424 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 22 PERES, au nom du comité de Législation, a fait le rapport suivant : Citoyens. En renvoyant à votre comité de Législation, par le décret du 9 vendémiaire, la proposition qui vous fut faite de rapporter la réponse à la première des questions résolues par le décret du 9 fructidor, vous avez suspendu un grand nombre d’opérations arbitrales relatives au partage des successions. Il est instant de les remettre en activité en prononçant définitivement, et sans ambiguité, sur cette demande, afin qu’elle ne se reproduise plus. Le comité a rempli la tâche que vous lui avez imposée ; et je viens, en son nom, vous soumettre le résultat de ses réflexions à cet égard. Votre objet, en portant la loi du 17 nivôse, a été de rétablir l’ordre naturel des successions, et de substituer l’égalité des partages aux formes monarchiques qui tendoient toujours à un accroissement de puissance pour le petit nombre, afin de retenir le plus grand dans l’état d’abjection et de servitude où il étoit tombé. Mais vous avez en même temps pensé que cette loi, toute juste et toute démocratique qu’elle est, devoit avoir des bornes précises au-delà desquelles elle auroit plus d’inconvéniens que d’avantages, en bouleversant, en dérangeant la plupart des fortunes et des transactions sociales; et ces bornes, c’est l’heureuse époque de la régénération française, c’est le 14 juillet 1789 qui les a naturellement posées. Vous avez donc décrété par l’article premier de la loi du 17 nivôse : 1°. Que toutes les donations entre vifs, faites depuis et compris le 14 juillet 1789, sont milles. 2°. Que toutes celles au même titre, légalement faites antérieurement, sont maintenues. 3°. Que les institutions contractuelles et toutes dispositions à cause de mort, dont l’auteur est encore vivant, ou n’est décédé que le 14 juillet 1789, ou depuis, sont milles, quand même elles auroient été faites antérieurement. Cette dernière section de l’article ne tarda pas à exciter des réclamations, et il faut convenir qu’elles étoient fondées. On disoit...: nous concevons qu’un testament, qu’une donation à cause de mort, quoique antérieure au 14 juillet, soient annullés, si le testateur ou le donateur sont morts, depuis cette époque, ou sont encore vivans, parce que ces sortes d’actes ne sont que l’expression d’une volonté ambulatoire et variable, tant que leur auteur existe, et qu’il est vrai de dire qu’ils ont été frappés de nullité sur sa tête par la loi qui a anéanti l’ancien ordre de succéder, à compter de la susdite époque du 14 juillet 1789. Mais il n’en est pas de même des institutions contractuelles. Celles-ci acquièrent à l’institué, du jour de leur date, un droit plus ou moins fort, suivant l’usage des lieux, mais un droit certain et irrévocable. Souvent même, elles équivalent à de vraies donations, comme lorsqu’elles renferment une stipulation d’usufruit, une réserve de tel fonds désigné, de telle somme déterminée, ou qu’elles sont suivies d’une tradition réelle et effective. On présume alors que l’instituant se dépouille et qu’il investit l’institué, au moment même de l’institution, de tout ce qu’il ne garde point, ou de tout ce qu’il ne se réserve point. Il n’est donc pas possible de placer les institutions contractuelles sur la même ligne que les testamens et les donations à cause de mort, sans mettre la loi en opposition avec elle-même, et sans ruiner, par cette inconséquence, une multitude de citoyens qui étoient fondés à compter sur les libéralités qu’ils avoient reçues en vertu de pareils actes. Ces raisons, puisées dans les principes de la matière, engagèrent votre comité à vous présenter un article explicatif ou interprétatif de cet article premier de la loi du 17 nivôse, contre lequel on s’élevoit si justement ; et le 9 fructidor, vous fîtes, à la première des questions qui vous furent soumises, une réponse, dont le sens est : 1°. Que les contrats doivent s’apprécier plutôt par la substance, que par la dénomination. 2°. Qu’une institution contractuelle, si elle porte en elle des caractères de donation, doit en produire l’effet. 3°. Qu’une donation, au contraire, si elle laisse au donateur la faculté illimitée de vendre, aliéner ou hypothéquer, n’a pas plus de force qu’une disposition testamentaire. 4°. Que des institutions ou promesses d’instituer, pures et simples, qui, dans certains pays, en ôtant à l’instituant la faculté de nommer un autre héritier, lui laissoient néanmoins celle de disposer, à autre titre, du tout ou de partie de ses biens, sont sans effet pour les biens qu’il pouvoit aliéner, lorsqu’il est mort le 14 juillet ou depuis, ou qu’il est encore vivant. Rien de plus raisonnable et de plus juste que cette interprétation. Il sembloit qu’elle devoit résoudre tous les doutes, et répondre à toutes les difficultés ; mais l’intérêt personnel, qui jamais ne sommeille et qui épie toutes les occasions d’arriver à ses fins, assiégea votre comité et chercha, par des argumens scholastiques, des distinctions subtiles et des hypothèses entortillées, à lui persuader de lui proposer de revenir sur vos pas, et de rétablir l’article premier de la loi du 17 nivôse. Votre comité a été inébranlable à tous les assauts de cupidité ; et il n’a pas moins fallu que votre décret du 9 vendémiaire, pour l’engager à s’occuper encore d’une question qui n’en est pas une à ses yeux. Ma discussion sera donc sommaire. Je n’ajouterai aux raisons que j’ai déjà rapportées pour justifier la nécessité de la loi du 9 fructidor, que les observations suivantes. Vous avez voulu et vous devez vouloir que la ligne de démarcation, tracée entre les dispositions annullées et les dispositions conservées, soit rigoureusement maintenue ; sans quoi vous vous jetez dans un vague et un arbitraire aussi contraire à la justice, qu’à l’ordre général et la tranquillité publique. Peu importe que cette institution contractuelle soit frappée de nullité, tandis que telle autre sera conservée; il n’y a là ni contradiction ni inconvénient, lorsqu’il existe une règle SÉANCE DU 15 BRUMAIRE AN III (5 NOVEMBRE 1794) - Nos 23-24 425 commune pour les juger toutes, la révocabilité ou l’irrévocabilité des biens dont on a disposé. Peu importe encore que celles qui seront annulées, le soient d’une manière inégale, comme pour un quart, pour un tiers, pour deux tiers ou pour la totalité, suivant les différentes coutumes ou les divers usages des lieux. Ces objections n’attaquent point le principe, elles appartiennent seulement à l’exécution beaucoup moins difficile qu’on ne veut nous le persuader. Croyez que chaque partie intéressée saura bien mettre les arbitres à portée de faire les calculs et les fractions nécessaires, et de surmonter tous les petits obstacles locaux. L’essentiel est d’avoir un régulateur certain; l’article premier des questions résolues le 9 fructidor nous les donne ; renvoyons y toutes les réclamations, et nous les ferons toutes cesser. Enfin, si vous rapportiez la loi du 9 fructidor en cette partie, pour remettre en vigueur l’article premier de celle du 17 nivôse, cette versatilité, outre qu’elle seroit inconvenante pour un corps législatif, qui doit se montrer ferme dans ses principes, deviendrait fatigante pour les citoyens ; car remarquez que parmi ceux qui firent opérer les experts, en vertu de l’article premier de la loi du 17 nivôse, beaucoup ont été obligés de les faire opérer de nouveau quand la loi du 9 fructidor a paru : si vous leur faisiez faire encore une troisième opération, il y a telle succession qui se trouverait entièrement absorbée par les frais d’arbitrage ; car les arbitres ne travaillent pas gratuitement, et bien s’en faut que leurs taxes soient fraternelles. Et d’ailleurs il est temps que tous les partages finissent et que l’industrie commence à s’emparer des lots au profit de l’agriculture et du commerce. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter (73). La Convention nationale, après avoir entendu [PERES, au nom de] son comité de Législation sur la proposition de rapporter la réponse à la première des questions résolues par le décret du 9 fructidor passe à l’ordre du jour. L’insertion du présent décret dans le bulletin de correspondance tiendra lieu de publication (74). 23 Sur la proposition des comités, la Convention rapporte les décrets rendus à l’époque du fédéralisme contre les communes d’Évreux et de (73) Bull., 14 brum. Débats, n° 773, 641-644; Mess. Soir, n° 810; J. Fr., n° 771; Gazette Fr., n° 1038; M. U., XLV, 265-267. (74) P.-V., XL VIII, 204. C 322, pl. 1367, p. 30, minute de la main de Pérès, rapporteur, selon C* II 21, p. 23. Bull., 14 brum. Débats, n° 773, 644; Mess. Soir, n° 810; J. Fr., n° 771; Gazette Fr., n° 1038; M. U., XLV, 267. Quimper, et leur rend les administrations qui avoient été transférées dans d’autres communes (75). Sur le rapport [de DEVARS, au nom] du comité de Division, la Convention nationale rend les deux décrets suivans : a La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Division sur plusieurs réclamations de différentes communes et des autorités constituées du district d’Evreux, tendantes au rapport du décret qui a placé provisoirement l’administration du district d’Evreux à Vernon, département de l’Eure ; rapporte l’article II du décret du 22 juillet 1793 (vieux style), et ordonne que l’administration du district sera rétablie à Evreux. Le présent décret ne sera point imprimé; il sera seulement expédié en manuscrit et envoyé à l’agent national près l’administration dudit district, pour le mettre à exécution (76). b La Convention nationale après avoir entendu le rapport de son comité de Division sur la pétition de la commune de Quimper et des réclamations des autorités constituées, tendantes au rapport du décret du 19 juillet 1793 (vieux style), qui a transféré provisoirement l’administration du département du Finistère à Landerneau rapporte son décret du 19 juillet (vieux style), et ordonne que l’administration du département du Finistère sera rétablie à Quimper. Le présent décret ne sera point imprimé; il sera seulement expédié en manuscrit et adressé à l’agent national près ladite administration, pour le mettre à exécution (77). 24 Il n’étoit point encore 2 h., heure à laquelle la Convention devoit procéder au renouvellement du comité de Salut public. Bentabole (75) Gazette Fr., n° 1038. (76) P.-V., XL VIII, 204. C 322, pl. 1367, p. 31, signature illisible, Devars, rapporteur selon C* II 21, p. 22. F. de la Républ., n° 46; J. Fr., n° 771; Gazette Fr., n° 1038; M. TJ., XLV, 254 ; J. Paris, n° 46 ; J. Mont., n° 23 ; Rép., n° 46. (77) P.-V., XL VIII, 204-205. C 322, pl. 1367, p. 32, signature illisible, Devars, rapporteur selon C* II 21, p. 22. F. de la Républ., n° 46; J. Fr., n° 771; Gazette Fr., n° 1038; M. U., XLV, 254 ; J. Paris, n° 46 ; J. Mont., n° 23 ; Rép., n° 46.