[États gén. 1789. Cahiers.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. lides et inébranlables, comme Sa Majesté en a exprimé le vœu dans le résultat de son conseil du 27 décembre dernier; et à bet effet consentir, selon les facultés du clergé de Béarn , toutes les impositions justes et nécessaires, renonçant à toute exemption pécuniaire ; de charger pareillement les députés qui serontnommés de voter pour la conservation des fors, coutumes, privilèges et immunités de la province de Béarn, et de faire statuer sur chacun des griefs contenus dans le cahier dont ils sont porteurs, et qui a été clôturé dans la présente assemblée. Sur quoi eue délibération, l’assemblée des députés des archiprêtrés, conférences et districts du Béarn, reconnaissant la vérité de tout l’exposé fait par M. le président dans la séance du 19, a été de l’avis du président, et en conséquence il a été procédé incontinent à la nominationdes deux députés par la voie du scrutin, après avoir procédé pareillement à la nomination préalable de trois scrutateurs, en conformité du règlement du 24 janvier; et a été élu par première nomination M. l’abbé Saurine, prêtre, natif de la paroisse d’Eysus, diocèse d’Oleron, et par pareille nomination M. Lamarque, curé de Pau, éîu député, ayant remercié M Julien, prêtre, curé d’ Arrosés, dans le diocèse de Lescar, pour se rendre à l’assemblée des Etats généraux du royaume, auxquels dits députés ladite assemblée à conféré et confère des pouvoirs généraux et suffisants de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, rétablissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et chacun des sujets de'Sa Majesté, et les charge, de plus, de demander la conservation des fors, coutumes et privilèges de la province, et de faire statuer sur chacun des griefs contenus dans le cahier dont ils sont porteurs, promettant ladite assemblée d’agréer et approuver tout ce que les députés ci-dessus nommés auront fait, délibéré et signé, en vertu des présentes, de la même manière que si lesdits créeurs commettants y avaient assisté en personne. Fait et passé à Pau, lesdits jours et an que dessus, le vingt-deux juin mil sept cent quatre-vingt-neuf. Déclarant, de plus, ladite assemblée, qu’elle a nommé delà même manière que les députés pour les Etats généraux le sieur Peborde, curé de Be-deille, pour suppléant, au cas où ledit sieur abbé de Saurine ne voulût point accepter sa nomination. A Pau, les jours et an que dessus. Signé Salles, président, Dautin,dôputé;Ricardi,curé de Luc, député ; Vignau-Lasalle,député;Lalanne, député; Mi-rande, député; Lamarque, curé de Pau et député ; Texier-Lavigerie, député; Loustalol, archiprétre; deBoeil, député; Peborde, curé de Vieillesegure, député ; Morand, archiprétre, député de Montanes ; Tarras, député ; Garav, prieur, curé de Sauveterre, député ; Toutan, curé de Ger, député; de Pontac, Vidal, curé d’Orthés, député du district de Béarn dans le diocèse de Dacs ; Curia, curé de Béreux, adjoint dudit sieur Vidal ; Ponts, curé de Lane-caube, député de l’archiprêtré de Simacourbe ; Badeigts, député de la conférence de Josbaig; Peborde, curé de Bedeille ; Duclos, archiprétre et député deLembeve; Labas, curé de Lasclaveries, dé[Duté de l’archiprêtré de Serres-Castel ; Cataly, curé d’Argelos ; député, et Julien, curé d’ Arrosés, député et secrétaire de l’assemblée. Collationné sur l’original qui est devers nous, et certifié véritable par nous, commissaire de ce lre Série, T. II. [Souveraineté de Béarn.] 273 chargé par arrêté de celte assemblée, à Pau, le 26 juin 1789. ’ Signé Lamarque, curé de Pau, commissaire. Nous, Pierre de Vignalet, conseiller duRoi, lieutenant général en la sénéchaussée de Pau, certifions où et par-devant qui il appartiendra que le seing en l’autre part est la véritable signature du sieur Lamarque, curé de Pau; et que foi et entière créance est et doit y être ajoutée tant en jugement que hors jugement. En témoignage de quoi nous avons donné le présent, signé de nous et contresigné par le greffier du siège qui v a apposé le sceaudelajuridiction.FaitàPau, le 26 juin 1789. Signé Vignalet lieutenant général. Pour le lieutenant général, signé Lasserre. CAHIERS DE LA NOBLESSE ET DU TIERS-ÉTAT DU BÉARN. Nota. G s deux cahiers nous manquent encore : nous les insérerons en supplément lorsqu’ils nous seront parvenus. CAHIER Des vœux , doléances et réclamations des habitants de la ville de Bcllocq , pour être produit et fait valoir par notre représentant aux Etats de h province extraordinairement convoqués par ordre du Roi , à l’effet de délibérer sur l'objet de ladéputation aux Etats généraux du royaume [ 1). Quoique le Béarn ait ses Etats, ses usages, rien n’empêche que, pour la plus parfaite restauration du royaume, nous ne puissions confondre nos intérêts particuliers avec l’intérêt plus général, en réclamant : 1° Que l’Etat considéré comme complètement formé par le souverain et la nation, les membres qui le composent vivant en lui, par lui et pour lui, soient tous, sans exception, tenus de concourir à ses besoins et à son entretien, proportionnellement aux revenus d’un chacun en particulier. 2° Que le souverain, justement considéré comme chef et père de la nation, et la nation comme sa famille, les intérêts de l’un et de l'autre, soient tellement identifiés qu’ils ne puissent avoir qu’un même objet : leur bonheur commun avec la prospérité de l’Etat. 3° Qu’entre le souverain et la nation, il n’y ait point d’autre puissance intermédiaire, mais’ que celle qui ne sera point du souverain, rentre dans l’ordre politique de celle de la nation. 4° Qu’aucune pension ne puisse plus être une faveur ministérielle, ni le prix des intrigues de cour, mais que le souverain seul, avec sa nation, les accorde et les fixe suivant l’occurrence de l’Elat et les besoins plus ou moins grands de celui à qui le mérite des services donne droit d’y prétendre. 5° Qu’un état des pensions avec leurs motifs soit fourni aux Etats généraux pour demander la suppression de celles qui ne seront pas reconnues bien méritées et la mo lification de celles qui seraient trop fortes, eu égard aux besoins de l’Etat. 6° Que si le trésor royal éprouvait aucune déprédation, qu’elle soit décidément imputée à tous ceux qui en seront chargés de l’administration. 7° Que les Etats généraux aient leur retour périodique de cinq en cinq ans, pour que la nation (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 18 274 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Souveraineté de Béarn. connaisse l’Etat du royaume, celui de ses finances, la remise ou l’augmentation des impôts, sanctionne les lois générales, avise aux abus des différentes parties de l’administration, propose les moyens les plus convenables afin de porter le plan de la restauration du royaume à son degré de perfection possible. 8° Que sur ce qui pourrait échapper de bon à rectifier dans les différentes parties d’administration aux Etats généraux d’à présent, il y soit nommé des comités de magistrature, de finances, d’agriculture, de commerce, de guerre et de marine, pour que chaque comité, dans sa partie, s’occupe des moyens essentiels d’économie et amélioration convenables au plus grand intérêt de l’Etat. 9° Que ces comités prennent connaissance des différents cahiers de doléance de toutes les provinces; comme aussi des opérations qui se feront aux Etats généraux et autres instructions qui pourront, par concours au bien général, être fournies par tous les membres de la partie, pour, dans un an, lorsque ces comités auront rempli l’objet précieux de leur honorable mission, leurs moyens soient donnés à toutes les provinces du royaume, afin que chacune d’elles les rendent circulaires dans toutes les villes, bourgs et paroisses qui les composent. 10° Qu’après que la nation aura été ainsi mise à portée de prendre et réfléchir les moyens proposés par les comités dont s’agit, il soit déterminé aux Etats particuliers et assemblées provinciales de demander au souverain dans deux ans la convocation extraordinaire des Etats généraux, outre ceux à terme périodique, pour, sur les moyens fournis par les comités et tous ceux qui pourraient être par supplément fournis par la nation, donner une constitution fixée à l’Etat avec les réformes et améliorations dont toutes les parties de l’administration pourraient demeurer susceptibles. 1 1° Que la tache d’avilissement et de dérogeance chimérique soit levée de dessus l’agriculture, le commerce et les arts utiles. 12° Que la députation aux Etats de la province soit déclarée libre entre tous les citoyens de l’âge de vingt-cinq ans, jurats ou non jurats. 13° Qu’aux Etats les présidents soient encore du libre choix des membres qui les composent, sans égard ni distinction d’aucun privilège usurpé, ou tout au moius abusif, lorsqu’il s’agit de la cause commune. 14° Que les syndics des Etats soient pris dans les différentes classes des ordres qui les composent, et remplacés tous les cinq ans, s’il n’est autrement délibéré de les continuer. 15° Que les lois civiles et criminelles soient rectifiées d’après les plus sages principes d’humanité et de justice ; de manière qu’il n'y ait plus de conflit entre elles, ni de formes trop compliquées, mais qu’elles soient simplifiées, traduites dans les langues et idiomes particuliers des provinces, en un mot rendues, autant qu’il sera possible, à portée de la raison commune de tous les citoyens qui doivent les observer. 16° Que l’administration de la justice soit plus sûre, plus prompte, moins dispendieuse, plus débarrassée des formes, plus commune à tous, pauvres ou riches, argent ou sans argent. 17° Qu’il y ait dans chaque paroisse des juges conciliateurs pour concilier et .juger sans frais Jes différends qui peuvent s’élever sur des droits de propriété respective, limites, chemins de servitude et tous autres en ce genre, qui mènent à des procédures ruineuses, et une perte de temps précieux à l’agriculture. 18° Que les parties instanciées dans les tribunaux supérieurs ou subalternes, en demandant ou défendant, puissent plaider leurs causes, fournir leurs exceptions, sans le ministère de procureur ni d’avocat, si elles jugent pouvoir s’en passer. 19° Qu’il soit pourvu à l’objet précieux de l’éducation des enfants, de manière qu’en apprenant à lire et à écrire ils apprennent aussi la coutume et constitution locale, avec les principaux éléments des lois civiles et criminelles, afin d’en former de bons citoyens. 20° Que dans ce dernier cas, les maîtres d’école se mettront plus en état-de partager les devoirs et les charges de la municipalité, que ceux de la cléricature. 21° Que, pour prévenir les conflits onéreux des différents tribunaux d’attributions particulières, ils soient tous ou partie réunis au parlement. 22° Que dans cette province la juridiction des eaux et forêts soit abolie, en prenant les moyens convenables pour suppléer à toute son utilité à moins de frais. 23° Que les charges de judicature ne puissent plus être vénales, mais que le souverain, sur le choix de la nation, les confère aux avocats qui joindront à quinze ans d’exercice la preuve des talents et vertus essentielles pour juger d’après la rectitude des lois et la plus pure équité. 24° Que le droit près de notre constitution locale nous soit inviolablement conservé sur la liberté de porter les affaires en première instance au parlement et au sénéchal, ou devant nos jurats. 25° Qu’au lieu d’un commissaire départi, et pour qu’aucun ne puisse impunément se permettre des actes d’oppression arbitraire ou d’abus d’autorité, le souverain soit supplié de rétablir l’ancien usage d’un commissaire missi dominici, lequel, chargé d’un registre coté de Sa Majesté, sera seulement tenu d’y inscrire les griefs des plaintes qui lui seront portées, afin de les produire sous les yeux du monarque 26° Que le Béarn ayant insensiblement perdu les droits et privilèges de sa constitution, il soit demandé des commissaires pour vérifier les enregistrements des arrêts du conseil qui y ont porté atteinte, et sur le rapport qui en sera fait à l’assemblée des Etats prochains, être délibéré sur les réclamations légitimes. 27° Que les lettres closes, lettres de cachet et autres ordres arbitraires quelconques soient abolis, la liberté individuelle respectée et tenue sous la sauvegarde des lois. 28° Que le commerce n’éprouve plus des entraves ni des vexations ; mais que, pour sa plus utile et parfaite liberté, les douanes soient reléguées sur les frontières du royaume, avec l’entière abolition des péages perçus dans l’intérieur. 29° Que les toiles de lin et étoffes de laine du cru et fabriques du royaume, soient exemptes du tribut et qu’il n’y ait plus que celles du luxe et les étrangères qui en payent. 30 °Qu’il n’y ait plus de fermiers généraux, parce que s’ils s’enrichissent aux dépens du souverain et de la nation ; ils seront toujours cause d’un plus ou moins grand déficit dans le trésor de l’Etat. 31° Qu’il soit pris des moyens pour que toutes les sommes levées pour l’Etat entrent dans son trésor de la manière la moins onéreuse, parce qu’il est probable qu’en passant par trop de mains, elles éprouvent de grands déchets. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Souveraineté de Béarn.] 275 32° Que les droits de recette et tous autres perçus aux bureaux des contrôles soient restreints, simplifiés et réduits sous une seule nomination, dans un tarif à tant par livre à portée de tous les redevables. 33° Qu’il n’y ait qu’une dîme sans pac ni pré-mice, parce qu’une possession injuste et sans cause ne fait jamais un droit légitime, et que dans l’état actuel des choses, la loi de grâce nous est plus dure que celle de rigueur. 34° Que les grains de la semaison soient prélevés avant la dîme en faveur du cultivateur. 35° Que la dîme ne puisse plus être perçue ni exigée sur des légumaires quelconques , agneaux, oisons, cochons, ni vins de treille à haute branche. 36° Que le gouvernement s’occupe des moyens possibles pour encourager, l’agriculture en favorisant l’agricole, considéré comme le nourricier de l’Etat. 37° Qu’il soit demandé un règlement pour que chaque propriétaire soit tenu, proportionnellement à l’étendue de ses possessions, de com-planenter et entretenir à la main, tel nombre de chênes qu’il sera fixé, eu égard à la nature et position du sol. 38° Que, pour prévenir la disette des grains et une calamité semblable à celle où le royaume se trouve, il soit graduellement formé dans chaque ville et paroisse des greniers d’épargne par une prestation annuelle en grain ou argent, fixée au marc la livre de la taille, avec des sages combinaisons pour que le prix des denrées ne soit ni trop fort ni trop faible, et qu’une abondance suffisante soit plus permanente dans le royaume. 39° Que le Béarn soit maintenu dans la liberté d’accorder et consentir les impositions proportionnelles tà ses moyens et aux besoins de l’Etat. 40° Que la classe du tiers , jusqu’ici trop surchargée, reçoive un allégement dans les impositions, et que le clergé haut et bas, qui par son don gratuit, ne paye point dans cinq ans ce qu’il devrait payer tous les ans, d’après son liquide et fortuné revenu, souffre une augmentation d’impôt pris et réglé sur ce qu’il demeure, bien compté, reliquataire envers la nation et l’Etat. 41° Que le montant, avec les causes, de la dette nationale, soit connu, et pris les moyens possibles pour l’éteindre en remédiant aux causes d’une reproduction future par des épargnes et toutes les réformes qui, sans nuire à l’éclat du trône, seront avisées nécessaires par les Etats généraux. 42° Que celte dette, honteuse à l’Etat, soit liquidée par une contribution particulière justement départie : 1° sur tous les fermiers généraux, receveurs et financiers qui seront reconnus avoir fait, eux et leurs parenis, une prompte fortune dans le maniement des sommes levées sur la nation ; 2° sur tous les propriétaires qui jouiront au delà de deux cents pistoles de rente effective, soit en biens, contrats ou industrie ; 3° sur tous les Qévataires des péages dont le produit excédera d’un double le prix de l’affièvrement, et dans le cas que cette contribution ne suffise pas, qu’il soit formé un numéraire en prenant une partie des ornements de luxe et de superfluité partout où ils se trouveront sans exception (1). (1) Il est plus juste, plus naturel, plus honorable, plus dans l’ordre politique que l’Etat soit soulagé, et que les évêques, les opulents du siècle, hauts, moyens et bas soient moins somptueusement servis en or et en argenterie. ..... Il convient infiniment mieux que la classe plus 43° Qu’à la mort des évêques le diocèse ou l’Etat succède et profite de leurs biens comme venus de lui, à l’exception de ceux qu’ils auraient reçus de leurs familles qui leur feront retour. 44° Que les curés et autres bénéficiers n’aient pas non plus d’autres héritiers que les paroisses où ils auront pris et ramassé leurs biens, afin de prévenir qu’un état aussi sacré ne dégénère point en spéculation d’intérêts, au préjudice du devoir social. 45° Qu’aucun prêtre ne puisse plus accumuler plusieurs bénéfices sur sa tête qu’à concurrence ae cent pistoles. 46° Que ceux qui seront déjà pourvus de plusieurs bénéfices quelconques, dont la somme excéderait le revenu de cent pistoles, aient l’option de choisir le meilleur, et que les autres soient retranchés au profit de l’Etat, ou d’autres prêtres qui n’en auraient point. 47° Que les curés qui jouiront de cent pistoles de revenu s’en tiendront pour satisfaits, sans qu’ils puissent faire valoir d’autre tarif de taxe casuelle. 48° Que les curés encore qui approcheront d’un revenu de deux cents pistoles avec un vicaire soient tenus de fournir le luminaire de leurs paroisses, s’il n’y a point de fabrique. 49° Qu’à prix d’argent il ne puisse plus être accordé de dispenses de bans, mais seulement pour des justes causes et raisons légitimes, et toujours en favorisant les mariages. 50° Que par les Etats généraux il soit examiné de combien la France est tributaire de Rome, pour qu’il soit pourvu aux moyens de cesser de l’être. 51° Que le trop grand nombre de cloîtres soit diminué, si mieux n’est de les réformer, puisque, avec une population future, ils ensevelissent environ quatre-vingt mille victimes vivantes aux dépens de l’Etat, sans travail utile pour l’Etal (1). 52° Que les religieux ne puissent plus faire de vœu contre la liberté du mariage, parce que, physiquement parlant, s’il était possible de frauder indigente subsiste pour fructifier l’Etat, et que les églises rassemblent moins de trésors, moins de pompeuses magnificences qui , à n’en pas douter , envahissent du commerce les moyens d’un numéraire inappréciable. — On voit dans l’histoire qu’en 1590, de l’avis d’un évêque et légat, pour soutenir le siège de Paris contre Henri IV, la Ligue ordonna que tous les religieux portassent à la monnaie l’argenterie de leurs églises, à l’exception des vases sacrés absolument nécessaires pour le service divin. Les registres des Monnaies attestent qu’il y fut porté des crucifix, couronnes d’or et autres ornements qui furent mis en fonte, convertis en numéraire restitué au commerce ..... La cause de la Ligue était absolument injuste, mais celle où l’Etat se trouve actuellement est des plus privilégiées. (1) Mettez-vous en état, dit saint Paul ( Epître 1, aux Thessal., chapitre iv), de n’avoir besoin de personne et travaillez de vos propres mains ainsi que nous l’avons ordonné. — Nous n’avons mangé gratuitement le pain de personne, dit encore le même apôtre, mais nous avons travaillé de nos mains jour et nuit avec peine et fatigue, pour n’être à charge à aucun de vous ..... Nous avons déclaré que celui qui ne veut point travailler ne doit point manger. Je travaillais de mes mains, dit saint François dans son testament, je veux fermement que tous les frères s’appliquent à quelque travail honnête et que ceux qui ne savent pas travailler l’apprennent. — Nous voulons bâtir, dit saint Bonaventure, nous ne nous contenterons plus des pauvres et simples logements que notre règle nous prescrit : nous sommes à charge à tout le monde et nous le serons encore plus à l’avenir si nous continuons ..... Ce peut-il autrement ? (Fleuri, Histoire ecclésiastique , année 1226.) 276 [États gén. 1789. Caliiers.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Souveraineté de Béarn.] les droits de la nature, il ne serait pas également possible, sans un supplice désespérant, de contracter un divorce éternel avec les besoins qu’elle nous impose. 53° Que jusqu’à l’âge de quarante ans les religieuses soient relevées du vœu célibataire , si elles veulent et trouvent à s’établir. 54° Que si du temps de la féodale tyrannie, lorsque nos pères étaient serfs ou esclaves, l’Eglise proposa nombre de fêtes dans l’objet louable d’adoucir la rigueur de cet esclavage, aujourd’hui la cause ayant cessé, l’effet devrait cesser aussi par leur réduction aux quatre plus solennelles, d’autant qu’il est reconnu qu’un plus grand nombre font une perte de travaux précieux à l’Etat, sans que le culte s’en trouve mieux honoré. 55° Que les revenus ecclésiastiques soient comparés avec ceux du souverain, pour que Sa Majesté soit à portée de juger par ce tableau frappant de combien trop de charges le laboureur est accablé. 56° Que, touchée de cette considération, Sa Majesté daigne, par des motifs devenus nécessaires, ou s’attribuer la moitié des revenus éclésiastiques en soulageant d’autant la classe de la nation plus indigente, ou se rendre le seul décimateur de son royaume en réduisant le haut et bas clergé à un honnête nécessaire, qui le rapproche plus de la morale chrétienne et de la véritable et primitive institution. 57° Que si cette alternative n’était pas du bon plaisir du souverain, que Sa Majesté soit suppliée de fixer la dîme ecclésiastique à un quinzième, afin de prévenir l’entier découragement du cultivateur, et que le gros de son peuple ne succombe pas sous le poids de l’oppression. 58° Que le clergé, plus rempli de l’esprit évangélique, se reconnaisse établi pour instruire, prier et consoler, et non pour envahir des richesses superflues, contraires au vœu solennel de la renonciation des biens de ce monde; qu’il reconnaisse que l’exemple de son détachement des choses terrestres influera plus que la prédication sur les mœurs, et qu’en cessant d’être le sujet de la plus accablante surcharge pour le christianisme, il se rapprochera plus des maximes de Jésus-Christ. 59° Qu’à l’état civil déjà accordé à tous les non catholiques du royaume (1) le monarque soit supplié, par une suite de sa bontépleine de justice, de leur accorder également la liberté du culte avec celle du rétablissement de leurs anciens temples pour leurs prières, afin que tous les citoyens incorporisés dans l’Etat puissent librement, suivant leur foi, bénir le Seigneur et lui demander les grâces que nous devons tous désirer pour le bonheur et le plus heureux règne de notre bon Itoi. 60° Que l’odieuse et tyrannique banalité soit abolie dans tout le royaume, comme aussi les corvées et autres grevantes prétentions seigneuriales contraires à la raison, à l’ordre politique et à la liberté du citoyen, soumise à la protection immédiate de son Roi. 61° Que si les hauts seigneurs prétendaient que ce dernier article porte contre leurs droits et privilèges de propriété, qu’il leur soit rappelé, qu’à la faveur des troubles du royaume, vers la fin du règne de Charles le Chauve, ils rendirent hérédi-(i) L’édit du mois de novembre 1787 donne cet état civil aux non catholiques; s’il donnait également la liberté du culte, sans doute que les familles émigrées se seraient plus empressées d’en venir jouir dans leur patrie, elles nous auraient porté des arts et des richesses. taires les dignités de commission qui n’étaient qu’à vie et transmirent à leurs familles l’arro-geance des droits, plus ou moins considérables, mais tous également usurpés sur le souverain et la nation. 62° Que si les familles de ces usurpateurs sont ou éteintes ou rentrées dans la classe du tiers, d’où elles étaient sorties dans l’un ou l’autre cas, elles n’auraient pu ni vendre ni transmettre plus de droits qu’elles n’avaient elles-mêmes : elles n’avaient que des droits usurpés, contre lesquels la nation et le Roi peuvent se rédimer. 63° Qu’il soit demandé compte à M. l’intendant et syndics de la province de l’état de la navigation, depuis le port du château de Bellocq jusqu’à Bayonne, comme aussi des sommes considérables qui ont été prodigalisées ou bien employées pour son établissement, sans surveillance quelconque des travaux utiles ou surabondants. 64° Que, grâces aux soins et travaux opiniâtres du sieur de Pilles, cette navigation étant praticable et pratiquée, qu’il soit demandé pourquoi elle n’est pas comprise dans la somme des avantages du gouvernement et par là même digne de son attention et de ses faveurs. Telles sont les réclamations sincères et générales que nous consignons dans nos doléances comme tendantes à la plus parfaite restauration du royaume et de cette province, et quant à celles qui peuvent plus particulièrement se rapporter à nos intérêts et griefs des misères locales, nous réclamerons : 1° Que la libre élection de nos officiers municipaux nous soit rendue, ou conférée avec un règlement qui fixe la reddition des comptes de leur administration annuelle devant quatre commissaires pris encore du libre choix des habitants. 2° Qu’un relevé de leurs comptes avec le procès-verbal de vérification soit annuellement fourni à la communauté assemblée, ou tel nombre des notables élus pour la représenter. 3° Que si la communauté ou les notables ses représentants trouvaient de justes causes d’impu-gnation sur les comptes et le verbal de vérification, le député aux Etats de la province sera chargé de les y soumettre à leur plus exacte révision ; d’après laquelle s’il était vérifié qu’aucun jurât eût commis des vexations, prévarications ou malversations quelconques, celui-là sera destitué, exclu et déclaré indigne de toutes charges publiques ; comme aussi, sans autre forme de procès, condamné par les seuls Etats à la restitution et réparation des griefs. 4° Qu’il soit pris en considération les différentes tâches que nous avons ôté obligés de faire par corvée et prestation d’argent : 1° sur la route de Saint-Boues à deux lieues de distance; 2° sur celle d’Orthès qui mène à Saint-Sever encore à deux lieues de distance ; 3° sur celle de Bérens qui mène à Pallies à une lieue de distance ; 4° sur celle de Puyon, et enfin sur celle qu’on nous a fait commencer pour communiquer à Pallies, laquelle nous devient absolument inutile si elle n’est pas continuée, et attendu que la communauté n’est pas assez amoyennée, et qu’elle se ressentira longtemps de la répétition des différents fléaux récemment éprouvés, il serait aussi juste que naturel de faire concourir à la confection de notre route les paroisses voisines à' qui nous avons aidé pour la confection des leurs. 5° Que l’impôt du don gratuit sur les vins soit aboli dans cette communauté d’autant qu’il tourne moins sur les rentiers que sur la classe [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Souveraineté de Béarn.] 277 plus indigente, puisqu’il est de fait que nous n’avons point d e marché ni des communications gui puissent augmenter le détail de la consommation intérieure; mais que le pauvre cultivateur qui, pour payer ses charges et ses emprunts courants, est obligé de vendre son vin au pressoir, pour l’aller prendre ensuite à pot et pinte, comme il peut, pour les travaux plus pénibles de la vigne ; de sorte que lors de la vente de son vin, le marchand défalque sur le prix la taxe de l’impôt, que lui seul vient payer encore. 6° Que le souverain soit supplié de nous remettre le droit de capsoo , suivant notre première acquisition de la seigneurie. 7° Que nous soyons maintenus dans tous les droits et privilèges concédés par la couronne, comme droit de chasse, de pêche, affranchissement des péages et gabelles relativement aux titres que nous en avons. 8° Que, pour mettre le souverain à portée de juger du revenu de cette communauté composée d’environ deux cents feux, Sa Majesté soit suppliée de jeter les yeux sur les levées qui se font tant pour la dîme que pour les charges royales. L’abbé de Sorde et l’évêque de Dax gros déci-mateurs, lèvent, non compris le profit de leurs fermiers, ci ............... 2,800 fr. Le curé en novales et prémice hors la dime outre encore le profit de son fermier ci .................. 3,600 6,400 " Les impositions royales vont à ..... 2,050 Reste ...... 4,350 fr. Il résulte de ce compte que trois prêtres, les deux assez inutiles , prennent sur cette communauté, de plus que le souverain une somme de 430 francs. L’intérêt de l’Etat, la faveur qu’il doit à l’agriculture exigent donc de réduire le clergé à moins de richesses, comme nous le réclamons ailleurs. Suivant la délibération de ce jour, le présent cahier de doléances, rédigé par le sieur Pinçun, a été arrêté, coté et posé le ne varielur comme contenant les vœux, doléances et réclamations des habitants, lequel, suivant la même délibération, sera imprimé aux frais de la communauté pour en être envoyé un exemplaire à M. de Necker, premier ministre des finances, et être remis encore un exemplaire à nos députés aux Etats généraux; lesquelles pages, cotées sont au nombre de vingt et une, y compris la présente, sur laquelle demeure le présent arrêté. Fait en présence des commissaires examinateurs du cahier et des habitants présents à ladite assemblée, à Bellocq, le 18 mai 1789, et avons signé, ajoutant que les frais de l’impression seront pris par une imposition au marc la livre de la taille. Signé Casaubon, maire; Destandau, lieutenant de maire ; Ducasson, Mirande, jurats ; J. -B. Pinçun, rédacteur ; Lacayette,Mouyot, Péés, commissaires; Lescarboura , assesseur ; Lescarboura , greffier d’office. CAHIER Des griefs et doléances d'un grand nombre d'habitants chefs de famille et portés sur les rôles des impositions royales du bourg de Lucq en Béarn , pour être envoyé directement à Mgr le garde des sceaux et à Mgr de Necker ministre cl'Etat (1). 1° Le roi sera très-humblement remercié de ce qu’il a bien voulu convoquer les Etals généraux du royaume dans une forme véritablement nationale et constitutionnelle en y admettant le tiers-état par une représentation libre et proportionnée aux deux premiers ordres 2° Que la dette nationale étant reconnue, il sera pris des moyens assurés pour l’acquitter et que chaque ordre sera imposé relativement à ses facultés. 3° Que les impôts ordinaires qui seront faits à l’avenir seront aussi supportés par les trois ordres dans une parfaite égalité, et chacun à proportion de sa fortune. 4° Que les bureaux des fermes et gabelles seront transportés sur les frontières pour faciliter la liberté du commerce, et que les fermiers généraux seront supprimés. 5° Que les habitants ne soient tenus de payer la dîme que de onze un des fruits qu’ils récoltent ailleurs que dans leurs jardins qu’ils pourront étendre à un arpent du pays, sur laquelle dîme ils prélèveront les semences d’après leur déclaration assermentée. 6° Que les gros décimateurs, par un abus intolérable percevant au delà de la dîme une prémice sur le même fond, Sa Majesté sera très-humblement suppliée de la supprimer comme une surcharge, étant suffisant qu’ils payent la dîme comme partout ailleurs. 7° D’ordonner que les sénéchaux de la province connaîtront par prévention et en première sentence de toutes les affaires civiles et criminelles, leur accorder une souveraineté telle qu’il plaira au Roi de la fixer et que dans chacun desdits tribunaux, il y aura un nombre de juges égal à celui des autres tribunaux du second ordre du royaume. 8° Que néanmoins les jurats de chaque paroisse auront le droit de juger en première instance souverainement et sans frais, les différends qui surviendront dans l’étendue de leur juridiction jusqu’à la somme de douze livres, afin d’éviter une infinité de procès sur des minuties. 9° Supprimer tous les fiefs qui ne seront pas établis par des contrats ou engagements formels des habitants. 10° Que les religieux barnabites de Lucq et de Lescar persécutent les habitants de cette paroisse en les obligeant de payer des fiefs en argent, poules, froment et avoine : ceux-ci se plaignirent et il fut rendu un arrêt au conseil d’Etat du Roi, en 1735, qui fit défense auxdits religieux de rien exiger desdits habitants à moins de produire des contrats en bonne et due forme, et ils n’exigèrent rien en conséquence pendant deux ans ; mais leur avarice et leur ambition s’étant réveillées, ils firent rendre un arrêt au parlement de Navarre qui condamne les habitants de payer les arrérages depuis vingt-neuf ans. Le Roi sera très-humblement supplié d’ordonner que tous lesdits fiefs qui seront établis par quittances avoir été payés auxdits barnabites, leur seront remboursés. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.