296 [Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [27 avril 1790.] cice, un président quittera ses fonctions; qu’il sera procédé à son remplacement par la voie du scrutin, et que le résultat de ce scrutin sera proclamé. On vous propose, afin (l’éviter cette proclamation, une motion incidente. Je dis que cette proposition ne peut pas être délibérée; je dis que si cette motion était admise, elle serait un véritable outrage pour le président que la majorité de l’Assemblée aurait désigné. C’est quand le nouveau président sera installé, que cette motion pourra être proposée ; alors la loi ne paraîtra pas avoir été faite pour lui ; ellepourra devenir la loi générale pour cette assemblée. M. de Blauzat. En répondant au préopinant, je proposerai un amendement. Le règlement porte précisément une clause qui réserve à la majorité de l’Assemblée le droit d’y faire des changements. Des législateurs avaient omis de prononcer des peines contre le parricide; de‘même, l’Assemblée, en faisant son règlement, n’a pas pu croire qu’un jour la patrie se trouverait en danger entre les mains de ceux qui seraient chargés de défendre ses intérêts. Je ne fais aucune application de cette réflexion... On peut être tombé dans des erreurs, on peut les avoir reconnues; je crois qu'il suffirait d’exiger, non la déclaration qu’on n’a pas protesté, mais celle qu’on ne protestera pas à l’avenir; c’est l'objet de mon amendement. M. Bœderer. Quand un conseiller d’une cour devient president, il doit prêter un nouveau serment : la motion de M. Bouche est conforme à cet usage. M. le baron de Juigné. M. le président d’hier a annoncé qu’il fallait choisir son successeur entre M. le duc d’Aiguillon et M. le comte de Yirieu : l’Assemblée s’est retirée en règle ; elle a nommé M. de Yirieu... M. le Président. L’Assemblée ne sait pas qui elle a nommé, quand le scrutin n’est pas proclamé. (On ferme la discussion.) La question préalable sur la motion de M. Bouche est invoquée et rejetée. Quelques amendements sont proposés et écartés par la question préalable. M. le Président donne une nouvelle lecture de la motioQ de M. Bouche qui est décrétée ainsi qu’il suit ; « L’Assemblée nationale décrète que désormais tout membre entrant dans l’exercice des fonctions qui lui auront été confiées par elle, renouvellera le serment prêté le 4 février dernier, et jurera qu’il n’a jamais pris et ne prendra jamais part à aucuns actes, protestations ou déclarations contre les décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, ou tendant à affaiblir le respect et la confiance qui leur sont dus. # M. le Président. Le résultat du scrutin a donné à M. de Virieu 393 voix, et à M. le duc d’Aiguillon 371. M. de Virieu est donc président de l’Assemblée. M. le comte de Yirieu, placé près du fauteuil. J’ose espère que, vu la singularité de la circonstance, vous m’accorderez un peu d’attention. Je suis honoré, parla majorité des suffrages, d’une place très honorable et très difficile, que je n’avais pas ambitionnée ; mais je crois que quand cette majorité a prononcé sur mon sort, je ne suis plus moi, je suis à tous ceux qui m’ont honoré de leur choix. Yous venez de rendre un décret dont je demande la permission de relire le texte. (M. de Yirieu lit le décret.) Le serment exigé embrassant dans son étendue le passé, long et ancien, j’oserai dire que, dans une longue carrière, consacrée aux affaires publiques, il est possible d’avoir eu une opinion particulière, et de l’avoir exprimée. On peut excuser celui qui, au milieu de ces événements qui ont compromis l’honneur du nom français et le salut public, interprétant les différents actes qu'il a faits, tomberait dans l’inconvénient de ne pas entendre ce mot acte. Il est très peu de membres qui, tantôt seuls, tantôt avec d’autres députés, ne se soient permis d’écrire et de communiquer leurs pensées. Je déclare que ma mémoire ne me rappelle pas la totalité des actes auxquels j’ai participé; elle me rappelle cependant que je n’ai pris aucune part à des protestations contre des décrets acceptés ou sanctionnés; et si je me trompais moi-même, et si elle n’était point exacte cette déclaration que je fais devant l’Assemblée nationale, devant ma conscience, devant fl’Elre suprême qui m’entend et que je respecte, et que cette inexactitude me fût démontrée, le serment serait nul à l’égard des protestations que je pourrais avoir faites, et que j’aurais oubliées. Le serment n’embrasse aucun des cas que ma mémoire ne me rappelle pas. Si l’on connaît quelque protestation faite par moi, qu’on me la présente, et je me retirerai. Je n’ai jamais eu d’ambition pour moi, mais j!ai eu le désir du bien pour lui-même ; si j’avais moins respecté le décret qui me porte à la place de président, j’aurais refusé un honneur qui me confère des fonctions pour lesquelles je ne me sens pas les qualités nécessaires : j’accepte cet honneur, parce que je ne puis présumer que des considérations qui me soient personnelles aient déterminé à adopter le décret qui m’impose le serment que je vais faire. Je déclare que je renouvelle le serment du 4 février, qu’une seule fois avait suffi à mon cœur; je jure d’être fidèle à la nation, à la loi, au roi, et d’obéir aux décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi ; je jure de n’avoir pris, de ne prendre jamais part à aucuns actes, protestations ou déclarations contraires aux décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, ou tendant à affaiblir le respect et la confiance qui leur sont dus. M. le marquis de Bonnay, avant de céder sa place à M. le comte de Yirieu, prononce le discours suivant ; Messieurs, je descends, pénétré de reconnaissance, de cette place où je ne montai qu’avec défiance et crainte ; votre indulgence m’a rendu possible une tâche que j’ai dû croire bien au-dessus de mes fdrces. Mériter les bontés de l’Assemblée nationale, et surtout, Messieurs, mériter son estime, tel est le double but que je m’étais proposé. J’emporte la satisfaction de penser que je ne l’ai jamais perdu de vue. M. le eomte de Yirieu occupe le fauteuil. L’Assemblée témoigne sa reconnaissance à M. le marquis de Bonnay, par de grands applaudissements et lui vote par acclamation des remercî-ments pour sa présidence. M. le Président annonce qu’il vient de recevoir [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 avril 1790.] 297 un paquet de la ville de Saint-Pierre-de-Marti-nique, contenant une adresse de la municipalité, avec différentes pièces relatives à l’affaire dont M. de La Luzerne a rendu compte à l’Assemblée dans une séance précédente ; il estordon né que ce paquet sera renvoyé au comité des rapports. M. Vernier, membre du comité des finances , propose deux décrets :1e premier, relatif aux impositions du département d’Amiens ; le second, relatif au bourg de Finham en Languedoc. Ces décrets sont adoptés ainsi qu’il suit : 1er décret. « Sur le rapport de son comité des finances, l’Assemblée nationale a décrété que les rôles faits sur les premiers mandements signés des membres du bureau intermédiaire de l’Assemblée du département d’Amiens, et sans qu’il en soitbesoin d’autres, seront incessamment rendus exécutoires par lepremier officier de l'élection, sur la présentation qui lui en sera faite par les procureurs syndics du département, pourvu toutefois que la somme imposée auxdits rôles soit conforme à cellearrêtée au département fait avec les officiers de l’élection, et d’eux signée le 16 février, dont ils ont un double par-devant eux ; sinon et sur le refus, que lesdits rôles sont et deviennent exécutoires par le simple vu de la commission intermédiaire, pour être incessamment mis en recouvrement. » 2e décret. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, vu la délibération prise parle conseil général du bourg de Finham en Languedoc, le 21 mars dernier, autorise les officiers municipaux dudit bourg à se faire remettre, par le sieur Despagne, receveur diocésain des tailles de Gastel-Sarrazin, la somme de 1,200 livres sur celles qu’ils justifieront avoir eues en dépôt entre les mains dudit receveur, pourvu toutefois que l’emploi de ladite somme n’ait pas été déterminé par les ordres des commissaires du roi au département de Montpellier, qui ont statué sur le dépôt; auquel car il sera employé relativement à sa destination ; à charge d’employer ladite somme à un atelier de charité pour le soulagement des pauvres, et de rendre compte du tout. » M. Démeunier, membre du comité de constitution, dit qu’il est prêt à faire le rapport sur l'organisation a donner à la municipalité de Paris L’Assemblée décide que ce rapport (Voy. ce document annexé à la séance de ce jour) sera imprimé et envoyé au domicile de chaque député : elle arrête, en outre, qu’il sera mis à l’ordre du jour de la séance qui se tiendra à cet effet, le lundi soir, 3 mai, et que la discussion en sera continuée aux séances du soir des jours suivants. M. Canjuînais. Permettez-moi de saisir un moment pour demander pourquoi on diffère de mettre à exécution le décret qui accorde à l’armée une augmentation de solde de 32 deniers ? M. Alexandre de Liametb. Les fonds ne sont pas prêts ; ils ne pourront l’être que pour le 10 ou le 12 du mois de mai. Le comité militaire s’est concerté avec le ministre de la guerre, et, conformément à un de vos décrets, il a écrit hier à l’armée que l’augmentation de solde serait payée à l’époque ci-dessus désignée, et que le décompte serait fait à dater du 1er mai. M. Corentln lie Floc, député d’Hennebon, demande la permission de s’absenter pendant un mois pour affaires importantes. Ce congé est accordé. M. le baron d’Harambnre, membre du comité de liquidation, présente un projet de décret sur l’arriéré du garde-meuble, qui est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, décrète qu’il sera payé, par la caisse de l’extraordinaire, des acomptes sur la dette arriérée du garde-meuble de la couronne, jusqu’à la concurrence de la somme de deux cent mille livres, qui sera particulièrement distribuée aux fournisseurs et ouvriers qui en ont le besoin le plus urgent, en attendant que l’Assemblée ait statué sur la liquidation générale de l’arriéré des différents départements. » L’Assemblée reprend la suite de la discussion du titre IV du projet de décret relatif au rachat des droits féodaux. L’art. 25 déjà discuté dans la séance d’hier est mis en délibération. M. le duc de Choiseul-Praslin propose deux amendements : 1° Dans les pays et les lieux où les fonds seront soumis à un droit particulier pour les mutations par vente ou autres équipollents à vente, ce droit sera payé en espèces d’or et d’argent pour les biens laïques seulement. 2° Pour les fonds sur lesquels le droit de vente est de la moitié du prix, il sera payé cinq quatorzièmes et ainsi de suite dans la même proportion, de manière que le dernier terme ou les droits de vente sont au douzième, soient rache-tables par les cinq huitièmes. M. le chevalier d’Aubergeon de Marinais trouve que le mode de rachat proposé par le comité ne peut embrasser une moyenne proportionnelle juste dans un empire couvert de 25,000,000 d’hommes; il pense que la sagesse veut impérieusement qu’on s’en rapporte aux différents départements qui se conformeront aux localités sur lesquelles l’Assemblée ne peut prononcer en connaissance de cause. En conséquence, il demande le renvoi de la fixation aux départements. M. Tronchet, rapporteur, répond que cet amendement a déjà été produit et rejeté dans une séance précédente. M. de Chabrol, député de Riom (1). Messieurs, l’Assemblée a déclaré rachetables les droits féodaux et censuels. Avant de prononcer ce décret, elle a sans doute médité profondément, dans sa sagesse, l’étendue des sacrifices qu’elle exigeait d’une classe nombreuse de propriétaires , l’état de trouble, de confusion et d’incertitude dans lequel allaient être plongés pour jamais les éléments de leur fortune ; et la nécessité devenue dès lors plus impérieuse pour des législateurs, de rétablir, du moins dans l’égalité des droits ouverts à tous, ceux des citoyens de l’empire que des considérations d’un ordre supérieur forçait à dépouiller. En abolissant, Messieurs, un mode de propriété, je dirais presque en retranchant une branche particulière de richesses dans l’Etat, vous n’avez pas voulu étendre cette proscription jusque sur les personnes qui, dans le moment actuel, se trouvent revêtues, ou pour mieux dire, grevées de ce genre de propriété. (1) Le discours de M. de Chabrol n’a pas été" inséré au Moniteur .