SÉANCE DU 27 FRUCTIDOR AN II (13 SEPTEMBRE 1794) - N° 20 147 que la nation reçoit. Paris n’a point de propriétaires : lorsque ses citoyens avoient amassé quelque fortune, ils la mettoient entre les mains du gouvernement. Eh bien ! leur annoncer la cessation des impôts, c’est les alarmer sur leur paiement. Je demande que l’Assemblée se prononce, qu’elle se prononce fortement (de toutes parts, oui, oui); qu’elle rejette par la question préalable toute motion tendante à entraver la vente et le produit des domaines nationaux; qu’elle ne prenne aucun engagement de supprimer les impôts; et que, dans les sacrifices qu’exige et que pourra exiger la situation de la République, il soit déclaré que les propriétés seront respectées, et que la nation veillera à ce qu’elles ne souffrent pas la moindre atteinte. La Convention décrète les propositions de Cambon, au milieu des plus vifs applaudisse-mens (68). A la suite de ce décret, plusieurs membres parlent sur les propositions faites dans les séances des 21 et 22 de ce mois, et qui avoient été renvoyées aux comités des Domaines, de Législation et de Salut public sur une nouvelle manière d’aliéner les domaines nationaux, et la Convention nationale prend le décret qui suit : La Convention nationale décrète qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur la motion et sur les propositions relatives à la vente des domaines nationaux qu’elle a renvoyées les 21 et 22 fructidor aux comités des Domaines, de Législation et de Salut public. Elle charge le comité des Finances de lui faire un rapport sur les moyens à prendre pour arrêter ou prévenir les abus qui pourroient s’être introduits dans l’administration, location et vente des domaines nationaux. Elle déclare qu’elle veillera sans cesse au maintien de toutes les propriétés, à la conservation du gage affecté aux assignats et aux indemnités décrétées pour les défenseurs de la patrie, et qu’elle prendra toutes les mesures qui seront nécessaires afin que le paiement annuel de la dette publique n’éprouve jamais aucun retard (69). 20 Un membre [Panis] fait des observations sur la nécessité de renouveller les représentans qui sont encore à l’Ecole de (68) Débats, n° 723, 446-449. Moniteur, XXI, 751-752; Bull., 28 fruct.; M.U., XLIII, 446-448; Ann. Patr., n° 621 et n° 623; Rép., n° 268; J. Univ., n° 1754; Mess. Soir, n° 756; F. de la Républ., n° 434; Ann. R. F., n° 286; C. Eg., n° 756; J. Mont., n° 137; J. Fr., n° 719; J. Perlet, n° 721; J. Paris, n° 622; Gazette Fr., n° 988. (69) P.-V., XLV, 241-242. C 318, pl. 1286, p. 11. Voir ci-dessus décret n° 10 865. Rapporteur Cambon. Mars, après le délai fixé par les décrets pour leur renouvellement. La Convention nationale décrète ce renouvellement ainsi qu’il suit : La Convention nationale décrète que les représentans du peuple en mission à l’Ecole de Mars seront au nombre de deux, et qu’ils seront renouvellés par moitié tous les mois, sur la présentation du comité de Salut public, qui, dès demain, se conformera au présent décret (70). PANIS observe qu’il a été décrété que deux représentans du peuple seroient chargés de l’inspection du camp de Mars, mais que l’Assemblée n’a pas statué sur le mode de renouvellement; il pense qu’ils doivent l’être tous les mois. De cette manière, dit-il, un grand nombre de représentans se familiariseront avec cette inspection importante, et ce sera un motif d’encouragement pour les élèves. Un membre propose une rédaction par laquelle il est dit qu’il y aura deux représentans du peuple près l’école de Mars; qu’ils seront renouvelés par moitié tous les mois, et que demain le comité de Salut public présentera un membre pour remplacer l’un de ceux actuellement en exercice près du camp. Elle est adoptée. A ce sujet, un membre réclame l’exécution du décret relatif aux représentans du peuple envoyés en mission dans les départemens. Il observe qu’Ysabeau est depuis 15 mois à Bordeaux; il demande son rappel. Plusieurs faits particuliers sont cités. Il s’établit une discussion, plusieurs propositions sont faites : l’Assemblée renvoie le tout au comité de Salut public. TREILHARD, membre de ce comité annonce à l’Assemblée qu’il a été fait un relevé exact de tous les députés en mission depuis plus de trois mois, et que déjà le comité leur a fait parvenir une circulaire pour leur rappeler l’exécution de la loi. Il en est quelques uns à qui le comité a écrit jusqu’à deux fois. L’Assemblée passe à l’ordre du jour (71). Un membre demande que les représentans qui seront nouvellement nommés près l’Ecole de Mars, soient en même temps chargés de la surveillance de Meu-don. La Convention passe à l’ordre du jour (72). BENTABOLE propose par article additionnel d’ajouter à la surveillance des représentans près l’Ecole-de-Mars, la surveillance de 1’établissement de Meudon. Il observe que plusieurs fois déjà cet établissement a causé des inquiétudes aux citoyens. Il est temps de les faire cesser. (70) P.-V, XLV, 242. Décret (71) Débats, n° 723, 449-450. Moniteur, XXI, 752; M.U., XLIII, 448; Ann. Patr., n° 621; Rép., n° 268; J. Univ., n° 1754; F. de la Républ., n°434; Ann. R. F., n° 286; C. Eg., n° 756; J. Mont., n° 138; J. Fr., n° 719; J. Perlet, n° 721; J. Paris, n° 622. Gazette Fr., n° 988. (72) P.-V., XLV, 242. C 318, pl. 1286, p. 12. 148 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE TREILHARD déclare que ce lieu est destiné à faire des expériences de guerre; il ajoute que lorsqu’il s’y en fait, c’est toujours en présence des membres du comité de Salut public réunis. Ces expériences doivent être secrètes; Treil-hard demande l’ordre du jour. DUHEM : Déjà plusieurs fois on est venu me tracasser l’esprit relativement à cet établissement : on me l’a présenté, ainsi que le télégraphe, comme des moyens contre-révolutionnaires; on m’a même fait observer que l’établissement de Meudon étoit précisément placé à l’endroit où César avoit établi son camp, lorsqu’il s’empara de la Gaule [de Paris] (73) : mais on n’avoit encore rien écrit à ce sujet; ce n’est que depuis quelques jours que dans un papier public, on a manifesté des craintes très vives sur la réunion d’un grand nombre de machines de guerre et de munitions à Meudon. J’appuie l’ordre du jour. Plusieurs voix : Aux voix, aux voix. FRÉRON observe que si l’on a manifesté des inquiétudes au sujet de l’établissement de Meudon, les redoutes, les souterrains et des poteaux portant la peine de mort contre ceux qui oseroient approcher, en sont les seules causes. D’ailleurs un rapport fait par Barère à ce sujet, et dont l’insertion au bulletin avoit été ordonnée, n’ayant point été imprimé, ce silence n’a pas manqué d’ajouter aux craintes qu’on avoit déjà conçues. BARÈRE déclare avoir remis sur le bureau l’original de son rapport; il ignore pourquoi il n’a pas été inséré au bulletin : au reste il observe que Meudon est l’objet des inquiétudes, non des bons citoyens, mais des amis de l’Angleterre. [Lorsque nous y fûmes, des gens cherchaient à semer des inquiétudes parmi les citoyens de Meudon; nous les fîmes arrêter et ce fut alors que furent posés des poteaux] (74). Je ne connois, dit-il que les amis de Pitt et de Georges qui puissent vouloir pénétrer le secret des opérations qui s’y font. (De violens murmures interrompent l’orateur.) [BENTABOLE, l’interrompant : apprends que je suis représentant du peuple et que je suis comme mes collègues, pour tout surveiller ( applaudissemens )] (75). Un membre : Chacun de nous n’est-il-pas surveillant comme Barère! Un autre : Barère a-t-il seul la confiance publique ? Un autre : Depuis quand Barère a-t-il la confiance publique? BARÈRE : On ne m’a pas entendu. A moins d’avoir perdu le sens commun, je ne puis avoir dit que la Convention n’a pas le droit de surveillance générale sur tous les établissemens publics. Mais je ne puis pas tout dire; il est des principes qui ne peuvent pas être contestés, celui-là est du nombre. Mais, citoyens, (73) M. U., XLIII, 448. (74) Ann. R. F., n° 286. (75) J. Perlet, n° 721. Meudon et les expériences qui s’y font sont comme vos plans de campagne, le secret en fait le succès. Vous avez le droit incontestable de demander communication de vos plans de campagne, mais jamais vous n’en avez ordonné la publicité. BARRAS : Lorsque je fus chargé de la surveillance de la force armée de Paris, à l’époque mémorable du 9 thermidor, d’excellens citoyens vinrent me faire part des inquiétudes du peuple sur cet établissemnt important. Je me transportai au comité de Salut public, pour lui demander que des membres, autres que ceux du comité, fussent chargés de la surveillance de cet établissement. Cette mesure seule pou voit alors tranquilliser les citoyens, je dirai plus, quelques membres de la Convention; on me répondit que les opérations qui se faisoient à Meudon étoient un secret qui ne devoit pas sortir du comité. On demande l’ordre du jour. BARRAS : Je n’entends pas accuser le comité; j’exigeois une explication franche qui pût dissiper les inquiétudes. Barère promit de faire un rapport, il le fit : J’ignore comme lui pourquoi il n’a pas été inséré au bulletin. Ce qui m’étonne, c’est que l’on s’exprime ici comme au temps de Robespierre; un membre conçoit-il des inquiétudes peut-être mal fondées, on le traite de conspirateur. Citoyens, pareille expression ne peut convenir qu’à ceux qui la prodiguent facilement. On demande l’ordre du jour; l’Assemblée y passe, et lève la séance (76). La séance est levée à trois heures (77). Signé, Bernard (de Saintes), président ; Bentabole, Borie, Cordier, Guffroy, L. Louchet, Reynaud, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 21 [ Adresse de la société populaire et montagnarde d’Apt, département de Vaucluse, à la Convention nationale , le 10 fructidor an II ] (78) (76) Débats, n° 723, 450-451. Moniteur, XXI, 752; M.U., XLIII, 448; Ann. Patr., n° 621; Rép., n° 268; F. de la Répübl., n° 434; Ann. R. F., n° 286; C. Eg., n° 756; J. Mont., n° 138; J. Fr., n° 719; J. Perlet, n°721; J. Paris, n° 622; Gazette Fr., n° 988. (77) P.-V., XLV, 242. Moniteur, XXI, 752, J. Perlet, n° 721, indiquent quatre heures. M. U., XLIII, 448, J. Fr., n° 717. indiquent trois heures et demie. (78) M. U., XLIII, 451-452; J. Mont., n° 137.