[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1790.] proposition de faire figurer à la fédération celui que le roi a nommé chef d’escadre : on a fait lecture d’une lettre qui annonce que l’escadre anglaise est sortie de Porstmouth; aussitôt on a fait la motion de renvoyer celte lettre au pouvoir exécutif, comme si. ce n’élait pas à vous qu’il appartient de délibérer sur les grandes destinées de l’Etat. On vous a fait décréter que vous secourrez ce qu’on appelle vos alliés. (Il s’élève de grands murmures dans presque toutes les parties de la salle.) Je n’entends parler que de guerre. Si vous adoptez le détail des mesures dont le ministère a bien calculé l’effet, on tâchera de persuader aux nations étrangères que l’Assemblée nationale est d’accord avec le ministère, et le ministère avec les cabinets étrangers. En conséquence, je fais la motion que toutes ces propositions soient ajournées, et que l’Assemblée fixe un jour où elle s’en occupera. C’est le moyen d’écarter les manœuvres de tous les ministres du monde. M. Démeunter. Je suis surpris que dans une séance du matin et sans l’avoir annoncée, on traite une pareille question : après avoir écarté tous les obstacles au dedans, il faut en combattre de nouveaux au dehors -, il faut user de circonspection; c’est à vous à attendre le résultat des négociations commencées. N’ordonnez pas des préparatifs de guerre, au moment où l’on est occupé d’une négociation. Vous verrez ce qu’on veut tramer contre vous; mais usez toujours de loyauté: c’est au ministre de vous prévenir de votre situation par rapport aux nations étrangères. Nous avons manifesté solennellement nos sentiments pacifiques ; cependant, si l’on nous force à faire la guerre, nous la ferons; et certes, j’ose le dire, nous la ferons aveccourage Jedemandequ’on passe à l’ordre du jour, et que lorsqu’on traitera cette question, elle soit auparavant annoncée sur le tableau . L’Assemblée décide qu’elle passera à l’ordre du jour. M. le Président. J’ai reçu de M. le premier ministre des finances un mémoire relatif aux besoins du Trésor public. Un de MM. les secrétaires va donner lecture du mémoire. Il est ainsi conçu (1) : « J’adresse exactement au comité des finances les bordereaux des recettes et des dépenses de chaque semaine. « Je lui ai remis, de plus, le tableau général des recettes et des dépenses pour le mois de mai, et aujourd’hui ou demain il recevra celui du mois de juin qui vient de finir. « Enfin, je lui ai envoyé l’aperçu des besoins et des ressources de ce mois, aperçu d’où il résulte qu’en faisant usage du fonds de caisse en entier, il faudrait pour ce mois un supplément de 35 millions. Il est donc nécessaire que l’Assemblée nationale autorise la délivrance de 45 à 50 millions, soit en billets de la caisse d’escompte portant promesse de fournir des assignats, soit en assignats mêmes à prendre sur les parties qui vont être successivement achevées, ainsi que les membres du comité des finances, nommés poursuivre cette fabrication, pourront vous en rendre compte. « J’ai rappelé dans mon dernier mémoire à (1) Le Moniteur se borne à mentionner l’envoi, de ce mémoire : nous en empruntons le texte au Journal de Paris, année 1790, page 753. l’Assemblée nationale les principales causes des besoins extraordinaires de l'année. « Anticipations à rembourser ; <« Payement d’un double semestre aux rentes; < Dépenses extraordinaires ; « Dépérissement du produit des droits indirects. « J’ai évalué ces quatre articles à 32 millions par mois; ils se monteront plus haut parce que les diminutions de produit sur les impôts indirects vont en croissant. « J’ai fait observer, de plus, que les besoins des huit derniers mois de l’année n’étaient pas répartis également. « Voici par quelles raisons ceux du mois de juillet sont plus considérables que les besoins des autres mois: « 1° La dépense des anticipations à rembourser dans le mois de juillet sera de sept millions et demi plus forte que le terme moyen des huit derniers mois de l’année; « 2° La supériorité des dépenses ordinaires sur les revenus ordinaires existe encore en grande partie ; « 3° L’accroissement de solde accordé aux soldats n’est pas encore balancé par des diminutions sur les autres dépenses du département de la guerre; « 4° Plusieurs dépenses qui se payent au Trésor public et à la guerre, soit par semestre, soit par nuartier, grossissent en tous temps les dépenses du mois de juillet. « Les indices que je viens de donner suffisent pour expliquer d’une manière générale l’étendue des besoins du mois de juillet et l’examen circonstancié que le comité des finances pourra faire de tous les comptes remis entre ses mains, lui donnera le moyen de vous éclairer avec toute la précision que vous désirerez. « Je dois faire observer encore que la contribution patriotique de province donne jusqu’à présent peu de secours, quoiqu’elle s’annonce convenablement, et ce qu’on a reçu de la contribution de Paris consiste essentiellement en compensation d’arrérages. « J’ai rappelé plusieurs fois à l’Assemblée nationale et je lui rappelé encore qu’elle n’a point décrété la répartition entre les provinces du remplacement de la gabelle et du droit sur les cuirs, les fers, les amidons, les huiles, etc.; en sorte qu’on ne peut pas commencer à s’occuper du recouvrement. « Je rappelle aussi que le Trésor public, loin d’avoir reçu le remplacement des quatre millions en vide au 1er mai sur les impositions directes par le retard de leur recouvrement, s’est trouvé depuis cette époque dans la nécessité de rembourser encore 2,450,000 livres de rescriptions sur ces mêmes impositions à défaut de moyens de la part des receveurs généraux . « Enfin, je ne puis éviter de fixer l’attention de l’Assemblée sur la constante dimiuution du produit de la ferme du tabac et de la plus grande partie des impôts indirects. » M. Briois de Beaumetz, au nom du comité des finances , propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, décrète que la caisse d’escompte sera autorisée à verser au Trésor public la somme de 45 millions en ses billets portant promesse d’assignats, lesquels seront échangés 696 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1790.1 contre des assignats-monnaie, lors de leur émission; « Ordonne, en outre, que son comité des finances lui rendra incessamment un compte détaillé de l’aperçu spéculatif, fourni parle premier ministre des finances, des recettes et des dépenses des 8 derniers mois de la présente année, pour, sur son rapport, être pourvu définitivement à la remise du restant des 400 millions d’assignats, conformément à ses précédents décrets. » (Ce décret est adopté sans discussion.) M. Démeunier. Vous avez renvoyé à aujourd’hui le projet de décret sur les apprêts de la fédération générale. Je commence par vous prévenir qu’il n’est pas question d’en faire porter la dépense au Trésor public, mais seulement d’autoriser des commissaires à vérifier les pouvoirs des députés envoyés par les provinces. Je vais vous lire notre projet de décret: « L’Assemblée nationale, considérant qu’il est nécessaire d’établir une commission pour vérifier les titres des députés des gardes nationales et autres troupes qui doivent se rendre à Paris ; « Considérant, de plus, que la municipalité de Paris n’est point organisée; que les circonstances actuelles ont même obligé d’en différer l’organisation; qu’enfin il n’existe aucune administration de département, qui puisse, aux termes des décrets constitutionnels, autoriser les délibérations qui ont été prises, tant par les cent vingt commissaires nommés par les sections, que par les sections elles-mêmes relativement à la fédération générale, indiquée au 14 de ce mois, a décrété ce qui suit : « l°Le maire de Paris, les six commissaires nommés par le conseil de ville, et les six commissaires nommés par les cent vingt commissaires des sections, donneront les ordres de détail relatifs aux dépenses de la fédération (1). « 2° Les cent quatorze commissaires restants vérifieront et enregistreront les procès-verbaux de nomination des députés qui se présenteront pour être admis au serment de la fédération. Ils se partageront d’ailleurs tous les autres objets de travail, auxquels la fédération pourra donner lieu. « 3° Le maire et le commandant général de la garde nationale de Paris veilleront spécialement, en cette occasion, à la sûreté et à la tranquillité publique. » (Ce décret est adopté sans opposition.) M. Démeunler présente ensuite un autre décret sur le serment à prêter à la fédération. Ce décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que les' députés des gardes nationales et autres troupes qui viendront à Paris, pour la cérémonie de la fédération générale, indiquée au 14 de ce mois, y prêteront le serment qui suit : « Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi ; « De maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée parle roi; « De protéger, conformément aux lois, la sûreté des personnes et des propriétés, la libre circulation desgrains et subsistances dans l’intérieur du royaume , et la perception des contributions (1) Voyez le rapport des commissaires annexé à la séance de ce jour. publiques, sous quelques formes qu’elles existent; « De demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité. » M. Barnave. Je demande la parole, pour ajouter au décret une disposition que je crois essentielle, afin de prévenir l’enthousiasme qui doit naître de la fédération générale. Je propose de décréter que l’Assemblée ne prendra aucune délibération hors du lieu de ses séances. Cette proposition est adoptée, à l’unaaimité, en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que pendant la durée des cérémonies delà fédération indiquée au 14 de ce mois, elle ne recevra aucune adresse, pétition ou motion, et ne prendra aucune délibération hors du lieu ordinaire de ses séances. » M. Delley-d’Agler. Vous n'avez pu vous occuper encore des décrets nécessaires pour fixer constitutionnellement le mode sous lequel vous correspondrez à l’avenir avec le chef suprême du pouvoir exécutif. Vous avez cru qu’il était également digne de votre zèle de ne point vous distraire des grands et importants objets soumis à vos délibérations, et d’attendre l’époque où les circonstances sembleraient exiger que vous déterminassiez les formes et l’appareil dont les représentants d’une grande nation doivent être environnés dans toutes les fêtes et cérémonies publiques. Au momentoù de toutes les parties de l’Empire les amis de la Constitution viennent jurer de la maintenir; lorsque le spectacle le plus saint, le plus imposant, le plus auguste, va consacrer vos immortelles institutions, il est de la dignité de l’Assemblée nationale et Constituante de France de ne plus différer de s’expliquer. Vous avez tous jugé que le premier trône du monde exigeait un grand éclat ; et vos sacrifices, pour conserver au roi des Français toute l’étendue de magnificence qui distinguait si spécialement sa cour, ont égalé votre amour po?ir sa personne. Mais lorsque le chef suprême de la nation, dépositaire de toutes les forces actives de l’Empire, est assuré de toute la plénitude des hommages et des respects, c’est à vous d’assureraussi au Corps législatif des droits aux mêmes hommages et aux mêmes respects. Vous sentez déjà que rien ne s’opposerait davantage à cette haute considération que vous devez concilier à la nation en la personne de ses représentants, que de continuer d’ordonner à votre président de se retirer par devers le roi, et à l’exposer, pendant cette espèce d’isolation, à être méconnu ou compromis. Vous pensez donc que l’Assemblée nationale doit être inséparable de son président ; et que deux de ses membres, députés à cet effet, seront dorénavant chargés de se retirer par devers le roi, toutes les fois que les circonstances l’exigeront. Vous êtes sans doute également persuadés qu’il est nécessaire d’achever de régler la formule des décrets, celle des acceptations et sanctions, de régler enfin le mode sous lequel seront données ces acceptations et sanctions, afin de concilier les égards dus au monarque avec la dignité du Corps législatif, et surtout, afin que vos décrets et les lettres de proclamation qui en sont la suite, ne présentent plus des expressions que la flatterie ou la servitude pouvait avouer, mais qui ne doivent plus se retrouver dans les fastes d’une nation loyale et libre. Je demande que ma motion soit renvoyée au