578 |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 août 1790.] à l’occasion des événements arrivés dans la ville de Montauban, le 10 mai. Paris, le 2 août 1790. L’ordre du jour appelle un rapport du comité des recherches, relatif aux obstacles qu'éprouve, dans différentes paroisses du département du Loiret, le paijement des droits de champart et aucuns droits féodaux qui ne sont pas supprimés sans rachat ou indemnité. M, de Macaye, rapporteur. Messieurs, le directoire du district du département du Loiret nous a envoyé un libelle intitulé : Réponse des officiers municipaux des campagnes du Gâtinais aux administrateurs du département du Loiret. Ce libelle est une réponse à l’envoi du dernier décret sur les droits de champart. 11 a pour objet d’exciter le peuple à ne payer ni ces droits ni les droits féodaux supprimés-avec indemnité. Il y est dit que l’Assemblée a conservé ces droits par vue d’intérêt personnel; qu’il faut élever des potences pour y attacher ceux qui les demanderont ou voudraient les payer. Ce libelle avait été remis par le curé d’Echileuse près Pithiviers, à une femme chargée d’en distribuer à toutes les municipalités. La société des Amis de la Constitution de Mon-targis a écrit à la société du même nom à Paris, que le 14 juillet, à Jouy, un nommé Pradier avait élevé une potence fabriquée dans la grange d’un officier municipal, et que le sieur Pradier avait dit l’avoir faite de l’ordre de la municipalité. Deux particuliers ont failli être pendus. Le comité des recherches propose de décréter que le président se retirera sans délai par devers le roi, pour supplier Sa Majesté d’ordonner aux officiers du tribunal de Nemours d’informer contre les auteurs d’un écrit intitulé : Réponse des officiers municipaux des paroisses des campagnes du Gâtinais aux administrateurs du département du Loiret, et même de se transporter hors de leur territoire, si le cas l’exige. Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, sur la dénonciation, faite par son comité des recherches, d’un imprimé intitulé : Réponse. des officiers municipaux des paroisses des campagnes du Gâtinais , à messieurs les administrateurs du département du Loiret, concernant les droits féodaux , imprimé qui tend à empêcher le payement des champarts et à exciter des insurrections dangereuses, a décrété que son président se retirera sans délai par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de donner les ordres les plus pressants aux officiers du bailliage de Nemours, d’informer contre les auteurs de cet écrit, circonstances et dépendances, même de se transporter hors de leur ressort, si le cas le requiert.» (Plusieurs membres demandent la question préalable sur ce projet de décret.) M. l’abbé Gouttes. Je vous propose, Messieurs, de décider simplement que le roi sera prié de veiller à ce que le droit de champart soit payé dans tout le royaume. J’ajoute que, dans plusieurs départements, les officiers municipaux des campagnes sont les premiers à engager le peuple à ne pas payer ces droits. �M. Bognaud (de Saint-Jean-d’Angély). Il ne s’agit pas uniquement d’un écrit incendiaire, mais de faits criminels qu’il faut arrêter et punir. Je demande que le décret soit dirigé contre tous ceux qui se refusent par des moyens quelconques à payer le droit de champart. M. Dupont (de Nemours). Messieurs, le décret que le comité vous propose a deux objets très distincts, entre lesquels je vous demande la division ; d’abord il porte sur un écrit incendiaire, ensuite il parle de violences commises et de potences plantées suivant les conseils de cet écrit. Quant ap premier point, les préopinants ont eu raison de dire qu’on pouvait interpréter votre décret d’hier, de manière que la poursuite de l’écrit incendiaire serait interdite, puisque l’ouvrage de M. Marat est le seul pour lequel vous n’ayez pas sursis aux procédures, jusqu’au rapport dont vous avez chargé vos comités de Constitution et de législation criminelle. C’est une raison de plus que j’allègue pour que vous ne donniez pas indeterminément cette mission à vos comités,* par l’expression vague : dans le plus court délai possible , comme vous l’avez décrété hier, et moins encore sans indiquer même aucun désir de célérité, comme on doit l’inférer du décret, tel qu’il se trouve dans votre procès-verbal, où l’expression du plus court délai possible est supprimée, ce dont je me plaignais amèrement lorsque vous avez refusé de m’écouter. C’est pourquoi j’insiste pour que vous fixiez un délai dans' lequel vos deux comités devront vous faire ce rapport, et pour que vous fassiez cesser l’état d’impuissance où se trouve la société de réprimer les écrits qui invitent le peuple à la violation des lois, au crime, au renversement de la Constitution. Vous n’avez pas," Messieurs, un devoir plus impérieux que celui qui vous prescrit de hâter cette mesure. Vous ne pouvez vous dissimuler que l’art horrible des séditions ne soit infiniment perfectionné, et ne se perfectionne chaque jour. Je vous eusse hier exposé les progrès effrayants et honteux de cet art infernal, si j’eusse pu obtenir la parole. Je l’aurais fait ce matin, si l’on ne me l’eût point ôtée. Vous me l’accordez à présent, je remplirai mon devoir. Je ne serai ni moins honnête, ni moins intrépide que le vertueux Démeuniers , et puisqu’on affectait hier de ne le point entendre , par cette raison même qu’on l’entendait fort bien, je serai beaucoup plus clair. Vous avez vu croître, Messieurs, l’habileté à répandre des motions d’assassinat : vous avez vu comment six hommes, qui s’entendent, forment d’abord un petit groupe, dans lequel un d’entre eux pérore avec véhémence ; comment soixante autres s’amassent au bruit ; comment ensuite les six premiers moteurs se dispersent, et vont reformer de place en place d’autres groupes, au milieu des personnes qui, moins serrées, environnent le premier ; vous avez vu comment, de temps en temps, on ranime l’attention par le passage, l’apparition, de quelques mots de harangue des plus grands personnages. Vous avez eu, il y a peu de jours, un exemple de l’excès du désordre que peuvent causer, et que causent ainsi quelques scélérats audacieux et payés ; vous avez entendu les cris forcenés par lesquels on vous demandait la proscription de plusieurs hommes publics chargés de l’exécution de vos lois, avant même qu’on vous eût rendu compte de leur conduite avant qu’ils eussent pu se défendre, avant que vous les eussiez jugés. On vous disait, dans cette salle, que e'étaient seulement quarante citoyens qui exprimaient leqj* pensée ; et il est possible qu’on n’eût en effet dépensé 579 (Assemblée nationale.] que quarante ricus. Cependant vos huissiers, chargés de vos ordres pour faire cesser ce tumulte, ont entendu .jp, menace répétée de vous apporter les têtes qu’on voulait proscrire. J’ai entendu le soir un des chefs subalternes de ces factieux se vanter, au Palais-Royal, d’avoir enjoint à vos huissiers de vous porter cette réponse, et ajouter que les bons citoyens étaient encore à temps de suivre son conseil. Tant d’efforts ont été impuissants contre votre sagesse, et contre l’activité et la valeur de la garde nationale parisienne. Un nouveau degré d’adresse, de scélératesse et de noirceur aété déployé. On a porté l’animosité populaire sur des objets qui touchent le peuple de plus près; on l’a tournée contre ceux qui échangent de l’argent pour des billets. C’était une chose que vous aviez prévue, Messieurs, et qui avait été annoncée plusieurs fois dans cette tribune, que lorsqu’il y aurait une grande quantité de papier-monnaie, il s’établirait une différence de prix entre l’argent et le papier. Elle existe dans tous les pays où l’argent et le papier concourent à la circulation : elle y varie selon l’abondance de l’un et de l’autre. A Amsterdam, on cote tous les jours ce cours à la bourse avec celui des changes et des effets publics. Il est simple que les gens qui ont des billets, et qui ne peuvent avec eux payer ni leurs ouvriers, ni toutes les menues dépenses courantes, demandent au petit nombre de ceux qui ont encore de l’argent de vouloir bien leur en donner pour leurs billets ; il est tout simple que ceux mêmes qui ont de l’argent n’en aient guère dans un temps où les propriétaires ni l’Etat ne touchent leurs revenus, et où le commerce est privé d’activité, de débit et de rentrées; il est tout simple que les porteurs de billets offrent une prime à ceux qui leur en donnent la monnaie en argent ; il est tout simple encore qu’ils regrettent cette prime. Pour la hausser, pour rendre l’argent plus rare en le repoussant du marché par les menaces ; pour décréditer ainsi lesasszgrnafo qui sont un de vos principaux moyens de salut ; mais surtout pour exciter la terreur chez les citoyens honnêtes, et pour mettre réellementdans la main des factieux la vie de qui l’on voudrait, on a soulevé, contre les jeunes garçons qui échangeaient l’argent, des personnes sans intérêt à la chose, qui ne sont pas assez riches pour avoir des billets, qui peut-être n’ont jamais possédé 200 francs en leur vie. On leur a dit : Pendez les marchands d'argent ; et la lanterne, dont les avocats généraux défendent avec tant d’ardeur l’homme qui a eu l’odieuse impudence de s’en déclarer procureur général, la lanterne a été descendue. Mais ce n’est là, Messieurs, que l’écorce du mal : voici la profondeur de la spéculation, de l’horreur et de la bassesse. On a dit : Non , il ne faut pas pendre tous ceux qui vendent l'argent ; il ne faut pendre que ceux qui ne voudront pas dire où ils le prennent. Cette opinion une fois établie, les chefs des séditieux, sans les efforts de la garde nationale, seraient devenus les maîtres de faire périr l’homme qu’ils auraient voulu. Ils avaient combiué de manière à se réserver dans Paris le choix des citoyeus qu’ils immoleraient pour six francs. Oui, Messieurs, il en a coûté au moins cent écuspour faire assassiner le malheureux boulanger François, choisi lorsdevotre arrivée danscetteville, à la porte de votre salle, pour vous montrer de nouveautoute l’é-tenduede la puissance de ceux qui savaientremuer lepeuple,Avec la nouvellemecanique,sansle brave la Fayette et ses. dignes soldats, il n’en coûterait plus que six francs pour faire pendre et déchirer [3 août 1790.] l’homme le plus illustre, le citoyen le plus irré* prochable, le patriote le plus vertueux. Il suffirait d’aposterun jeune homme qui offrirait de l’argent contre des billets, qu’on menacerait du fatal réverbère, et qui, demandantgrâce,diraitqu’i/prcwd de l'argent chez M. un tel, en tel lieu. Sur cette dénonciation di.-tée et payée d’avance, le feu serait dans les maisons et lestâtes joncheraient les rues. On a saisi, pour exciter cette fermentation, le temps des élections municipales, parce qu’on espérait, ou trouver alors une moindre résistance, si le maire et le commandant, tenant plus à leur place qu’à leur devoir, s’en laissaient imposer, ou les dépopulariser et leur en substituer de moins vertueux, si, pressés par la circonstance, ils ordonnaient à l’armée nationale de repousser le crime par la force. La bonté du peuple de Paris a résisté aux insinuations des factieux du premier ordre et aux exemples de ceux du dernier rang. La vigilance et le courage delagarde citoyenne ont contenu les excès de ceux-ci; mais le feu couve, brûle encore, et il ne faudrait qu’un léger instant de négligence, pour que, sans cesse attisé par les écrits séditieux, il produisît d’affreux ravages. Ce que l’on vous a dit hier, à ce sujet, était totalement dénué de raison. On a cherchéà brouiller vos idées, en argumentant, sous votre Constitution, comme on aurait pu faire sous celle que vous avez anéantie, en supposant qu’il était encore des cas qui rendraient l’insurrection tolérable, et cherchant à cet effet des exemples dans les temps passés. Quelles sont les lois aujourd’hui, Messieurs ? celles que vous avez faites ou maintenues. Quelle est la Constitution ? celle que vous avez décrétée, que le roi a acceptée, que tous les braves et tous les patriotes de la France ont jurée avec vous. Comment pouvez-vous laisser dire qu’il pourrait être bon qu’on excitât les insurrections contre elles? Vous êtes les législateurs assemblés, et vous avez décrété que la France aurait une législature permanente. Quelle est la chose permise vis-à-vis du pouvoir législatif en plein et perpétuel exercice des pétitions? Vous devez les admettre toutes, et vous n’en avez repoussé aucune. Mais nulle pétition ne doit être faite par forme d’insurrection, ni à main armée, car alors elle est sédition, rébellion, révolte ; et si vous les tolériez, ce serait alors que vous ne pourriez maintenir votre Constitution, et que vous auriez une contre-révolution tous les quinze jours. C’est contre les insurrections, contre les pétitions à main armée que vous avez fait vingt décrets, et que vous avez établi la cour martiale. Que veulent donc les gens qui protègent les écrits incendiaires? Ils violent vos lois en excitant à les violer. Ils ne sont pas les amis delà Constitution; ils blasphèment ce nom, s’ils l’usurpent. Ce sont des despotes qui, s’étant créé par séduction et par argent, une armée indisciplinée, mais redoutable, veulent conserver leur empire ; et au risque de perdre votre Constitution, votre liberté, notre commune patrie, veulent prolonger entre leurs mains le pouvoir de faire trembler tous les hommes de bien qui résisteront à leurs complots. J’en connais cependant un grand nombre, dont l’e.-time et l’amitié m’encouragent ici, et qui ne trembleront jamais. C’est en leur nom, comme au mien, que je vous demande de décréter que, dans un delai que vous fixerez, vos deux comités vous présentent le projet de loi par lequel vous enlèverez aux factions l’arme des libelles. Un membre du comité de Constitution nous a dit dimanche, à la tribune, qu’il ne fallait que deux ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 580 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 août 1790.] jours pour ce travail. Ces deux jours sont écoulés : donnez-en quatre encore; indiquez le jour où le projet si nécessaire dont vous avez ordonné la rédaction, vo'u3 sera proposé. Voilà, Messieurs, les vérités et les idées que j’avais à soumettre à votre considération, pour la partie du décret qui concerne les écrits séditieux. Quant aux actes de violence, aux rébellions effectives, aux gibets élevés contre ceux qui obéiraient à vos décrets, vous avez déjà décidé que ces crimes seraient poursuivis par les juges ordinaires : référez-vous à votre décret; c’est le cours d’une justice que vous avez établie. Mais je reviens à vous dire que celle qui n’est pas encore établie, est, s’il est possible, encore plus importante; et je termine par la motion expresse que vos deux comités soient chargés, conformément à votre décret d’hier, de vous offrir, samedi, les moyens d’exécuter votre décret du 31 juillet. Il faut enfin mettre un terme à ce chaos d’horreurs et d’anarchie : il est temps que le bruit scandaleux et funeste des libelles, qu’on peut regarder comme les tambours du meurtre et de l’incendie, soit couvert par la voix puissante de votre raison et de votre patriotisme. M. de Foucault. Dans le Périgord, ma province, les mai qui avaient été plantés, ces signes d’insurrection dont on voulait faire des potences, existent toujours. M. d’Estourmel. En Lorraine, on brûle de nouveau les châteaux. M. de Macaye, rapporteur du comité des recherches. J’oubliais de vous dire que des hommes courent les campagnes en criant : Voici ce grand décret qui défend de payer les dîmes et champarts. Il faut que 1 s dîmes soient mentionnées dans le décret que vous rendrez. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). L’intention de l’Assemblée de généraliser la mesure qui lui est proposée par son comité, me semble manifeste. Voici le projet de décret que je lui soumets : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des recherches, décrète que son président se retirera, dans le jour, vers le roi, pour prier Sa Majesté de donner les ordres les plus précis et les plus prompts, pour que, dans toute l'étendue du royaume, et, en particulier, dans ie département du Loiret, les tribunaux poursuivent et punissent, avec toute la sévérité des lois, tous ceux qui, au mépris des décrets de l’Assemblée nationale et des droits sacrés de la propriété, s’opposent, de quelque manière que ce soit, et par violences, voies de fait, menaces ou autrement, au payement des dîmes de cette année, et di s droits de champart ou agriers, et autres droits ci-devant seigneuriaux qui n’ont pas été supprimés sans indemnité, ainsi que des rentes ou censi ves en nature ou en argent jusqu’au rachat; « Que Sa Majesté sera également priée de donner des ordres pour que les municipalités fassent détruire toutes les marques extérieures d’insurrection et de sédition, de quelque nature qu’elles soient. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Dupont (de Nemours ). Dans le cours de la discussion, j’ai fait une motion incidente. Je la reprends et voici le projet de décret que je propose. « L’Assemblée nationale décrète que ses comités réunis de Constitution et de jurisprudence criminelle lui feront, à la séance de samedi soir, et conformément à son décret d’hier, leur rapport sur les moyens d’exécuter son décret du 31 juillet dernier, concernant les délits qui peuvent être commis par la voie de l’impression. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. l’abbé Gouttes. M. de Miremont, député du bailliage de Vermandois, a donné sa démission le 26 mai dernier. M. Jean-Victor de Novyon, son suppléant, a produit ses pouvoirs qui ont été vérifiés et trouvés en règle. Le comité de vérification vous propose de l’admettre en remplacement de M. de Miremont. (L’Assemblée prononce l’admission.) M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire. Titre IV des juges d'appel'. Je rappelle à l’Assemblée qu’elle a adopté les articles 1 et 2 de ce titre, dans sa séance du 2"/ juillet. M. Chabroud à la parole. M. Chabroud. A la séance du 27 du mois de juillet, on a présenté un article additionnel qui avait pour objet d’autoriser tout intervenant ou appelé en garantie en cause d’appel, à décliner le tribunalchoisi par les parties. Vous avez ajourné cet article. Le comité a pensé que l’adopter ce serait anéantir celui par lequel vous avez laissé aux parties le choix du tribunal d’appel, ce serait donner le moyen d’éloigner lejugement de l’affaire, en faisant intervenir une partie tierce qui n’aurait aucun intéiêtdans la contestation, ou d’enlever la cause de l’appel à un tribunal qui aurait obtenu la confiance des parties intéressées. Autrefois la partie tierce était obligée de suivre le tribunal saisi, pane que la loi avait désigné ce tribunal : quand deux parties, en vertu de la loi, auront choisi un tribunal, la partie tierce sera obligée de suivre le tribunal également indiqué par la loi. Ainsi, dans le nouvel ordre de choses, on ne change rien aux usages concernant les tierces parties. Nous connaissons deux sortes de parties tierces: celles qui interviennent et celles qui sont évoquées ou appelées en garantie. A l’égard des parties qui interviennent, tout dépend d’elles ; leur sort est dans leurs mains. Si elles ne sont pus intervenues en première instance, elles avaient droit de se présenter : si le tribunal en dernier ressort ne leur convient pas, elles sont maîtresses de s'en abstenir. Je dis maîtresses, parce que le jugement, même rendu sans elles, conserve encore leurs droits; car si deux parties se disputaient la propriété d’un tiers, les droits de ce tiers ne seraient pas périmés par ce jugement. Quant aux parties appelé; s en garantie, l’objet est de faire cesser l’éviction ou de dédommager de l’éviction, si elle a eu lieu. Le garanti doit agir dès le principe, et dénoncer au garant la première demande qui tend à l'éviction ; sinon il a pris sur lui tous les événements. Un jugement étant intervenu et ayant prononcé l’éviction, il ne doit plus lui être permis d’appeler au garant. En effet, si en instance d’appel, on peut exercer la garantie, il est certain qu’on prive le garant des deux degrés de juridiction que vous avez institués. D’ailleurs, quand un jugement est intervenu, l’action en garantie n’est pas périmée, elle peut faire l’objet d’une instance particulière. Ainsi, l’utilité de l’article additionnel est absolument nulle; en le rejetant, vous consacrerez d’avance un principe sage, qu’en cause d’appel les garanties doivent être défendues.