[Assemblée nationale.» ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 avril 1790.] 325 ceptés ou sanctionnés par le roi, ou tendant à affaiblir le respect et la confiance qui leur sont dus. » (On se dispose à passer à l’ordre du jour.) La partie droite s’y oppose pardesagitatons violentes et par des clameurs. L’Assemblée, de nouveau consultée, décide de nouveau qu’on passera à l'ordre du jour. M. Defermon, qui a le premier la parole sur les jurés, monte à la tribune. — M. le marquis de Digoine y reste. — M. de MontEosier vient aussi s’y pincer. Ils veule ut tous les trois prendre la parole. Après des débats très longs et très tumultueux de la part de la partie droite, M. de MontEosier dit aux personnes placées près de la tribune : « Il y a trois cent soixante membres qui ne peuvent prêter le serment: il s’agit de savoir s’ils sont députés ou s’ils ont cessé de l’être. Qu’on réponde... Nous voulons dissoudre l’Assemblée. M. le Président observe qu’il n’a point accordé la parole, et rappelle à l’ordre la partie droite de l’Assemblée. Plusieurs des membres placés dans cette partie disent, les uns: « Nous vous empêcherons de délibérer, si vous ne voulez pas nous écouter » ; les autres: «Nous emploierons la violence ». M. le Président rappelle à l’ordre du jour. M. l’abbé Manry, M. le vicomte de Mirabeau, M. le chevalier de Marinais. Il n’y a pas d’ordre du jour; on n’y passera pas que M. de üigoine n’ait été entendu. M. le Président rappelle encore à l’ordre du jour. La partie droite s’écrie: Nous ne passerons jamais à l’ordre du jour 1 La partie gauche se soulève d’indignation. M. Gaultier de Biauzat. Ce désordre est prémédité ;on a des projets funestes... Le piège qu’ou nous tend est grossier ; nous ne nous y laisserons pas prendre; soyons calmes... Le calme sera terrible... Que les bons citoyens fassent silence. (La partie droite jette de grands cris.) M. le Président veut parler. — Le tumulte de la droite l’empêche de se faire entendre. On propose de remettre à demain l’objet pour lequel M. de Digoine demandait la parole. — Cette proposition est décrétée. M. Defermon commence à parler sur les jurés. M. le marquis de Foucault, placé à une des tribunes de l’extrémité, interrompt M. Defermon chaque fois qu’il prend Ja parole. M. Defermon. La discussion intéressante sur l’ordre judiciaire embrasse plusieurs questions... M. le marquis deFoucault. Je demande que vous m’ecluinez. M. le Président rappelle M. de Foucault à l’ordre. M. Defermon parle. M. le marquis de Foucault crie. On demande que M. le marquis de Foucault soit rappelé à l’ordre. M. le marquis de Foucault. Il est impossible d’empêcher de parler un membre qui se croit libre. M. Defermon. Jedemande à présenter quelques réflexions sur le point ..... M. le marquis de Foucault. Le point est que je veux parler, et je parlerai. (On demande encore que M. de Foucault soit rappelé à l’ordre.) M. le marquis deFoucault, tenant à la main un papier qu'il montre successivement à V Assemblée et aux galeries . Eh bien ! voilà ma déclaration, Je me retire d’une Assemblée où je suis esclave: je me retire. (Il reste.) Un membre dit qu’un rapport du comité de constitution sur l'organisation des gardes nationales , se trouve à l’ordre du jour. Il demande que le rapporteur soit entendu. (Voy. à ce sujet la déclaration de M. Target, dans la séance du lendemain 30 avril). Un autre membre demande que, pour gagner du temps, le rapport ne soit pas lu, mais qu’il soit imprimé et distribué. Celte proposition mise aux voix est adoptée. L’Assemblée reprend la suite de la discussion sur l'ordre judiciaire relative à l'établissement des jurés. M. Defermon. La discussion des jurés en matière civile est impraticable et inutile; elle n’est d’aucune influence sur la liberté. En multipliant l’inquiétude des plaideurs, elle multipliera les frais : il n’est pas de parties de l’Europe où la procédure soit plus dispendieuse qu’en Angleterre. C’est en vain qu’on prétend induire de la possibilité d’établir les jurés au criminel, la possibilité de les établirau civil. La justice, en matière civile, ne concerne qu’un petit nombre de citovens ; en matière criminelle, elle intéresse toute la société. Au criminel, le fait est simple ; au civil, il ne peut être connu que par la comparaison des lois. . . . Il faut, au criminel, prendre plus de précautions, dût-on sauver des coupables... Les juges civils élus par le peuple, et institués à temps, ne sont autre chose que des jurés. Quand nos pères avaient des jurés en toute matière, leurs mœurs étaient simples ; la marine, le commerce et les rapports avec les étrangers n’existaient pas. Nous sommes loin de cet ancien étal, et je ne crois pas que nous puissions désirer d’y retourner. M. Garat, le jeune. Les préopinants qui ont discuté les opinions pour et contre les jurés ont sans doute jeté sur la question de grandes lumières ; mais il me semble qu’on n’a pas assez distingué l’ordre permanent auquel il faut tendre, de l’ordre provisoire par lequel il faut passer. Je vais d’abord examiner la question des jurés dans l’ordre permanent. Je comparerai les avantages et le désavantages de cette institution. Avantages de l’établissement des jurés. 1° Cet établissement affaiblira la puissance des juges comme hommes, et fortifiera celle de la justice; 2° la confusion du fait et du droit sera prévenue; 3° nul homme ne sera juge toute sa vie ; nul ne sera sûr de l’être deux fois ; cette horrible inégalité n existera plus : chacun étant juge àsun tour, une égalité parfaite sera établit?