498 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1790.) M. Démennier. Je propose, par amendement, d’admettre à l’éligibilité les professeurs , docteurs et agrégés en droit, qui auront exercé leurs fonctions , ou celles d’hommes de loi pendant cinq ans. M. Gillet de La Jacqueminière. J’appuie l’amendement et je fais remarquer à l’Assemblée qu’il n’est pas possible de refuser l’éligibilité à des docteurs et professeurs en droit, chargés d’une partie importante de l’enseignement public. L’Assemblée a accordé cette faveur, ou plutôt a rendu cette justice aux professeurs des facultés des arts ; ceux des facultés de droit ne peuvent pas être moins bien traités. M. Goupil. Les professeurs de droit qui s’occupent de l’enseignement le font au point de vue scolastique ; je crois qu’ils feront des juges médiocres et qu’il ne faut pas leur donner l’éligibilité M. lie Chapelier. Il serait bien étrange que les hommes dont les travaux journaliers tendent à former les jeunes gens dans l’étude des lois ne pussent en être les organes. M. le Président met l’amendement aux voix : il est adopté. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély ). Depuis l’abolition des justices seigneuriales et les innovations introduites dans l’ordre judiciaire, les parlements admettent au serment d’avocat, à l’ouverture de leurs séances, une foule de vieux praticiens, d’huissiers ignorants et chicaneurs qui sembleraient aspirer aux fonctions de juges sans avoir acquis aucune connaissance des lois. Pour écarter ces hommes des tribunaux, il suffit de fixer l’époque de l’admission aux grades et de la faire remonter au 4 août 1789 (Cet amendement est adopté.) L’article 7 est ensuite décrété en ces termes : « Art. 7. Les procureurs et avocats du roi et leurs substituts gradués, les juges seigneuriaux, les procureurs fiscaux qui étaient gradués avant le 4 août 1789, sont éligibles aux places de juges, s’ils ont exercé pendant cinq ans, soit les fonctions de leur office , soit antérieurement celle d’homme de loi ; et s’ils réunissent d’ailleurs les autres conditions d’éligibilité, il en est de même des professeurs, docteurs et agrégés ès facultés de droit , qui auront exercé leurs fonctions ou celle d’homme de loi pendant cinq ans ; mais ils seront tenus d’opter. * M. Thouret, rapporteur , donne lecture de l’article 8. M. de Lachèze. Les degrés de parenté et d’alliance, prohibés entre les juges d’un même tribunal, demandent une explication. La computation de ces degrés sera-t-elle faite suivant le droit civil ou canonique ? M. I�e Chapelier. Il me semble que la question sera résolue, si l’article déclare que la prohibition s’étendra jusqu’au degré de cousin issu de germain inclusivement. Après ces observations, l’article 8 est décrété en ces termes: « Art. 8. Les parents et alliés jusqu’au degré de cousin issu de germain inclusivement, ne pourront être élus ni rester juges ensemble dans le même tribunal ; si deux parents ou alliés aux degrés ci-dessus prohibés se trouvent élus, celui qui l’aura été le dernier, sera remplacé par le premier suppléant. » M. Thouret, rapporteur, fait lecture de l’article 9 qui contient le détail du postume donné à tous les officiers de judicature. Le comité, dit-il, a cru qu’il devait les décorer de signes distinctifs, ainsi que l’Assemblée l’a fait pour les officiers municipaux, afin de rappeler aux peuples le respect et l’obéissance qu’ils doivent aux ministres de la justice. L’ancien costume ne pouvait subsister dans des tribunaux créés sous les auspices de la liberté; voilà pourquoi nous vous en proposons un nouveau. M. Tanjuinais. Le comité propose de distinguer le commissaire du roi en lui donnant une épée ; je viens combattre cette proposition. L’épée est une décoration des peuples barbares ; jusques à quand conserverons-nous dans nos mœurs des habitudes opposées aux progrès de la civilisation ? Les magistrats ne doivent avoir d’autres armes que la raison et la justice; il serait à désirer qu’il fût bien établi en France que l’épée ne fait plus partie que du costume militaire et seulement lorsque le militaire est en fonctions. M. Thouret. Le commissaire du roi est l’agent du pouvoir exécutif ; c’est lui qui emploie la force pour l’exécution des lois et des jugements. L’épée est donc convenable. M. le Président met aux voix l’amendemen de M. Lanjuinais : il est adopté. M. Dubois-Crancé. Le comité a voulu établir, entre les juges et les commissaires du roi, une différence qui est naturelle. Je propose donc de donner aux juges des plumes aux trois couleurs , et aux commissaires du roi des plumes blanches. M. Thouret. Cette distinction me paraît inconvenante ; puisque le roi porte lui-même les couleurs de la nation, il ne faut pas que ses commissaires en portent de différentes. (L’amendement est rejeté.) L’article 9 est ensuite décrété dans la teneur ci-dessous ; « Art.9. Les juges, étant en fonctions, porteront l’habit noir et auront la tête couverte d’un chapeau rond relevé par le devant, et surmonté d’un panache de plumes noires. « Les commissaires du roi, étant en fonctions, auront le même habit et le même chapeau, à fa différence qu’il sera relevé en avant par un bouton et une ganse d’or. « Le greffier, étant en fonctions, sera vêtu de noir et portera le même chapeau que le juge et sans panache. « Les huissiers, faisant le service de l’audience, seront vêtus de noir, porteront au cou une chaîne dorée, descendant sur la poitrine, et auront à la main une canne noire à pomme d’ivoire. « Les hommes de loi, ci-devant appelés avocats, ne devant former ni ordre ni corporation, n’auront aucun costume particulier dans leurs fonctions.» (Voy. plus loin, séance du 11 septembre, le texte complet des articles additionnels sur l’ordre judiciaire, sanctionnés par le roi.)