[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.] 12o décret y a été reçue comme les places de commerce J’avaieot préjugé. Nous ne pouvons plus douter des malheurs qui nous menacent. La plus belle de nos colonies est dans une fermentation horrible, la vie des colons est en danger, la fortune de la métropole est compromise. À Saint-Domingue, il a été question d’arborer l’étendard d’une nation étrangère... » (Rires.) M. Carat. Riez, riez!... M. Bégouen... « Sages législateurs qui avez régénéré la France, vous avez juré de périr plutôt que de porter atteinte à la Constitution ; rien ne peut altérer notre confiance en vous; mais nous vous dirons, avec cette franchise qui caractérise les hommes libres, qu’une funeste certitude nous démontre que l’exécution immédiate du décret du 15 mai entraînera infailliblement tous les malheurs dont nous n’avons qu’esquissé le tableau. « Nous sommes, etc. » Un membre : Je demande le rapport du décret du 15 mai. M. Louis Honneron fait lecture d’une lettre, en date de Bordeaux le 27 août, à lui écrite par M. Bourbon, portant que des malveillants, ennemis de la Révolution, sont les seuls qui, dans cette ville, désirent que l’Assemblée retire le décret du 15 mai, concernant le droit public des gens de couleur nés de pères et mères libres; il y est dit qu’un navire parti de Port-au-Prince, le 11 juillet dernier, a apporté la nouvelle que la paroisse la pins riche de la province de Saint-Domingue, la paroisse de la Croix-des-Bouquets, et plusieurs autres, ont promis adhésion et respect au décret du 15 mai dernier, et se disposent à la fête de la Fédération du 14 juillet. Comme on m'a soupçonné, ajoute M. Mon-neron, de donner des nouvelles qui n’étaient pas positives, je demande que cette lettre soit déposée sur le bureau. (Applaudissements.) Voix diverses : Mention au procès-verbal l — Le renvoi au comité ! (L’Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de toutes les pièces dont il vient d’être donné lecture au comité des colonies.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 31 AOUT 1791. Opinion de M. de Lé vis, député de Sentis , sur les Conventions nationales. Messieurs, II importe, avant de se livrer à la discussion d’un projet quelconque sur des assemblées de révision, d’examiner si cette idée de Conventions nationales, ou d’assemblées de révision, qui offre, au premier aspect, quelque chose de grand et de véritablement imposant, est applicable au système de gouvernement que vous avez établi. En effet si, par un examen approfondi, il se trouvait que ce moyen qu’on veut donner au peuple d’exprimer son inaliénable volonté, bien loin de remplir cette intention respectable, n’était propre qu’à produire un effet absolument contraire; si même, sans entrer dans cette discussion, l’on parvenait à prouver que des Conventions, soit à des époques fixes, soit convoquées de toute autre manière, sont incompatibles, non-seulement avec le génie impatient des Français, mais avec toute forme d’organisation sociale; il est clair que l’Assemblée gagnerait un temps bien précieux, en écartant par la question préalable une foule de propositions diverses, dont la décision, quelle qu’elle soit, ne peut jamais que restreindre l’exercice des droits des citoyens. Voici, je crois, comment est venue l’idée des Conventions. On a dit : toutes les institutions se ressentent de la faiblesse des hommes; le temps et Inexpérience peuvent seuls faire sentir leurs défauts; il faut donc pouvoir les corriger. Secondement : les meilleures cboses dégénèrent, et les passions dégradent en peu de temps l’ouvrage de la sagesse; il faut donc pouvoir le réparer. Cette conclusion fort naturelle a amené l’idée spécieuse d’assemblées réformatrices, qui corrigeraient ce que le temps aurait rendu défectueux, en même temps qu’elles remettraient chaque pouvoir à sa place, dans le cas où il en serait sorti ; le tout (et cela serait véritablement merveilleux) sans déranger en rien l'ordre et la marche du gouvernement établi. Les uns ont pensé qu’il fallait que ces assemblées fussent à époques fixes et revinssent périodiquement; les autres, avec le comité, ont cru qu’une certaine combinaison de pétitions, dont le concours serait au moins très difficile, devait amener une Convention. L’on vous faisait hier l’éloge du premier de ces systèmes, et l’on vous proposait de fixer l’époque des assemblées périodiques à 20 ans. Je ne suivrai pas ce système dans toutes ses parties ; je me contenterai de proposer à ses partisans ce dilemme : ou la combinaison est parfaitement intacte, et les pouvoirs n’ont pas dépassé les limites qui leur sont assignées, et alors tout le monde convient que la Convention est non-seulement inutile, mais dangereuse, puisqu’elle ne peut servir qu’à favoriser les projets de quelques novateurs hardis, et d’esprits turbulents et inquiets, qui ne cherchent que le désordre ; ou les lois constitutionnelles auront été transgressées ; et je dis encore que, dans ce cas, la Convention est inutile; car, si la transgression est forte et soutenue par l’opinion publique, que pourra une assemblée sans autorité active, un simple conseil contre la souveraine du monde ? Si l’opinion publique est contre la violation de la Constitution, le mal sera réparé sans assemblée de révision. En effet, comment peut-on espérer de voir 25 millions d’hommes libres endurer patiemment une atteinte à l’acte constitutionnel qui les rendrait malheureux, en se contentant de dire : Attendons dans 19 ans, ce sera l’époque de la Convention, nous ferons réformer alors ce qui nous désole actuellement. Ne s’élèvera-t-ii pas une infinité de gens qui répondront aux froids raisonneurs constitutionnels (s’il s’en trouve) : Quoi 1 parce qu’il a plu à l’Assemblée nationale de 1789 de décréter qu’on ne pourrait rien changer que tous les 20 ans, il faut que nous soyons malheureux toute notre 126 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [34 aoôt 1791.1 vie? car probablement nous serons morts à l'époque de la Convention, puisque plus de la moitié de tout ce qui vit actuellement n’existera plus alors. Et quels sont donc ces pouvoirs qu’avait reçus l’Assemblée constituante, que la nation ne puisse encore les déléguer? Faudra-t-il, comme en 1789, employer le terrible moyen de l’insurrection pour recouvrer ces mêmes droits? Les peuples peuvent-ils donc se donner plutôt à une Assemblée qu’à un despote? Oui, Messieurs, la vérité, compagne inséparable de la liberté, apprendra bientôt à la nation, et surtout à cette classe désignée jadis par le nom de peuple, et toujours remarquable par son bon sens, qu’il est absurde de différer pendant des années la guérison d’un mal connu et vivement senti, par un respect superstitieux pour de vaines formes que la même autorité souveraine qui les a établies peut détruire à chaque instant. D’ailleurs, remarquez, je vous prie, que, par cette singulière invention de Conventions périodiques, on donne tout le temps nécessaire aux pouvoirs constitués, c’est-à-dire au Corps législatif ou au roi, pour consolider leurs entreprises contre la Constitution, et usurper toute l’autorité, de manière que, quand l’époque de la Convention arrivera, il se trouvera un gouvernement aristocratique plein de vigueur ou un despote soutenu d’une bonne armée, qui riront de bon cœur de cette ridicule barrière. Si l’on me répond qu’avant de leur laisser le temps d’acquérir de telles forces, une insurrection générale renversera de pareils oppresseurs, au lieu de répliquer à cette objection, je m’en saisis pour conclure que les Conventions périodiques ne valent donc absolument rien, puisqu’elles ne sont pas même bonnes à dispenser du terrible moyen de l’insurrection. Sans m’arrêter plus longtemps au système des Conventions périodiques dont je crois avoir démontré toute l’insufâsanee et le danger, je passe au plan mixte proposé par le comité. Mais d’abord j’observe qu’il mérite, par ses premières dispositions, tous les reproches que je viens de faire à l’autre système ; bien plus, il porte un véritable caractère de tyrannie. En effet, non content d’ordonner à la nation de se trouver heureuse de son gouvernement pendant 8 ans 1/2, il lui défend même par un article exprès, de se plaindre, jusqu’en 1795, et prive ainsi les citoyens du droit sacré de pétition. Lorsqu’il le leur rend, c’est avec de telles entraves, c’est en combinant des choses si difficiles à arranger, qu’il est clair aux yeux de tous les hommes, sensés, que le comité ne veut point du tout de Conventions. Je n'en veux pas plus que lui ; mais, loin de chercher à éluder toute réforme dans notre gouvernement; je me réjouis de la voir assurée par le cours naturel des événements. En effet, si la marche de l’administration se trouve arrêtée par quelque obstacle imprévu, si des rouages trop nombreux, un grand désordre dans les finances,, un grand événement inattendu, font cesser lé jeu de la machine politique, alors la Constitution établie ne remplissant pas le but qu’on s’est proposé, celui de rendre la nation heureuse,, deux opinions très inconstitutionnelles, mais déjà fortement établies, se manifesteront. Oui, je le dis nettement, la République ou deux Chambres deviendront le terme, de toutes les espérances, et le port où l’on se croira à l’abri des orages ; et si, une fois, kr majorité pour l’une de ces deux opinions a prévalu et s’est comptée, croyez-vous qu’elle se bornera à une humble pétitition, qui serait envoyée à la troisième législature ; croyez-vous qu’elle fera convoquer une Convention? Non. Dans un moment de crise, les mesures actives et les précautions du moment sont nécessaires avant tout, et ce n’est assurément pas le résultat d’une Convention. Ainsi, la majorité de 1a nation dont je parle, souveraine alors comme elle l’est à présent, comme elle le sera toujours, ordonnera par l’organe de l’opinion publique, à la législature, de réformer tel point de la Constitution. La force des choses, supérieure à tous les décrets, amènera cette marche naturelle ; et la première législature, celle qui va dans un mois vous remplacer, vous montrera ce que c’est que ce chimérique pouvoir régulateur qu’on veut nous faire regarder comme nécessaire. En effet, Messieurs, il est facile de se représenter une des premières séances de cette Assemblée si longtemps attendue. On peut croire qu’au moins un membre fera une proposition qui pourra paraître inconstitutionnelle à ceux qui auront envie de la faire rejeter. Ils demanderont que l'opinant soit rappelé à l’ordre. Celui-ci soutiendra que sa motion est fort constitutionnelle. Qui en jugera ? L’Assemblée, sans doute. Le président consultera donc l’Assemblée pour savoir si telle proposition est contre la Constitution, ou si elle ne l’est pas ; et l’on pense bien que la majorité ne décidera pas que ce qu’elle aura envie de faire est défendu par la Constitution. Je crois déjà voir plusieurs de mes collègues, réduits à la qualité de simples spectateurs, considérant avec étonnement du haut de cette tribune publique, comment. une simple Assemblée législative s’est constituée, par assis et levé, juge suprême de la Constitution, cette arche sacrée à laquelle ils croyaient impossible de porter une main profane. Et l’on ne dira pas que j’ai supposé ici des événements inattendus, des crises violentes ; je n’ai fait que peindre l’ordre naturel des choses, et ce qui doit inévitablement arriver à la fin de la huitième séance. De là, à modifier les lois constitutionnelles, il n’y a qu’un pas; et l’opinion publique, cette puissance irrésistible, qui vous: a créés, et sans laquelle vous n’existeriez déjà plus, peut le faire aisément franchir. J’ai entendu dire et c’est la plus forte objection, que, si les législatures ont le droit de toucher à la Constitution,, nous serons perpétuellement en révolution. D’abord, je n’ai pas dit qu’elles devaient en avoir le droit, j’ai seulement prouvé qu’elles en auraient le pouvoir, et qu’elles en recevraient l’ordre toutes les fois que le bonheur public l’exigerait ; mais, pour rassurer pleinement j ceux qui ont peur de ces révolutions perpétuel-’ les, qu’ils veuillent bien remarquer qu’on se lasse bien vite des désordres inséparables d’un grand :j changement. Une révolution est fort intéressante à lire dans : l’histoire, et même à regarder pourvu que ce soit d’un peu-loin; de près on: est révolté de toutes : les injustices,, de tous les malheurs� de tous les ; crimes qui la souillent. Lorsque la nécessité a contraint d’avoir recours à ce remède extrême, on le craint presque autant que le mal ; et un grand peuple qui a reçu cette terrible leçon, ne change ses institutions qu’avec les plus grandes précautions, et quand cela est devenu absolument indispensable ; car U n’y a que les fous et les enfants qui se plaisent dans le désordre et la destruction. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fl8r septembre 41914 Nous avons sous les yeux un grand exemple de cette vérité. L’Angleterre, cet Empire que la liberté et le commerce ont conduit au plus haut degré de prospérité et de puissance, est gouverné par un parlement (1) qui a le pouvoir de toucher à la Constitution et qui l’exerce souvent. Ces changements s’effectuent sans secousse, lorsque les événements les nécessitent, sans que jamais on ait jamais songé à des Conventions. Et qu’on ne dise pas comme à l’ordinaire : ces changements se font toujours au détriment du peuple, par un parlement corrompu. Que ces éternels déclama-teurs sur la corruption anglaise daignent nous expliquer comment, lorsqu’il s’agissait de faire, il y a quelques mois, une guerre injuste et désastreuse à la Russie, l’or et les promesses du ministère n’ont pu retenir ces hommes, toujours vendus suivant eux; et comment M. Pitt a vu décroître sa majorité d’une manière si effrayante pour lui; ou plutôt qu’ils nous rendent libres, heureux et puissants comme les Anglais; jusque-là qu’ils cessent de dire tant de mal d’une Constitution qui fait, depuis un siècle, le bonheur d’un grand peuple et dont, peut-être après bien des essais malheureux, nous serons forcés un jour de nous rapprocher. Le bonheur dont jouissent nos voisins et l’amour qu’ont tous les hommes pour la paix, ce besoin de tous les jours, doivent nous rassurer contre la crainte des innovations successives et violentes. D’ailleurs, il n’est pas plus en votre pouvoir de prolonger d’un seul moment votre ouvrage, qu'il ne vous est possible de prolonger votre existence individuelle. Tous les décrets ne peuvent rien contre la puissance de l’opinion et la force des choses. Au bout de l’immense levier de l’opinion publique, cette feuille légère peut ébranler l’univers; seule, elle est le jouet des vents. Ainsi, Messieurs, lorsque je vous demande d’écarter par la question préalable tous ces projets de Conventions, ce n’est pas que j’attache une extrême importance à cette question, puisque je suis intimement convaincu que ce projet ou tout autre de même nature ne saurait être exécuté, mais je voudrais sauver à cette Assemblée le reproche d’avoir voulu enchaîner la volonté de la nation, et d’avoir essayé quoique vainement de prolonger son existence, après sa séparation, pour gouverner encore. Vous vous rappelez sans doute que Louis XIV, toujours maître chez lui et souvent chez les autres, comme il le disait lui-même, imagina dans son orgueil de donner des lois et de régler le gouvernement après sa mort. Mais vous savez aussi ce qui arriva. A peine fut-il expiré, que l’Europe qu’il avait fait si longtemps trembler, vit annuler ses dernières volontés par quelques magistrats accoutumés à fléchir devant lui. Croyez-vous que l’Europe verrait casser aussi facilement cet étrange testament qu’on vous propose aujourd’hui; mais il y aurait cette différence, c’est que Louis XIV n’a point eu la douleur de voir son orgueil déçu. Je me sens la force de parler avec cette assurance, lorsque je suis soutenu par l’opinion de plusieurs excellents esprits et par l’autorité d’un grand homme. Mirabeau a dit dans cette tribune : tout ce qui est bon est constitutionnel ; le reste ne l’est pas. Ce mot profond tranche la question. Mais, me demande-t-on, qui reconnaîtra ce qui est bon d’avec ce qui ne l’est pas? La nation je pense. — Mais comment? — Par l’organe de ses représentants. — Quand? — Toujours. Je demande donc qu’on décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition de toutes, ces prétendues assemblées réformatrices. Que votre comité, au lieu devons proposer d’inexécutables décrets, vous soumette enfin le mode de présentation de l’acte constitutionnel au roi. Voilà ce qui est véritablement nécessaire et urgent; car il n’est aucun de vous qui ne doive trouver qu’il est plus que temps de cesser d’offrir (par une étrange et scandaleuse inconséquence) à la France et à l’Europe étonnées, le spectacle d’un roi déclaré inviolable et puni, et des hommes libres ne sauraient nier que la perte de la liberté ne soit la plus grave des punitions,. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VERNIER. Séance du jeudi 1er septembre 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les Secrétaires fait lecture des pror-cès-verbaux des séances du mardi 30 août au matin et au soir , qui sont adoptés. Un membre , député du département de la Meuse, présente une adresse du tribunal du district de Varennes, contenant l’expression de sa respectueuse reconnaissance envers l’Assemblée, pour les dispositions de bienfaisance qu’elle a décrétées le 18 août dernier. Un de MM. les Secrétaires donne lecture d’une note de M. le ministre de la justice , ainsi conçue : « Conformément aux décrets des 21 et 25 juin dernier, le ministre de la justice a apposé le sceau de l’Etat aux décrets suivants : « Au décret du 23 juin 1791, qui suspend Renvoi des commissaires dans le département du Finistère. « A celui du 4 juillet, relatif à la suppression des chambres des comptes. « A celui du 19 dudit, qui annule l’inféodation du sol de la forêt de fieaufort, faîte au, sieur Barandier-Dessuile. « A celui du 2 août, portant qu’il sera versé à la Trésorerie nationale, par la caisse de l’extraordinaire, 16 millions pour être employés aux dépenses de la guerre. « A celui des 28 juillet, 2 et 6 août, sur les droits d’entrée et de sortie des marchandises. « A celui du 8 août, qui autorise les commissaires civils envoyés dans le département de la Vendée à se transporter dans le district de Ghâ-tilloo. « A celui du même jour, relatif à la circonscription des paroisses des districts d’Arras, de Bapaume, de Béthune, de Boulogne-sur-Mer, de Montreuil et de Saint-Pol. (1) Je dis que l’Angleterre est gouvernée par son parlement, parce que le roi d’Angleterre est partie intégrante et nécessaire du parlement.. (1) Cette séance est incomplète au M&niteur.