SÉANCE DU 18 FRUCTIDOR AN II (4 SEPTEMBRE 1794) - N°* 2 229 quelque repaire qu’ils se réfugient. Quoique placés à l’extrémité des frontières nous avons appris en frémissant les dangers que vous avez courus, nous avons envié le sort des braves Républicains de Paris, qui de leurs corps ont fait un rempart à la Convention, et nous aussi nous nous serions dévoués pour recevoir les coups mortels qui allaient vous êtes portés. Mais la cause du peuple triomphe et la chute des tyrans est une victoire pour lui. 0 dans les fastes de la Révolution, ton ombre semblait favoriser les projets ambitieux de ces monstres qui voulaient nous redonner des fers, de ces hommes d’autant plus dangereux qu’ils étaient dans le sein même de la Convention et qui voulaient assassiner la liberté au moment même où nos armées victorieuses s’affermissaient sur tous les points de la République. Mais le jour en reparaissant les a vus anéantis, comme un réveil heureux dissipe les effets d’un songe funeste. Exemple terrible et frappant pour les ennemis du peuple, que la Révolution du 9 au 10 thermidor soit à jamais mémorable à ceux qui seraient assez téméraires, que d’oser concevoir des projets aussi affreux, et qui voudraient arracher la liberté au peuple français. Et vous qui justifiez si bien la confiance qu’il vous a accordée conservez cette attitude fière et majestueuse digne des hommes libres, que le volcan révolutionnaire dévore et engloutisse tous les conspirateurs. Nous seconderons vos efforts dans l’exécution des lois, nous partagerons vos travaux, et nous surveillerons les ennemis de la chose publique, nous en avons pris depuis longtemps l’engagement solennel, nous y serons fidèles, et nous vous le renouvellerons toujours avec empressement. Arago, Carbonel, Dauleville, Viernu, Esté ve, Ribes Carcasonne. 2 Le comité de Surveillance et révolutionnaire de la commune de Marseille écrit que la Convention nationale a toujours été le centre de réunion; qu’il vient dans son sein déposer ses peines et ses craintes sur ce que l’esprit public perd tous les jours de son énergie où la marche révolutionnaire l’avoit porté. Il annonce que les aristocrates, les modérés, les nobles, les prêtres et tous les ennemis de la chose publique lèvent une tête insolente; que, dans leur frénésie, ils comptent sur un oubli absolu de leurs crimes; qu’ils en méditent de nouveaux, qu’ils atten-doient, avant la chute du scélérat Robespierre, un changement avantageux; que plusieurs lettres surprises annoncent que dans un mois les nobles avoient l’espoir d’être rendus à leur premier état; que les moyens les plus perfides sont employés pour conduire, par le modérantisme, à la contre-révolution; qu’il en a une nouvelle preuve par la soustraction d’un paquet adressé à un détenu, contenant 356 billets de la ci-devant loterie, portant trois fleurs-de-lys; qu’il est facile de voir qu’un de ces billets était pour chaque détenu, qui par là avoit un moyen facile de se faire reconnaître par les conjurés; voilà, dit ce comité, ce qui se passe autour de nous; le mal croît, il exige un remède prompt, nous ne le voyons que dans le resserrement des mesures révolutionnaires. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi aux comités de Salut public et de Sûreté générale (11) Le comité de surveillance révolutionnaire de la commune de Marseille à la Convention nationale (12) Citoyens Représentans, La Convention a toujours été le centre de notre réunion; c’est dans son sein que nous venons déposer nos peines et nos craintes sur les suites désastreuses qui peuvent résulter de l’appauvrissement de l’esprit public; il perd chaque jour de l’énergie à laquelle la marche révolutionnaire l’avoit porté. Les aristocrates, les modérés, les nobles, les prêtres et tous les ennemis de la chose publique, lèvent une tête insolente; les portes des prisons semblent trop lentes à s’ouvrir, pour vomir dans la société des scélérats qui n’existeront pas, si les tribunaux révolutionnaires n’avoient été suspendus. Dans leur frénésie, ils comptent sur un pardon, sur une amnistie générale, sur un oubli absolu de leurs crimes; ils en méditent de nouveaux; ils attendoient, avant la chute du scélérat Robespierre, un changement avantageux dans leur position; plusieurs lettres surprises en sortant des maisons d’arrêt annoncent que dans un mois les nobles avoient l’espoir d’être rendus à leur premier état. Un décret venoit de les écarter pour toujours, eux et les ex-prêtres, des fonctions publiques; son exécution a été suspendue; nouveau motif pour croire à cette singulière prophétie; nouvelles prétentions de la part des amis des détenus; nouveaux murmures contre les autorités constituées qui n’entrent pas dans leurs vues; les moyens les plus perfides sont mis en usage pour conduire le modérantisme à la contre-révolution. Voici une nouvelle preuve de cette vérité. Nous venons d’arrêter une femme qui s’est présentée à la porte de la maison de justice, avec un paquet adressé à un détenu, contenant 356 billets de la ci-devant loterie royale de France pour l’année 1786, et portant tous trois fleurs-de-lys, et le numéro du bureau 612 pour le tirage du mois de septembre; il est facile de voir qu’il devoit y avoir un de ces billets pour chaque détenu, qui, dans tous les cas, avoient un moyen facile de se faire reconnoître par les autres conjurés. Nous vous rendrons compte des résultats ultérieurs de cette découverte. (Il) P.V., XLV, 37. (12) Bull. 18 fruct. (suppl.), Moniteur, XXI, 675; Débats, n° 714, 307-308; Rép., n° 259; J. Paris, n° 613; M.U., XLIII, 295; Ann. R. F., n° 276; F. de la Républ., n° 428; Ann. Patr., n° 614; J. Fr., n° 710; Gazette Fr., n° 978; J. Univ., n° 1747; J. Mont., n° 128. 230 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Voilà, Législateurs, ce qui se passe autour de nous; voilà ce qu’il vous importe de connoître; le mal croît, il exige un remède prompt; et nous ne le voyons que dans le resserrement des mesures révolutionnaires; nous ne l’espérons que de l’énergie des Montagnards, qui, tant de fois, ont sauvé la patrie; nous ne l’attendons enfin que de l’activité des tribunaux révolutionnaires, qui ont toujours contenu par la terreur et la crainte des hommes qui ne savent que conspirer votre dissolution, votre perte et celle de tous les amis de la liberté. Législateurs, vous le savez, nous ne devons pas compter sur la conversion des traitres, pas même sur celle des hommes qui ne sont attachés dans aucune circonstance au char de la révolution; les uns et les autres en sont les ennemis nés; ils veulent la tranquilité de l’esclavage, et ne savent faire aucun sacrifice pour la liberté; la crainte et la terreur peuvent donc seules contenir ceux qui complottent en secret, et ces parasytes qui cherchent le repos dans l’ancien ordre de choses qu’ils regrettent. Nous sentons plus que jamais, que si la justice envers les innocens est un devoir rigoureux qui est de tous les temps et de toutes les circonstances, la sévérité la plus mâle, la plus répressive, doit sans cesse être à côté d’elle, et présenter toujours les fers et la mort aux conspirateurs. BENTABOLE : Je demande que le comité de Salut public fasse, sous trois jours, un rapport sur la suspension du décret qui exclut les ci-devant nobles et prêtres de toutes fonctions publiques, et présente à la Convention les vues qu’il convient d’adopter définitivement sur cet objet. Cette proposition est décrétée (13). 3 La société populaire de Champigny-sur-Veude [département d’Indre-et-Loire], mande que depuis l’heureuse révolution du 10 les aristocrates et les malveillants lèvent la tête; qu’ils assimilent tous les patriotes aux conjurés que la Convention a abattus; elle propose, pour mesure révolutionnaire, de mettre en réclusion tous les nobles. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité de Salut public (14). 4 La société populaire montagnarde d’Ax, département de l’Ariège, demande que le représentant du peuple, Chaudron-Roussau, qui a fait poursuivre le crime et fait triompher l’innocence opprimée, soit conservé en mission dans leur département. Insertion au bulletin, et renvoi au comité de Salut public (15). (13) Moniteur, XXI, 675. Voir plus loin n° 65. (14) P.-V, XLV, 37-38. (15) P.-V., XLV, 38. 5 L’agent national du district de Libreval [ci-devant Saint-Amand-Montrond], département du Cher, annonce que l’anniversaire du 10 août a été célébré à Libreval, le 23 thermidor, avec la plus vive alégresse, et qu’à l’autel de la patrie tous les citoyens ont juré de se lever en masse contre tout usurpateur ennemi de la souveraineté du peuple; il ajoute que l’esprit public du district est excellent et révolutionnaire, et qu’il a encore envoyé dernièrement trois milliers de salpêtre à la raffinerie de l’Unité. Insertion au bulletin et renvoi au comité de Salut public (16). 6 L’agent national du district de Compïègne écrit que les citoyens de ce district ont célébré le 10 août les victoires de nos armées et le triomphe des réprésentants du peuple sur les intrigants, les dominateurs et les Catilina. Insertion au bulletin (17). [L’agent national du district de Compiègne au président de la Convention nationale, le 24 thermidor an II] (18). Citoyen Président, Hier 23 thermidor on a célébré dans l’étendue du district de Compiègne l’époque mémorable du 10 août 1792, et les victoires de nos armées sur les satellites des despotes, et le triomphe de nos représentans sur les intri-guans, les dominateurs et les Catilina. Dans la commune de Compiègne toute la fête a été mise en action; dans la matinée un palais élevé près la forêt a été attaqué et pris par les républicains; l’après-midi a été consacré à une pompe funèbre en l’honneur de nos frères morts au dix-août, à une marche triomphale, des danses et autres plaisirs publics qui n’ont été interrompus que par des cris de vive la République, vive la Convention, périssent les tyrans. Il est impossible de peindre la gaîté et les plaisirs de cette fête; ce n’est que dans un régime tel que le nôtre qu’on en trouve de semblables. Dans les fêtes publiques données par les despotes, le rire n’étoit que grimace et le peuple qu’on feignoit d’amuser y portoit malgré lui l’image de la douleur et la livrée de la misère. Mais ces maux sont disparus, et mille fois vive la République, Salut et fraternité. Bertrand (16) P.-V., XLV, 38. (17) P.-V., XLV, 38. (18) C 319, pl. 1 305, p. 11.