(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 avril 17914 404 tions des soldats de l’armée, quel eo était l’objet ; quelles devaient être enfin les conditions auxquelles l’exercice de ces fonctions devait être assujetti. L’armée est une partie de la force publique destinée à l'exécution des lois. Son emploi exige dans la hiérarchie des grades une subordination qui garantisse que les ordres émanés d’une autorité supérieure parviendront jusqu’aux soldats par tous les chaînons intermédiaires que la constitution militaire a établis. Mais dans un Etat libre les éléments dont se compose cette armée sont des citoyens; ils aliènent une partie de leur liberté pour l’avantage de cette subordination; mais ce sacrifice qu’ils ont fait volontairement n’empêche pas qu’ils aient eu, avant leur engagement, des droits comme citoyens, qu’ils n’en reprennent l’exercice à l’époque de leur congé, n’empêche pas enfin que, comme soldats, ils aient encore des droits à exercer. En effet, les décrets de l’Assemblée nationale ont tracé la limite de l’autorité des chefs, des lois nouvelles ont fixé la compétence des tribunaux militaires et réglé la discipline des troupes. Il est important que celte partie des travaux de l’Assemblée nationale soit connue des soldats ; ils ne doivent pas ignorer les mesures qui leur sont indiquées pour porter leurs plaintes, pour obtenir justice. Car c’est alors qu’on connaît tous ses devoirs, qu’on connaît les peines attachées aux délits, et que l’on est assuré de ne pas réclamer en vain contre une injustice; c’est alors que le caractère le plus fier se soumet à la règle, se plie à tous les ordres et donne le premier l’exemple de la plus entière soumission. Dans un Etat libre, où l’armée ne se compose pas d’automates, les soldats doivent donc connaître les lois militaires, et peuvent, sans danger, s’instruire de tout ce qui fait partie d’une Constitution dans laquelle ils occupent une place importante, puisque c’est la force publique qui peut, ou faire régner le calme et respecter les propriétés, ou anéantir par ses désordres la liberté publique. Vos comités ont trouvé que, bien loin de craindre que la présence des soldais aux sociétés des amis de la Constitution dût nuire à la subordination, elle ne pouvait que l’assurer davantage; ils ont cru qu’il était précieux d’éclairer tous les hommes sur les devoirs qu’ils ont à remplir. Le temps n’est plus où un gouvernementd’usur-pation ne pouvait pro»ongerson existence et obtenir la paix q_n’au prix de l’ignorance des gouvernés ; aujourd’hui chacun doit connaître ses droits pour être plus attaché à ses devoirs; et les sociétés patriotiques qui, sur les uns et sur les autres, éclairent les citoyens, concourent à former utilement cet esprit public, sans lequel, même après que la Constitution serait achevée, il ne serait pas encore permis de compter sur sa durée et sur ses succès. A présent qu’il n’existe plus de distinctions que celles que la loi a établies entre les divers fonctionnaires publics pour l’utilité commune ; à présent que tout, jusqu’à ces distinctions mêmes, prend sa source dans l’égalité des droits, les soldats peuvent s’éclairer sans danger; et quand on sait l’emploi que le plus grand nombre fait de ses moments de loisir, comment pourrait-on s’empêcher de leur faciliter des mesures qui, en leur rendant le service de les détourner des lieux de corruption, leur procurent le double avantage d’éclairer leur esprit, et de nourrir leur patriotisme. ( Applaudissements .) Le bien du service attache aux fonctions de soldat des conditions assujettissantes. Elles doivent être toutes remplies avec la plus scrupuleuse exactitude; elles sont commandées .par l’intérêt général qui lie d’une manière inséparable la discipline et le service militaire. Mais quand un soldat a rempli toutes ses fonctions, quand il a été exact aux appels, aux exercices; quand il a montré une obéissance entière à tous le3 ordres donnés par ses chefs, eo vertu de l’autorité qui leur est déléguée par la loi, ne doit-il pas pouvoir disposer comme il lui plaît et, par conséquent, pouvoir consacrer à son instruction les moments dont ses fonctions le laissent maître, dés que, pendant remploi de ce temps, il ne trouble pas l’ordre public maintenu par les lois de police? Vos comités ont trouvé, dans les considérations qu’ils vous ont présentées, la réponse à cette question; ils ont donc reconnu cette liberté qu’ils vous invitent de consacrer dans un décret. Ils ont pensé, avec M. Kellermann, que le décret du 19 septembre, qui défend aux corporations d’entretenir des correspondances avec les régiments, n’était pas applicable à la question sur laquelle vous avez à décider. < Le décret, dit ce général dans une de ses lettres, ne paraît pas devoir s’appliquer aux lectures publiques qui n’ont pas ce caractère de secret qui constitue lacorrespondance. » II ajoute : « Les soldats sont avides de tout ce qui est relatif à la Constitution. Dans 20 villes du royaume, et surtout à Strasbourg, on leur litles décrets sans que la discipline en souffre. » Vos comités ont cru, Messieurs, que deux précautions devaient utilement modifier la liberté accordée aux soldats d’aller aux sociétés des amis de la Constitution. L’une, que cette facilité ne serait jamais nuisible au service, ne leur ferait jamais manquer les heures des appels, des exercices et ne les en lèverait à aucune de leurs fonctions militaires; l’autre que, dans les lieux où ils sont en garnison, ils pourront bien assister aux lectures publiques et séances des sociétés des amis de la Constitution, mais ne pourront en être membres actifs. Soumis à ces règlements particuliers, vos comités ont trouvé juste encore que les principes qu’ils vous proposaient et les modifications qu’ils mettaient à leur exécution fussent communes à tous les grades de l’armée. L’usage de cette liberté et les restrictions apportées à son exercice seront donc pour les officiers comme pour les soldats et auront lieu pour toutes les armes. Ces mesures qui ne sauraient nuire au maintien de l’autorité établiront, au contraire, entre les officiers et les soldats, cette fraternité qui doit unir des concitoyens et que l’expérience, dans plusieurs parties du royaume, a prouvé n’être pas incompatible avec la hiérarchie des grades et la subordination indispensable au service militaire. En conséquence de ces principes, voici le projet de décret que je suis chargé de vous soumettre : « L’Assemblée nationale, considérant que les devoirs de tous les individus qui font partie de la force publique ne sauraient être incompatibles avec les droits qu’ils ont comme citoyens, quand l’exercice de ces droits ne trouble point l’ordre indispensable au maintien de la discipline et ne porte aucune atteinte à la subordination; « Déclare que les officiers, sous-officiers et soldats de toutes les armes peuvent être resus dans 432 [Assemblé* tt&tiooals.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 avril 1791*] toutes les sociétés des amis de la Constitution ; qu’ils ne pourront être membres de celles établies dans les lieux où ils sont en garnison ou en quartier, mais qu’il leur est accordé la liberté d’y assister aux heures qui ne sont pas destinées à des appels, à des exercices ou à d’autres parties du service militaire, enfin dans tous les moments dont les fonctions de leur état leur laissent le libre exercice. » ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Aux voixl aux voix! M. d’André. Je demande à faire Une motion d’ordre, fille consiste à ce que le rapport et le projet de décret qui viennent de vous être lus soient imprimés, distribués et ajournés à dimanche. Plusieurs membres à gauche : Aux voix ! aux voix! M. Prieur. Je demande à répondre à la motion d’ordre de M. d’André. Je m’interdirai toute personnalité. M. d’André. Je conjure l’Assemblée de vouloir bien se dépouiller de tout esprit de parti et de m’écouter jusqu’à la fin. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix! M. d’André. Je remarquerai tout d’abord qu’il est hors de propos de crier : aux voix ! quand on commence à discuter une question. J’observerai ensuite que ce qu’ou avait mis à l’ordre du jour était le rapport de l’événement arrivé à Wissem-bourg, et non pas la question qui vient de vous être pré.-entée par vos comités. Le décret qui vous est proposé renferme un principe très extraordinaire; il nous dit que les officiers et les soldats pourront aller dans les sooiétésdes amis de la Constitution. Or, Messieurs, cette question est une question constitutionnelle; car... (Murmures prolongés à l'extrême gauche.) Monsieur le Président, si nous avons à combattre les amis de la Constitution ou de la société, il faut compter les voix. (Murmures.) Un grand nombre de membres se lèvent et interrompent l’opinant. M. d’André. Monsieur le Président, imposez silence à ces Messieurs, et je ne dirai rien. Je disais que le décret qui vous est présenté contient un principe extraordinaire, car il dit que les officiers, les sous-officiers et les soldats pourront aller dans les sociétés des amis de la Constitution. Mais à quel caractère reconnaît-on ces sociétés? Un membre : Venez-y, voüb le saurez. M. d’André. A Paris, par exemple, faudra-t-il rechercher et examiner, parmi tous les clubs qui existent, quels sont ceux qui sont ou ne sont pas amis de la Constitution ?... Un membre à gauche : Ils sont connus. M. d’André... ou bien le titre seul d’amis de la Constitution qu’ils auront pris sera-t-il suffisant? On me dit ; les sociétés des amis de la Constitution sont connues. — Sans doute, mais n’y a-t-il pas d’autres sociétés ; le club des Cordeliers, par exemple, se dit aussi ami de la Constitution; la Société fraternelle, les Amis de la liberté se disent aussi amis de la Constitution (Murmures.); toutes les sociétés particulières, tous les clubs qui s’établissent peuvent prendre le titre d’amis de la Constitution et n’en avoir cependant pas le caractère; car vous avez déjà des exemples de sociétés qui n’ont pas pris l’esprit du titre qu’elles s’étaient donné. Ainsi l’exposé du décret du comité ne saurait être adopté tel qu’il vous est présenté ; il faut que ce décret soit ajourné pour être mûrement examiné. Et qu’on ne croie pas que cette question ne soit pas constitutionnelle. N’y aurait-il pas du danger pour la Constitution à faire entrer les troupes dans ces sociétés particulières qui ne sont pas publiques et dans lesquelles on n’admet pas tout îe monde? Si tous les citoyens étaient indifféremment admis dans les sociétés dont on vous parle, la question serait toute différente et il n’y aurait pas de difficulté ; mais on fait des scrutins; on y admet, on en exclut des membres selon le résultat de ces scrutins ; et� dans ces conditions, l’admission des troupes devient une chose très dangereuse. (Murmures.) Eh! ne croyez pas, Messieurs, qu’il faille tout à fait être sans courage pour attaquer une opinion comme celle-ci. (Murmures à gauche ; applaudissements au centre.) Soyons bien en garde, Messieurs, contre tout ce qui vous est proposé sur les sociétés. Craignez de leur accorder la moindre force légale ; craignez que les clubs ne deviennent trop puissants. (Murmures et applaudissements.) Je dis, Monsieur le Président, que si l’on avait été prévenu que la question qui vous est soumise dût être aujourd’hui à l’ordre du jour, nous aurions apporté à la discussion une préparation plus pure et un plus grand développement des idées qui ne peuvent que se présenter rapidement à une imagination qui les conçoit pour la première fois; il serait très possible, en adoptant le système proposé par vos comités de faire passer toute l’autorité du royaume, toute la Constitution qui se forme, sous un titre ou sous un autre. (Murmures.) M. Malouet. 11 ne faut pas dire : Cela est possible ; cela est, cela est déjà fait. M. d’André. D’après les considérations importantes que je viens de présenter, il me semble impossible que l’on veuille ouvrir sur-le-champ la discussion. Il faut du temps pour se recueillir; le comité lui-même en a eu pour sa rédaction. Il faut que les personnes qui croient voir dans le projet de décret quelque germe qui pourrait être nuisible à la Constitution ait la faculté de s’en assurer et je ne vois aucune espèce de motif qui puisse faire rejeter ma proposition. Je supplie donc tous les membres de cette Assemblée d’écarter de cette question tout esprit de parti, de faire cesser tout acharnement ; je demande qu’on nous laisse le temps d’examiner et c’est pour cela que je propose l’impression du rapport et du projet de décret et l’ajournement à dimanche. Plusieurs membres : Aux voix l'ajournement ! M. Alexandre de Ifceanharnais, rapporteur. Les observations de M. d’André sé divisent naturellement en deux parties. Les nues sur te