[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. «"décembre' 1793 135 que ledit Guet an s’est toujours bien conduit depuis et avant la Révolution, qu’il a toujours prêché et propagé ses principes de patriotisme; qu’il nous a paru inviolablement attaché à la sainte Montagne et que, d’ailleurs, les emplois publics où l’ont élevé depuis le commence¬ ment de notre Révolution la confiance publique, prouvent assez que c’est un véritable sans-culotte. Bagnères-Adour, le 15 frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible. Dümobet, président du bureau de conciliation; Soustras; Dabbadie; Ferez ; Pailhes, secrétaire du bureau. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation [Merlin (de Douai), rapporteur (1)] sur la pétition du citoyen Jean-François Dupuis et de Marie-Fran¬ çoise Beuvret son épouse, fermiers à Thénailles, district de Vervins, tendant à ce que les juge¬ ments obtenus contre eux par leur bailleur, les 2 octobre 1792, 11 janvier et 16 septembre 1793, tant aux tribunaux des districts de Vervins et de Laon qu’au tribunal de cassation, soient dé¬ clarés nuis et comme non avenus; « Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer; et néanmoins décrète que le ministre de la justice donnera les ordres nécessaires pour faire punir, conformément à la loi du 27 septembre 1791, la contravention commise dans les actes énoncés en ladite pétition, à la défense de prendre des titres et qualités supprimées par les décrets de l’Assemblée constituante; auquel effet lesdits actes seront envoyés avec l’expédition du pré¬ sent décret au ministre de la justice. « Le présent décret ne sera point imprimé (2). » Suit la pétition (3). Pétition à la Convention nationale. Jean-François Dupuis et Marie-Françoise Beuvret, sa femme, demeurant à Thenailles, district de Vervins, département de l’Aisne, réclament la justice et l’humanité des pères du peuple. Ils se flattent que leur demande sera prise en considération lorsqu’ils auront mis sous les yeux de la Convention, et l’injustice du juge¬ ment rendu à leur préjudice par le tribunal du district de Laon, le 11 janvier 1793, comme con¬ tenant tant en la forme qu’au fond, des contra¬ ventions aux lois, et celui du tribunal de cassa¬ tion qui n’a pas jugé à propos de reconnaître ces contraventions en rejetant, par jugement du 16 septembre 1793, la requête qu’ils lui avaient présentée le 9 mars précédent en cassa¬ tion du jugement du 11 dudit mois de janvier. Voici le fait. Dupuis et sa femme, ayant une famille très nombreuse, conçurent le projet d’augmenter leur emploi. Dans cette vue ils quittèrent, dans (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 286, dossier 849. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 31. (3) Archives nationales, carton Dm 7, dossier 146. l’année 1791, une ferme qu’ils exploitaient avec quelque avantage pour en prendre une beau¬ coup plus considérable, dans le canton de Thénailles, mais qui, par les événements dont nous allons rendre compte, est devenue pour eux l’occasion de leur ruine. Cette ferme venait d’être vendue par les administrateurs du dis¬ trict de Vervins, comme provenant de l’abbaye de Thenailles, à Pierre-Bernard-Louis Saint-Julien, se qualifiant alors gentilhomme ordi¬ naire du roi. Les bâtiments de cette ferme valent plus de 60,000 livres. Les terres de très bonne nature forment environ 80 jallois à la sole ; il y a de plus 30 jallois de prés, dont la majeure partie est à regain, sans comprendre les bosquets qui en dépendent. On peut juger, par ces détails, des espérances que Dupuis pouvait fonder sur une telle exploi¬ tation, ayant pour le seconder onze enfants, tous en état de travailler soit à la terre, soit dans l’intérieur de la ferme. Il prit donc le bail de ce domaine dudit Saint-Julien pour 27 années. L’acte en fut passé devant les notaires de Saint-Quentin, le 16 mai 1792, et la redevance fixée à 2,650 liv. payables en 3 termes. Suivant ces conditions, Dupuis et sa femme devaient à Saint-Julien, à la Saint-Jean-Bap¬ tiste 1792, une somme de 1,356 livres. S’ils étaient en retard de cette modique somme, c’est qu’ils avaient, comme beaucoup d’autres, perdu par la modicité de la récolte de 1791, et la plupart des propriétaires se sont prêtés à la circonstance. Mais, un envieux ayant offert à Saint-Julien un prix plus considérable de sa ferme, il profita de ce que Dupuis et sa femme étaient momen¬ tanément dans l’impuissance de le payer, pour chercher à les évincer de leur bail. Heureuse¬ ment, tout ce qu’il a fait poux y parvenir étant radicalement nul, les vexations ne tournèrent, en définitive, qu’à son préjudice, par les dom¬ mages et intérêts dont il ne peut manquer d’être passible. Analysons cette procédure. Nous avons déjà remarqué que le bail dont il s’agit avait été passé à Saint-Quentin, chef-lieu de district. Saint-Julien, sans prendre de pareatis du juge de Vervins, dans le ressort duquel Dupuis et sa femme sont domiciliés, a pris sur lui de mettre de son autorité privée cet acte à exécution. Il a fait plus, il s’est donné dans ses pour¬ suites la qualité de gentilhomme ordinaire du roi, qualité abrogée par les nouvelles lois, et il s’est servi du ministère d’un huissier non patenté, ou du moins qui a négligé de faire, dans son immatricule, mention de sa patente. Après un commandement en date du 10 août 1792, non revêtu de l’assistance de records, Saint-Julien a, le 13 du même mois, fait pro¬ céder à la saisie-brandon des fruits pendant par les racines sur les divers héritages exploités par Dupuis. Une saisie de cette nature doit être suivie de publication d’affiches et d’adjudication des empouilles; c’est ce que se garda bien de faire' Saint-Julien. Le commissaire qu’il avait établi à sa saisie laissa périr sur pied une partie de la récolte, et le tout aurait été perdu si Dupuis n’eût fait exploi¬ ter le restant, qu’il fit resserrer dans les granges de sa ferme.