(Assamblée Mtfoflale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 octobre 4190-1 95 Je raisonne sur ce bruit populaire sans le croire, et je dis : Sâns doute M. de La Luzerne avait traité assez peu favorablement les colonies, pour qu’elles fussent dispensées de lui conserver beaucoup de gratitude; mais cela est-il fait pour lui suggérer l’idée d’un plan qui les livrerait à tous les ministres réunis, sans espoir de s’en plaindre avec succès, quelque sujet qu’elles en eussent? Gomment, d’ailleurs, expliquer dans cette supposition, cette phrase de la première page de sa lettre au roi, du 23 de ce mois: Ces ports , ces arsenaux, ces escadres , on doit les regarder comme la véritable égide des colonies. Cyesf à coup sûr une des paille calomnies que chaque jour voit naître et mourir. Je reviens à la chose en soi. Que dirait-on de l’insensé qui soutiendrait qu’on peut désorganiser la marine, donner sès troupes et ses canons à la guerre, ses vivres au commerce, ses dépenses aux finances, ses ports� ses magasins, ses arsenaux, 4 l'administration intérieure, etc. ? Hé bien, une colonie n’est autre chose qu’un établissement maritime, dont les agents primitifs sont les vaisseaux, dont les charroyeurs, les approvisionneurs, les défenseurs, les protecteurs sont les vaisseaux, qui ne peut avoir de troupes que par des vaisseaux, des vivres que par des vaisseaux, des finances, des ports, des magasins, des arsenaux, que par des vaisseaux. Renoncez donc à la marine si vous renoncez à ces colonies, et réciproquement. Tel est cependant l’incroyable système qu’on prétend faire adopter, si ce qiie Ton débite se réalise. Il n’y a pas un seul colon à Paris qui n’en sait ému. Il fut un temps où l’on briguait, je ne dis pas seulement notre ministère, mais même tous les emplois des colonies. Ce n’était donc ni pour nous, ni pour la chose publique, qu’on les enviait, mais bien pour aller déployer au loin une puissance sans bornes, et nous montrer toutes les ressources du despotisme : du moins fàut-ii lé croire, puisqu’il n’y a de changé à notre égard, que cet art de tout soumettre, auquel nous né voulons plus nous prêter. le traitement des cinq commissaires et du secrétaire de l'amirauté, qü’on pourrait régler comme il suit ; Savoir : An premier commissaire, ses secrétaires particuliers compris é 86,000 liv. Pour les quatre autres commissaires, à 24,000 livres chacun ...... .............. 96,000 Au secrétaire d’amirauté. , . 18,000 200,000 liv. Cette dépense tiendrait lieu de la suivante : Au ministre de la marine .............. 100,000 liv. Au conseil dé la marine.. . .......... 160,000 Aux quatre intermédiaires de ce ministère. .... ....... ............... ..... ... 100,000 350,000 liv. Plus haut. ........ . , . 200,000 Bénéfice ....... ...... 450,000 liv . Je sais qu’il est des personnes que ce plan désole, et qui cachent leur chagrin sous le besoin de la fameuse responsabilité ministérielle. Pour moi, je ne crois qu’à une responsabilité ; c’est l’impuissance de faire le mal: elle ne craint ni les interprétations/ni les commentaires, ni le crédit, ni la faveutr. I Une dernière réflexion vient encore à l'apput de cette penséé ; c’est que les agents du pouvoir exécutif semblent se dégoûter d’autant plus de nous, que nous sommes mieux traités par lâ puissance nationale. Il semble que nous ayons commis envers eux un crime irrémissible, de nous être affranchis avec le reste de la nation, de cet avertissement pour lequel on nous croyait nés; au lieu de sentir que plus nous avions été malheureux, plus nous devions faire d’efforts pour ne plus l’être. Mais à l’époque où l’importance des colonies est avouée par la nation, lorsque leur conservation doit être l’objet des vues de l’Assemblée nationale, lorsque nos sentiments d’attachement et de fidélité pour la mère-patrie* prouvent que nous sommes dignes des bienfaits que nous en recevons ; lorsqu’enfln notre amour inviolable pour le meilleur des rois, nous conserve tous les droits que nous avions à sa bienveillance, comment serait-ii possible que des vues destructives du bonheur commun se réalisassent ? Comment arriverait-il que des Calculs personnels, que des convenances ministérielles pussent compromettre le sort d’une grande nation ? Pfon ; ce® jours où l’on réduisait la félicité publique à dépendre de causes tout à la fois puériles et funestes sont passés. Quand on sait que le bien pUnlic est à un tel point, c’est à ce point qu’il faut s’élevèr polir l’atteindre, et non pas tenter de l’abaisser jusqu'à soi, au risque de lé détruire. Signé : MOREAU DË SàINT-MÉRY. Je déclare adhérer complètement à l’opinion de mon collègue , parce qu'elle est conforme à l’intérêt .général du royaume et à celui particulier de mes commettants. Signé : ARTHUR DlLLON, Député de la Martinique. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BÀRNAVE. Séance du vendredi 29 octobre 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Brostaret, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, au matin. La rédaction du procès-verbal est adoptée. M. Bouche propose à l’Assemblée de charger le comité de Constitution de lui préparer, dans la huitaine, un projet de loi qui fixe les droits respectifs des officiers municipaux et des membres des directoires dans les cérémonies publiques lorsqu’ils s’y trouvent ensemble, qui distingue aussi les cérémonies où les officiers municipaux peuvent ou doivent assister seuls en représentation de leurs municipalités particulières, et les autres où les membres des directoires peuvent ou doivent paraître comme représentant les départements ou les districts. (Cette proposition est adoptée.) M. de Delley, membre du comité d' aliénation� (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 96 (Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 octobre 1790.] représente qu’aux termes d’un précédent décret, les estimations des biens nationaux doivent être envoyées au comité par les municipalités soumissionnaires avant le 1er décembre prochain. Comme il faut que les municipalités placées sur les routes de traverses aient le temps nécessaire et que 20 jours suffisent pour que tous les paquets puissent parvenir, nous vous proposons de décréter que ces estimations ne seront reçues que jusqu’au 20 décembre prochain. M. Merlin. Il est inutile de déroger au décret rendu, puisqu’on peut dire que les paquets seront reçus, pourvu qu’ils portent le timbre de la poste avant le l*r décembre. M. de Delley. Le comité adopte cette modification. En conséquence, le décret suivant est rendu ; « L’Assemblée nationale déclare que les estimations par experts, et l’évaluation d’après les baux que les municipalités doivent envoyer au comité d’aliénation avant le 1er décembre prochain, sous peine de déchéance, suivant le décret du 10 de ce mois, ne seront admises que lorsque ayant une date authentique antérieure au lep décembre prochain, elles seront arrivées au comité d’aliénation avant le 20 décembre, qui sera le dernier terme de rigueur. » M. Gosgin, rapporteur du comité de Constitution, présente cinq projets de décrets qui sont adoptés, sans discussion, ainsi qu’il suit: PREMIER DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur la pétition du directoire du département de la Loire-Inférieure, décrète qu’il sera nommé un sixième juge au tribunal du district de Nantes, et six juges de paix, dont le ressort, pour chacun d’eux, comprendra trois sections dans le nombre des dix-huit qui forment la division de la ville de Nantes. » DEUXIÈME DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur la pétition du directoire du départementde l’Aisne, décrète qu’il sera nommé un juge de paix dans la ville de Soissons, indépendamment de celui qui sera élu pour le canton extérieur. » TROISIÈME DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète qu’il sera nommé deux juges de paix dans la ville de Moulins, sauf à en augmenter le nombre, si le service public l’exige. » QUATRIÈME DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur la pétition du directoire du département d’Ille-ei-Vi-laine, décrète qu’il sera nommé cinq juges de paix dans la ville de Rennes, dont quatre pour la partie de la ville et un pour !celle de la campagne, qui comprendra les paroisses de Verne, Cessons et Chantepie. » CINQUIÈME DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète que la ville d’Orange est le siège du tribunal de son district. » M. Durand -Maillane, sur le décret concernant la ville d’Orange, demande la parole pour observer à l’Assemblée que par le moyen de la réunion du district d’Orange au département des Bouches-du-Rhône, la municipalité de Montdra-gon, qui était ci-devant dans le district de Taras-con, au même département, ayant été autorisée par l’Assemblée nationale à entrer dans le district d’Orange, il est arrivé que ceux de ses électeurs qui se trouvent en ce moment dans le directoire et le conseil de district de Tarascon, y sont déplacés, dès qu’ils y sont sans aucune sorte d’intérêt ni de représentation ; que cependant, revêtus d’un caractère acquis par la voie d’une élection légitime, il n’appartient qu’à l’Assemblée nationale elle-même de prononcer sur ce déplacement et le remplacement qui doit le suivre. . Il demande, d’après la charge qu’il en a de ses commettants dans le district de Tarascon, que l’Assemblée veuille bien ou prononcer, dans cette séance sur cette difficulté, ou la renvoyer à son comité de Constitution pour la décider. M. le Président consulte l’Assemblée, qui ordonne le renvoi au comité de Constitution. M. Dupont (de Nemours), au nom du comité de l’imposition, fait un rapport sur les impositions indirectes en général et sur les droits, à raison de la consommation des vins , et des boissons en particulier (1). Messieurs, ce n’est pas une petite tâche que vous avez donnée à votre comité de l’imposition, et vous ne la lui avez pas donnée dans un moment favorable : il est mal secondé, la nation et vous êtes mal servis, par l’état des lumières, sur cette matière importante. Les véritables principes des richesses sont peu connus; la marche nécessaire de leur reproduction et de leur distribution est presque totalement ignorée. Nous avons le sentiment de la philosophie dans le cœur et nous n’en avons pas le savoir dans la tête. Organes de l’opinion publique, dans un temps orageux, nous sommes obligés d’en suivre l’impulsion et de léguer à nos enfants le soin de l’éclairer. Elle veut des impositions indirectes. Néanmoins, elle veut la liberté, et toutes les formes de perception que les impositions indirectes nécessitent, lui semblent vexatoires et inadmissibles. Toutes ces impositions sont belles de loin et sur le papier : on y voit, dit-on, la consommation volontaire et la contribution insensible. Toutes sont odieuses en réalité et de près on y trouve l'inquisition, les procès, le piège de la fraude tendu sous les pas des citoyens, les formes compliquées et les frais multipliés. Aussi toute imposition de ce genre, lorsqu’on (1) Le Monitevr s’est borné à insérer le projet de décret, sans donner le texte du rapport de M. Dupont.