-quiou, le 30 mars 1790, en nous envoyant le décret du 8 du même mois, nous disait : « L’empire français a besoin de toutes les res-« sources, mais il veut qu’elles soient fondées sur « la justice; c’est elle qui doit déterminer tous « nos rapports. » Il ajoutait : « Demandez, Mes-« sieurs, avec confiance tout ce que vous croirez « utile à votre colonie, le roi et l’Assemblée vous « y invitent. » « C’est celte promesse, Monsieur le Président, que nous avons dù croire sacrée; c’est cette invitation, dont nous n’avons pas dû nous défier, qui nous ont conduits ici : nous réclamons donc la justice qui doit déterminer tous les rapports de la France avec les colonies françaises. « Sous quelque aspect que l’Assemblée nationale veuille maintenant nous envisager, nous sommes constamment une portion de ceux à qui M. l’abbé Montesquiou écrivait de sa part le 30 mars 1790: « Demandez avec confiance tout « ce que vous croirez utile à votre colonie. » Or, ce que nous croyons de plus utile, de plus nécessaire, de plus urgent pour notre malheureuse colonie, c’est de ne pas laisser plus longtemps 80 de ses citoyens, jugés par elle dignes de l’honneur de la représenter, dans les entraves cruelles où nous languissons depuis 6 mois, c’est de les juger, de les punir rigoureusement s’ils ont pré-variqué; de reconnaître autrement leur innocence s’ils ne sont pas coupables et s’ils n’ont pu l’être; et comme ce jugement ne peut pas intervenir s’il n’est précédé par un examen, c’est cet examen, à la barre de l’Assemblée nationale, que nous sollicitons. « S’il était possible que nous éprouvions encore un refus, nous demanderions à l’Assemblée nationale : 1° la permission de partir, de retourner enfin dans nos foyers, plus que jamais menacés de toutes les espèces de dangers, des invasions les plus terribles sur lesquelles on cherche, comme sur le reste, à faire illusion à l’Assemblée nationale, 2° que le comité, notre accusateur, soit tenu de nous communiquer les griefs qu’il a contre nous, et dont il n’a pu s’empêcher, le 28 octobre dernier, de reconnaître que la vérification était un droit pour nous, un devoir pour nos juges. « Il est essentiel pour notre justification, du moius aux yeux de nos commettants, que nous puissions, ou constater que notre conduite individuelle n’a pas influé sur la rigueur avec laquelle nous avons été traités ici, ou que, si elle a été suspecte, nous avons fait tout ce qui a dépendu [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 4191.] 464 de nous pouren prouver l’innocence; sans doute, l’Assemblée nationale ne voudra pas nous laisser personnellement en butte aux soupçons qui ne manqueraient pas de nous poursuivre si nous arrivions à Saint-Domingue avec la réputation d’être accusés, ni sans avoir pu obtenir même la connaissance de l’accusation; elle ne voudra pas nous exposer, de la part de nos concitoyens, au reproche trop fondé d’une trahison criminelle ou d’une lâcheté presque aussi inexcusable. « Nous avons l’honneur d’être avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles, etc. « Signé : Bacon, DE LA CHEVALERIE, IDAILHÈRE, Boral, Thomas Millet, etc., « Commissaires par procès-verbal du 20 mars. « Paris, ce 30 mars 1791. » M. Charrier de la Roche. Il y a 6 mois que les députes de Saint-Domingue sont à Paris à la suite de l’Assemblée naiionaie; vous avez jugé leurs actes, il est temps enfin déjuger leurs personnes ; et comme il n’est pas dans l’esprit de l’Assemblée de juger personne sans l'entendre, je demande qu’ils soient admis et entendus à la barre, dans la [dus prochaine séance. M. Regnaud [de Saint-Jean-d' Ang&ly). Si les individus qui viennent de vous écrire s’étaient toujours exprimés comme ils viennent de le faire, je ne crois pas qu’on pût s’empêcher de leur accorder la très juste demande qui fait l’objet de leur lettre. On les accuse, il faut les entendre avant de les juger. Ils accusent votre comité colonial; je ne dis pas qu’ils aient raison de l’accuser, mais enfin ils l’accusent; cela suffit pour ne point renvoyer leur lettre à ce comité. Ce serait une espèce de refus; ce serait, comme le disait autrefois M. Necker des intendants, fane juge l’homme que l’on prétend qui a besoin d’êire jugé. J’appuie donc la demande de M. l’abbé Charrier. M. Rriois-Reaumetz. Ils doivent être entendus comme individus, mais non pas comme faisant un corps. M. de La Rochefoucauld-Liancourt. Vous devez vous rappeler qu’ils n’um point été reçus dernièrement à cause de l’iriévérence de leur lettre, dans laquelle ils prenaient des titres. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Ils ont signé comme particuliers; ils doivent être entendus comme pétitionnaires et comme individus. (L’Assemblée décrète que les 80 citoyens français de Saint-Domingue seront entendus à la barre, à la séance de demain soir, comme pétitionnaires et individuellement ; et elle renvoie, au surplus, leur lettre au comité colonial.) M. Camus. Comme il est important de faire connaître que les décrets sont exécutés, je dois dire à l’Assemblée que déjà, depuis quelque temps, la fabrication des 400 premiers millions d’assignats est terminée; les matrices, les ustensiles, tous les resiants de papiers, qui ont servi à cette fabrication ont éié déposées, aussitôt qu’elle a été finie et ainsi que vus décrets le portent, aux archives où ils sont enfermés. M. de Folleville. Ce que vient de dire M. Camus n’est pas suffisant, parce que cela n’a pas l’authenticité nécessaire; il faut qu’il en soit dressé procès-verbal. M. Camus. C’est fait. Je demande les ordres de l’Assemblée, non pas comme commissaire des assignats, mais comme dépositaire de ces procès-verbaux. L’Assemblée ordonne-t-elle qu’à l’instant même j’en fasse faire des copies pour être imprimées sans délai? Plusieurs membres : Oui ! oui ! (L’Assemblée décrète l’impression et la publication des procès-verbaux qui consiatent que, immédiatement après la fabrication des 400 premiers millions d’assignats, les matrices, poinçons et autre ustensiles, ainsi que les restes des papiers qui ont servi à cette fabrication, ont été déposés aux archives de l’Assemblée.) M. Lebrun, au nom, du comité des finances. Messieurs, vous croyez peut-être la corvée abolie; cependant quatre départements luréclameutet deuxd’entre eux l'ont déjà mise en u-age. Ces départements sont ceux dii Haut-Rhin et du Gard qui dans cette doctrine a succède à l’As-emblée provinciale ü’Armagnac. Les autres département som ceux du Doubs et ceux de la Dordogne. Il suffit de vous dénoncer cet abus pour faire sentir combien il importe d’y remédier. C’est dans ces vues que nous vous proposons de décréter l’abolition de toute c>rvée en nature et la défense de l’exiger d’aucun citoyen. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). J’observe à l’Assemblée que ce qu’on vous propose a déjà été décrété par vous d’une manière trop solennelle pour que l’Assemblée nationale puisse y revenir. En effet, ce serait faire croire qu’il faut renouveler les lois chaque fois que des corps ou des individus se permettent de les enfreindre; en second lieu, il existe une disposition dans le projet de décret, qui a besoin d’étre mûrement réfléchie. Il faut que votre comité vous présente, du moins je le pense, une mesure générale pour la cuniection des grandes routes, et il ne suffit pas de dire en ce moment que la corvée en nature sera remplacée par une imposition. De quel genre sera cetie impofftiun ? Quelle en sera la quo-tiié? comment sera-t-elle répartie? Enfin on sent combien de questions se présentent à discuter sur ce point. Il faut, je le répète, une loi générale ; et je demande que le projet de décret qui vient de vous être soumis soit renvoyé au comité pour qu’il vous présente des articles généraux. M. Defermon. La loi générale est faite. Parmi les objets à la charge des départements, les frais des chemins sont compris pour 20 et quelques millions. Si cette somme est insuffisante, les départements y suppléeront par des sous additionnels, comme ils seront obligés de le faire pour les dépenses de départemenis. M. de Ifontesquiou. Je demande que ces faits soient constatés d’une manière légale, rien ne me paraît plus simple qu’une telle contravention à la lui soit renvoyée au pouvoir exécutif chargé de la faire exécuter. (Applaudissements.) M. de Liancourt. Je prends celte occasion pour faire la motion expresse que vos comités d-' s finances, des contributions publiques, d’agri-