368 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE flamande. Et sans doute, ni le département du Morbihan ni celui du Finistère ne sont exempts du. même reproche, quant à l’usage du bas-breton. Je n’ai pas besoin de vous faire sentir combien peuvent être funestes à la liberté nationale les conséquences de ces usages monstrueux. Les considérations majeures qui vous ont été exposées sur cette grande matière, par votre comité de salut public, à la séance du 8 pluviôse, sont encore présentes à vos esprits. Je dirai seulement que si les tyrans François Ier, Charles IX et Louis XIII ont cru nécessaire, pour détacher de la cour de Rome ceux qu’ils osaient appeler leurs sujets, d’interdire l’usage du latin dans les actes publics, et de consacrer cette défense par l’article III de l’ordonnance de 1539, par l’art. XXXV de celle de 1563, et par l’art. XXVII de celle de 1629 ; si le tyran Louis XIV a jugé utile, pour faire oublier la domination espagnole aux habitants du Roussillon, de rendre, en février 1700, un édit qui leur a défendu l’usage du catalan dans les procédures et dans les contrats notariés; si le même despote a cru que, pour effacer dans l’esprit des Alsaciens et des Flamands les relations qui les avaient si longtemps liés à la maison d’Autriche, il était à propos de ne leur permettre de plaider ni en flamand, ni en allemand, nous pouvons bien, pour consolider la liberté du peuple, employer de semblable mesures, et à notre tour nous devons faire servir à l’affermissement de la République ce qui autrefois n’a fait que river les fers de nos ancêtres. Votre comité de législation me charge, en conséquence, de vous présenter le projet de décret suivant (l) : [MERLIN (de Douai] propose et la Convention nationale décrète ce qui suit : « Art. I. - A compter du jour de la publication de la présente loi, nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française. « II. - Après le mois qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun acte, même sous seing privé, s’il n’est écrit en langue française. « III. - Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira dans l’exercice de ses fonctions des procès-verbaux, jugemens, contrats ou autres actes généralement quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d’emprisonnement, et destitué. « IV. - La même peine aura lieu contre tout receveur du droit d’enregistrement qui, après le mois de la publication de la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits en idiômes ou langues autres que la française. » (2). (1) Mon., XXI, 273. (2) P.V., XLII, 75. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 010. J. Paris, nos567, 568; J. Jacquin, n° 724 ; -J. Perlet, n° 667 ; M.U., XLIII, 55 ; -J. Fr., nos 664, 55 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de salut public et de sûreté générale, fait un rapport sur les citoyens qui se sont soustraits à l’exécution de mandats d’arrêt et tous ceux qui, revêtus de fonctions publiques, ont été suspendus ou remplacés (l). BarÈRE. Tremblez, tyrans de l’Europe, si enfin les peuples du Nord, assoupis dans leurs fers, s’éveillent pour les briser. Bientôt les secours et les victoires deviendront solidaires entre les peuples libres; il faut que la tyrannie, à son dernier soupir, entende leur proclamation solennelle au nom de la première, de la seule véritable république qui ait existé, la république démocratique des Français. Et vous, hommes du Nord, ressaisissez-vous de votre courage, élevez-vous à la dignité des nations : ne comptez plus vos ennemis, ils sont moins nombreux que les hommes libres, et ils sont lâches comme des rois. (Vifs applaudissements.) Comptez plutôt les crimes des monarchies et les forfaits de la tyrannie; achevez d’écraser les satellites que la France chasse devant elle, comme le vent chasse une vile poussière. Jurez d’être libres, et vous serez vainqueurs comme nous. (On applaudit.) Cependant ne nous laissons pas endormir au milieu des succès; que la victoire ne corrompe ni le législateur ni l’armée. Capoue perdit Carthage, et la bataille de Cannes n’était pas sans gloire. Les victoires militaires renversent quelques soldats et détruisent l’effroyable mécanique des rois; mais les victoires morales renversent la royauté et ses odieuses institutions. (On applaudit.) Nous aurions beau triompher de la politique extérieure, de quelques hordes étrangères, si nous ne triomphons pas des ennemis domestiques et des passions de l’intérieur. (On applaudit.) Quand vous avez mis à l’ordre du jour la justice et la probité, ce ne sont pas ces deux mots que vous avez mis à l’ordre du jour, mais la justice qui a ses preuves, et la probité qui a son caractère. (Nouveaux applaudissements.) Ce n’est point un décret pompeux que vous avez proclamé, mais des vertus républicaines dont vous avez voulu ordonner la pratique et recommander les bienfaits. (Les applaudissements recommencent.) Quel est celui qui n’a pas remarqué que l’amour de la liberté s’est accru à mesure que les lumières se propageaient ? Et cependant on veut proscrire les hommes éclairés ! Qui n’a pas senti que la république se fortifiait chaque jour par les vertus quelle enfante ? et cependant tous les jours des corrupteurs publics cherchent à démoraliser le peuple, à emdormir son courage, à annuler son énergie; des patriotes égarés par une sensibilité mal entendue, ou trompés par des propos mensongers, prennent pour eux la terreur qui n’appartient qu’aux coupables, et laissent échapper quelques mouvements de pitié pour ceux qui nous égorgeraient sans exception s’ils avaient un instant de puissance ou de liberté. 665 ; C. Eg., n° 702 ; F. S. P., n° 382 ; Ann. patr., n° DLXVIII. Mentionné par J. S. Culottes, n° 522; Audit. nat., n° 665. Voir, ci-après, séance du 3 therm., n° 57. (l) P.V., XLII, 77. 368 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE flamande. Et sans doute, ni le département du Morbihan ni celui du Finistère ne sont exempts du. même reproche, quant à l’usage du bas-breton. Je n’ai pas besoin de vous faire sentir combien peuvent être funestes à la liberté nationale les conséquences de ces usages monstrueux. Les considérations majeures qui vous ont été exposées sur cette grande matière, par votre comité de salut public, à la séance du 8 pluviôse, sont encore présentes à vos esprits. Je dirai seulement que si les tyrans François Ier, Charles IX et Louis XIII ont cru nécessaire, pour détacher de la cour de Rome ceux qu’ils osaient appeler leurs sujets, d’interdire l’usage du latin dans les actes publics, et de consacrer cette défense par l’article III de l’ordonnance de 1539, par l’art. XXXV de celle de 1563, et par l’art. XXVII de celle de 1629 ; si le tyran Louis XIV a jugé utile, pour faire oublier la domination espagnole aux habitants du Roussillon, de rendre, en février 1700, un édit qui leur a défendu l’usage du catalan dans les procédures et dans les contrats notariés; si le même despote a cru que, pour effacer dans l’esprit des Alsaciens et des Flamands les relations qui les avaient si longtemps liés à la maison d’Autriche, il était à propos de ne leur permettre de plaider ni en flamand, ni en allemand, nous pouvons bien, pour consolider la liberté du peuple, employer de semblable mesures, et à notre tour nous devons faire servir à l’affermissement de la République ce qui autrefois n’a fait que river les fers de nos ancêtres. Votre comité de législation me charge, en conséquence, de vous présenter le projet de décret suivant (l) : [MERLIN (de Douai] propose et la Convention nationale décrète ce qui suit : « Art. I. - A compter du jour de la publication de la présente loi, nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française. « II. - Après le mois qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun acte, même sous seing privé, s’il n’est écrit en langue française. « III. - Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira dans l’exercice de ses fonctions des procès-verbaux, jugemens, contrats ou autres actes généralement quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d’emprisonnement, et destitué. « IV. - La même peine aura lieu contre tout receveur du droit d’enregistrement qui, après le mois de la publication de la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits en idiômes ou langues autres que la française. » (2). (1) Mon., XXI, 273. (2) P.V., XLII, 75. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 010. J. Paris, nos567, 568; J. Jacquin, n° 724 ; -J. Perlet, n° 667 ; M.U., XLIII, 55 ; -J. Fr., nos 664, 55 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de salut public et de sûreté générale, fait un rapport sur les citoyens qui se sont soustraits à l’exécution de mandats d’arrêt et tous ceux qui, revêtus de fonctions publiques, ont été suspendus ou remplacés (l). BarÈRE. Tremblez, tyrans de l’Europe, si enfin les peuples du Nord, assoupis dans leurs fers, s’éveillent pour les briser. Bientôt les secours et les victoires deviendront solidaires entre les peuples libres; il faut que la tyrannie, à son dernier soupir, entende leur proclamation solennelle au nom de la première, de la seule véritable république qui ait existé, la république démocratique des Français. Et vous, hommes du Nord, ressaisissez-vous de votre courage, élevez-vous à la dignité des nations : ne comptez plus vos ennemis, ils sont moins nombreux que les hommes libres, et ils sont lâches comme des rois. (Vifs applaudissements.) Comptez plutôt les crimes des monarchies et les forfaits de la tyrannie; achevez d’écraser les satellites que la France chasse devant elle, comme le vent chasse une vile poussière. Jurez d’être libres, et vous serez vainqueurs comme nous. (On applaudit.) Cependant ne nous laissons pas endormir au milieu des succès; que la victoire ne corrompe ni le législateur ni l’armée. Capoue perdit Carthage, et la bataille de Cannes n’était pas sans gloire. Les victoires militaires renversent quelques soldats et détruisent l’effroyable mécanique des rois; mais les victoires morales renversent la royauté et ses odieuses institutions. (On applaudit.) Nous aurions beau triompher de la politique extérieure, de quelques hordes étrangères, si nous ne triomphons pas des ennemis domestiques et des passions de l’intérieur. (On applaudit.) Quand vous avez mis à l’ordre du jour la justice et la probité, ce ne sont pas ces deux mots que vous avez mis à l’ordre du jour, mais la justice qui a ses preuves, et la probité qui a son caractère. (Nouveaux applaudissements.) Ce n’est point un décret pompeux que vous avez proclamé, mais des vertus républicaines dont vous avez voulu ordonner la pratique et recommander les bienfaits. (Les applaudissements recommencent.) Quel est celui qui n’a pas remarqué que l’amour de la liberté s’est accru à mesure que les lumières se propageaient ? Et cependant on veut proscrire les hommes éclairés ! Qui n’a pas senti que la république se fortifiait chaque jour par les vertus quelle enfante ? et cependant tous les jours des corrupteurs publics cherchent à démoraliser le peuple, à emdormir son courage, à annuler son énergie; des patriotes égarés par une sensibilité mal entendue, ou trompés par des propos mensongers, prennent pour eux la terreur qui n’appartient qu’aux coupables, et laissent échapper quelques mouvements de pitié pour ceux qui nous égorgeraient sans exception s’ils avaient un instant de puissance ou de liberté. 665 ; C. Eg., n° 702 ; F. S. P., n° 382 ; Ann. patr., n° DLXVIII. Mentionné par J. S. Culottes, n° 522; Audit. nat., n° 665. Voir, ci-après, séance du 3 therm., n° 57. (l) P.V., XLII, 77. SÉANCE DU 2 THERMIDOR AN II (20 JUILLET 1794) - N" 55 369 (On applaudit.) Des hommes amolis par des jouissances, ou étourdis par les succès de nos armées, et visant insensiblement à démolir, à paralyser le gouvernement révolutionnaire. Oui, citoyens, il existe ce système perfide, ce système éversif des mesures révolutionnaires ; ce plan général existe ; il transpire de temps en temps, il a des crises, il y a des symptômes et des instruments tout prêts dans chaque partie de la république. Nous avons entendu souvent la mauvaise foi et l’inquiétude aristocratique se récrier contre quelques abus inévitables, contre quelques intrigues ou malversations de quelques employés ; et ils en concluaient contre la morale républicaine ; et nous, nous oposons à ces hommes cupides ou traitres, reste impur du régime royal, les actions héroïques de nos soldats, les sacrifices journaliers et les privations des citoyens pour le succès de la liberté, l’indignation publique qui s’attache au coupable. Les aurait-il supportées ces privations, un peuple sans vertu ? Aurait-il constamment montré sa haine pour le contre-révolutionnaire, un peuple sans liberté ? C’est là, c’est dans cette classe généreuse, patiente et laborieuse, qu’il faut chercher les Français et les républicains. Les autres n’appartiennent pas à la liberté, ils en ont usurpé les couleurs, ils n’en auront jamais les vertus. (On applaudit.) Nous serions ingrats envers la plus terrible et la plus bienfaisante institution si nous ne lui attribuions pas une grande partie des triomphes des armées. Le gouvernement révolutionnaire était indispensable et a sauvé la patrie (On applaudit )\ il a préservé l’intérieur des troubles, et l’armée des trahisons. Il délivre le sol de la république de toutes les factions, et les fonctions publiques de tous les intrigants; il paralyse les indulgents et les amis de la paix, il fait disparaître les ennemis de l’égalité et les conspirateurs; il active tous les travaux et assure l’approvisionnement des défenseurs de la patrie; il affermit la république française et assure la liberté du genre humain. (Nouveaux applaudissements.) Qu’aurions-nous fait sans le gouvernement révolutionnaire, sans ce gouvernement qui a régularisé des tempêtes et conduit des orages ? Livrés à toutes les oscillations de l’opinion, à tous les mouvements des faibles, à toutes les trahisons des scélérats, à tous les attentats des royalistes, à tous les crimes artificieux de l’étranger, nous autions vogué incer-tainement d’un événement à un autre, d’un trouble à une émeute, d’une violation de propriété à l’assassinat des patriotes ; il n’y aurait eu pendant un long période qu’une révolution sans résultat, qu’une liberté sans base, et qu’une autorité nationale sans force. (Vifs applaudissements.) Le gouvernement révolutionnaire est un bataillon carré, qui se développe contre toutes les factions et tous les crimes. (Les applaudissements recommencent et se prolongent.) Qu’ont produit au genre humain tant de révolutions successives ? Ici, le despotisme royal est constitué; plus loin, une usurpation succède à un long parlement, pour laisser un tyran couronné dans une maison étrangère avec tous les vices de la royauté impunie. Dans d’autres Etats, une femme hautaine empoisonne le despote pour obtenir une régence encore plus tyrannique; plus loin, des peuples s’égorgent pour un changement de dynastie, et l’on s’est égorgé plusieurs siècles pour le choix d’un tyran. Le peuple français seul a conquis sa liberté lui-même et pour lui-même; et c’est à compter du jour où le gouvernement révolutionnaire a été organisé, qu’il a fixé sa destinée. Depuis 1789 chaque faction a voulu gouverner, et cette manie n’est pas encore passée. Depuis 1789 chaque faction a cherché à accaparer la majorité par la séduction ou par l’effroi. Toutes les passions les plus hideuses se sont revêtues tour à tour du patriotisme, comme d’un masque commun : mais heureusement ces passions ainsi déguisées et affectant le même langage ont fini par ne plus se connaître et par se tromper réciproquement. C’est à ce signe que les deux comités de salut public et de sûreté générale ont toujours reconnu ces factions et leurs héritiers insidieux; c’est à ce signe que nous les reconnaîtrons encore. Des orages politiques semblent se préparer depuis quelques jours ; tous les symptômes de cette agitation contre-révolutionnaire qui a souvent tourmenté la république se présentent aux yeux les moins clairvoyants ; ils paraissent plus sensibles encore à ceux qui reçoivent les relations du dedans et du dehors; des intrigues dans les pays neutres, des coalitions nouvelles de petits gouvernements, des propos insolents des ennemis de la France, des agioteurs anglais plus multipliés, le midi de l’Europe devenant le théâtre de nouvelles tracasseries politiques, comme pour arrêter la victoire du Nord, et distraire le gouvernement par de nouveaux moyens de contre-révolution. Les deux comités de salut public et de sûreté générale n’oublieront jamais l’ensemble et l’énergie des fonctions qui leur sont confiées; et ce double rocher saura bien repousser toutes les vagues du royalisme, et dominer toutes les tempêtes suscitées par l’aristocratie (on applaudit à plusieurs reprises), qui ne se corrige que le jour des jugements. Sans doute les victoires forment une belle ceinture autour de la république; mais il faut au corps politique un cœur pur et une tête bien organisée ; il faut que les fonctionnaires publics soient les instruments du peuple, et non ses dominateurs; il faut que les membres des autorités constituées demeurent à leur poste, au lieu de venir s’agglomérer à Paris; il faut que les citoyens, qui sont revêtus d’une autorité terrible, mais nécessaire, n’aillent pas influencer par des discours préparés les sections du peuple. (Vifs applaudissements.) Il faut que le peuple les surveille dans leurs fonctions et dans leur domicile. Quelle ressource reste-il aux tyrans quand ils sont partout chassés honteusement, et que les cadavres de leurs satellites jonchent les campagnes de leurs frontières ? Quelle ressource ! la calomnie, les journaux : ils publient dans ce moment que la Convention nationale a été massacrée, que le trouble règne à Paris, que l’aristocratie respire librement : on annonce qu’il y a des discours prêts à éclore dans toutes les assemblées du peuple pour le système nouveau que les ennemis de la liberté ont ourdi autour de nous et au milieu des grandes communes. Les comités ont pris des mesures qui ne peuvent être divulguées sans danger. Mais dans ce moment ils ont cru devoir se borner aux deux mesures rela-24 SÉANCE DU 2 THERMIDOR AN II (20 JUILLET 1794) - N" 55 369 (On applaudit.) Des hommes amolis par des jouissances, ou étourdis par les succès de nos armées, et visant insensiblement à démolir, à paralyser le gouvernement révolutionnaire. Oui, citoyens, il existe ce système perfide, ce système éversif des mesures révolutionnaires ; ce plan général existe ; il transpire de temps en temps, il a des crises, il y a des symptômes et des instruments tout prêts dans chaque partie de la république. Nous avons entendu souvent la mauvaise foi et l’inquiétude aristocratique se récrier contre quelques abus inévitables, contre quelques intrigues ou malversations de quelques employés ; et ils en concluaient contre la morale républicaine ; et nous, nous oposons à ces hommes cupides ou traitres, reste impur du régime royal, les actions héroïques de nos soldats, les sacrifices journaliers et les privations des citoyens pour le succès de la liberté, l’indignation publique qui s’attache au coupable. Les aurait-il supportées ces privations, un peuple sans vertu ? Aurait-il constamment montré sa haine pour le contre-révolutionnaire, un peuple sans liberté ? C’est là, c’est dans cette classe généreuse, patiente et laborieuse, qu’il faut chercher les Français et les républicains. Les autres n’appartiennent pas à la liberté, ils en ont usurpé les couleurs, ils n’en auront jamais les vertus. (On applaudit.) Nous serions ingrats envers la plus terrible et la plus bienfaisante institution si nous ne lui attribuions pas une grande partie des triomphes des armées. Le gouvernement révolutionnaire était indispensable et a sauvé la patrie (On applaudit )\ il a préservé l’intérieur des troubles, et l’armée des trahisons. Il délivre le sol de la république de toutes les factions, et les fonctions publiques de tous les intrigants; il paralyse les indulgents et les amis de la paix, il fait disparaître les ennemis de l’égalité et les conspirateurs; il active tous les travaux et assure l’approvisionnement des défenseurs de la patrie; il affermit la république française et assure la liberté du genre humain. (Nouveaux applaudissements.) Qu’aurions-nous fait sans le gouvernement révolutionnaire, sans ce gouvernement qui a régularisé des tempêtes et conduit des orages ? Livrés à toutes les oscillations de l’opinion, à tous les mouvements des faibles, à toutes les trahisons des scélérats, à tous les attentats des royalistes, à tous les crimes artificieux de l’étranger, nous autions vogué incer-tainement d’un événement à un autre, d’un trouble à une émeute, d’une violation de propriété à l’assassinat des patriotes ; il n’y aurait eu pendant un long période qu’une révolution sans résultat, qu’une liberté sans base, et qu’une autorité nationale sans force. (Vifs applaudissements.) Le gouvernement révolutionnaire est un bataillon carré, qui se développe contre toutes les factions et tous les crimes. (Les applaudissements recommencent et se prolongent.) Qu’ont produit au genre humain tant de révolutions successives ? Ici, le despotisme royal est constitué; plus loin, une usurpation succède à un long parlement, pour laisser un tyran couronné dans une maison étrangère avec tous les vices de la royauté impunie. Dans d’autres Etats, une femme hautaine empoisonne le despote pour obtenir une régence encore plus tyrannique; plus loin, des peuples s’égorgent pour un changement de dynastie, et l’on s’est égorgé plusieurs siècles pour le choix d’un tyran. Le peuple français seul a conquis sa liberté lui-même et pour lui-même; et c’est à compter du jour où le gouvernement révolutionnaire a été organisé, qu’il a fixé sa destinée. Depuis 1789 chaque faction a voulu gouverner, et cette manie n’est pas encore passée. Depuis 1789 chaque faction a cherché à accaparer la majorité par la séduction ou par l’effroi. Toutes les passions les plus hideuses se sont revêtues tour à tour du patriotisme, comme d’un masque commun : mais heureusement ces passions ainsi déguisées et affectant le même langage ont fini par ne plus se connaître et par se tromper réciproquement. C’est à ce signe que les deux comités de salut public et de sûreté générale ont toujours reconnu ces factions et leurs héritiers insidieux; c’est à ce signe que nous les reconnaîtrons encore. Des orages politiques semblent se préparer depuis quelques jours ; tous les symptômes de cette agitation contre-révolutionnaire qui a souvent tourmenté la république se présentent aux yeux les moins clairvoyants ; ils paraissent plus sensibles encore à ceux qui reçoivent les relations du dedans et du dehors; des intrigues dans les pays neutres, des coalitions nouvelles de petits gouvernements, des propos insolents des ennemis de la France, des agioteurs anglais plus multipliés, le midi de l’Europe devenant le théâtre de nouvelles tracasseries politiques, comme pour arrêter la victoire du Nord, et distraire le gouvernement par de nouveaux moyens de contre-révolution. Les deux comités de salut public et de sûreté générale n’oublieront jamais l’ensemble et l’énergie des fonctions qui leur sont confiées; et ce double rocher saura bien repousser toutes les vagues du royalisme, et dominer toutes les tempêtes suscitées par l’aristocratie (on applaudit à plusieurs reprises), qui ne se corrige que le jour des jugements. Sans doute les victoires forment une belle ceinture autour de la république; mais il faut au corps politique un cœur pur et une tête bien organisée ; il faut que les fonctionnaires publics soient les instruments du peuple, et non ses dominateurs; il faut que les membres des autorités constituées demeurent à leur poste, au lieu de venir s’agglomérer à Paris; il faut que les citoyens, qui sont revêtus d’une autorité terrible, mais nécessaire, n’aillent pas influencer par des discours préparés les sections du peuple. (Vifs applaudissements.) Il faut que le peuple les surveille dans leurs fonctions et dans leur domicile. Quelle ressource reste-il aux tyrans quand ils sont partout chassés honteusement, et que les cadavres de leurs satellites jonchent les campagnes de leurs frontières ? Quelle ressource ! la calomnie, les journaux : ils publient dans ce moment que la Convention nationale a été massacrée, que le trouble règne à Paris, que l’aristocratie respire librement : on annonce qu’il y a des discours prêts à éclore dans toutes les assemblées du peuple pour le système nouveau que les ennemis de la liberté ont ourdi autour de nous et au milieu des grandes communes. Les comités ont pris des mesures qui ne peuvent être divulguées sans danger. Mais dans ce moment ils ont cru devoir se borner aux deux mesures rela-24 370 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tives aux envoyés des autorités constituées, qui fourmillent depuis quelques jours à Paris; ils se sont occupés encore de renvoyer dans leur domicile les citoyens qui se sont soustraits à des mandats d’arrêt, et qui viennent conspirer à Paris; il en est d’autres qui, revêtus de fonctions publiques, ont été suspendus ou renvoyés, et qui viennent chercher l’impunité et les complots à côté de la Convention nationale. C’est toujours sur Paris que nous devons avoir nos regards, à cause de son immense population, et de l’insuffisance de la police; c’est à Paris que le gouvernement anglais a voulu donner la Vendée; c’est à Paris que Londres a voulu faire présent des banquets civiques, qui livrèrent Toulon; c’est sur Paris que les coalisés battus veulent déverser leur désespoir; leurs vices et leurs forfaits. Mais avec l’union des patriotes, la vigilance des Sociétés populaires, le zèle des comités, le courage des armées et les vertus de la Convention nationale, la république n’a plus de danger à courir, et la liberté triomphera à Paris comme dans la Belgique et sur toutes nos frontières. (On applaudit.) (l). [BARÈRE] propose un projet de décret, qui est adopté par la Convention nationale dans les termes suivans : « Art. I. - Les citoyens qui se sont soustraits à l’exécution de mandats d’arrêts, et tous ceux qui, revêtus de fonctions publiques, ont été suspendus ou remplacés, sont tenus de sortir de Paris dans trois jours, et de se rendre dans leur domicile dans le courant de 2 décades; passé lequel délai, ils seront réputés émigrés et punis comme tels. » Ils justifierons de leur retour, dans le délai prescrit, devant les comités de surveillance du lieu de leur dernier domicile. « II. - Tous envoyés ou commissaires, ou membres des autorités constituées, sont tenus, sous peine de destitution encourue par le seul fait, de retourner incessamment dans leur domicile et de justifier de leur retour devant leur municipalité dans le délai d’une décade pour ceux qui sont à cinquante lieues de distance de Paris, et de 2 décades pour ceux qui sont à de plus grandes distances. « III. - L’insertion du présent décret dans le bulletin tiendra lieu de publication. » (2). [Adopté à l'unanimité au milieu des applaudissements.] (l) Mon., XXI, 266 et 268. (2) P.V., XLII, 77. Minute de la main de Barère. Décret n° 10 009. Reproduit dans Bm, 2 therm. Débats, n° 668; M.U.. XLIII, 45, 56-60; 7. Perlet, nos666, 668; -7. Sablier, nos 1450, 1454; Mess. Soir, nos 700, 702, 703; C. Eg., n"s 701, 702; F.S.P., nos381, 382; 7. Mont., n°85; Audit. nat., n° 665 ; Ann. R. F., nlls 231 et 232 ; C. unie., n° 932 ; 7. Paris, n°rS7; Rép. , n°213; 7. Fr., nHS664, 665; 7. unie., n° 1701 ; 7. S. Culottes, nos 521, 522 ; Ann. patr., n° DLXVI. Voir ci-après, séances du 3 therm., n°57, et 5 therm., n° 59. 56 Un défenseur de la patrie paroît à la barre; il apporte les drapeaux ennemis pris à Landre-cies; et prononce le discours suivant : Citoyens représentans, Voici les vils drapeaux qui n’ont que trop long-temps souillé les murs de Landrecies, livrée par la trahison à nos lâches ennemis. [Applaudissements.] Grâces vous soient rendues, immortels représentans ! Votre décret a été, pour l’armée et les généreuses gardes républicaines des communes de Maubeuge, Avesnes et de Réunion-sur-Oise, le signal de la victoire, et celui de la terreur pour les satellites des tyrans [Applaudissements]. Les lâches n’ont dû leurs succès éphémères qu’à la perfidie, et ils doivent leur défaite et leur mort à la justice, à la probité et au courage que vous avez mis à l’ordre du jour dans la République et dans les armées. Ce discours est accueilli par de vifs applaudissements : la mention honorable, l’insertion au bulletin, sont décrétées, et le pétitionnaire obtient les honneurs de la séance (l). Le président répond à l’officier que c’est par les exploits des républicains que la victoire expie les triomphes qu’elle accorda quelquefois aux armes des tyrans. Chaque jour est le lendemain d’une bataille livrée heureusement; chaque jour est la veille d’une victoire nouvelle. (On applaudit.) L’officier entre dans la salle au milieu des applaudissements (2). COLLOT D’Herbois : « Jamais la victoire n’offrit plus de trophées aux hommes libres. Chaque jour est le lendemain d’une bataille livrée heureusement; chaque jour est la veille d’un nouveau triomphe. Dites à vos braves frères d’armes que les représentants du peuple sont jaloux de partager leurs dangers et concourent avec eux à la chute des trônes » (3). 57 Le citoyen Devaux, adjudant-général à l’armée de Sambre-et-Meuse, est à la barre. Il apporte les clefs des ville et château de Namur; il annonce que les nouvelles victoires sont dues au-x sages décrets et aux mesures de la Convention nationale (4). (l) P.V., XLII, 78. 7. Fr., n°664. (2) Mon., XXI, 266. (3) 7. Perlet, n°666; Débats, n°668; Mention dans 7. Paris, n° 567 ; 7. Univ., n° 1701 ; Mess, soir, n° 700; Ann. R.F., n° 231 ; M.U., XLII, 44; C. Unie., n° 932; Ann. patr., n° DLXVI; 7. Sablier, n° 1450; 7. Lois, n° 660. (4) P.V., XLII, 78. 370 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tives aux envoyés des autorités constituées, qui fourmillent depuis quelques jours à Paris; ils se sont occupés encore de renvoyer dans leur domicile les citoyens qui se sont soustraits à des mandats d’arrêt, et qui viennent conspirer à Paris; il en est d’autres qui, revêtus de fonctions publiques, ont été suspendus ou renvoyés, et qui viennent chercher l’impunité et les complots à côté de la Convention nationale. C’est toujours sur Paris que nous devons avoir nos regards, à cause de son immense population, et de l’insuffisance de la police; c’est à Paris que le gouvernement anglais a voulu donner la Vendée; c’est à Paris que Londres a voulu faire présent des banquets civiques, qui livrèrent Toulon; c’est sur Paris que les coalisés battus veulent déverser leur désespoir; leurs vices et leurs forfaits. Mais avec l’union des patriotes, la vigilance des Sociétés populaires, le zèle des comités, le courage des armées et les vertus de la Convention nationale, la république n’a plus de danger à courir, et la liberté triomphera à Paris comme dans la Belgique et sur toutes nos frontières. (On applaudit.) (l). [BARÈRE] propose un projet de décret, qui est adopté par la Convention nationale dans les termes suivans : « Art. I. - Les citoyens qui se sont soustraits à l’exécution de mandats d’arrêts, et tous ceux qui, revêtus de fonctions publiques, ont été suspendus ou remplacés, sont tenus de sortir de Paris dans trois jours, et de se rendre dans leur domicile dans le courant de 2 décades; passé lequel délai, ils seront réputés émigrés et punis comme tels. » Ils justifierons de leur retour, dans le délai prescrit, devant les comités de surveillance du lieu de leur dernier domicile. « II. - Tous envoyés ou commissaires, ou membres des autorités constituées, sont tenus, sous peine de destitution encourue par le seul fait, de retourner incessamment dans leur domicile et de justifier de leur retour devant leur municipalité dans le délai d’une décade pour ceux qui sont à cinquante lieues de distance de Paris, et de 2 décades pour ceux qui sont à de plus grandes distances. « III. - L’insertion du présent décret dans le bulletin tiendra lieu de publication. » (2). [Adopté à l'unanimité au milieu des applaudissements.] (l) Mon., XXI, 266 et 268. (2) P.V., XLII, 77. Minute de la main de Barère. Décret n° 10 009. Reproduit dans Bm, 2 therm. Débats, n° 668; M.U.. XLIII, 45, 56-60; 7. Perlet, nos666, 668; -7. Sablier, nos 1450, 1454; Mess. Soir, nos 700, 702, 703; C. Eg., n"s 701, 702; F.S.P., nos381, 382; 7. Mont., n°85; Audit. nat., n° 665 ; Ann. R. F., nlls 231 et 232 ; C. unie., n° 932 ; 7. Paris, n°rS7; Rép. , n°213; 7. Fr., nHS664, 665; 7. unie., n° 1701 ; 7. S. Culottes, nos 521, 522 ; Ann. patr., n° DLXVI. Voir ci-après, séances du 3 therm., n°57, et 5 therm., n° 59. 56 Un défenseur de la patrie paroît à la barre; il apporte les drapeaux ennemis pris à Landre-cies; et prononce le discours suivant : Citoyens représentans, Voici les vils drapeaux qui n’ont que trop long-temps souillé les murs de Landrecies, livrée par la trahison à nos lâches ennemis. [Applaudissements.] Grâces vous soient rendues, immortels représentans ! Votre décret a été, pour l’armée et les généreuses gardes républicaines des communes de Maubeuge, Avesnes et de Réunion-sur-Oise, le signal de la victoire, et celui de la terreur pour les satellites des tyrans [Applaudissements]. Les lâches n’ont dû leurs succès éphémères qu’à la perfidie, et ils doivent leur défaite et leur mort à la justice, à la probité et au courage que vous avez mis à l’ordre du jour dans la République et dans les armées. Ce discours est accueilli par de vifs applaudissements : la mention honorable, l’insertion au bulletin, sont décrétées, et le pétitionnaire obtient les honneurs de la séance (l). Le président répond à l’officier que c’est par les exploits des républicains que la victoire expie les triomphes qu’elle accorda quelquefois aux armes des tyrans. Chaque jour est le lendemain d’une bataille livrée heureusement; chaque jour est la veille d’une victoire nouvelle. (On applaudit.) L’officier entre dans la salle au milieu des applaudissements (2). COLLOT D’Herbois : « Jamais la victoire n’offrit plus de trophées aux hommes libres. Chaque jour est le lendemain d’une bataille livrée heureusement; chaque jour est la veille d’un nouveau triomphe. Dites à vos braves frères d’armes que les représentants du peuple sont jaloux de partager leurs dangers et concourent avec eux à la chute des trônes » (3). 57 Le citoyen Devaux, adjudant-général à l’armée de Sambre-et-Meuse, est à la barre. Il apporte les clefs des ville et château de Namur; il annonce que les nouvelles victoires sont dues au-x sages décrets et aux mesures de la Convention nationale (4). (l) P.V., XLII, 78. 7. Fr., n°664. (2) Mon., XXI, 266. (3) 7. Perlet, n°666; Débats, n°668; Mention dans 7. Paris, n° 567 ; 7. Univ., n° 1701 ; Mess, soir, n° 700; Ann. R.F., n° 231 ; M.U., XLII, 44; C. Unie., n° 932; Ann. patr., n° DLXVI; 7. Sablier, n° 1450; 7. Lois, n° 660. (4) P.V., XLII, 78.