[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 122 mai 1790.] 661 M. Camus. Il est impossible d’admettre la question préalable. Gel amendement a deux otijets: l’un de déclarer un principe que l’on soutient être constitutionnel ; l’autre d’exposer un vœu que l’on croit être celui de l’Assemblée. Quand il s’agi t d’un principe constitutionnel, il ne peut y avoir de doute. Ce principe est, « qu’à la nation seule appartient le droit de paix et de guerre, et qu’il faut donner au roi le droit de proposer la paix ou la guerre. » — Je vais plus loin, et je dis que, dans les principes mêmes de l’auteur du projet de décret, il devrait s’opposer à la question préalable... M. le comte de Mirabeau. Aussi ne l’ai-je pas demandée. M. Camus. On dit que tout le monde est d’accord sur ce principe : il me semble que la question préalable est, dès lors, impossible. Il s’agit d'exprimer ce dont tout le monde convient..... M. le comte de Mirabeau. Gela est exprimé dans l’article. M. Camus. Je dis que, cela fût-il exprimé plus clairement, il n’y aurait pas d’inconvénient à l'exprimer plus clairement encore. L’Assemblée est flottante entre ces questions : Le principe est-il exprimé assez clairement par M. de Mirabeau, oui ou non? La nation ne peut exprimer son vœu par le Corps législatif : il faut dire nettement que la guerre ne peut être déclarée que par un décret du Corps législatif. M. de Menou. Il y a un premier article dont toute l’Assemblée convient, je l’adopte; mais M. de Mirabeau a dit que l’amendement présenté par M. Fréteau est compris dans son décret. S’il n’y est pas compris, comme je le crois, il faut en faire un article à part ; je demande qu’on aille aux voix par appel nominal sur cet amendement qui deviendrait un article. M. le comte de Mirabeau. Il est nécessaire d’examiner par quel motif on s’obstine depuis si longtemps à ne pas voir dans mon décret ce qui y est, et à prétendre que j’ai dit ce que je n’ai pas ait. Si l’ordre des numéros est à changer dans mes articles, je laisse l’honneur et la gloire de cette sublime découverte à qui voudra s’en emparer. Gomme le cinquième article porte précisément le principe, comme il n’est pas un seul article qui ne suppose le principe ; qu’il n’en est pas un qui ne dise que le roi sera tenu d’obéir à la réquisition du Corps législatif; comme nulles de mes dispositions, nuis de mes articles ne sont équivoques, vous me permettrez de ne pas changer mon opinion en faveur des bienveillants qui, depuis deux heures, veulent faire croire au public que mon opinion n’est pas mon opinion. (L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer sur l’amendement de M. Fréteau.) M. Démeunier. J’ai demandé la parole pour appuyer l’amendement; mais il me parait ne pas suffire. Dans le cours de la discussion, j’ai entendu que deux choses sont nécessaires, la volonté et le consentement du roi, la volonté et le consentement de la législature. Il ne faut pas que le roi puisse seul déclarer la guerre, je le crois dans mon âme et conscience. (On murmure.) Je déclare une fois pour toutes que je défendrai jusqu’à la mort la liberté; on pourra alors murmurer, lorsque je parlerai de ma conscience. Il ne faut pas non plus que le Corps législatif puisse seul déclarer la guerre. Il faut donc la déclarer nettement. Si le mot proposition ne suffit pas, on peut y substituer notification; mais puisqu’il faut aussi le concours du roi, on doit l’exprimer positivement. « Une déclaration de guerre ne pourra avoir lieu que d’après un décret du Corps législatif proposé par le roi et consenti par lui. » Celte rédaction est simple, conforme à vos principes et à l’intention de tout le monde. M. Fréteau. Je rédige définitivement ainsi l’article avec l’amendement : 1° Le droit de la paix et de la guerre appartient à la nation; 2° La guerre ne pourra être décidée que par un décret de l’Assemblée nationale, qui sera rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi, et qui sera consenti par lui. M. le comte de Mirabeau. On n’aura pas de peine à croire que j’adhère det out mon cœur à cet amendement, pour lequel je combats depuis cinq jours. Si j’avais su plus tôt que ceci n’était qu’une lutte d’amour-propre, la discussion aurait été moins lonaue. Je demande que le mot sanctionné, mot de la Constitution, soit mis à la place de consenti. Ce mot est ajouté à l’article. L’article Ier est presque unanimement adopté. Les articles 2 et 3 sont adoptés presque unanimement. Oq fait lecture de l’article 4. M. de Michier. Mettez-vous à la place d’un capitaine de vaisseau rencontrant un autre vaisseau qui l’atiaque; dans quelle alternative le placez vous? D’un côté, il est responsable de la dignité de son pavillon; de l’autre, il ignore jusqu’à quel point il peut se défendre. M. de Menou. Il doit attendre le premier coup de canon, et tirer toujours le dernier. L’article est adopté, ainsi que l’article 5. L’article 6, ainsi conçu, est ajourné et renvoyé au comité de Constitution : « Dans le cas d’une guerre imminente, le Corps législatif prolongera sa session dans ses vacances accoutumées, et pourra être sans vacances durant la guerre. » Les autres articles sont encore décrétés presque à l’unanimité. M. le Président. Par suite de la délibération, les articles constitutionnels décrétés sont les suivants : Ai t. 1er. « L’Assemblée nationale décrète comme articles constitutionnels ce qui suit : » Le droit de la paix et de la guerre appartient à la nation. « La guerre ne pourra être décidée que par un décret du Corps législatif, qui sera rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi, et ensuite sanctionné par Sa Majesté. » Art. 2 « Le soin de veiller à la sûreté extérieure du royaume, de maintenir ses droits et ses possessions, est délégué au roi par la Constitution de l’Etat; ainsi lui seul peut entretenir des relations politiques au dehors, conduire les négociations et choisir les agents, faire des préparatifs de guerre proportionnés à ceux des Etats voisins; distribuer les forces de terre et de mer ainsi qu’il le jugera convenable, et en régler la direction en cas de guerre. » Art. 3. «Dans le cas d’hostilités imminentes @63 | Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mai 1790.] ou commencées, d’un allié à soutenir, d’un droit à conserver par la forée des armes, lé pouvoir exécutif sera tenu d’en donner, sans aucun délai, la notification au CôîpS législatif, d’en faire connaître les causes et lés motifs*, et si le Corps législatif est en vacances, il se rassemblera sur-le-champ. > AM 4. «Sur cette notification, si le Corps législatif juge que les hostilités commencées soient une agression coupable de la part des ministres, ou de quelqu’aulre agent du pouvoir exécutif, l’auteur de cette agression sera poursuivi comme criminel de lèse-natioo; l’Assemblée nationale déclarant, à cet effet, que la nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et qu’elle s’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple. » Art. 5. « Sur la même notification, si le Corps législatif décide que la guerre m doive pas être faite, lé pouvoir exécutif stTa tenu de prendre sur-le-champ des mesures pour faire Cesser ou prévenir toutes hostilités, les ministres demeurant responsables des délais. Art. 6. « toute déclaration de guerre sera faite eh ces termes : «De la part du roi, au nom de la nation. » Art. 7. « Pendant tout le cours du la guerre, le Corps législatif pourra requérir le pouvoir exécutif de négocier la paix, et le pouvoir exécutif sera tenu de déférer à cette réquisition* » Art. g. « A l'instant où la guerre cessera, le Côrps législatif fixera le délai dans lequel les troupes levées ail-dessus du pied de paix devront être congédiées, et l’armée réduite à son état permanent. « La solde des troupes ne sera continuée que jusqu’à la même époque, après laquelle, si les troupes excédant le pied de paix restaient rassemblées, le ministre sera responsable et poursuivi comme criminel de lèse-nation. * À cet effet, le comité Constitution sera tenu de donner incessamment son travail sur le mode de la responsabilité des ministres. » Art. 9. « Il appartiendra au roi d’arrêter et de signer avec les puissances étrangères toutes les conventions nécessaires au bien de l’Etat ; et les traités de paix, d’alliance et de Commerce ne seront exécutés qu’autant qu’ils auront été ratifiés par le Corps législatif. » (La séance est levée à six heures, au bruit des applaudissements de l’Assemblée et des cris d’allégresse des spectateurs.) ASSEMBLÉE NATIONALE. �RÉSIDENCE ÔË îî. ‘TttOtîftËT. Séance du lundi 24 mai 1790(1). La séance est ouverte à onze heures du matin . M. ftefërmoh, secrétaire, dôtine lectürë du procès-verbal de la. séance de samedi 22 mai. Plusieurs réclamations sont faites sur sa rédaction. M, Barnave demande que dans l’art. 6 au lieu de dire de la paît du roi ; Où disô de la part du roi des FrànçaÎÈ. M. Boüèliè propose üüe autre rédaction portant : De la paré du roi , et au nom de La nation française. La modification demandée par M. Bârfiavè est adoptée M. le eokkiië dé Afflfrabëaii. L’ârtièle 9 contient Une erreur, soit dans la copie, soit dans l’impression, soit dans la composition. Je Vous la dénonce. Gêt article estâinsi connut « II appartiendra au roi d’arrêter et de signer avec lës puissances étrangères toutes les conventions nécessaires au bien de l’Etat ; et les traités de paix, d’alliance et de commerce ne seront exécutés qtrâütant qu’ils auront été ratifiés par le Corps législatif. » 11 est évident, par la Construction de Cët article, qü’on a l’air de soumettre à l’autrè législature les traités dé paix, d’alliance ët dé commerce ; il est évident qü’ùï) a l’air dé ne soumettre â la ratification du Corps législatif que les traités de paix, d’alliance et de commerce : or ce fie petit être l’intention de l’Assemblée nationale. 11 est certain que tout acte qui intéresse les propriétés publiques doit éire ratifié par le Corps législatif. Je propose de rédiger ainsi Cette article. « Art. 9. Il appartient aü roi d’arrêter et de Signer avec les puissances étrangères tous les traités de paix, d’alliance et de commerce et autres conventions qu'il jugera nécessaires au bien dé l’État ; mais lesdits traités et Conventions n’iiü-ront d’effet qü’âutantqufilê aûfOht été ratifiés paf le Corps législatif. » � (Cette nouvelle rédaction èSt Unanimement ad op-M. le éônitë dé Mf ijhabèâti. J*âî à présenter Ufl article additionnel qu’il me parait important de décréter: « Les traités, actes Ou Conventions passés jusqu’à présent avec les puissances étrangères seront examinés dans Un comité spécial, lequel en fera le rapport avant la fin de la présente session, à l’effet que l’Assemblée connaisse quels sont Ceux qui doivent être ratifiés ; et jusqu’alors lesdits traités, actes et conventions aetfieUfëfoût dans toute leur forcé, » M. Frêle a«. Je demande le retivôi ail Comité de Constitution, car cet ârticle-lâ et une déclaration dé guerre, c’est la même chôsë. â’ü y a (1) Cette séance est incoüiplêté aü JHfonUéUr.