464 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Jg X, Couplets chantés le jour de la fête de la Raison (1) sur l’autel de la ci-devant Notre-Dame, par une citoyenne repré¬ sentant la Raison (2). Hymne patriotique. f Air : La liberté dan�nos foyers. Assez longtemps sur ces autels On vint adorer le mensonge. Grâce à mes bienfaits, les mortels Ont enfin achevé leur songe. Français, avec moi, Percez de la foi Le frivole mystère. Mettez sous vos pieds Les sots préjugés : La raison vous éclaire. Ouvrez les yeux sur le danger; Dans la Vendée voyez le prêtre Empruntant, pour vous égorger, Le nom du Dieu qui vous fit naître. Français, avec moi, etc. Soyons égaux, disait Jésus; Et son vicaire est sur un trône; Jésus qui n’eut que des vertus Et des épines pour couronne. Français, avec moi, etc. Pour évangile, ayez vos lois, Et l’hymne sacré pour cantique, Pour enfer l’empire des rois, Pour paradis la République. Français, avec moi, etc. ANNEXE N° fl à la Séance de la Convention nationale du t8 brumaire an IIJLundi IS novembre 1903). Pièces annexes au décret confirmant l’ar¬ restation de Chabot, de Basire, de Delau-nay (d’Angers) et de Julien (de Tou¬ louse) (3). A. Dénonciation contre Chabot (4). Présidence du citoyen Pose, Eynaud, secrétaire. Extrait des registres des délibérations du club central électoral séant à l’Evêché, le 24 e jour du 2e mois de Van II de la Bépubligue française une et indivisible. La Société, Considérant : 1° Qu’il ne peut jamais y avoir de pacte (1) Cet hymne n’est pas mentionné au procès-verbal de la séance du 28 brumaire an II, mais il se trouve dans le Premier supplément au Bulletin de la Convention de cette séance. Il est vraisemblable qu’on l’entendit le jour où la Convention, sur la proposition de Thuriot, décida de se transporter en corps, au milieu du peuple, au Temple de la Raison pour y chanter Y Hymne de la Liberté, composé par Chénier et mis en musique par Gossec. Voy. Archives parlementaires, lre série, t. LXXVIII, p. 710 (séance du 20 brumaire an II). (2) Premier supplément au Bulletin de la Conven¬ tion du 8e jour de la 3e décade du 2e mois de l’an II (lundi 18 novembre 1793). (3) Voy. ci-dessus, même séance, p. 449, le décret confirmant l’arrestation de Chabot, de Basire, de Delaunay (d'Angers) et de Julien (de Toulouse). (4) Archives nationales, carton W 342, dossier 648 (lre partie). entre les bons et les méchants, entre les hommes libre et les esclaves, entre les défenseurs de la tyrannie et les conquérants de la liberté, entre les Français régénérés et les barbares; 2° Que les tyrans eux-mêmes sous lesquels la nation a rampé tant de siècles, n’ont atteint le complet des crimes et le maximum de l’exé¬ cration des peuples que lorsqu’ils ont épousé des femmes étrangères ; 3° Qu’entre toutes les femmes étrangères qui ont partagé leurs forfaits les femmes autri¬ chiennes remportèrent la palme du crime sur les Médicis eux-mêmes; 4° Que tout homme qui porte des étoffes étrangères est un véritable contrë-révolution-naire qui, méprisant l’opinion publique, ose se parer des livrées de nos ennemis pour laisser dans l’indigence nos chers artisans; 5° Qu’à l’époque où les mœurs se régénèrent en flétrissant le célibat des hommes, à l’époque où tant de patriotes immolés abandonnent aux soins de leurs frères, pour la liberté des¬ quels ils ont succombé, tant de femmes et de filles vertueuses, c’est un acte immoral, c’est enfouir le plus précieux des trésors que de dédaigner la vertu, la tendresse, et surtout les malheurs de ces Françaises que l’intérêt public réduit au célibat, et qu’ enfin celui qui va cher¬ cher une étrangère, et surtout une Autri¬ chienne, est l’ennemi des Françaises, vérita-blment émigré de cœur et doit être rayé de la liste des Français et du livre des hommes libres ; 6° Que celui qui, au mépris de l’opinion publique, se revêt ainsi d’une femme étrangère, soumet d’avance son patriotisme au pouvoir de ses charmes, ne peut espérer d’une souche impure que des rejetons métis indignes d’être inscrits avec les enfants de la patrie et se dégrade enfin en s’imprégnant des mœurs des barbares; 7° Que lorsque l’opinion publique a prononcé que tout homme qui, chargé de fonctions ou de missions, prenait une femme riche était : 1° un homme cupide aspirant à la fortune et indigne de défendre la cause des infortunés; 2° un homme suspect de vénalité et qui ne se mariait que pour cacher sous l’apparence d’une dot les produits de ses trahisons; c’est alors un crime que de se jouer des arrêts de l’opinion publique et d’en braver l’exécution; 8° Que ce crime enfin est d’autant plus grand que les fonctions sont plus éminentes, que la vénalité nuit à un plus grand nombre d’indi¬ gents, et qu’en fin le coupable serait un repré¬ sentant : La Société demande que la Convention décrète l’infamie pour tout homme libre qui, depuis l’époque de juillet 1789 aurait épousé ou épouserait une femme étrangère jusqu’à ce que la nation de la future soit devenue aussi libre que la nation française; Que tout député qui aura ainsi préféré sa fortune à l’intérêt général et aurait osé fouler aux pieds les principes de ses devoirs en s’unis¬ sant avec une esclave, est indigne d’être repré¬ sentant d’une nation libre. Obligée de faire entendre aux vrais représen¬ tants la voix de l’opinion publique dont l’écho retentit constamment dans la célèbre Montagne, obligée d’honorer les mœurs à la face de l’uni¬ vers et de n’ honorer que la vertu, la Société déclare qu’en vertu des lois éternelles de la raison qui précèdent et dictent les décrets, le député Chabot a perdu l’estime des patriotes [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j novembre T7J3 465 et leur confiance pour avoir épousé une fille étrangère, riche et autrichienne. Le présent arrêté sera porté par des commis¬ saires à la Convention, aux Jacobins, et envoyé aux sections du département, à la commune et à toutes les Sociétés patrotiques, et sera affiché. B. Déclaration de Chabot (1). Je soussigné, représentant du peuple, déclare, pour le salut de la liberté publique, ce qui suit : Dans le mois d’août dernier, autant que je puis m’en souvenir, les citoyens Delaunay et Julien de Toulouse me proposèrent un repas à la campagne avec des filles. Je fus étonné d’avoir dîné chez le baron de Batz, ex-constituant. Il me fit beaucoup de caresses et aurait désiré que je fusse souvent le voir. Je n’y ai pas reparu. Quelques jours après un homme, que je n’ai pas revu depuis, me proposa deux cent mille livres pour faire la motion de mettre le scellé chez tous les banquiers. La proposition fut rejetée par moi avec l’indignation qu’elle méritait, mais la motion fut faite cinq ou six jours après par un membre que je ne connais pas, sur la pétition de Dufourny. Les négociants, mar¬ chands et autres porteurs de lettres de change sur les banquiers, vinrent se plaindre à la Com¬ mission des finances et au comité de sûreté générale. En leur nom je fis décréter que les scel¬ lés seraient levés, et les banquiers arrêtés chez eux avec un gendarme, pour suivre les opéra¬ tions. Le lendemain Hébert me dénonça à la France entière comme un homme corrompu, et les femmes soi-disant révolutionnaires firent chorus avec les agents de la faction de Batz et compagnie. Dufourny, L’Huillier et autres me dénoncèrent aux Jacobins. Dufourny dit même qu’on avait arrêté ce rapport. Je l’inter¬ pellai de dire ce que j’avais reçu pour ce rapport et qui m’avait payé. Il fut forcé de dire : « Ce n’est pas de Chabot que je parle; s’il l’avait vendu je le lui aurais reproché, il n’est qu’égaré mais il y en a d’autres. » Interpellé de les citer il ne répondit rien. Eh bien, lui dis-je, j’ai annoncé à la Convention et à la France entière que l’on m’a offert de l’argent pour faire la motion de Dufourny, et voilà pourquoi je la combats. Quelques jours après Delaunay me dit que je m’étais pressé de faire mon rapport, en rapport (sic) que nous aurions gagné quelque demi million si ce rapport avait été retardé de quel¬ que jours, que tout n’était cependant pas perdu, que le baron de Batz travaillait un mémoire pour L’Huillier pour le faire changer et qu’alors le rapport serait maintenu, nous aurions des assi¬ gnats. Je compris qu’il se formait une faction de corrupteurs et corrompus. Je crus que l’in¬ térêt de la République exigeait que je parusse pénétré, même en exposant ma réputation. Je fis quelques observations à Delaunay sur la fausseté et l’odieux de cette conduite. Il me répondit que nous n’aurions que les intérêts de la hausse et de la baisse du dépôt, et cette hausse et baisse aurait lieu sur les capitaux déposés, que ce commerce, d’ailleurs licite, serait fait par un de nos amis nommé Benoît, son compatriote. La spéculation manqua par le (1) Archives nationales, carton W 342, dossier 648 (3e partie). lre SÉBIE, T. LXXIX. rejet du projet dont ils espéraient leur fortune. Delaunay me dit alors que tout n’était pas perdu, que l’on spéculerait sur la compagnie des Indes. « Le petit baron de Batz, me dit -il, tra¬ vaille deux projets de décret. Nous ferons peur d’abord à la compagnie, et les actions baisse¬ ront. La compagnie déposera un certain nombre de ses actions et nous ferons décréter un projet qui, relevant ces actions nous laisseront un grand profit. Nous ne paraîtrons en rien, c’est mon ami Benoît qui se charge do toute. l’opération ». « Mais enfin, lui dis-je, vous avez l’air de vo» leurs de grands chemins. » Non, me répondit-il, c’est le petit baron de Batz et Benoît qui le feront et nous n’aurons que le profit de leurs spéculations sur un décret qui doit donner des millions à la République. Nous partagerons avec Julien de Toulouse, Thuriot, Bazire et toi; Cambon et Ramel travaillent avec d’autres personnes. » « Tout ce que je te demande, lui dis-je, c’est de ne pas oublier les intérêts de ta patrie en cherchant les tiens. » « Danton, La¬ croix et Fabre d’Eglantine, m’ajouta-t-il, spé¬ culent d’une autre manière. » Je soupçonnai dès ce moment, plus fort que jamais, que le système était de corrompre les plus chauds patriotes et de les calomnier quand on ne pouvait les corrompre. Dès ce moment je lui inspirai la plus grande confiance, j’étais encore membre du comité de sûreté générale, quoique y travaillant peu depuis le 31 mai, parceque je ne croyais plus qu’il s’élevât de nouvelle faction ennemie de la liberté. Quelques actes de faiblesse de la part de certains membres autorisèrent la faction des dif¬ famateurs, partie essentielle et complémentaire de celle des corrupteurs, à demander le ronou tellement de ce comité. Il fut fait par l’assem¬ blée. Je prévis que ce renouvellement ne plairait pas et je ne voulus pas accepter; Bazire s’en retira comme moi, Danton proposa un mode de renouvellement. Cependant David convint qu’on me passait à moi-même (sic) d’en être, qu’on n’avait à me reprocher d’autre tort que de recevoir de belles sollicitudes. Panis donna sa démission pour ne pas travailler avec des hommes qui n’avaient pas sa confiance; je lui en fis des reproches. Mais enfin le comité fut renouvelé au gré des Jacobins révolutionnaires. Je crois qu’ils m’y auraient vu sans beaucoup de peine, que j’y aurais fait un grand bien et que j’aurais bientôt déjoué ce nouveau com¬ plot. Delaunay et Benoît me dirent que ce comité allait poursuivre tous les membres de l’ancien, qu’il les faisait surveiller, que c’était de David, leur ami, qu’ils tenaient ce dessein. Je crus dès ce moment que je devais me séparer des cons¬ pirateurs pour ne pas périr victime de mon dévouement à la chose publique comme un de ses ennemis. L’on mit les scellés chez Julien, et Delaunay m’annonça que le même sort m’attendait ainsi que Bazire. J’en fus instruit à huit heures du soir et cependant les scellés ne furent apposés qu’à onze. Comme je ne garde jamais aucun papier et que j’avais dit que cette mesure serait utile pour moi, je passai la�nuit à attendre les commissaires. Julien vint à une heure après minuit m’annoncer son aventure en m’assurant qu’il n’y avait rien contre lui. Il voulait se cacher chez moi; je l’engageai à rentrer dans sa maison s’il était innocent, et à sortir de chez moi s’il était coupable. Il m’observa qu’on pourrait 30