[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1790.] 353 toyen qui, à raison de son loyer, serait présumé avoir, par exemple, 10,000 livres de revenu et qui serait imposé à la somme de 1,000 livres de contribution personnelle à cause de ce revenu, mais qui justifierait que son revenu présumé de 10,000 livres consiste en terres pour lesquelles il a déjà payé plus de 1,000 livres de contribution foncière, ne payerait rien à titre de contribution personnelle. Ce reversement porte sur un principe de justice, le principe qui ne permet pas de taxer deux fois la même personne pour le revenu. Cependant, le résultat de l’opération proposée a été une des principales causes de l’inquiétude des habitants de Paris. Il y en a eu trois raisons: 1° La proportion proposée par le comité entre la taxe d’habitation et la cote de l’imposition sur les revenus mobiliers étant telle, que la première se trouvait très faible el la seconde très forte, il en résultait que l’habitant de Paris, propriétaire foncier, paraissait ne payer presque rien pour son habitation à Paris , tandis qu’il semble que toute personne à qui il reste, après la déduction de ses impositions payées sur les lieux, un revenu assez considérable encore pour venir habiter la capitale, jouit d’une aisance qui permet de le taxer même pour cette habitation; 2° La taxe principale à laquelle le riche, qui est propriétaire, mais propriétaire foncier, se trouve imposé sur les rôles de la ville de Paris, étant effacée, souvent en tout, par l’effet du revirement de la contribution foncière, tandis que celle de l’habitant qui n’a pas de revenu foncier, mais seulement ses bras et son industrie, subsiste eu son entier. On était porté à croire, en comparant ces deux classes de citoyens, que l’une des deux ne payait rien, tandis que l’autre payait tout; et l’on ne croyait pas pouvoir s’accoutumer à voir le riche porté sur le rôle par une sorte de fiction seulement, tandis que le pauvre acquitterait bien réellement la somme pour laquelle 11 y serait inscrit; 3° IL résultait effectivement , de la radiation totale ou partielle de la cote de tous les propriétaires riches en fonds de terre, que ces articles devant être reportés sur les propriétaires non fonciers, la taxe de ceux-ci, quelque faible qu’elle parût dans le principe, devenait exorbitante par la nécessité de remplir les taxes non payées. ün exemple rend cette vérité sensible : Vous avez plusieurs propriétaires qui possèdent entre eux un revenu de 100,000 livres, et, sur cette somme, vous voulez lever une contribution de 5,000 livres; la taxe, dans ce premier aperçu, est modérée; chacun doit payer le vingtième : celui qui n'a que 100 livres de revenu pave 5 livres, et U lui reste 95 livres; mais si les quatre cinquièmes de ces propriétaires 11e fournissent pas leur contribution sur votre rôle, parce qu’ils l’ont payé sur un autre , et si vous voulez cependant toujours avoir vos 5,000 livres, il faut tirer le quart de la somme de 20,000 livres, possédée par ces seuls propriétaires qui doivent remplir votre rôle; et le citoyen qui paraissait conserver 95 livres sur son petit revenu de 100 livres est réduit à 75 livres. Tel est l’effet du reversement de la contribution foncière sur la contribution personnelle. Les épreuves qui ont été tâtées sur la répartition d’une contribution personnelle de 5 millions de livres dans Paris, ont démontré que pour obtenir cette somme, il faudrait imposer 30 millions delivres, parce que le reversement de la contribution foncière ferait tomber en non-valeur les ire Série. T. XXI. quatre cinquièmes de la contribution personnelle. Nous croyons avoir aperçu un moyen d’éviter les trois inconvénients dont nous venons de parler, ou au moins d’en diminuer considérablement l’influence, en établissant la masse du résultat de la taxe d’habitation plus forte que la taxe des facultés mobiliaires.il faut que la taxe d’habitation soit telle que l’homme aisé qui vient habiter Paris, contribue réellement à raison de son aisance. Cette taxe n’étant pas sujette à être anéantie par le reversement de la contribution foncière, quiconque la payera, verra que son voisin, aussi riche ou plus riche que lui, paye comme lui, en proportion de ses richesses, et paye effectivement. Enfin, la contribution pour les" facultés mobiliaires se trouvant réduite dans toute sa masse, l’effet du reversement dont on a vu les inconvénients et les dangers, sera moins sensible. Les inconvénients ne cesseront pas en totalité, mais ils ne seront plus assez graves pour donner sujet à des plaintes. Telles sont les observations que les députés de Paris se proposent de présenter à l’Assemblée nationale, et qu’ils demanderont la permission de lui développer. La conséquence qu’ils en tireront, est qu’avant tout, et dans le moment actuel, il est nécessaire d’indiquer à la ville de Paris la somme de la contribution personnelle qu’on exige qu’elle paye; qu’ensuite, et lorsqu'il s’agira de répartir cette somme, il est juste de lui laisser dresser elle-même ses tarifs, d’après les règles qui auront été proposées à l’Assemblée, et que l’Assemblée aura jugé devoir décréter. Signé : Levis de Mirepoix, Martineau, Vignon, Hutteau, D. Chevreux, Dionis, Leclerc, Chevreuil, Anson, Bonnevai, Gros, curé de Saint-Nicolas du Chardonnet \ Bevière, Debourge, Germain, Poignot, Bailly, Camus, Treilhard, Dosfant, Garnier, Cayla, Rochechouart, Bé-rardier, Lemoine, F. de Beauharnais, Lusi-goem, Montesquiou-Fezensac, Berthereau, Tronchet, Duport. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PÉTION. Séance du jeudi 9 décembre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie. Un de MM. les secrétaires fait l’annonce des adresses suivantes : Adresse du tribunal du district de Gonesse, installé ce matin à Montmorency. 11 consacre les premiers instants de son existence politique à exprimer son attachement et celui de ses juridicia-bles à la nouvelle Constitution, et leur profond respect pour les auteurs de notre heureuse régénération. Adresse des nouveaux officiers municipaux de la ville de Chinoo, département d’Indre-et-Loire, contenant des protestations de la plus parfaite soumission aux décrets de l’Assemblée nationale. Ils annoncent que quelques divisions qui s’étaient élevées lors de l’organisation des municipalités (1) Cette séance est ncomplète au Moniteur. 23 354 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1790.] cessent et que, depuis les nouvelles élections, le calme se rétablit de lui-même. Adresse de l’assemblée administrative du département de la Creuse qui a voté une députation composée de deux membres du scindes administrations des quatre-vingt-trois départements� royaume et chargée de porter aux pieds de l’Assemblée nationale et du roi, les hommages d’un peuple libre, mais soumiset respectueux. Elle supplie l’Assemblée d’indiquer pur un décret le jour précis de la réunion de tous les députes à Paris. Lettre du procureur général syndic du département de Versailles, par laquelle il annonce que la nomination de l’évêque du département de Seine-et-Oise vient d’être terminée, et que M. le curé de Gomecourt, district de Mantes, a été élu à la majorité absolue des suffrages. Adresses des .juges du tribunal du district de Montiort, département d'Ille-et-Vilaine, de celui du district de Vezeiise, et de celui du district de Besançon, qui commencent leurs fonctions par 'présenter à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse des officiers municipaux de la ville de Lorient, par laquelle ils applaudissent à la nouvelle nomination des ministres du roi, demandent que la garde de Sa Majesté ne soit confiée qu’à des soldats français devenus citoyens par la Constitution, conjomicmentavec des citoyens français, devenus soldats pour le maintien de la Constitution ; enfin, ils demandent que les séances des assemblées administratives soient rendues publiques. Adresse du sieur Lezau, citoyen d’Abbeville, qui fait hommage à l’Assemblé de la écouverie d’une pompe sans secret ni piston, propre à évacuer les eaux de quelque profondeur que ce soit. Adresse du sieur Avelin, maître vitrier , qui réclame de l’Assemblée qu’elle lasse bientôt liquider une creance qu’il a sur la nation, pour des fournitures et travaux faits pour la maison des PP. Auguslins de la place des Victoires ; il expose son état de détresse el implore la bienveillance de l’Assemblée. L’Assemblée nationale renvoie au comité des finances une pétition du département de l’Aude, relative aux dommages qui ont été causés par l’effet des troubles survenus relativement à la libre circulation des grains. Sont ensuite admises à la barre : Une députation des ouvriers de la ville de Paris qui demandent qu’il soit établi dans la capitale, une caisse municipale où les capitalistes puissent placer sûrement leurs fonds, et les porteurs de billets les escompter à un taux modéré. Une autre députation des amis des arts et des sciences, qui supplient i’Assemblee nationale de prendre les moyens de conserver les chefs-d’œuvre du génie et les monuments intéressants pour l’Uistoire, placés dans les abbayes, monastères et autres lieux devenus domaines nationaux. M. Aubin Louis Mîllln, orateur de cette dé - putation , dit : Messieurs, vous avez ordonné la vente des domaines nationaux, et le succès de cette vente assure pour jamais la prospérité de cet Empire régénéré par vos sages décrets. Mais les amis des lettres et des arts et les citoyens jaloux de la gloire de la nation ne peuvent voir sans peine la destruction de chefs-d’œuvre du génie ou de monuments intéressants pour l’histoire; nous avons aussi gémi de l’oubli dans lequel ces monuments allaient être plongés, et nous avons tenté de les lui arracher. Nous venons vous offrir les premiers fruits de notre vaste, pénible et dispendieuse entreprise. Nous vous présentons la première livraison d’un ouvrage intitulé : Antiquités nationales ou Recueil de monuments , pour servir à l’histoire générale et particulière de l’Empire français, tels que tombeaux, inscriptions, statues, vitraux, fresques, etc., tirés des abbayes, ! monastères, châteaux, et autres lieux devenus I domaines nationaux. 1 Nous ne sollicitons ni privilège, ni secours j d’aucune espèce; nous vous demandons seulement, si noire ouvrage vous paraît le mériter, de nous accorder la permission de vérifier tous les lieux claustraux, toutes les maisons nationales, d’y pénétrer sans difficulté, et de nous y livrer sans obstacle à l’objet de nos recherches. (Ou applaudit. M. Ic Président. L’entreprise que vous avez formée est grande et utile. Sauver des ravages du temps, qui consume tout, ces antiques et précieux monuments du génie, c’est foire des conquêtes à l’empire de la raison. G’est en marquant ainsi tous les pas que l’homme fait dans les routes qu’il parcourt, c’est en fixant ses pensées fugitives et en conservant ses fragiles ouvrages, que l’esprit humain s’avance insensiblement, vers la perfection. Il a sous les yeux le tableau vivant des vérités et des erreurs de tous les siècles; il évite les unes, il embrasse les autres ; ses connaissances s’étendent, s’agrandissent, et U en recule sans cesse les bornes. L’Assemblée nationale se fera toujours un devoir de favoriser les progrès des sciences et des arts, tout ce qui peut illustrer ies Empires, et surtout conduire ies hommes vers le bonheur; elle est trop convaincue que l’ignorance est la source de leurs maux. C’est vous dire assez l’accueil qu’elle fait à l’ouvrage que vous lui présentez; elle vous accorde les honneurs de la séance. L’Assemblée ordonne ensuite le renvoi de la pétition des ouvriers de Paris, au comité de mendicité : celle des amis des arts et des sciences est renvoyée au comité d’aliénation.) M. de Nie i nu, au nom du comité dé aliénation, propose et lait, adopter le décret suivant : « L’Assemblée nationale déclare vendre, à la municipalité de Bourges, les biens nationaux mentionnés au procès-verbal d’estimation, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, pour le prix de 618,266 livres 17 sous 11 deniers, payable de la manière déterminée par le même décret. » M. le fPréskleaat. L’ordre du jour est un rapport du comité des domaines sur la restitution des biens des religionnaires fugitifs et autres , dont les biens ont été confisqués pour cause de religion. Le projet de décret présenté par le comité des domaines est imprimé et a été précédemment distribué (1). M. SBerlrandl Oarrère, député de Bigorre, rapporteur (2). Messieurs, je viens, après cent ans d’une législation impoiitique et cruelle, porter aux représentants d’une nation juste et libre, les réclamations (1) Voyez plus haut ce projet de décret, séance du 1er décembre 1790, p. 177. (2) Le rapport est incomplet au Moniteur,