620 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1791.] succinct de vos propres actes et un simple récit des faits dont vous avez été les témoins. J’aurais excité parmi vous un plus véritable intérêt si, m’affranchissant de ta sécheresse de3 détails, je vous eusse présenté l’expression de vos propres sentiments, si je vous eusse entretenu des nombreux regrets que vous donnez à cet homme à jamais célèbre, dont la perte est en ce moment une calamité publique; mais vos usages ont enchaîné ma plume, et peut-être aussi m’est-il permis de croire que celui dont les travaux occuperont tant de place dans vos annales, n’avait pas besoin, pour sa mémoire suffisamment honorée, que quelques lignes de plus fussent consacrées au récit de ses funérailles. ( M. Boissy-d’Anglas fait lecture de ce document (1).) M. Boissy-d’Anglas, secrétaire. Je demande la permission d’interrompre ici ma lecture : j’ai dit dans la lecture du procès-verbal qu’on avait demandé l’impression de l’oraison funèbre de M. de Mirabeau, mais je n’ai pas dit que l'Assemblée l’avait ordonnée, parce qu’il existe un décret qui ordonne que l’Assemblée ne pourra jamais devenir corps délibérant hors du lieu ordinaire de ses séances. En conséquence, Messieurs, je fais la motion actuellement qu’il vous plaise ordonner que le discours prononcé par M. Gérutti en l’église de Saint-Eustache soit imprimé par ordre de l’Assemblée nationale et inséré dans le procès-verbal. M. Maréchal. Je demande que le procès-verbal, dont M. le secrétaire vient de faire lecture, accompagné de l’oraison funèbre y mentionnée, soit envoyé aux 83 départements. Un membre : Je demande que le discours soit lu à l’Assemblée avant qu’on en décrète et l’impression et l’insertion dans le procès-verbal, et l’envoi aux départements. M. Boissy-d’Anglas, secrétaire. La motion du préopinant est parfaitement juste à plusieurs égards ; mais j’observe à l’Assemblée que la plupart des membres ont applaudi au discours de M. Gérutti. (Murmures.) On demande la lecture et l’examen : c’est non pas ajourner la motion, mais c’est l’anéantir, parce que l’Assemblée ne peut pas consumer une partie de la séance du matin à entendre un discours ; (Murmures.) mais on peut décréter, si l’on veut, que c’est un honneur que l’Assemblée ne rendrait pas à l’ouvrage, mais à la mémoire de celui qui a été loué. M. I�anjuinais. Quand l’Assemblée ordonne l’impression d’un discours, elle est censée dire à la France : voilà ma doctrine et mes sentiments. Elle est censée adopter tout ce qu’il contient, et cela peut être dangereux dans la circonstance présente. J’opine pour l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour sur les motions tendant à la lecture et à l’impression de l’éloge funèbre de M.de Mirabeau.) M. Malès, au nom du comité des rapports , commence un rapport sur l’affaire de M. Dupré de Saint-Maur. Un membre demande que cette affaire soit renvoyée à une séance du soir. (Cette motion est décrétée.) (1) Voyez ci-dessus ce document, séance du 4 avril 1791. M. Bamel-TVogaret, au nom du comité d'aliénation, propose des ventes de biens nationaux à diverses municipalités dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité d’aliénation des domaines nationaux, déclare vendre aux municipalités ci-aprèsdésignées, les biens compris dans leurs soumissions, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, savoir : Département de la Creuse. A la municipalité de Bourganeuf, pour ...... 185,376 1. 9 s. 4 d. A celle de Cheneraille3 80,536 » » A celle de Gastempes. . 334 » » Département de l’Ailier. A la municipalité de Theneuille ............. 24,341 1. 12 s. » d. Département de la Haute-Vienne . A la municipalité de Ghâteau-Poussat ........ 17,863 1. » s. » d. Département A la municipalité de Virières ............... A celle de Derly ...... A celle d’Orengt ...... Département t A la municipalité de Murvaux .............. A celle de Breux ..... A celle de Sinyde-Vautdun ............... A celle de Mont ...... A celle de Brieul-sur-Meuse ................. l'Aisne. 244,516 1. 12 s. 4 d. 35,514 » » 10,072 10 e la Meuse. 11,974 1. 19 s. » d 8,822 » » 16,566 » » 3,018 69 , 008 » « Département de l’Aube. A la municipalité de Pars .................. 1,225 1. 14 s. 3 d, A celle de Pont-sur-Seine ................. 481,555 6 » A celle de Giô et Neuville .................. 67,840 5 3 A celle d’Avant ....... 17,540 9 » Le tout payable de la manière déterminée par ledit décret du 14 mai 1790. » (Ce décret est adopté.) M. Bamel-üogaret, rapporteur. Le code de l’aliénation des biens nationaux, rédigé par ordre de l’Assemblée, est imprimé, et le comité a pensé qu’il serait utile, et même nécessaire, d’en envoyer un exemplaire à chaque département et à chaque district, et d’en remettre un autre à chaque membre de l’Assemblée, à la sagesse de laquelle je soumets cette détermination. M. le Président. Je mets aux voix la motion de M. .Ramel-Nogaret. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1791] «21 L’Assemblée, consultée, rend le décret sui-vaat: « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera envoyé un exemplaire du code de l’aliénation des domaines nationaux à chaque directoire de département et de district, et qu’il en sera remis un autre à chacun des membres de l’Assemblée. » M. Lanjuinais, au nom du comité ecclésiastique, propose un projet de décret concernant la liquidation des créances particulières sur les maisons et corps ecclésiastiques supprimés. Les cinq premiers articles de ce projet sont décrétés après quelques débats. M. Martineau. J’observerai qu’on n’a pas prévenu l’Assemblée nationale sur le décret actuellement soumis à sa délibération et je ne peux m’empêcher de m’étonner de la précipitation avec laquelle on entraîne le Corps législatif dans des mesures qui tendent à faire payer à la nation ce qu’elle ne doit pas. Les articles qui suivent renferment des dispositions qui ne doivent être décrétées qu’après le plus mûr examen et, vu leur connexité avec les articles déjà votés, je demande que ceux-ci soient rapportés pour être discutés de nouveau demain avec l’ensemble du projet. (Cette motion est décrétée.) M. le Président. M. Robespierre a la parole pour une motion d’ordre. M. Robespierre. J’ai à faire à l’Assemblée une motion très simple qui ne peut être adoptée utilement que dans le moment où je parle, et qui doit l’être nécessairement avant toutes celles qui tiennent au ministère. Un philosophe dont vous avez honoré la mémoire, et dont les écrits ont préparé la révolution et vos travaux, a dit: « Pour inspirer plus de confiance et de respect pour les lois, le législateur doit en quelque sorte s’isoler de son ouvrage, et s’affranchir de tous les rapports personnels qui peuvent le lier aux grands intérêts qu’il a à décider. >' Gomme le moment où vous pouvez faire l’application de cette maxime la plus honorable à l’Assemblée est sans contredit le moment où, touchant à la fin de votre carrière, vous avez cependant à faire des lois très importantes, et où vous allez régler la responsabilité et les peines et les avantages du ministère, je demande que ce que vous avez déjà fait à l’égard des commissaires du roi, vous le fassiez à l’égard des ministres. Je fais en conséquence la proposition suivante : « L’Assemblée nationale décrète qu’aucun membre de l’Assemblée nationale actuelle, ne pourra être promu au ministère , ni recevoir aucunes places, dons, pensions, traitements ou commissions du pouvoir exécutif ou de ses agents, pendant 4 ans après la fin de l’exercice de ses fonctions. » ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Aux voix ! Aux voix ! M. Bouche. Je trouve que M. Robespierre ne donne pas assez d’étendue à sa motion très judicieuse. Vous avez solenntdlement contracté l’engagement d’accueillir la motion qui vient d’être faite; vous l’avez contracté à Versailles dans les premiers jours du mois de septembre; vous l’avez contracté à Paris, au commencement du mois de novembre, mais je trouve, Messieurs, que cette motion n’est pas assez étendue. Je demande en conséquence que, portant vos regards sur l’avenir, vous ne vous borniez pas à décréter la proposition de M. Robespierre, que les membres de l’Assemblée nationale ne pourront pas de 4 ans recevoir de place dans le ministère ; vous devez, Messieurs, décréter en même temps que les membres de l’Assemblée nationale et des législatures à venir ne pourront recevoir ni dons, ni pensions, ni gratifications. ( Applaudissements :.) Je demande que ce décret soit étendu également aux membres de la cour de cassation et à ceux de la haute cour nationale ; les uns pendant 4 ans, les autres pendant 8 ans après avoir cessé l’exercice de leurs fonctions. M. d’André. En appuyant les motions précédemment faites, qui dérivent naturellement du principe que vous aviez déjà établi, je propose d’ajouter non pas un projet de décret, mais une recommandation pour tous les membres de l’Assemblée, recommandation que mon propre exemple autorise, parce que je commence par avouer que je suis tombé dans le tort dans lequel je neveux plus qu’on tombe. Je demande non seulement que tous les membres de l’Assemblée nationale ne puissent avoir ni place, ni dons, ni pensions, ni traitements ou commissions du pouvoir exécutif, ce n’est pas là le tort dans lequel je suis tombé. (Rires.) ; mais je demande en outre que les membres de l’Assemblée prennent l’engagement solennel de ne jamais solliciter pour qui que ce soit aucune place ou emploi, ou pensions, ou... ( Applaudissements unanimes.) C’est là dedans que je suis tombé. M. Carat l'aîné. Pour assurer l’effet de ce nouvel engagement que nous imposons aux fonctionnaires publics du royaume, pour que les intérêts de la nation ne puissent être trahis ni directement ou indirectement, je demande que l’on étende la disposition du décret qui vous est proposé non seulement aux députés, mais à leurs ascendants, descendants et collatéraux. (Murmures.) C’est le seul moyen de laisser subsister dans toute sa pureté les décrets qu’on vous propose. Plusieurs membres : La question préalable ! îvl. Carat l'aîné. Je demande à soutenir ma motion et à combattre la question préalable que l’on invoque. Il m’est égal de me laisser corrompre ou pour mon père, ou pour mon fils, ou pour mon frère si je trouve dans la corruption les mêmes avantages que s’ils m’étaient personnels. Ou la motion que l’on a faite n’est pas nécessaire, ou l’on se propose de lui faire subir des fraudes indirectes. Si vous n’adoptez pas l’extension que je lui donne, vous n’auriez rien fait pour la pureté de tous les corps. Plusieurs membres : La question préalable i M. Pétion de Villeneuve. L’Assemblée se livre à des sentiments généreux avec un abandon qui lui fait honneur; mais il ne faut pas oublier les principes. Il est par trop évident que les membres de cette Assemblée ne peuvent accepter aucune place du pouvoir exécutif , pour que cela souffre contradiction. Les deux premières mo-