650 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mars 1791.] des commandants des détachements, nous n’aurions pas hésité de ['rendre les mesures rigoureuses dont la loi nous fait un devoir dans ces circonstances difficiles; mais il fallait, avant tout, pourvoir à ce qu’exigeait de nous la présence de Mesdames à Arnay-le-Duc, et quoique tous, sans exception, jusque dans leurs discours les plus animés, n’eussent cessé de manifester la résolution de conserver à Mesdames la sûreté, la tranquillité et les témoignages de respect et d’amour pour foules les personnes de la famille royale, il ne nous était pas permis d’oublier un instant ce que Mesdames noua avaient recommandé, en nous exprimant leurs craintes, que cet événement ne pût causer aucun trouble et occasionner la moindre effusion de sang. Il De nous restait alors qu’un parti, c’était d’obtenir de la bonté même de Mesdames de nous autoriser à annonçer qu’elles voulaient bien encore suspendre leur départ; elRs daignèrent y consentirent sur nos instantes prières et celles de Messieurs du district et delà municipalité. Cette nouvelle fut accueillie avec transport et portée si rapidement dans toute la ville, que l’assemblée qui avait été sonnée, que l’on continuait encore de sonner, se trouva dissoute avant que d’avoir été formée, et les citoyens ne songèrent plus à se réunir que pour se livrer à la joie. «Tel est, Monsieur le Président, le récit de ce qui vient de se passer, aussi circonstancié que le permet le peu de temps qui nous reste pour en rendie compte à l’Assemblée nationale. Nous venons d'en donner avis au directoire du département, et nous sommes déterminés à ne quitter Arnay-le-Duc que lorsque notre commission sera remplie. Nous vous prions de prendre en considération la situation pénible et inquiétante où nous nous trouvons, et dont nous informons par le courier le ministre de Sa Majesté. « Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, les commissaires du département de la Côte-d’Or. « Signé : A. HernoüX; L.-B. Guyton, procureur général syndic. » M. l’abbé Bonillotte.'Messieurs, je dois ajouter aux renseignements contenus dans cette lettre que depuis cette époque la municipalité d’Arnay-le-Duca envoyé ici une députation qui s’est présentée dans la" matinée, chez le ministre de l’intérieur. Ces députés n’avaient pas d’autre mission que d’informer le roi des mesures prises par la commune et de s’assurer des dernières intentions du roi; aussitôt qu’ils les ont sues, ils ont fait partir un courrier qui doit être arrivé maintenant, et sans doute que Mesdames continuent à cette Heure leur voyage. M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE NOA1LLES. Séance du ieudi 3 mars 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. (1) Cotte séance ost incomplète au Moniteur. M. Voulland, secrétaire , fait lecture d’une adresse de la commune de Sézanne , qui s’empresse d’offrir à l’Assemblée nationale l’hommage de la gratitude la plus vive et la plus respectueuse au sujet de la suppression des aides. 11 y est dit ; » 11 est donc entièrement supprimé, ce régime « oppresseur qui n’a que trop longtemps désolé « la France. L’esprit des linances et l’esprit de « chicane ne se coaliseront plus pour assurer la « ruine des familles. On ne verra plus des hommes « vertueux, victimes des combinaisons' perfides, « verser des larmes de sang, obligés d’abandon-« ner leurs femmes et leurs enfants pour se sous-« traire aux horreurs des prisons. « Elles sont rompues, ces chaînes financières « forgées par le despotisme et dont le poids tri-« plait parla dureté et par le crime des traitants. « Le Français ne rougira plus des fortunes scan-'laleuseset du luxe de ces vampires publics dont ‘ l’existence était le plus horrible fléau de l’em-« pire. L’abolition des droits d’aides et celle d’en-« trées des villes sont deux bienfaits nouveaux < dont le souvenir sera éternel. « Il est impossible de vous peindre avec assez < d’expression l’allégresse des citoyens qui ha-« bitent dans les murs de cette ville; elle est « devenue bien plus vive encore, par l’idée juste < de l’ivresse du plaisir de leurs frères de Paris. « Ils voient avec transport que la capitale sera <« enfin indemnisée des sacrifices qu’elle a faits avec « tant de générosité, et qu’elle ne tardera pas à « reprendre toute sa splendeur. « Qu’il fut grand et qu’il se montra digne de « représentercette vaste cilé, l’orateur qui repoussa « Poutrage fait à la nation, qui rappela le courage « des Parisiens dans cette insurrection heureuse « qui a sauvé la patrie, et qui se porta garant de « leur soumission et de leur désobéissance aux « lois. Voilà le plus bel éloge des sentiments des « vrais conquérants de la liberté... Législateurs « suprêmes, continuez vos travaux immortels, « achevez l’édifice majestueux de la plus sainte « Constitution; ne craignez pas les ennemis inté-« rieurs, le patriotisme est armé et veille. Ne « redoutez pas davantage les ennemis du dehors; « une nation qui a brisé ses chaînes et qui sent « le prix de sa liberté, est invincible. « Les Sézannois vous jurent amour, dévoue-« ment et fidélité; ils vous supplient, au nom de « l’intérêt public, de faire reviser tous les comptes « des anciens régisseurs et fermiers; et ils espèrent « que les propriétés dont ils s’enorgueillissent, « rentreront bientôt dans la classe des biens natio-« naux. » M. Vonlland, secrétaire, fait ensuite lecture d’une adresse de la société des amis de la Constitution séant aux Jacobins, à Carcassonne, contenant le procès-verbal d’une de ses séances, dans laquelle tous les membres de la société et tous les spectateurs ont juré de défendre, au péril de leur fortune et de leur vie, tout citoyen qui aurait le courage de se dévouer à la dénonciation des traîtres à la pairie et des conspirateurs contre la liberté. Plusieurs membres à droite disent que cette résolution n’a pu être inspirée que par le club des Jacobins de Paris ou par la lettre imprimée du président de cette société. M. 'Vonlland, secrétaire. C’est une erreur. Ce serment a été prêté à T’occaeion d’un assassinat [3 mars 1791. J 651 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. commis sur la personne de M. Blanc, prêtre, qui, huit jours après avoir prêté le serment civique exigé par le décret du 27 novembre dernier, fut attaq é à sept heures du soir et reçut deux coups de bâton et cinq coups de couteau; ce prêtre a échappé au fer de ses meurtriers, et on espèiv que ses blessures ne seront pas mortelles. M. Voulland, secrétaire, fait ensuite lecture des adresses suivantes : Adresse du directoire du district de Laon, qui demande des secours particuliers en faveur des pauvres honteux de son territoire; Adresse de la société des amis de la Constitution, éiablie à Cherbourg, qui fait des observations sur les mesures importâmes qu’il s’agit de prendre contre les ennemis de la Constitution; Procès-verbal de prestation de serment civique faite par le curé de Saint-Martin de Longjumeau, dans le département de Seine-et-OLe; Adresse de la société des amis de la Constitution de Clermont-Ferrand, séant aux Carmes, qui expose que les émigrations dans l’intérieur de la France sont tellement multipliées qu’elles annoncent le projet certain d’une contre-révolution ; elle sollicite toute l’animadversion de l’Assemblée contre les émigrants ; Discours prononcé nar M. le curé de Montéli-mar, le 30 janvier 1791, après avoir piété, le matin, le serment ordonné par le décret du 27 novembre 1790: « Qu’ils osent, dit-il, se produire « ceux qui voudraient nous faire un crjme de « notre fidélité à la nation, à la loi et au roi, de « notre attachement inviolable et respectueux « aux décrets émanés du pouvoir législatif et « revêtus de la sanction de notre auguste mo-« narque; qu’ils se montrent ces censeurs non « moins injustes que peu éclairés, et je leur « dirai : A-t-on jamais pensé faire un crime aux « évêques du serment qu’ils prêtaient entre les >< mains du roi d’être lïdèles à sa personne et « d’être soumis aux lois du royaume? Serment « sans lequel leur nomination eût été nulle et « sans lequel ils n’auraient pu exercer aucune « fonction de l’épiscopat ! Et la nation qui vient « de recouvrer ses droits, la nation en qui ré-« side la souveraineté suprême ne sera pas fon-« dée à exiger le même serment et la même « fidélité de tous ceux qui sont élevés aux di-« gnités ecclésiastiques ! Et ce serment ne pourra « pas se produire au dehors, sans être exposé à « la censure et au blâme ! Y eût-il jamais incon-« séquence plus absurde? » M. le Président. M. Aubert, député de la ci-devant assemblée coloniale à Saint-Domingue, demande un congé pour s’en retourner dans cette colonie ; cette demande est appuyée par le comité colonial. M. Régnier, député de la Meurthe, demande également un congé. (Ces congés sont accordés.) M. l’abbé Thibault, au nom du comité ecclésiastique , présente un projet de décret concernant la nouvelle circonscription dt s paroisses de la ville et des faubourgs de Bordeaux. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L’Assemb'ée nationale, sur le compte rendu par son comité ecclésiastique, des procès-verbaux du directoire de district de Bordeaux, du 22 février dernier, et du directoire du département de la Gironde, du 26 du même mois, concernant la réduction et circonscription des paroisses de la ville et des faubourgs de Bordeaux, arrêtés en l’absence de l’évêque dûment requis d’y assister et concourir, par sommation du 12 février dernier; enfin, du tableau de la formation propo-ée et de la carte figurée desdites paroisses, annexée auxdits procès-verbaux, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Il y aura 10 paroisses dans la ville et les faubourgs de Bordeaux, savoir : « 1° La paroisse cathédrale et métropolitaine de Saint-And ré. « 2° Sainte-Eulalie. « 3° Saicte-Croix. « 4° Saint -Michel. « 5° Saint-Paul. v 6° Saint-Pierre. « 7° Saint-Dominique. a 8° Saint-Seurin. « 9° Saint-Louis. « 10° Et Saint-Martial de Bacalan. Art. 2. « Lesdites paroisses seront desservies dans les églises indiquées auxdits procès-verbaux, tableau et carte figurative, qui resteront déposés aux archives de l’Assemblée nationale. Art. 3. « Elles seront limitées ainsi qu’il est exprimé auxdits procès-verbaux, tableau et carte figurative. Art. 4. « Les autres paroisses de la ville et des faubourgs de Bordeaux sont supprimées. Art. 5. « L’église de Saint-Nicolas-des-Gravesseracon-se.rvée comme oratoire et chapelle de secours de la paroisse de Sainte-Eulalie ; le curé de cette paroisse enverraun de ses vicaires dans ladite chapelle, les jours de fête et de dimanche, pour y célébrer la messe et faire les instructions au peuple. » (Ce décret est adopté.) M. Bureaux de Pusy, au nom du comité militaire. Messieurs, le 15 du mois dernier, vous avez décrété que les colonels et lieutenants-colonels en activité de service, les premiers qui auraient dix ans et les seconds douze ans de commission dans leur emploi, seront susceptibles de se retirer avec la retraite affectée dans vos décrets aux emplois qu’ils occupent et le brevet de maréchal de camp. Une réclamation est arrivée au comité militaire; les colonels et lieutenants-colonels susceptibles de remplacement par vos décrets, ont représenté qu’étant dans la même position que les lieutenants-colonels effectifs; que n’ayant au-dessus d’eux que le malheur, qui n’a pas dépendu d’eux, d’être réformés, et la privation des traitements, ils ne devaient pas souffrir encore de la faveur accordée par le décret du 15 février dernier. Eu conséquence, ils ont réclamé le droit de se retirer avec le brevet de maréchal de camp, conformément àvos décrets. D’après ces considérations le comité m’a chargé de vous présenter le décret suivant : *< L’Assemblée nationale décrète : « Les colonels et lieutenants-colonels qui, par les décrets concernant l’organisation de l’armée,