[19 février 1791.] 2,80 jAssembléenationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. temps le rapport de cette dénonciation; messieurs du comité m’ont dit ; « Il faut mépriser cela; ça n’a pas le sens commun. » — J’en conviens, dis-je, cela n’a pas le sens commun; mais il n’est pas moins vrai que, quand un homme public est attaqué, il importe à l’ordre public qu’il soit justifié ou puni ; et lorsqu’il est attaqué par des imprimés, il doit être disculpé, non pas par des écrits imprimés, mais par un jugement du corps dont il est membre. » Dans cet intervalle, je gardais cependant le silence; M. Leblanc-Gily, croyant que mon silence n’était que l'effet de la peur ou la preuve auihen-tique de l’exactitude des accusations dirigées contre moi, a fait paraître une foule d’écrits et dénonciations, de lettres, en un mot de libellés si multipliés et si nombreux, qu’il me serait même impossible de les porter au comité. Tant que j’ai su que toutes les horreurs publiées contre moi ne partaient que de cette source, j’ai cru les devoir mépriser et ne pas m’en plaindre. Mais aujourd’hui qu’une société.qui se dit amie de la Constitution, adhère à ces écrits, en en signant un, ceux-ci prennent un caractère plus authentique. J’aime à croire que les signatures dont est revêtue cette approbation sont apocryphes et qu’elle n’est pas, tout au moins, l’ouvragé de toute la société; mais, quoi qu’il en soit, il importe à moi, non pas commesimple individu, mais comme membre de l’Assemblée, comme représentant de la nation, d’ètre enfin jugé là-dessus. S’il est reconnu que je suis un contre-révolutionnaire, il faut que je sois renvoyé devant les tribunaux pour que mon procès me soit fait; mais sijenesuis pas contre-révolutionnaire, M. Leblanc-Gily doit être puni comme calomniateur. En conséquence, je vous prie d’ordonner le renvoi au comité des rapports qui doit être prêt (car il y a trois mois qu'il est saisi de ces pièces), avec ordre d’en faire son rapport dans la semaine prochaine, afin que je sois tranquille sur ma situation et que l’Assemblée sache si elle a ou non dans son sein un contre-révolutionnaire. ( Applaudissements .) (L’Assemblée décrète le renvoi au comité des rapports pour rendre compte de l’affaire jeudi soir.) M. de Sillery, secrétaire, donne lecture de la lettre suivante adressée à M. le Président par le sieur Joubert, juge de paix du canton de Pile de Noirmoutiers (Vendée) : « De l’île de Noirmoutiers, le 8 février 1791. « Monsieur le Président, je prends la liberté de vous donner avis que j’ai été choisi, le l0r janvier dernier, par mes concitoyens, pour être leur juge de paix dans l’étendue du canton de l’île de Noirmoutiers, département de la Vendée et district de Chalans. « Dans le courant dudit mois de janvier, 44 affaires ont été présentées devant moi ; je n’ai rendu qu’un seul jugement et deux ont été terminés devant le district; les 41 autres ont été terminées par la voie de la conciliation et je me félicite du bonheur que j’ai eu d’y réussir. Ges 44 affaires n’ont pas coûté toutes ensemble une somme de 15 livres, parce que mon but est d’éviter à mes concitoyens, le plus que je pourrai, les frais de citation. « Ce sont là les heureux effets que produisent les sages décrets de nos augustes législateurs; en effet, quel bonheur pour les peuples ! ces 44 affaires auraient coûté aux parties, en première instance seulement, plus de 1,500 livres, somme exorbitante pour la plupart des pauvres gens qui habitent cette île; je veux dire suivant l’ancien régime. Quelques entêiés d’entre eux eussent sûrement appelé à Poitiers où nous allions par appel à 50 lieues; d’autres encore, au parlement de Paris, à 120 lieues de notre île, et se seraient ruinés. « L’Assemblée nationale a prévu tout cela dans sa sagesse et elle a fait en cette partie essentielle, comme en toutes les autres, le bonheur des Français qui la bénissent et qui l’admirent. J’ai été trente ans dans les affaires; je ne suis cependant ni avocat, ni n’ai jamais étudié les lois; la confiance que j’ai acquise de mes concitoyens me sert de code et de coutume, et je n’aurai jamais à me reprocher d’avoir jugé contre ma conscience. « Je me suis cru obligé de rendre compte à l’Assemblée auguste que vous présidez d’un aussi heureux succès. « Signé ; Joubert, juge de paix. » (L’Assemblée ordonne qu’il soit fait mention honorable de cette lettre dans le procès-verbal.) M. l