602 [Assemblée nationale.] degré d’instruction, n’avant pas pu être établi par des écoles, le comité militaire y a pourvu en faisant tomber notre choix sur des officiers qui lussent capitaines. Depuis, on vous a proposé différents amendements à ce décret; il fallait donner toute latitude aux choix. Mais aujourd’hui cetie latitude est donnée, et certainement les officiers généraux, pour un aide de camp qu’ils ont à nommer, ont vingt demandes et vingt suiets à choisir. L’ar.'ii le qu’on vous propose aujourd’hui est un dérr< tdecirconstance, et un décretquidoit favoriser cer’ainement quelqu’un. ( Applaudissements .) Il est de la dernière inju ticeque dans un corps, par exemple, dans ce ui de l’ariiilerie, où il y aenvi-rou quatre cents lieutenants, on veuille prendre indistinctement un officier, c’est-à-dire celui qui sera à la queue; voilà, Mes-icnrs, cependant, quel est le déc et qu’on vous propose. Assurément je ne suis point dans le secret, mais encore une fois ce décret me paraît êire un décret qui ne peui que favoriser quelques individus. Je de i ande donc de deux choses l’une ; ou la question préalable sur l’article, ou, si vous voulez passer par-dessus l’msti uclion, je demande aiors par amendement que les ofticiers généraux qui choisiront dans la ligne des officiers ou sous-olficiers, des lieutenants qui voudront devenir aides de camp, ces olficiers ne poissent avoir la commission de capitaine que lorsqu’ils l’auraient eue à leur tour dans leur corps. Plusieurs membres : La question préalable sur le projet de décret. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer sur le projet de décret.) M. llillet de Mureau. Mon amendement consiste à ajouter au projet de décret proposé parM. de Lameth la disposition suivante : « Sans que ce choix puisse les faire parvenir au grade de capitaine avant l’époque à laquelle ils y auraient été portés parleur ancienneté dans leurs corps respectifs. M. Alexandre de Lameth , rapporteur. La proposition de M. Millet est parfaitement sage, d’abord quant au secret dans lequel il n’est pas. Ce secret est de pouvoir prendre des officiers dans lesquels les généraux aient confiance, sans aucune acception de personnes... (Murmures.) Je crois que le comité a prouvé et prouvera toujours qu’il n’y a aucune acceplion de personnes dans tout ce qu’il propose à l’Assemblée. (Murmures.) M. Millet de Mureau. Puisque le comité militaire adopte mon amendement, je n’ai plus rien à dire. M. Chabroud. La proposition de M. Mureau ne change rien au principe, et je demande qu’on la mette aux voix. M. Bureaux de Pusy. Cette disposition n’a lieu que pour ce moment seulement. M. d’Ambly. Un général prendra son fils qui est sous-lieutenant, il prendra un parent qui l’in-téres-e, et l’instruira, et le formera avec bien plus d’avantages et sans faire tort à la nation, puisqu’il ne deviendra capitaine qu’à son tour. La proposition de M. Mureau est fort sage. (Au x voix! aux voix!) 130 juin 1791.] (La motion de M. de Lameth et l’amendement de M. Millet et Mureau sont mis aux voix et adoptés.) En conséquence, le projet de décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que les officiers généraux employés pourront choUir leurs aides de camp, pour cette lois seulement, parmi les officiers qui ne seront pas brevetés depuis 10 ans, sans que ce choix puisse les faire parvenir au gra ie de capitaine avant l'époque à laquelle ils y auraient été portés par leur ancienneté dans leurs corps respectifs. » M. le Président. Je reçois un paquet contenant deux httms de M. de Bouille : l’une est adressée à l’Assemblée nationale ; l’autre m’est adressée paiticulièrement et est ain.-i conçue : « Luxembourg, le 26 juin 1791. « Monsieur le Président, « Je vous envoie ci-joint une lettre à l’Assemblée nationale ;j-la crois assez i téressante pour mériter qu’ed • soit mise sous ses yeux. « Je suis, etc... « Signé : marquis de Bouillé. » La nécessité dans laquelle je me suis trouvé de suivre les décrets de l’Assemblée nationale m’a empêché de lire la lettre... M. Gaultier-Biauzat. C’est une lettre fort insolente. A gauche : C’est égal, il faut la lire. M. le Président. Je n’ai pu y ieter qu’un coup d’œil très rapide, et j’ai vu qu’elle contenait des expressions des plus vives. A gauche : Qu’importe, lisez toujours! M. le Président. L’Assemblée nationale de-mande-i-elle la lecture de la lettre de M. de Bouillé? (Oui! oui!) M. de Noailles fait lecture de cette lettre, qui est ainsi conçue : « Luxembourg, 26 juin 1791. « Messieurs, « Le roi vient de faire un effort pour briser les fers dans lesquels vous le retenez depuis longtemps, ainsique sa famille infortunée. Une destinée aveugle à laquelle les Empires sont soumis, et contre laquelle la prudence des hommes ne peut rien, en a décidé autrement; il est encore votre captif, ses jours ainsi que ceux de la reine sont (et j’en frémis) à la disposition d’un peuple que vous avez rendu féroce et sanguinaire, et qui. est devenu l’objet du mépris de l’univers. (Murmures.) 11 est intéressant pour vous, Messieurs, pour ce que vous appelez la nation, pour moi enfin, pour le roi lui-même, que les causes qui ont produit cet événement, que les circonstances qui l’ont accompagné, que le grand objet qui devait en être le résultat, et qui avait inspiré au roi ce dessein noble et courageux, soit connu des Français, qu’il le soit de l’Europe entière, et que l’on sache qu’en désertant la prison, en youlant chercher sur la frontière un asile près de moi, et parmi les troupes, il a eu moins en vue son sa-AKCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1791.] lut que celui d’un peuple ingrat et cruel; les dangers qu’il pouvait courir, ceux auxquels il exposait sa famille; rien n’a pu l’arrêter, il n’a éco té que la bonté et la générosité de son cœur. « Dégagé en ce moment de lous les liens qui m’attachaient à vous, n’étant plus retenu par aucune considération, libre enfin, je vais vous parler le langage de la vérité, que vous n’êtes peut-être plus en état d’entendre, et que vous n’écoutez rans doute pas; mais j’aurai rempli tout ce que je devais à ma pa rie, tout ce que je dois à mon roi, tout ce que je dois à moi-même. Je ne vous rappellerai pas ce que vous avez fait depuis 2 ans, je ne retracerai pus le tableau du désordre affreux dans lequel vous avez plongé le royaume, mais le roi était devenu prisonnier de son peuple, lui et son auguste famille étaient en butte au plus sanglant out âge. Attaché à mon souverain, attaché à la monarchie, en détestant les abus qui étaient résultés d’une autorité trop étendue, et qu’il voulait lui-même circonscrire, je gémissais de la franchise du peuple que vous avez égaré, je gémissais des malheurs du roi, je blâmais vos opérations ridicules et insensées; mais j’espérais qu’en lin la raison reprendrait ses droiis, que le délire du peuple cesserait, que les méchants seraient confondus, que l’anarchie que vous avez établie pour principe finirait, que l’ordre renaîtrait et nous ramèm rait un gouvernement, sinon excellent, du moins supportable, et que le temps pourrait le rendre meilleur, et ch si ce qui m’a lait souffrir to t s ces épreuves auxquelles vous m’avez mis depuis le commencement de la Révolution ; mon attachement pour le roi, mon amour pour ma patrie, m’ont donné le courage et la patience nécessaires pour braver les insultes et les alfroots et pour supporter la honte et l’humiliation de communiquer avec vous... Le temps a détruit mes espérances. J’at vu que dans votre Assemblée il ne régnait aucun esprit oublie, que celui de faction seul y dominait et la divisait en plusieurs parties, dont les uns voulaient le désordre, l'entretenaient, le provoquaient même pour faire naître la guerre civile, da .s l’espoir d’y jouer un rôle, et comme étant pour eux la seule voie du salut; que les au. res voulaient une République; M. dcLa Fayette était à la tête de ce parti; son ambition sourde et cachée le conduisait au seul but qu’il avait d’être le chef d’un gouvernement aussi monstrueux pour nous. C’est dans ces circonstances que les clubs s’établirent, qu’ils achevèrent de corrompre le peuple dans toutes les parties de l’Empire, et de détruire l’armée. Je vis donc que l’anarchie était parvenue au dernier période; la populace, diiigée par les intrigants de tous les coios ue la France, étant devenue maîtresse absolue, qu’il n’existait plus de force publique, puisque le roi avait perdu non seulement sa considération, mais encore sa liberté; que les lois étaient sans force et sans vigueur; que l’armée ne présentait plus qu’une soldatesque effrénée, ne reconnaissant ni autorité ni chef; qu’il ne restait plus de marques de rétablir l’ordre, et que toute ressource était ôtée, tout espoir détruit. « Ce fut alors que je proposai au roi de sortir de Paris, de venir se réfugier avec sa famille dans quelque place frontière, où je l’environnerais de troupes fidèles, persuadé que cette démarche pourrait opérer quelque dérangement avantageux dans l’esprit du peuple, déchirer le bandeau qui couvrait ses yeux et déjouer tous les factieux. Le roi et la reine s’y refusèrent constamment, allé-603 guant la promesse qu’ils avaient faîte de rester à Paris, auprès de l’Assemblée. Je leur représentai que leur promesse, arrachée par la force, ne pouvait les lier, mais ce fut en vain. Je ne pus ebranler leur ré-oluûon. La journée du 28 février me donna lien de renouveler au roi mes instances. J’éprouvai les mêmes refus et la même constance dans ses principes; il craignait les événements qui pouvaient résulter de sa fuite, les effets de la fureur du peuple et l’accroissement, *’ü était possible, de l’anarchie et du désordre; je le dis avec vérité, la reine pensait de même et se refusa à toutes mes propositions. Je ne perdis pa-courage ; j’étais convaincu que le départ du roi était le seul moyen de sauver l’Etat. « Je savais qu1 toutes les puissances de l’Europe armaient contre la France, qu’elles s ■ préparaient à lui faire la guenv, à envahir son terri oire; libre au milieu de ses troupes, le roi seul pouvait arrêter la marche des armées ennemies. Alors, frappé de terreur, le peuple se voyant sans moyen de cRfense, instruit que l’armée a’existait plus, que ses places étaient presque démantelé -s, que les finances étaient épuisées, que le papier ne pouvait suppléer au numéraire qui aurait fui de cette terre a ipauvrie, il aurait de lui-même prévenu les vues bienfaisantes du monarque et se serait j4é dans ses bras. « Après l’arrestation du roi, le 18 avril, lorsqu’il voulut aller à Saint-Cloud, je ui renouvelai mes instan es avec plus de force, en lui faisant envisager qu’il n’y avait que ce parti à prendre pour sauver la France, qui allait être bientôt déchirée par une gue re civile, et mise en lambeaux par une guerre étrangère. Le bonheur, ou plutôt le salut < Au surplus, n’accusez personne de complot et de la conspiration prétendue contre ce que vous appelez la nation et contre votre infernale Constitution. J’ai tout arrangé, tout réglé, tout ordonné; le roi lui-même n’a pas fait les ordres, c’est moi seul. Ceux qui ont dû les exécuter n’ont éié instruits qu’au moment où ils ne pouvaient y désobéir. C’est contre moi seul que doit être dirigée votre fureur sanguinaire (Rires.), que vous devez aiguiser vos poignards et préparer vos poisons. J’ai voulu sauver ma patrie, j’ai voulu sauver le roi, sa famille: voilà mon crime. Vous répondrez de leurs jours, je ne dis pas à moi, mais à tous les rois; et je vous annonce que si on leur ôte un cheveu de la tête, avant peu il ne restera pas pierre sur pierre à Paris. (Rires.) Je connais les chemins, j’y conduirai les armées étrangères, et vous-mêmes en serez responsables sur vos têtes. Cette lettre n’est que l’avant-coureur du manifeste des souverains de l’Europe qui vous instruiront, avec des caractères plus prononcés, de ce que vous avez à faire ou de ce que vous avez à craindre. « Adieu, Messieurs (Murmures ei rires.), je finis sans compliments, mes sentiments vous sont assez connus. « Signé : Marquis de Bouillé. » M. Lanjuinals. Je demande le renvoi au comité des recherches, pour découvrir l’attentat commis contre la nation. M. Prieur. Monsieur le Président, mettez aux voix qu’il a manqué son coup. . M. Caoupilleau. L’adresse du paquet est-elle timbrée de Luxembourg? Car je ne puis supposer que ce soit M. de Bouillé qui ait écrit cela. Je crois que cela a été fait en France. Un membre: Il y a des pièces de M. de Bouillé au comité des recherches; on peut vérifier sa sa signature. M. de Nouilles. C’est sa signature. [30 juin 1191.] M. Rœderer. L’ordre du jour ! Il ne faut pas faire l’honneur à cette lettre de la renvoyer au comité; nous ne pouvons pas faire à cette lettre l’honneur d’un décret, sinon pour passer à l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les places de guerre et postes militaires (1). M. Bureaux de Pusy, rapporteur. Avant de commencer la discussion* du titre II auquel nous sommes arrivés, je demanderais à l’Assemblée de vouloir bien autoriser une modification à l’article 5 du titre Ier, adopté dans la séance du 24 mai dernier. Je propose de rédiger comme suit cet article : Art. 5. « Les places de guerre et postes militaires seront considérés sous 3 rapports, savoir : dans l'état de paix , dans l'état de guerre et dans l'état de siège. » Ce changement est nécessité par les modifications qu’a éprouvées le projet de décret dans la délibération. (L’Assemblée adopte le nouvel article 5 du titre Ier, et décrète que l’article sera inséré dans ces termes dans le procès-verbal du 24 mai.) M. Bureaux de Pusy soumet à la discussion le litre II du projet de décret. Les articles suivants sont mis aux voix : Titre IL Suppression des états-majors des places , et retraites accordées à ceux qui les composent. Art. 1er. « Tous les emplois d’officiers d’état-major de places do guerre, citadelles, châteaux et autres postes militaires ou villes de l’intérieur, de quelque grade que soient ces officiers, et sous quelque dénomination qu’ils existent, et toutes leurs fonctions en cette qualité, seront et demeureront supprimés, à dater du premier de la présente année. » (Adopté.) Art. 2. « Sont également supprimés et compris dans les dispositions du présent décret, les lieutenants de roi militaires des bailliages. » (Adopté.) Un membre propose d’insérer dans le procès-verbal la disposition suivante : « Les lieutenants de roi de bailliages ne pourront obtenir de traitement de retraite à raison des intérêts de la finance des offices de lieutenant de roi des bailliages dont ils auraient été pourvus. » (L’Assemblée accueille cette demande, et ordonne qu’il en sera fait mention dans le procès-verbal, pour ne laisser aucun doute sur l’intention dans laquelle elle a été décrétée.) Art. 3. « Il sera accordé auxdits officiers des retraites dont la valeur sera déterminée, tant en conséquence du traitement dont ils jouissent que de ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Voy. ci-dessus, séance du 27 juin 1791, page 549.