jAssembiée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 113 mars I791.J 65 ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE NOA1LLES. Séance du dimanche 13 mars 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires lionne lecture des procès-verbaux des séances d’hier au matin et au suir, qui sont adoptés. M. d’André. En passant à l’ordre du jour sur la lettre e la municipalité de Paris, concernant l’incarcération des personnes arrêtées aux Tuileries dans la journée du 28 février dernier, l’Assemblée s’est inspirée de ce qu’elle ne pouvait exercer ni le pouvoir exécutif ni le pouvoir judiciaire, ni faire elle-même une dénonciation aux tribunaux. Malgré cette première décision, lors de la demande à lui adressée par la municipalité, le directoire du département de Paris est encore venu demander à P Assemblée ce qui restait à faire, en déclarant que l’a cusateur public, après avoir examiné les faits, trouvait qu’il n’y avait pas lieu à accusation. L’Assemblée a du, dans cette circonstance, être I conséquente et prononcer, comme la première fois, l’ordre du jour. Je demande que ce nouveau décret soit motivé de l’incompétence de l'Assemblée nationale. Plusieurs membres trouvent étrange que la municipalité et le directoire aient fatigué l’Assemblée d’une affaire qu’ils savaient ne pouvoir regarder que les tribunaux. M. de Mirabeau. L’accusateur public, chargé d’examiner les faits de la nuit du 28 février, n’ayant trouvé aucun indice de crime et ayant conclu qu’il n’y avait pas matière à procédure criminelle, le directoire du département de Paris a cru devoir écrire à l’Assemblée ; il n’a pas entendu, par là, lui donner un conseil ou lui faire une proposition, mais seulement lui donner avis de sa conduite. M. Cottin. Les prisonniers faits à Vincennes ne seront vraisemblablement pas trouvés plus coupables que ceux des Tuileries; il y aurait également lieu d’en ordonner l’élargissement. M. le Président. Je mets aux voix la motion de M. d’André tendant à ce que le décret de passer à l’ordre du jour sur la lettre du directoire du département de Paris soit motivé de l'incompétence de l’Assemblée nationale en cette matière. (Cette motion est décrétée.) M. Mougins de Roquefort, au nom de la députation envoiyée près du. roi, rend compîe de l’état de presque convalescence dans lequel la reine leur a dit que se trouvait Sa Majesté. M. le Président. Voici le bulletin du roi de ce jour : « Dimanche, 13 mars 1791, 8 heures du matin. « Deux heures de sommeil et une bonne moiteur ont réparé hier le défaut de la nuit. Le reste de la journée a été assez calme; l’enrouement a continué avec quelques quintes de toux gutturale; la bile a coulé, les urines ont été plus abondantes et plus claires. La nuit a été bonne, à quelques mouvements de toux près, qui n’ont point inter-rompu le sommeil. Les urines de la nuit et du matin sont dans l’état naturel. (Applaudissements.) « Signé : Le Monnier, La Semble, Vicq-d’Azyr, Aiidouilié, Loustoneau. » Un de MM. les secrétaires proclame la liste des membres qui formeront la députation qui devra se rendre aujourd’hui chez le roi. Ce sont : MM. Hébrard, de Curt, La Réveillère-Lépeaux, de Lachèze, de Marsanne-Fontjuiianne et l’abbé Grégoire. M. Lanjuïnals, au nom du comité central de liquidation. Je demande la parole pour proposer un article additionnel au décret d’hier sur les dépenses arriérées des départements à la charge de la caisse de l’extraordinaire. Cet article a été concerté avec M. de Montesquiou; il a pour objet de maintenir l’ordre et la sûreté dans la comptabilité. Le voici : Art. 6. « Et pour obtenir le payement des objets désignés au présent décret, il sera demandé au directeur général de la liquidation des reconnaissances de liquidation comme pour toutes les autres parties de la dette liquidée; les titres originaux lui seront remis, et, sur sa reconnaissance, il sera délivré, par l’administrateur de la j caisse de l’extraordinaire, des mandats en la forme prescrite par les lois de l’Etat. Lorsqu’il s’agira de lettres de change, rescriptions, bitletsau porteur, le directeur général de la liquidation délivrera sa reconnaissance dans le jour auquel les originaux lui seront représentés; et l’administrateur de la caisse ne pourra refuser de délivrer son mandat dès le jour suivant. » M. Lebrun. 11 n’est pas possible que vous assujettissiez le porteur à aller prendre un mandat au bureau de la liquidation, à le porter chez M. Amelot, à revenir encore à la caisse; cela ne finirait pas. M. Camus. A l’égard de la lettre de change, le liquidateur sera obligé de donner sa reconnaissance. M. Lebrun. Et le commissaire de donner son mandat dans le jour et dans le même instant. Plusieurs membres ; Oui ! oui ! (L’article additionnel, proposé par M. Lanjui-nais, est décrété.) M. Routteville-Ruiuetz, au nom du comité d’aliénation , fait un rapport sur une pétition du directoire du département de l’Ain et propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur la pétition du directoire du département de l’Ain, et ouï ie rapport de son comité de l’aliénation des domaines nationaux, décrète que l’église et le couvent de Brou, aliénés au profit de la municipalité de Bourg 5 (1) Cetle séance est incomplète au Moniteur. lre Série. T. XXIV. 66 1 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 113 mars 1791.] par décret du 24 décembre, seront distraits de l’état annexé audit décret; en conséquence, déclare que ladite municipalité de Bourg demeurera déchargée de la somme de 65,700 livres montant de l’estin ation desdits couvent et église, sur celle d’un million 6,080 livres, prix total de son acquisition. » (Ce décret est adopté). M. Prugnon, au nom du comité de remplacement des tribunaux et corps administratifs , propose le projet de décret suivant : « L’Assi mblée nationale, ouï le rapport de son comité de l’emplacement des tribunaux et corps administrants, décrète que le tribunal de cassation tiendra ses séances à l’ancien palais de justice, dans la grand’chambre du ci-devant Parlement de Paris, et ses accessoires. » (Ce décret est adopté). M. Camus, au nom du comité d' aliénation. Messieurs, il existe à Paris des maisons dépendantes du ci-devant prieuré de Sainte-Catherine. Toutes ces maisons étant louées à vie par M. de Ja-rente, évêque d’Orléans, cela en empêche la vente. Le preneur propose de résilier sou bail en lui donnant une portion de l’indemnité qui lui avait été promise dans le cas où le bail seiait résilié pendant la vie de M. de Jarente et en lui rendant les frais du bail. Le comité d’aliénation vous prie de l’autoriser à donner son avis sur les demandes qui pourraient être faites par les municipalités à cet égard et de permettre à ces dernières de traiter de gré à gré avec les preneurs de baux à vie pour la résiliation de leurs baux et de régler les indemnités qui pourraient être demandées ou dues. M. Mougins de Roquefort. Les comités ne devraient jamais se rendre administrateurs ; c’est aux départements à autoriser les municipalités. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Je m’oppose à ce qu’un tel pouvoir soit donné au comitéd’aliénation,etjedemande que l’Assemblée, révoquant le pouvoir qu’elle a donné aux comités en général de décider dans certains cas, déclare en ce moment que le décret par lequel elle a provisoirement autorisé ses comités avant l’établissement des corps administratifs à donner des décisions, n’aura plus d’effet. M. de Folleville. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée que ce sont des décisions générales qu’elle doit rendre et ses décisions doivent se trouver dans ses lois. Or, il me paraît que dans les décrets qui ont été rendus sur cette espèce de baux, ces baux ont été confirmés, c’est-à-dire que l’Assemblée a décrété provisoirement que ces baux auraient leur exécution. Aujourd’hui que demande-t-on ?On ne peut demander autre chose que la faculté accordée aux départements de donner une commune indemnité à ceux qui ne voudront pas continuer leurs baux et qui l’accepteront de gré à gré. Je propose, par amendement au projet du comité, de laisser aux directoires de districts, sous la surveillance, et l’autorisation du directoire de département, et les arrangements et les traités qu’il y aurait à faire avec les porteurs des baux à vie. M. Camus, rapporteur. J’adopte très fort la motion de M. de Folleville ; je crois qu’elle est utile pour faire cesser des baux à vie qui empêchent les aliénations. M. de Tracy. Il me paraît que la proposition de M. Regnaud change absolument l’état de la question ; car la proposition de M. Regnaud est d’empêcher les comités de donner des décisions. La proposition de M. Camus est de rendre légale une convention de gré à gré de résiliation de bail. La question n’e.-tdonc pas de savoir si un comité doit ou ne doit pas rendre des décisions. Ainsi, si nous voulons autoriser les départements à procéder à la résiliation des baux dont il s’agit, il faut i envoyer au ministre. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Regnaud (de Saiot-Jean-d’Angély) et adopte l’amendement de M. de Folleville.) M. Camus, rapporteur. En conséquence de la décision que l’Assemblée vient de rendre, nous vous proposons pour le projet de décret la rédaction suivante : « L’Assemblée nationale décrète que les directoires de districts sont autorisés à traiter de gré à gré avec les preneurs de baux à vie, pour la résiliation de leurs baux, et de leur accorder l’indemnité qui sera convenue, sous la condition que lesdits traités, avant de pouvoir être exécutés, seront présentés au département, et approuvés par le directoire du département, s’il y a lieu. » (Ce décret est adopté.) M. Camus, au nom du comité d'aliénation , propose à l’Assemblée de décider que l’abbaye de Saint-Martin ne sera pas quanta présent mise en vente et sera réservée au logement des religieux qui voudraient continuer la vie en commun. M. Treilhard. Je vous prie de vous rappeler lesdisposilionsdu décret concernant les religieux. Ce décret porte qu’il sera indiqué par le Corps législatif, sur le vu de tous les états qu’enverront les Corps législatifs, les maisons aux religieux qui auraient déclaré vouloir continuer la vie commune, et ce ne peut être que sur le vu de ces états que ces adjudications doivent être faites. 11 en résulte qu’il faut laisser encore une prorogation de délai. 11 faut donc, Messieurs, surseoir à statuer, jusqu'à ce que nous ayons revu ces états. M. Camus, rapporteur. Je propose ce décret provisoirement. M. Treilhard. Si vous le proposez provisoirement, je n’ai plus rien à dire. Plusieurs membres: L’ordre du jour! M. Prieur. Si M. Camus et le comité d’aliénation viennent proposer à l’Assemblée des décrets provisoires sur chaque maison religieuse, l’Assemblée ne finira pas de rendre des décrets provisoires ; ce ne sont point de pareils décrets qu’il nous faut, Messieurs. Décrétez que les déparlements seront autorisés à donner aux religieux des maisons convenables et débarrassez l’Assemblée nationale de provisoires qui ne finiraient pas. M. Lanjuinais. J’adopte cette proposition; vous ne pouvez pas laisser des milliers de citoyens dans l’incertitude.