[Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 septembre 1789.] L’Assemblée accorde ensuite la priorité au projet d’arrêté présenté par son comité des finan-C0S. Les nombreux amendements présentés sont successivement mis aux voix et rejetés à l’exception de trois. Le premier ordonne la suppression de toutes les commissions et chambres souveraines qui jugent des faits de contrebande et de faux-saunage, et de leurs subdélégations, quelque part qu’elles soient établies, et le renvoi de toutes contraventions de ce genre aux juges qui en doivent connaître, pour ètrejugéessommairementàl’audience. Le second abolit toutes visites domiciliaires de la part des commis -et agents de la ferme générale. Le troisième prononce la suppression de la gabelle aussitôt que le remplacement en aura été combiné avec les administrations provinciales. Trois autres amendements concernant : le premier, la suppression des commissions connues dans certaines provinces, sous le nom de réfpr-mation des bois, des salines; le deuxième, l’indemnité réclamée par les provinces rédimées; le troisième, la demande de la Lorraine et des Trois-Evêchés, de ne payer le sel que 4 sous la livre, attendu que le sel qui est fourni à cette province est, par son infériorité, dans la proportion de 2 à 3 avec le sel que consomment les autres provinces, sont ajournés du consentement des membres qui les ont proposés. L’Assemblée, passant ensuite à l’examen du projet d’arrêté proposé par le comité des finances, l’adopte et ordonne qu’il sera envoyé au comité de rédaction pour y insérer les amendements adoptés. Dans le cours des discussions sur l’arrêté et les amendements, tous les députés des provinces franches ou rédimées ont insisté, au nom de leurs commettants, sur la suppression de la gabelle et l’exemption de toutimpôtquiseraitétabli en remplacement; et ceux des pays de petite gabelle, sur une répartition de cet impôt non excédante de leur contribution, dans le régime actuel. Ils ont demandé qu’il fût fait mention , dans le procès-verbal, de l’expression de leur vœu à cet égard. MM. les députés de Provence ont de plus réclamé particulièrement l’abolition des peines contre ceux dont les troupeaux vont s’abreuver dans les eaux et fontaines salées. M. le Président indique la séance pour demain neuf heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE, PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE. Séance du mardi 22 septembre 1789, au matin (1). Un des secrétaires fait la lecture des procès-verbaux des séances du 21 matin et soir. Plusieurs membres, députés des provinces fran-\1) Celte séance est incomplète au Moniteur ches, rédimées, et de petite gabelle, -réclament, au nom de ces mêmes proviuces, pour qu’elles soient comprises dans l’énoncé d’une déclaration relative au décret sur les gabelles, prononcé la veille ; mais leur empressement les ayant portés en foule autour du bureau, le président décide, en faveur de l’ordre de l’Assemblée et du jour, que ces réclamations ne seront reçues qu’après la fin de la séance, et seront rappelées collectivement dans le procès-verbal d’hier. On lit ensuite diverses adresses. Celle des habitants d’Aignay-le-Duc, avec deux délibérations ; l’une prise conjointement par les villages d’Eta-lante, Melleran, Saint-Béron, Montmoyen, Beau-notte, Origny, Quémigny, Quéminerol, Cône, Beaulieu, Moitron, Bellenod, Duesmeset Mauvilly, contenant l’expression des sentiments de respect et de reconnaissance pour l’Assemblée nationale, et de soumission à ses décrets ; la seconde portant l’adhésion particulière aux arrêtés du 4 août , l’établissement d’une milice nationale, et l’offre de verser une somme de 20,000 livres dans la caisse de l’emprunt national. Sur l’observation qu’a faite un des membres, que cet argent était entre les mains des receveurs généraux de la province , le président a été autorisé à demander au premier ministre des finances la translation de ce dépôt de la caisse du receveur des domaines à celle de l’emprunt national. A l’envoi de ces pièces est jointe une lettre énonçant une souscription patriotique, encore trop modique pour être présentée à l’Assemblée nationale. Une adresse des corporations d’arts et métiers de la ville de Toulouse, qui demandent à conserver leurs anciens statuts et privilèges, disant que le régime contraire rendrait leurs ateliers déserts. Une délibération des citoyens de tous les ordres de la ville de Pezenas, portant adhésion aux arrêtés de l’Assemblée nationale, et l’expression du plus tendre et du plus respectueux attachement pour leur bon Roi ; elle annonce une souscription patriotique de la même ville. Une délibération de la compagnie de l’Arquebuse de Provins, qui déclare renoncer à ses privilèges utiles. Une adresse de félicitation et d’adhésion des curés et habitants de la paroisse de Saint-Pierre de Lanneray et des villesjet paroisses de Pouzauges et Vieux-Pouzauges ; cette dernière demande un siège royal. Une délibération de la commune de Romans, et des forains qui y payent des impositions, par laquelle ils invitent toutes les municipalités de la province à une association dont le but est: 1° de défendre jusqu’au dernier soupir les arrêtés de l’Assemblée, de s’y conformer rigoureusement, et cependant, jusqu’à ce que de nouvelles lois aient remplacé ou modifié les anciennes, de ne point souffrir qu’elles soient impunément violées; 2° d’engager tous les citoyens à acquitter sur-le-champ les arrérages dus sur les droits du Roi ; é payer, à l’époque du premier janvier, les six premiers mois des impositions de l’année prochaine, et à celle du premier juillet, les six derniers, et à prendre des mesures pour empêcher la stagnation des deniers publics dans la caisse des trésoriers. Une adresse de félicitation du bourg de Saint-Esprit-les-Bayohhe, à laquelle est jointeïa demande d’une municipalité. Un mémoire du clergé d’Alsace, et un extrait des délibérations des chambres ecclésiastiques [Assemblé» nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |22 septembre 1789.] 99 de Strasbourg et Wissembourg, diocèse de Spire, par lesquels le clergé qui les compose déclare ne pouvoir adhérer aux arrêtés pris les 4 août et jours subséquents, n’ayant pas donné à cet égard des pouvoirs suffisants à ses députés, et supplie l’Assemblée de prendre en considération les motifs déduits dans le mémoire. Un membre a observé que cette adresse, contenant un acte de protestation contre les décrets de l’Assemblée, ne devait pas être admise, mais renvoyée. Après une courte discussion dans laquelle un membre a observé que, selon les apparences, cela regardait une des observations qui nous avaient été proposées par le Roi relativement aux princes de l’empire; un autre, que le clergé d’Alsace devait confondre ses intérêts dans ceux de la nation; un dernier enfin, qu’il n’y avait point de protestation prononcée. On a demandé l’ajournement, et il a été décidé qu’il aurait lieu. On fait ensuite l’énumération des diverses offres patriotiques dans l’ordre qui suit : Une demoiselle de Nîmes, qui garde l’anonyme, offre "à l’Assemblée nationale, par l’organe d’un député de cette ville, le fruit de ses épargnes de demoiselle, qu’elle destinait à sa parure, et dont elle fait le sacrifice aux besoins de l’Etat; une lettre de change de 303 livres est jointe à la lettre. M. Samary, curé de Carcassonne, député, a fait hommage à la nation d’une somme de l ,000 livres. M. Angeoin, invalide à Blois, fait offre d’une somme de 200 livres, dont.il envoie une quittance sur le trésorier des Invalides. M. Edelmann, auteur de pièces pour le clavecin, offre un billet de loterie et son coupon, de la valeur de 520 livres. Le billet et le coupon sont joints à la lettre. M. Navier, bourgeois de Paris, après divers projets qu’il propose concernant des dons patriotiques à faire, termine sa lettre par ces mots : « Si l’Assemblée refuse mes projets et n’accepte que des dons volontaires, je ferai remise d’une année d’arrérages sur le Roi, qui montent à 1,400 livres; j’aurai l’honneur d’en envoyer les quittances signées, pour les six derniers mois de 1788, et les six premiers mois de 1789, à la personne qui sera chargée de recouvrer les dons volontaires ». M. Albert, propriétaire des bains méridionaux établis à Paris, quai d’Orsay, offre à l’Assemblée le centième de son bien, montant à 300,000 livres. M. Mangin fait hommage d’une somme de 1,000 écus sur ce qu’il sollicite pour ouvrages faits à Saint-Sulpice ; et en annonçant le même sacrifice sur tout ce qui lui est dû, il déclare que son offre pourra compléter la somme de 10,000 livres. MM. les officiers du bailliage de Loud un offrent de rendre la justice gratuite. MM. Dumoustier et Bion, membres de l’Assemblée, et de ce bailliage, adhérent à cette généreuse résolution. M. Gaud, commissaire des guerres, employé sous les ordres de M. de la Tour du Pin, fait hommage d’une somme de 2,000 livres qu’il a à recevoir au Trésor royal; la quittance est jointe. M. le comte de Failly, député du bailliage de Vitry-le-Français, fait à la nation le sacrifice d’une somme de 1U>000 livres payables en divers effets et à différents termes ; mais il demande que cela soit imputé sur son centième denier, s’il est prononcé. M. Golson, député du clergé du bailliage de Sarre-guemihes, a fait offre, delà part d’un de seseom-mettants, d’une seconde somme égale à la cote du don gratuit ; et de la part d’un autre de ses commettants, d’une somme de 24 louis, faisant le tiers du total des revenus annuels de sou bénéfice, et, en outre, d’une demi-douzaine de couverts d’argent faisant toute son argenterie. Cette longue suite d’offres et ces dons patriotiques ont été accueillis avec tous les signes d’approbation et de reconnaissance ordinaires. M. Boéry, député du Berry, annonce, au bruit des applaudissements, que le Roi et la Reine ont fait le sacrifice de leur argenterie en l’envoyant à la Monnaie. M. Boéry fait la motion suivante ; Le sacrifice auquel le Roi s’est déterminé en envoyant son argenterie à la Monnaie, nous prouve assez qu’en voulant consacrer à jamais la liberté, il veut aussi rétablir l’orcffe des finances. Un si généreux patriotisme est bien capable de donner l’éveil le, plus puissant à tous les cœurs français. Dans ce moment, lorsque la nation est rassemblée, souffrira-t-elle que le Roi se prive d’une superbe argenterie, le chef-d’œuvre de l’art, ouvrage des artistes les plus célèbres, et qui fait l’admiration de tous les princes étrangers? Vous ne souffrirez sans doute pas, Messieurs, que le sacrifice auquel le Roi s’est déterminé s’accomplisse. Déjà vous avez annoncé que vous alliez décréter que les citoyens payeraient le centième de leur fortune; les députés du Berry renouvellent ces engagements; ils font leur soumission pour payer le centième de leur fortune, et leur soumission, ils l’ont déposée sur le bureau. M. le comte de Mirabeau. Je ne m’apitoie pas aisément sur la faïence des grands ou la vaisselle des rois ; je pense néanmoins, comme les préopiuants, qu’il n’y a pas lieu à délibérer, mais par une raison différente: c’ést qu’on ne porte pas un plat d’argent à la Monnaie qui ne soit aussitôt en circulation à Londres. M. de TouloAgeon voudrait qu’on prît des moyens plus grands et plus dignes d’une nation pour le payement des dettes de l’Etat ; mais dans les calamités publiques, c’est le luxe corrupteur, ce sont les jouissances fastueuses et les richesses stériles qu’il faut sacrifier à la sûreté de la patrie. M. Besehamps parle avec éloquence, et intéresse l’Assemblée ; enfin un cri presque général s’élève pour que M. le président se retire auprès du Roi, pour lui porterie vœu de l’Assemblée. D’un autre côté, quelques personnes interrompent la discussion, et retardent la délibération. M. le Président observe que l’argenterie est peut-être déjà partie ; qu’il faut mettre beaucoup de promptitude dans la délibération. M. le Président parvient enfin à recueillir les voix, et presque à l’unanimité, il est décrété que M. le président se retirera sur-le-champ par devers le Roi pour le supplier de conserver sa vaisselle. M. le Président se retire pour exécuter le décret de l’Assemblée nationale, et M. de la Luzerne, évêque de Langres, monte à la place du président pour en faire les fonctions. De grands débats s’élèvent pour savoir quel sera l’ordre du jour, Les uns proposent de reprendre la question des assemblées provinciales, les autres de suivre la série présentée par M. Guillotin : alors il faut définir la sanction. M. Target monte à la tribune. Nouveau mem-