[6 janvier 1791.] 47 ARCHIVES PARLEMENT AIRE S. [Assemblée nationale.] pour rendre compte d’un fait ; je vais prouver que par des insinuations perfides, par des visites, par des lettres écrites aux curés. . . Plusieurs voix à droite .-Vous n’avez pas la parole. M. Barnave. Nous ne devons, Messieurs, ni nous écarter de la marche quenous nous sommes prescrite par nos décrets, ni profiter du moment d'erreur dans laquelle on aurait voulu entraîner des hommes dont la conduite précédente a déjà prouvé l’honnêteté. Ainsi la seule marche qu’ils aient à suivre, c’est d’examiner en eux-mêmes les décrets, les lois auxquels ils ont juré l’obéissance; alors ils seront parfaitement convaincus qu’ils ont juré ce qu’ils peuvent et doivent faire. S’il leur restait des incertitudes à cet égard et si leurs intentions avaient changé, ce n’est plus à nous, mais à leurs municipalités qu’ils doivent s’adresser. Ce n’est pas en rétractant un serment prêté, ce qui est absurde, mais en donnant leur démission, parce que c’est la seule marche que puissent prendre ceux qui vraiment auraient changé d’opinion. Cette marche, régulière en soi, leur donnera d’ailleurs le temps de réfléchir et évitera la première impression subite, fâcheuse pour eux et pour la société, qu’auraient pu faire les efforts qu’on a pratiqués sur eux depuis le moment où la loi a été prononcée et auxquels un instant de faiblesse leur a fait céder, mais dont leur conscience et la réflexion les guériraient certainement. Je demande qu’on passe actuellement à l’ordre du jour, avec la résolution de ne plus entendre de lettres ni de propositions de la nature de celles dont il est question. ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Aux voix ! (L’Assemblée, consultée, adopte la motion de M. Barnave.) M. l’abbé Massion . J’ai demandé la parole pour un fait.... M. de Montlosier. Si vous accordez la parole je demande qu’il soit permis de répondre et qu’on ne concentre pas dans cette Assemblée un ordre de choses tel qu’on interrompe l’orateur en demandant, les uns à passer à l ordre du jour, les autres à lever la séance. M. Barnave a eu la parole; personne n’a pu lui répliquer; cela me paraît injuste. M. le Président lève la ‘séance à trois heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 6 JANVIER 1791. nota. M. Dupont, député de Nemours , fil imprimer, sous la date du 6 janvier 1791, et distribuer aux membres de l’Assemblée nationale, un travail sur l’impôt, qui doit trouver place dans les Archives parlementaires. Ce document que nous insérons ci-dessous est intitulé : De quelques améliorations dans la perception de l'impôt et de l'usage utile qu'on peut faire des employés réformés. Lorsque, après un long et pénible combat, des généraux citoyens se voient enfin m litres du champ de bataille, mais entourés de guerriers blessés et de légions affaiblies et rompues, ils doivent considérer ce qui peut encore être à faire fiour le service de la patrie, avec les forces qui restent à leur disposition, et comment rallier aux drapeaux de l’Etat ceux dont le sang qui coule a payé la victoire de leurs compagnons. Telle est à peu près la position où se trouve aujourd’hui l’Assemblée nationale : elle a fondé la Constitution, elle a réformé les finances; elle a consolidé la puissance nationale; elle a renversé tous les obstacles qui pouvaient contrarier ses vues; elle a fait avec courage le bien public; il en est résulté quelques maux particuliers qui ne devaient point arrêter sa marche, mais qui doivent lui inspirer de la compassion lorsqu’elle touche au but; il est nécessaire qu’elle les adoucisse autant et aussitôt qu’il est en son pouvoir. Trente mille hommes, peut-être, employés dans l’ancienne administration, exécuteurs de la loi qui existait alors, et qui remplissaient un devoir civique lorsqu’ils en étaient exécuteurs fidèles, se trouvent privés de leur état et de tout moyen de subsistance, punis sans avoir été coupables. Un grand nombre d’entre eux ont reçu uue éducation distinguée; un grand nombreuse sont dévoués à la Révolution, dont ils avaient tout à craindre, et ont donné dans la garde nationale des preuves d’un véritable patriotisme. S’ils demeurent inutiles, il faudra continuer de les solder, au moins pendant un temps, aux dépens du public; car on leur doit, comme aux religieux, le pain qu’on leur ôte. Si, au contraire, on les rend utiles, si Ton en tire un travail qu’il faudrait confier et payer à d’autres mains, on pourra exercer envers eux la justice et l’humanité, sans qu’il en coûîe à la nation. Il faut donc examiner, parmi les institutions qui doivent être faites pour le plus grand bien de la société, celles qui peuvent l’être avec le plus d’économie pour les contribuables, avec le moins de privations et de souffrances pour les citoyens qui ne pourraient en éprouver, sans réclamer une juste indemnité. Il ne faut pas créer des travaux inutiles. Instituer des travaux pour des hommes qu’on voulait gratifier et favoriser, c’était un des délits de l’ancienne administration ; mais il ne faut pas non plus charger de nouveaux travaux des hommes nouveaux qu’on enlèverait à d’autres occupations plus utiles. Il ne faut pas perdre le surcroît de profit que donnent à la société les citoyens accoutumés à l’exercice de l’agriculture, des mé-ti rs ou des arts, et qu’on déroberait à ces importantes sources de richesses pour de stériles emplois. Il ne faut pas prendre le salaire qu’on ne pourrait éviter de continuer, en tout ou en partie, aux anciens agents de l’administration, que Ton condamnerait à une dangereuse oisiveté. Deux grandes branches de travail se présentent, auxquelles il faut nécessairement occuper un nombre con-iderable de citoyens : la perception de l’impôt indirect, le recouvrement de l’impôt direct. Il faut d’abord employer à la première tous ceux qui jusqu’à ce jour en ont fait le service. Il faut ensuite voir s’il ne serait pas très utile de