SÉNÉCHAUSSÉE DE DRAGUIGNAN, Nota. Les cahiers du clergé et dé la noblesse de la sénéchaussée de Draguignan manquent aux Archives de VEmpire. Nous demandons ces deux documents à Draguignan même, et nous les insérerons dans le Supplément qui terminera le recueil des cahiers. CAHIER GÉNÉRAL Des doléances du tiers-état de la sénéchaussée de Draguignan (1). Un monarque juste et bienfaisant daigne appeler son peuple autour de lui, pour puiser dans le concours des lumières et des sentiments de ses fidèles sujets les moyens les plus sûrs de rétablir l’ordre, de réformer les abus, de fixer à jamais une administration pure et économique, d’assurer enfin la prospérité générale du royaume. Ainsi, sous un Roi citoyen, l’espérance renaît du sein du malheur même -, l’époque la plus funeste pour la monarchie devient la plus mémorable, et des jours de paix et de bonheur vont succéder à ces temps de désordre, de confusion et d’abus qui avaient mis l’Etat si près de sa perte. Pour concourir à ce grand objet d’une régénération universelle, le tiers-état de la sénéchaussée de Draguignan vient déposer aux pieds de Sa Majesté ses doléances sur les abus, dont les effets frappent plus directement sur lui, ses vues sur la réformation, sur l’établissement d’uû ordre sage, fixe et durable, et les sentiments profonds dont il est pénétré pour un souverain si digne d’amour, qui ne veut que le bien, qui ne recherche que la vérité, et qui se montre plus grand par la noble confiance qu’il témoigne a son peuple, que par le droit de lui commander. ETATS GÉNÉRAUX. C’est de la tenue des Etats généraux que la prospérité générale doit renaître, l’ordre se rétablir dans les finances, la confiance publique s’assurer, l’impôt devenir plus égal, et dès lors moins onéreux, l’industrie prendre un nouvel essor, le commerce une plus grande activité, la fortune de l’Etat se raffermir, la législation civile et criminelle se perfectionner, l’éducation de la jeunesse et les études recouvrer leur ancien lustre (2). La perspective de ces effets salutaires, qui nous sont promis par Sa Majesté elle-même, détermine ■le premier vœu de la sénéchaussée de Draguignan : 1° Pour le retour périodique des Etats généraux de trois en trois ans. 2° Pour le rapprochement de ce terme dans les cas urgents, tels que les changements de règne, de régence, et toute autre révolution imprévue dans l’État. 3° Pour l’attribution aux seuls Etats généraux (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. (2)Discours du garde des sceaux à la clôturé dé l’Assemblée des notables. du droit absolu, exclusif et incommunicable, de consentir, vérifier et sanctionner toutes les lois quelconques émanées de Sa Majesté, soit d’administration, d’imposition ou de police, en tant que ces lois seront générales et relatives à l’universalité du royaume. 4° Pour que le premier acte des prochains Etats généraux soit de publier une loi fondamentale et constitutionnelle, réciproque entre le Roi et la nation, qui établisse, détermine, fixe, confirme et perpétue les droits respectifs et relatifs : loi qui sera enregistrée ensuite dans le greffe des Etats provinciaux, et déposée dans les archives de chaque communauté. 5° Que les Etats généraux s’occupent ensuite du redressement des griefs du tiers-état. 6° Que la dette nationale soit vérifiée et reconnue. 7° Que, pour pourvoir aux moyens de l’acquitter, il soit présenté à la nation assemblée un tableau exact et fidèle du déficit, de la situation des finances, des pensions dont l’état est grevé, des titres et motifs de ces pensions, et généralement de tou ce qui, tendant a constater la dette, peut aider à la liquider. 8° Qu’il sera pris en conséquence les mesures les plus efficaces pour subvenir à son amortissement, par telles suppressions, diminutions, réductions et réformes qu’il sera avisé. 9° Que, pour étouffer à jamais le germe de nouveaux abus, de nouvelles déprédations, les sommes nécessaires à chaque département seront déterminées, l’emploi justifié, les comptes publiés et imprimés; qu’il ne sera enfin rien négligé de tout ce qui peut obvier à de nouvelles dissipations, et maintenir entre le Roi et son peuple ces sentiments d’amour et de reconnaissance qui, ne peuvent exister sans la confiance, qui, en allégeant d’un côté l’exercice des droits du souverain, rend de l’autre plus facile aux sujets l'acquittement de leurs devoirs envers lui. 10° Enfin qu’aucun impôt ne sera votéqu’après les connaissances préalablement acquises, et les délibérations prises sut les objets susmentionnés. Et de suite le tiers-état de la sénéchaussée donne à ses députés aux Etats généraux les pouvoirs nécessaires et suffisants pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui leur paraîtra utile et nécessaire, sur leur âme et conscience, pour raison d’aucun objet ci-dessus non exprimé; les charge spécialement de faire valoir et appuyer les présentes doléances et notamment d’insister : 1° A ce que les délibérations aux Etats généraux soient prises par tête, et non par ordre. 2° A ce qu’aucun député ne soit admis, s’il n’est muni d’un pouvoir authentique légal, conforme aux réglemente du 24 janvier dernier et 2 mars 256 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Draguignan.] suivant, afin de ue pas compromettre, par une admission illégale, la légalité des Etats généraux. CONSTITUTION NATIONALE. La France va commencer une nouvelle vie ; mais ce projet de régénération qui enflamme tous les bons citoyens d’admiration et de reconnaissance, qui ouvre tous les cœurs à l’espérance, qui rallume le patriotisme presque éteint par l’abattement du malheur, ne serait qu’un projet nul, si une loi constitutionnelle, à jamais sacrée et immuable, n’établissait les droits du Roi et de la nation d’une manière à fonder la confiance publique, et n’assurait à toutes les classes de citoyens, sans distinction de privilèges, liberté, sûreté et propriété. Cette loi, qui doit être la pierre angulaire de la monarchie, qui doit prévenir dans l’Etat toutes les commotions résultant d’une constitution mal assurée, qui doit par conséquent être le premier objet de la sollicitude des Etats généraux, embrasse les objets les plus dignes de l’attention du souverain. 1° La liberté individuelle de chaque citoyen vivant selon les lois, de manière qu’aucun ne puisse en être privé que par voie juridique et pour fait dans lequel il aurait abusé de cette liberté. Cette sauvegarde pour la liberté doit s’étendre à l’action, à la pensée, et la liberté de la presse ne peut qu’en être un des plus utiles effets. De là découle encore l’abolition des lettres closes ou de cachet. 2° Sauvegarde également inviolable pour la propriété, dont les droits sacrés sont l’appui le plus immuable de la couronne même. Et de là dérive encore ce principe, qui tient à la constitution de la monarchie, qu’aucun impôt ne peut être établi que par le consentement de la nation assemblée, Et qu’aucun citoyen ne peut être dépouillé, qu’en force de jugement rendu avec pleine connaissance. 3° Une précaution bien essentielle à prendre dans la loi constitutionnelle, est de soumettre les ministres à la dénonciation aux Etats généraux et à une responsabilité personnelle. 4° L’uniformité de l’administration dans tout le royaume est encore un objet bien désirable, et il serait utile pour la simplifier d’établir dans toutes les provinces des Etats particuliers réellement représentatifs des trois ordres, avec égalité de pouvoir et de suffrage entre les deux premiers ordres réunis et l’ordre du tiers. Il serait superflu de faire ressortir les avantages que présente cette forme d’administration plus simple et partout la même. 5° Un objet majeur que le Roi et les Etats généraux doivent aussi prendre en considération, et qui trouverait bien sa place dans la loi constitutionnelle, est l’éducation de la jeunesse et la ré-> formation des mœurs. C'est par l’éducation que se forment les citoyens : ce sont les mœurs qui fortifient, les bonnes lois suppléent aux lois insuffisantes, corrigent les mauvaises. Quel objet plus digne de l’attention du gouvernement ! 6° C’est encore un point de la constitution qu’il est essentiel de fixer, que l’égalité de représentation et de contribution entre les trois ordres. Tous les hommes sont égaux dans l’ordre de la nature; tous, dans l’ordre politique, ont un droit égal à la protection du gouvernement ; tous sont donc liés envers l’Etat par les mêmes devoirs ; tous lui doivent les mêmes secours et les mêmes sacrifices; tous doivent avoir la même influence dans l’administration. L’aveu solennel de ces maximes imprescriptibles de la morale et du droit naturel, qui vient d’être consigné dans le procès-verbal de l’assemblée, faisant cesser toute controverse sur un point qui en était si peu susceptible, rassure la religion de Sa Majesté sur celte réclamation essentielle du tiers. 7° Enfin tout ce qui intéresse les droits de l’homme, ceux du citoyen, tout ce qui peut resserrer les liens qui unissent le Roi à son peuple et le peuple à son Roi, doit être soigneusement inscrit danslaloi constitutionnelle, demanièreque chacun connaissant ses droits et ses devoirs, ses prérogatives et ses obligations, l’ordre soit inaltérable, l’administration uniquement et constamment dirigée vers le plus grand bien, et tout nouveau système d’oppression désormais impossible. IMPOT. Il n’est aucun citoyen qui ne sente la nécessité de cette contribution ; il n’en saurait refuser le payement raisonnable sans trahir ses propres intérêts, puisque ce n’est que par les subsides que le souverain peut défendre les citoyens et assurer la tranquillité de l’Etat. Mais les impôts étant à l’Etat ce que les voiles sont au vaisseau pour le conduire, l’assurer, le mener au port, non pas pour le charger, le tenir toujours en mer, finalement le submerger, un roi qui met sa gloire dans le bonheur de son peuple ne dédaignera pas quelques vérités utiles sur cette matière, vérités qui s’allient si bien avec ses intentions paternelles, de ne demander à ses sujets que des subsides justes et nécessaires. Le tiers-état de la sénéchaussée de Draguignan ose donc représenter à Sa Majesté : 1° Que l’impôt doit être levé de la manière la moins onéreuse, la moins arbitraire, et surtout la plus uniforme qu’il sera possible. Et là vient la suppression de tant de fermiers, régisseurs, receveurs, collecteurs, commis, préposés, en un mot de tous les canaux intermédiaires qui ne servent qu’à aggraver l’impôt , dont ils absorbent une partie, qu’à le rendre plus pesant sur la tête du peuple, puisqu’aux sommes nécessaires de l’Etat il faut ajouter celles qui sont nécessaires pour eux. Une perception plus simple, un versement plus direct au trésor royal, présente l’idée consolante d’un adoucissement sensible. Combien de personnes d’ailleurs qui, oisivement employées à l’exaction de l’impôt, seront obligées alors de porter leurs soins, leurs facultés et leur industrie vers des objets plus utiles 1 2° Un seul impôt territorial, frappant également sur tous les biens, de quelque nature qu’ils soient assis, sur un dénombrement et une estimation vraie et exacte, ou perçu sur les fruits, paraîtrait préférable sous tous les rapports. Aucun arbitraire dans la taxation, l’égalité proportionnelle parfaitement gardée, plus de facilité dans la perception, toute crainte de vexation bannie, cette persuasion satisfaisante pour la contribuable de ne payer que relativement à ce qu’il perçoit, la proportion ainsi établie entre la fortune de l’Etat et celle du citoyen, tels sont les motifs qui, présentés à Sa Majesté, doivent déterminer sa justice à adopter de préférence ce genre d’imposition. 3° Que l’impôt ne soit jamais déterminé que pour un temps limité, qui ne pourra être plus long que l’intervalle d’une assemblée des Etats généraux à l’autre. Le droit du prince pour la perception de l’im- (Etats gên. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Draguignan.] 257 pôt est fondé sur les besoins de l’Etat. C’est dans l'assemblée nationale que ces besoins seront exposés et connus ; c’est donc là qu’il doit y être pourvu par des impositions équitables. Une durée illimitée de l’impôt présenterait les inconvénients de l’arbitraire, si dangereux dans cette partie ; elle pourrait donner lieu au divertissement de l’impôt de sa vraie destination qui doit être sacrée. 4° Que Sa Majesté permette ici à des sujets fidèles, mais épuisés, de lui représenter que cette destination doit être inviolable, que les comptes de l’emploi ne sauraient être trop éclairés, trop rigoureusement jugés, et que sa justice inflexible sur cet article doit faire violence à sa clémence, et lui interdire de pardonner au ministre prévaricateur, ennemi de l’Etat, qui abuserait de sa confiance et des derniers efforts de son peuple. 5° Qu’il plaise à Sa Majesté d’accorder aux provinces la même faculté acquise à la Provence, et dans laquelle elle sera maintenue, de percevoir l’impôt en la forme et manière qui lui sera la plus avantageuse. 6° De faire porter tout nouvel impôt préférablement sur les objets de luxe, plutôt que sur tout autre objet : tels que les denrées, marchandises, consommations, industrie; parce qu’il est sensible en morale comme en politique que celui qui de son superflu multiplie l’aisance et les commodités de ta vie, doit plus à l’Etat que celui qui a peine à vivre avec son nécessaire; il est d’ailleurs à considérer sur ce point combien il est important de favoriser l’agriculture, la population qui en est une suite, le commerce et les arts utiles, source des richesses du souverain et des sujets ; source qui serait bientôt tarie, si l’impôt frappait trop directement sur de tels objets. 7° Que tous les tarifs pour la perception des droits du domaine, droits réunis de contrôle, insinuation et autres soient changés, d’après les observations que les Etats de chaque province adresseront à Sa Majesté; que toutes les lois relatives à cette partie soient recueillies par ordre et rédigées avec cette simplicité qui les mette à portée de tout le monde, avec défenses aux fermiers, régisseurs, administrateurs et commis de fonder aucune perception sur des décisions particulières, ou arrêts; et que la connaissance des contestations qui pourraient s’élever à raison de la perception de ces droits, soit exclusivement attribuée aux tribunaux ordinaires de la province. 8° Rien n’étant si onéreux pour le peuple que la capitation par feux ou familles, la levée de cet impôt étant toujours difficile, et la répartition en étant si souvent injuste, il faut solliciter de la bonté du Roi un règlement relatif à cet objet ; que les communautés fussent autorisées à payer la capitation en corps, que du moins la classe la plus pauvre fût soulagée de cette imposition; queles enfants et les septuagénaires en fussentexempts ; que la mort d’un chef de famille nede vin t pas un nouveau malheur pour ses enfants, qui dès ce moment sont cotisés par tête, et que tant qu’ils demeurent réunis dans la maison paternelle, ils ne fussent cotisés que comme si le chef vivait; qu’il soit établi une règle fixe de répartition, et qu’en cas d’une injustice trop souvent éprouvée, le recours soit ouvert par-devant les juges ordinaires. 9° Que la classe des capitalistes, la plus aisée, celle dont les revenus sont le plus assurés, le moins exposés aux vicissitudes des saisons, soit également et proportionnellement imposée soit par des retenues relatives au taux de l’imposition territoriale, puisque tout créancier devient propriétaire direct du fonds sur lequel sa créance est 4M Série. T. III. établie, soit par des taxes particulières, ou de telle manière que la sagesse du gouvernement avisera, ne pouvant y avoir dans l’Etat aucun ordre de citoyens exempt de l’impôt. Tout ce qui n’est point ait ci-dessus suri a nature, la forme, la quotité, la perception de l’impôt, est laissé à la sagesse des Etats généraux, à la prudence et au patriotisme des députés : mais il est un vœu, doDt ils ne doivent jamais se départir; c’est qu’en se prêtant aux besoins de l’Etat, il ne faut pas cepeadant exiger du peuple au delà de ses moyens; c’est qu’il faut q«e la mesure de l’impôt soit juste autant que la répartition doit en être égale, et ils doivent se bien pénétrer de cette vérité , que surcharger le peuple , c’est ruiner l’Etat même plutôt que l’aider. LÉGISLATION ET ADMINISTRATION DE LA JUSTICE. Une bonne législation est la sauvegarde de l’Etat, le palladium du peuple, et sans l’administration de la justice, les lois demeurent impuissantes, il ne peut exister ni ordre ni sûreté. Les lois et la justice placées entre les hommes pour réprimer le combat de leurs passions, pour entretenir la paix dans la société, pour apaiser les débats que des intérêts opposés ne sauraient manquer d’y produire, méritent donc singulièrement l’attention de Sa Majesté et des Etats généraux. La réformatioH du Code civil et criminel est unanimement sollicitée d’une extrémité du royaume à l’autre. Le tiers-état de Draguignan S eut présenter avec confiance le même vœu à Sa ajesté. Et en est-il de plus légitime que celui de simplifier les formes, d’abréger les longueurs, diminuer les frais, rapprocher les juges de leurs justiciables , réformer cette multitude de degrés successifs de juridiction qui rend les procès interminables, et qui n’est utile qu’à la mauvaise foi? En est-il de plus légitime et de plus humain que celui d’offrir des ressources à l’innocence ; effacer de la procédure criminelle ce secret qui, enhardissant le faux témoignage, donne à une plainte légale Papparenced’unedélation, donne un conseil aux accusés; instruire ensemble etd’un pas égal l’accusation et la justification ; subordonner l’exécution des jugements de mort à une surséance déterminée; prévenir enfin pour l’avenir, et par des moyens qui concilient autant qu’il sera possible ce que la police de l’Etat exige et ce qu’on ne peut refuser à l’humanité, des regrets tardifs, des remords inutiles, des larmes infructueuses sur le sang de l’innocent : telles sont les vues que l’on se propose, en suppliant Sa Majesté : 1° D’établir une commission pour l’examen et réformation des lois civiles et criminelles, etsur-tout pour la rédaction d’un nouveau code, où les peines soient graduées et proportionnées aux délits, aux circonstances, à l’âge, et où elles soient surtout fixées de manière que le juge soit lié, et que la loi seule condamne. 2° De donner aux lois qui seront publiées, sur l’objet intéressant de la justice distributive, une uniformité et une simplicité qui excluent à jamais l’arbitraire des interprétations et le danger des commentaires. 3° De supprimer tous les tribunaux inutiles, onéreux, d’exception, attribution et privilèges, comme aussi les committimus ; de manière que pour quelque cause ce soit, aucun citoyen ne puisse être condamné que devant son juge naturel. 4° De supprimer par les mêmes motifs, tous tribunaux intermédiaires, de manière qu’il n’y ait 47 238 [États gén. 1789. Cahier».) ARCHIVÉS PARL plus que deux degrés de juridiction, l’une de première instance et l’autre d’appel. 5“ D’abolir en conséquence toutes juridictions seigneuriales qui ne sont qu’inutiles et onéreuses tant aux justiciables qu’aux seigneurseux-mêmes, cette suppression utile sous tous les points de vue, ne pouvant même être regardée comme la spoliation d’un droit, mais seulement comme la réforme d’un abus, puisque la justice est essentiellement la dette au souverain envers ses sujets. 6° D’accorder aux premiers juges des arrondissements le droit de souveraineté et dernier ressort, jusqu’à une somme déterminée, et le droit des juges nonobstant appel jusqu’à une somme plus considérable, sous caution, l’expérience journalière ne prouvant que trop que cette facilité de l’appel, n’est qu’un moyen de plus de vexer et de fatiguer le pauvre et le faible, qui déjà combat avec des armes si inégales contre l’homme riehe et puissant. 7° D’abolir à jamais la vénalité des charges de magistrature ; le droit de juger son semblable peut-il être acquis à prix d’argent? Aussi s’est-on récrié de tout temps contre cet abus, et Sa Majesté, frappée des inconvénients qui seront mis sous ses yeux, s’empressera d’y remédier. 8° D’établir dans chaque communauté un bureau pour l’exécution des règlements de la police, avec attribution de dernier ressort aux causes minimes entre plébées, jusqu’à 9 livres, et entre bourgeois et artisans jusqu’à 12 livres, lequel bureau ressortira aisément au parlement. 9e D’établir dans chaque ville et bourg, où le commerce l’exige, une juridiction consulaire pour la plus grande expédition des affaires mercantiles. 10° Que les charges de magistrature soient éligibles et amovibles. 1 1° Que le nombre des officiers des cours souveraines soit réduit. 12° Que, dans chaque cour souveraine, il y ait une chambre du tiers, où seront portées toutes les affaires qui intéressent cet ordre et les communes du royaume, et que pour les affaires qui surviendront entre le clergé et la noblesse et le tiers-état, il soit établi dans les mêmes cours une chambre mi-partie composée de membres des deux premiers ordres, en nombre égal des membres du tiers. Cet établissement tient à ce principe que tout citoyen doit être jugé par ses pairs, et ce serait en effet une institution bien sage que les jugements, surtout au criminel, fussent rendus en présence des jurés du même état que l’accusé. 13° Que les cours souveraines n’aient plus sur les magistrats des tribunaux subalternes, qu’une inspection légale, et non aucune autorité arbitraire; que le droit de mander venir ceux-ci soit aboli, comme aussi le droit, non moins oppressif, d’exiger d’eux des visites, lorsqu’ils arrivent dans une ville, ce qui sera également statué au regard des officiers municipaux. 14° Qu’il sera établi dans la province un tribunal de révision des jugements des cours souveraines, et qui connaîtra des prévarications des juges. 15° Qu’après la requête en cassation d’un arrêt, soit au conseil, ou autre tribunal, revue et appointée, l’exécution en sera sursise de droit. .• 16° Que les juges seront obligés de donner et insérer les motifs de leurs jugements. 17u Qu’ils seront responsables des jugements par eux rendus contre les formes. 18° Que 2a question définitive sera abolie. iEMENT AIRES. [Sénéchaussée de Draguignan. 19° Qu’aucun arrêt de mort ne soit exécuté qu’un mois après avoir été publié à l’audience et visé par le Roi. 20° Qu’il sera accordé aux absous une indemnité, soit par la partie civile, soit par le domaine. 21° Que les cours souveraines ne connaîtront plus de la vérification des lois, exclusivement attribuée aux Etats généraux ; qu’elles ne leur seront adressées que pour leur en donner connaissance et la transmettre par elles aux tribunaux inférieurs; qu’elles n’auront plus aussi le droit de faire des règlements. 22° Que les juges seront obligés à résidence ; qu’ils seront obligés de juger suivant les lois et non suivant les arrêts, sur leur texte précis et non sur des commentaires souvent fautifs et toujours arbitraires. 23° Qu’il sera accordé des émoluments fixes aux juges moyennant lesquels l’instruction des procès et les jugements seront gratuits. 24° Qu’il sera pris des mesures efficaces pour diminuer les frais, pour obvier à l’abus des salaires, pour réprimer les efforts de la chieane, pour rendre enfin la justice simple et facile dans sa distribution* moins longue, moins dispendieuse pour ceux qui sont obligés d’y avoir recours, et pour qu’on puisse l’obtenir dans une proportion toujours rapprochée de l’objet plaidé, de la localité, de la situation et des circonstances. 25° Il est digne de la bonté du Roi et du siècle où il règne, qu’il soit fait une loi qui efface le préjugé barbare qui note d’infamie la famille d’un condamné. 26° L’amour du souverain pour son peuple lui fera aussi adopter le projet de l’arbitrage forcé entre toutes parties quelconques, sur le simple requis de l’une d’elles. 27° Ce serait une loi non moins utile pour le bien du commerce et celui de l’Etat, que celle ui autoriserait le prêt à jour avec intérêt, le prêt 'argent n’étant en effet qu’un louage. 28° On demande encore que les causes personnelles et mixtes des ecclésiastiques soient distraites de la juridiction de l’officialité, et que la connaissance en soit rendue aux juges ordinaires. La commission qui sera établie pour la réformation des lois suppléra à ce qui manque dans cette partie essentielle de nos doléances, et les députés aux Etats généraux auront tous pouvoirs de consentir à ce qui leur sera proposé pour le plus grand bien. ADMINISTRATION PROVINCIALE. La constitution des trois ordres qui existent dans la monarchie bien fixée* l’ordre rétabli dans les finances par une administration sage et éclairée, l’Etat réglé par de bonnes lois * la justice rendue facile aux peuples, les regards du tiers-état de la sénéchaussée de Draguignan se portent sur l’administration intérieure de la province; et quels abus n’y aperçoit-on pas à réparer 1 Sans entrer à cet égard dans un détail aussi affligeant qu’il est connu, détail qui a été déjà si souvent mis sous les yeux de Sa Majesté, qui a reconnu elle-même que les Etals de Provence sont inconstitutionnels; « que le second ordre du « clergé n’y est point admis ; que la nombreuse « partie de la noblesse qui ne possède pas de « fiefs en est exclue ; que la nomination des re-« présentants du tiers état est soumise à des rè-« glements municipaux qui écartent des élections « le plus grand nombre des citoyens; que le « nombre respectif des trois ordres "s’y trouverait « nécessairement inégal. » Sans retracer le ta- (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Sénéchaussée de Draguignan.] 259 bleau des inconvénients résultant d’une administration aussi vicieuse, dans laquelle la classe la plus nombreuse, la plus utile, celle qui forme véritablement la nation, n’a qu’une influence nulle dès qu’elle n’est pas égale, en se rapportant sur ce point aux mémoires et aux instructions ui ont été fournis, aux délibérations adressées e toutes parts à Sa Majesté, à la réclamation universelle, les doléances du tiers-état se bornent à demander : 1° La convocation générale des trois ordres de la province pour casser et réformer la constitution actuelle ; appeler aux Etats le clergé du second ordre et les nobles non possédant fiefs ; donner au tiers-état une représentation égale à celle des deux premiers ordres réunis ; lui accorder des syndics qui aient séance et voix délibérative auxdits Etats ; en rendre la présidence éligible et amovible ; en exclure tout membre permanent, sous quelque qualité et prétexte qu’il puisse être, comme aussi les magistrats et les ens attachés au fisc, et n’y admettre que des éputés légalement et librement élus. 2° La séparation de l’administration de la province de l’administration particulière de la ville d’Aix, et que cette administration soit confiée à une commission intermédiaire composée des membres du clergé et de la noblesse, et des membres du tiers en nombre égal. 3° L’impression annuelle des comptes de la province pour être mis sous les yeux de chaque communauté. 4° Le remboursement des fonds de la fondation de M. de Saint-Vallier, établissement payé par le tiers, et qui n’est utile qu’à la noblesse. 5° L’attribution exclusive et incommunicable aux seuls Etats provinciaux de consentir, vérifier et sanctionnerles lois particulières à la Provence, quelles qu’elles soient et à quel objet qu’elles soient relatives. 6° Que la répartition des secours que le Roi accorde annuellement pour la haute Provence soit faite dans le sein des Etats, pour exclure tout arbitraire, avec application de préférence aux lieux où les besoins sont plus urgents. 7° Que les communautés jouissent des droits attachés aux officiers municipaux, puisqu’elles les ont achetés. 8° La modération du prix du sel, à raison du plus grand besoin qu’on en a en Provence pour les bestiaux, qui seuls peuvent fournir aux engrais suffisants. D’autant que le sel étant une production territoriale, la vente devrait être assujettie à moins d’entraves. 9° La suppression de la commune compascuité, excepté dans les terres vagues et gartes. 10® Qu’il soit avisé aux moyens les plus capables d’encourager l’agriculture, de favoriser l’habitation des campagnes et la multiplication des bestiaux, et parmi ces moyens la viguerie de Draguignan indique et sollicite la suppression des droits d’albergue, ramage et cavalcade, levés par la communauté de Callas, comme abusifs, tortionnaires, contraires au commerce et à l’agriculture. ; 1 1 ° De protéger et faciliter les dessèchement des marais. 12° De supprimer tous privilèges exclusifs, comme contraires à la liberté, à l’émulation et au commerce. 13° D’interdire aux sages-femmes tout exercice des fonctions de cet état, si elles n’ont fait préalablement un cours d’accouchement, subi un eXamen, et rapporté un certificat de capacité. 14® De poursuivre la vente du tabac en poudre de la nouvelle manipulation, comme nuisible à la santé, 15° Que l’homologation des baux et autres actes des communautés soit gratuite et attribuée aux jug es des arrondissements. 16° Qu’il soit fait un règlement sévère pour prévenir les incendies des forêts, 17° Que la Provence soit distribuée en districts égaux, et que chaque communauté soit elle-même chargée de la réparation et de l’entretien des chemins de viguerie dans son territoire, moyennant quoi déchargée de toute contribution relative à cet objet, et la viguerie de ce soin, 18° Qu’il soit fait un règlement de police, relatif à la maréchaussée, pour que l’objet important de la sûreté publique £oit mieux rempli. 19° Que tous privilèges qui exemptent aucunes villes et communautés de la province en tout ou en partie, suivant la juste et commune répartition, à l’affouagement général du pays, cessent et soient révoqués. 20° La cessation de l’imposition pour les milices, incompatible avec le tirage effectif, ou la suppression de la levée de la milice personnelle. Les députés aux Etats généraux seront enfin chargés de remettre sous les yeux de Sa Majesté le titre d’union de la Provence à la couronne ; ils en demanderont le renouvellement et la confirmation, le maintien dans nos privilèges, et ils ajouteront que le tiers-état provençal ne mérite pas moins du souverain qui se gouverne par ses sentiments et sa fidélité, que par la recommandation tendre et pressante du dernier de nos comtes qui nous unit à la France et nous mit sous sa protection. DOMAINE DE LA COURONNE. L’aliénabilité du domaine offrirait dé bouveaux moyens à l’Etat pour l’acquittement de la dette nationale. D’autres temps amènent d’autres principes: les lois ne sont pas plus immuables que leur objet. Le domaine n’était inaliénable qu’en faveur de la nation par la suffisance aux dépenses royales et publiques. 11 était sacré sans doute, quand il écartait du peuple tous autres impôts. Mais étant aujourd’hui absolument dispropor-tionné avec les charges de l’État, ne défendant plus le peuple de l’impôt, insuffisant et épuisé, il a perdu ce caractère d’inaliénabilité, et l’aliénation en serait d’autant plus utile, que le prix en serait employé au payement des dettes, et que produisant plus au citoyen qui l’acquerrait qu’il ne produit au Roi, par cela seul qu’il n’y aurait pas autant de degrés intermédiaires entre le propriétaire et le cultivateur, au bénéfice de l’amortissement des dettes se joindrait le bénéfice p é-riodique de l’impôt. Quant aux domaines aliénés au titre précaire d’engagement, ou usurpés, il serait important que le Roi y rentrât ; le besoin de l’Etat en est le motif le plus pressant comme le plus légitime. CLERGÉ. Dette partie des doléances du tiers-état dé là sénéchaussée de Draguignan n’est pas relative àtt régime spirituel. Les membres du premier ordre seront sans doute les premiers à s’élever contre les abus qui peuvent s’y être glissés; ils donneront les premiers l’exemple d’une réformation utile. Mais comme le clergé a aussi des rapports de politique avec l’Etat et le peuple, sous ce 260 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Draguignan.] point de vue que les instructions à donner aux députés aux Etats généraux vont être posées. Iis ne négligeront cependant pas ce premier vœu de leur ordre, pour le maintien des lois protectrices de la religion, pour qu’elle jouisse seule dans le royaume de l’honneur du culte public. Mais ce qu’ils demanderont principalement est : 1° La suppression de la dîme, à la charge par les communautés de payer les curés et vicaires nécessaires aux paroisses, comme aussi tout ce qui est relatif au service divin et à l’exercice de la religion. 2° Et s’il n’y a pas lieu à cette suppression, ils demanderont au moins l’abonnement de la dîme, sa lixation à un taux égal et uniforme, et le prélèvement de la semence avant la perception. 3° Ils demanderont que les biens de l’Eglise et autres de mainmorte soient mis dans le commerce, et premièrement employés au payement des dettes du clergé. 4° La lixation de fa portion congrue des curés et vicaires en proportion de l’habitation et de l’importance des paroisses qu’ils desservent ; de manière qu’un curé ait au moins 1,000 livres et un vicaire 500 livres. 5° Le renouvellement des lois qui obligent les évêques, prieurs, décimateurs et autres bénéficiers quelconques, à la résidence dans leurs diocèses ou lieux de leurs bénéfices, desquels ils ne pour-ront s’absenter que deux mois dans chaque année, si ce n’est pour cause majeure et justifiée ; passé lequel terme de deux mois, il sera enjoint soit aux officiers de justice, soit aux officiers municipaux ou aux administrateurs des hôpitaux, et au plus diligent d’entre eux, de faire saisir le temporel des bénéfices, sans autre procédure préalable, pour tout le temps excédant les deux mois d’absence, au profit des pauvres du lieu. 6 La révocation du Concordat comme contraire à la religion et à l’intérêt du royaume, et l’établissement de la Pragmatique-Sànction en Provence. 7° La prohibition de la pluralité des bénéfices excédant entre eux 1,000 livres en revenu. 8° Que nul ne puisse posséder des bénéfices, qu’il ne soit prêtre. 9° Que les bénéfices des diocèses soient pour des sujets diocésains et non pour des étrangers. 10° Que nul ne puisse être promu à une cure qu’après un service éprouvé en qualité de vicaire dans une paroisse. 11° La suppression absolue du casuel. 12° L’établissement dans chaque diocèse d’une maison dotée de revenus convenables pris sur le produit des bénéfices simples, pour la retraite des prêtres vieux et infirmes qui auront servi l’église pendant un temps déterminé. 13° Qu’il soit permis aux évêques de donner des dispenses de mariage au troisième et quatrième degré de parenté, gratuitement et sans annexe. 14° Que les évêques ne puissent refuser les ordres sacrés à ceux qui sont déjà engagés, sans donner par écrit les motifs de leur refus. 15° Qu’il soit accordé à TUniversité d’Aix le privilège du quinquennium. 16° La suppression de tous les droits de la cour de Rome et le versement des annates et régales dans le trésor royal pour le service de l’Etat. 17® Enfin la réduction des fêtes, qui sont trop H�ltipliées, et dont les jours sont si peu consacrés a l’objet de leur institution; ces jours, rendus au travail et à l’agriculture, seront plus utilement employés. DROITS SEIGNEURIAUX. Au moment de la renaissance des droits de l’homme , de la liberté civile et individuelle , l’abolition des vestiges encore existants de la servitude de nos pères est un acte bien digne du gouvernement. Toutes les communes de la sénéchaussée se réunissent et n’élèvent qu’un cri pour demander cette abolition. Les droits seigneuriaux offensent l’homme , comme homme; il en est surtout qui avilissent et dégradent le citoyen sur lequel ils sont établis et exercés. Ils arment l’homme contre son semblable, ils produisent une occasion toujours renaissante d’oppression, de vexation, d’injustices marquées sous le titre trompeur de droit acquis et qu’on ose même dire imprescriptible, comme si par aucun temps possible l’usurpation faite sous les faibles successeurs de Charlemagne sur l 'autorité royale et sur des hommes nés libres pouvait être légitime ! Quelles entraves ne mettent pas d’ailleurs les droits seigneuriaux dans la société, dans le commerce; à quel point ne gênent-ils pas la liberté, la propriété, l’agriculture et les progrès des arts les plus utiles? Il est impossible de donner un détail et de ces droits et des abus qu’ils entraînent. Le cœur paternel de Sa Majesté en serait ému. Ici le pauvre n’a pas le droit de faire du feu dans sa chaumière pour se garantir des impressions du froid, s’il ne l’achète chèrement du seigneur, par une contribution prise sur sa subsistance et celle de sa famille. Ce droit inhumain existe à Brovès sous la dénomination du droit de fouage. Là le laboureur n’a pas même le droit de nourrir ses bestiaux de l’herbe qui croît dans son champ ; s’il y touche, il est dénoncé, puni par une amende qui le ruine ; et l’exercice le plus légitime des droits de sa propriété est subordonné à la volonté arbitraire du seigneur, qui a la prétention du droit universel sur tous les herbages du territoire. Ce droit barbare existe à Romaluette sous la dénomination du droit de relarguier exclusif, et dans beaucoup d’autres lieux ; partout enfin la liberté naturelle, la liberté civile est asservie, le commerce est enchaîné, l’homme est esclave, et ce dernier mot, qui n’est que trop exact, peint tout l’odieux des droits contre lesquels le tiers-état réclame. Il est esclave puisqu’il est privé des facultés, même du droit naturel ; le seigneur a la prétention d’empêcher les habitants d’aller prendre du sable sur les bords de la rivière qui traverse le territoire à Villecroze, et ailleurs, les seigneurs ont la prétention d’empêcher les habitants de vendre leurs denrées, avant qu’ils aient vendu les leurs ; et cependant il faut que le pauvre vive. Tellement la propriété est gênée que la coupe du bois taillis, qui n’est qu’un fruit, du bois même à brûler, est asservie au lod. Et ce qui est à remarquer pour le bien général de l’Etat, si le seul bruit des chaînes des hommes ne permettait la révolution heureuse qui est sollicitée , c’est que le despotisme féodal gêne les mutations, éloigne les cultivateurs et dépeuple les campagnes. Osons le dire, puisque nous avons le bonheur de vivre sous un Roi qui honore l’humanité, encourage la liberté, et qui a le premier donné l’exemple de l’abolition de ces droits flétrissants sous l’empire desquels ses sujets gémissaient. Tout est abusif dans l’exercice des droits seigneuriaux : la justice n’est pas rendue, et trop souvent cette justice n’est qu’une arme dans la main des seigneurs; [États gén. 1788. Cahwrs.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [Sénéchaussée de Draguignan.) 261 la directe n’est qu’une entrave mise à la propriété et à la liberté ; l’exercice du retrait féodal, prolongé pendant trente ans, laisse les possesions incertaines, et expose le possesseur de bonne foi à être spolié après vingt-neuf ans d’un bien qu’il a arrosé de ses sueurs, et dont la valeur a triplé. La cessibilité de ce droit n’est qu’une occasion de préférences injustes. Il n’est besoin que de sentiment pour être pénétré de l’odieux des banalités; et comment surtout ne pas s’élever contre cette attribution exclusive au seigneur des eaux qui coulent sans doute pour l’usage de tous les hommes, pour féconder tous les champs, et dont la faculté libre faciliterait tant d’établissements utiles au commerce? Encore un trait : les champs sont dévastés, les moissons sont dévastées, et le propriétaire n’a cependant pas la liberté de défendre son bien de l'incursion des animaux. Que la liberté de la chasse soit subordonnée aux lois générales d’une police éclairée, c’est ce qui est juste et nécessaire ; mais le droit de défendre son champ et ses fruits n’est pas incompatible avec les règlements d’une police sage. Sans pousser plus loin ce développement, qui sera suppléé par les députés aux Etats généraux, auxquels ils dénonceront l’abus des cens, des tasques, des redevances, des corvées, l’abus plus criant encore de ces devoirs personnels, inconciliables avec la dignité de l’homme auxquels le peuple et les représentants sont assujettis dans les liefs ; c’est en avoir assez dit que d’avoir fait connaître la plaie mortelle que les droits seigneuriaux font au droit naturel et à l’intérêt de l’Etat, pour espérer que Sa Majesté et les Etats généraux rétabliront l’homme dans ses droits primitifs, sacrés et vraiment imprescriptibles, en frappant tous ces droits qui l’avilissent d’une abolition absolue, sous la juste condition du rachat ou de l’abonnement, relativement aux droits utiles et légitimement acquis. TIERS-ÉTAT. Les députés aux Etats généraux feront essentiellement valoir les droits du tiers-état fondés sur la nature, sur son utilité dans la monarchie, et sur l’inléfêt politique du royaume, si cette considération pouvait ajouter aux raisons de justice et d’équité qui sollicitent pour lui. lis feront valoir surtout que le tiers-état, asservi, opprimé, épuisé, n’a cependant jamais cessé d’être fidèle. Le sentiment du bien public, le sentiment plus vif peut-être de l’amour pour son Roi a toujours prévalu dans cet ordre aux sentiments pénibles et douloureux qui auraient pu justifier ses plaintes. Le Roi, l’Etat, la patrie ont toujours été pour lui le mot d’un ralliement heureux, le motif d’une patience à toute épreuve, d’une obéissance aveugle et les objets dans lesquels il s’est consolé. Quel droit n’a-t-il donc pas à la protection spéciale d’un monarque qui, en brisant ses chaînes, en acquiert lui-même de nouveaux à sa reconnaissance ! Il existe cependant encore une exclusion injurieuse, dont le patriotisme du tiers-état a droit de s’offenser ; si la patrie admet indistinctement dans son sein tous les citoyens, surtout tous les citoyens qui lui sont utiles; si tous les citoyens sont obligés, à ce titre, de contribuer, autant par leurs talents que par leurs subsides, au bien et aux besoins de l’Etat, pourquoi cette exclusion du tiers des emplois civils et militaires, des charges, des offices, des bénéfices ; pourquoi lui fermer les moyens de se rendre utile; pourquoi détruire ce concours qui ne pourrait que produire une émulation toujours profitable? Les députés aux Etats généraux demanderont donc avec les instances les plus respectueuses, mais les plus fermes, autant pour l’honneur du tiers-état que pour la gloire du Roi et la prospérité du royaume, l’admission des membres de cet ordre à toutes charges, emplois, bénéfices, sans distinction, exception, ni privilège quelconque. Que la distinction dans les peines sera abolie ; le noble qui s’est rendu coupable ne cesse-t-il pas de l’être, et quand il a dérogé par le fait , quand par le crime il s’est dévoué à rinfamie, de quelle distinction peut-il être encore digne ? Si son ordre le désavoue, il n’est pas moins en horreur à l’ordre du tiers, et l’ombre même d’un honneur quelconque peut-elle le suivre sur l’échafaud? COMMERCE. Il serait inutile d’entreprendre d’établir que le commerce mérite l’attention et la protection du gouvernement. Le commerce augmente la masse des richesses ; c’est par lui que l’industrie est animée, c’est par ce canal de communication que le surabondant s’écoule et que le nécessaire est acquis ; il donne une nouvelle activité à l’agriculture, en engageant le colon à tirer de la terre un surabondant toujours plus grand, dont l’échange produit ensuite une richesse nouvelle ; en ouvrant de nouvelles ressources, il accroît et propage la population. De tels avantages, des avantages plus considérables encore, que le commerce plus libre dans sa marche et dans ses mouvements produirait, déterminent le vœu du tiers-état de la sénéchaussée de Draguignan, pour que le Roi soit supplié : 1° De supprimer tous les droits qui gênent la circulation dans l’intérieur du royaume et de reculer les bureaux des traites et des douanes sur les frontières. 2° De protéger le commerce contre les vexations de la ferme, ou plutôt d’établir une ferme plus simple et moins oppressive de perception des droits imposés. 3° De supprimer tous les droits sur les cuirs, et de prendre surtout en considération que la levée de ces droits se fait d’une manière tyrannique. Les visites fréquentes que les commis font non-seulement dans les fabriques, mais même dans les maisons, occasionnent mille inconvénients et mille désordres. Une maison doit être un asile sacré, et cependant on y porte le flambeau d’une inquisition odieuse. 4° Le renouvellement des lois contre les faillites et surtout leur exécution trop négligée. 5° La suppression des droits sur les huiles et savons, allant même à Marseille et à l’étranger. 6° Que les savonneries de Provence soient mises à même de-supporter la concurrence de celles de Marseille, en jouissant d’une même franchise de droits sur les matières à lessive et d’un moindre droit de sortie sur les savons, en indemnité de ce qu’elles ne peuvent consommer que les huiles du pays, tandis que Marseille consomme les huiles de tous les pays de production et jouit à la fois du privilège du pays étranger, lorsqu’elle achète les matières qui composent le savon, ce qui l’exempte de tout droit, et d’être traitée avec plus dé faveur même que le pays régnicole, lorsqu’il expédie le savon fabriqué. 7° Que l’inspection des manufactures soit donnée à un ancien commerçant de la province. 262 [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Draguignan.] 8° L’uniformité et égalité des poids et mesures partout. 9«* Enfin l’abonnement des impôts particuliers supportés par lé corps des orfèvres et autres, en proportion du produit annuel de ces impôts. DEMANDES PARTICULIÈRES. L’impossibilité d’embrasser dans les objets généraux toutes les demandes particulières des diverses communautés du ressort a déterminé rassemblée à mettre sous les yeux de Sa Majesté et des Etats généraux un tableau à part de ces demandes. Le Loi porte tous ses sujets dans son sein, il veut pourvoir aux besoins de tous, et c'est avec cette confiance que sa justice et sa bonté lui inspirent, qu’ils viennent les lui exposer. Fréjus demande des commissaires chargés de vérifier tout ce qui s’est passé relativement aux travaux entrepris par la province dans son territoire; si les concessions faites par la commu-hauté ont été surprises et valablement rétractées; si les obligations contractées par la province ont été remplies; s’il ne s’est glissé aucun abus considérable* quel à été l’emploi des deniers, quelles sont les sommes restantes, et qu’elles soient employées suivant leur destination à des objets vraiment utiles pour cette ville infortunée. SainURaphaël demande l’exécution d’une délibération de l’assemblée générale des communautés et de l’arrêt du conseil du 22 août 1782 qui en ordonne l’exécution ; que les ouvrages arrêtés, dans lesquels le port de Saint-Raphaël est compris, soient définitivement exécutés en ce qui touche ledit port et son terroir, afin de faire cesser le préjudice souffert, et prévenir les maux à venir. Le Carnet demande ia faculté aux habitants d’abreuver leurs troupeaux à la fontaine salée, que la nature a placée dans leur terroir ; la prohibition d’èn user ne donne aucun profit aux fermiers généraux, et préjudicie à la multiplication si nécessaire au petit bétail. Demande, de plus, le droit de rentrer dans les terres gâtées. Flayosc demande l’exécution des motifs qui ont déterminé l’établissement de la compagnie d’A-friqüe, pour prévenir les disettes de blé en Provence. Gassin propose que chaque communauté députe aux Etats provinciaux, et que . les députés du tiers-état soient choisis dans les assemblées des vigueries pour que la représentation soit plus parfaite. Salernes demande le rétablissement des Missi üominici , la suppression des collégiales, corps réguliers et mendiants, des bénéfices qui ne sont point à charge d’âmes, des annates, des dispenses en cour de Rome, et l’emploi desdits fonds à l’acquittement des dettes de l’Etat. Montferrat demande l’établissement de places gratuites dans les universités et les collèges, au profit des enfants pauvres et qui ont du talent. Callas demande qu’il soit permis de nommer les officiers de justice pour six années au lieu d’un an* pour éviter les abus qui s’ensuivent» Frans se plaint que le seigneur prohibe aux habitants de prendre du sable dans le lit de la rivière pour bâtir; Qu’il s’approprie le sol des anciens chemins, et aë ceux abandonnés, tandis que la communauté fournit et paye le sol des nouveaux chemins. D être maintenu contre le seigneur dans la propriété des alluvions et atterrissements contigus. Empus demande d’être autorisée à présenter à l’évêque trois sujets pour remplir chaque bénéfice à charge d’âmes, que l’évêque nommera le plus digne ; La suppression de tous les autres bénéfices, en pourvoyant à la subsistance des titulaires actuels, et que tous les fonds en provenant Soient destinés à l’acquit des dettes ae l’Etat ; Réclame contre le seigneur du lieu qui prohibe, sans titre authentique, aux propriétaires des fonds soumis à la taille, dé disposer et Vendre le bois inutile qui Croît dans leur fonds ; De profiter des eaux inutiles aux moulins pour arroser sans trouble leurs fonds arides et de profiter desdites eaux en hiver pour Construire un moulin à huile. Fayence demande d’avoir entrée aux Etats de la province, revendique la réunion au domaine de tous les fiefs démembrés. Tourrettes demande la réunion des terres adjacentes au corps de la province. La suppression du centième denier, droit de jate et inquant, et de tous autres droits bürsaux et pécuniaires. Ùallian et Montauroux demandent la réunion des fiefs au domaine de la couronne. MantaUroux demande de soumettre les terres du seigneur de Montauroüx à la compascuité, l’abolition du droit des seigneurs de cantonner les communautés pour l’usage des bois. Mons réclame contre le droit prétendu par le seigneur d’Escragnolle de faire dépaître dans tout le terroir et même dans les terres du seigneur. Seillans demande la réunion du fief dudit lieu à la couronne, demande encore le rétablissement d’une fabrique d’amidon audit lieu. Callian demande que tous les F rançais soient nobles. Qu’on prohibe pendant trois ans de tuer des veaux et des agneaux pour empêchër le dépérissement de l’espèce et favoriser l’accroissement, sauf aux officiers municipaux d’en donner la permission dans les cas urgents. Que chaque viguerie pourvoie aux change ments, constructions et reconstructions des ponts, chemins et chaussées, sans le concours de la province. Régusse et Moissac demandent que le seigneur soit tenu de payer les reconnaissances qu’il exige des emphytéotes, et que tout vassal attaqué par son seigneur soit soutenu par la communauté, d’après l’avis rapporté de deux avocats. Moissac demande encore qu’il soit établi dans cette province une commission dont les membres soient pris dans l’ordre du tiers, pour connaître l’état et les titres des communautés, pour en discuter les droits et les soutenir, avec l’intervention de la province, contre les seigneurs et autres personnes puissantes. Les Arcs demande qu’on soumette les célibataires à des taxes proportionnelles, suivant leui âge; Demande, de plus, qu’il ne soit attribué aucun dernier ressort au premier tribunal, seulement le droit en nonobstant appel pour une somme déterminée, et même pour quelque somme que ce soit, quand la condamnation dérivera des titres authentiques, en donnant caution, à l’exception néanmoins des cas où le jugement serait irréparable en définitif. Que l’emploi du contrôleur aux actes, et autres de même nature, ne puisse être rempli par un notaire du lieu Taradel et les Arcs présentent un nouvel ordre J (Ét&u gén. 1789. Cahier».] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaasiéç de Draguiggw».] Hiérarchique des ministres de l’Eglise, composé, dans chaque diocèse, d’un évêque, d’un chapitre, et des curés et vicaires utiles ; que tous autres bénéfices, corps, couvents, etc., soient supprimés, la dîme abolie, les fonds vendus et les sommes en provenant destinées, une partie à l’entretien des ministres utiles, et le restant à l’acquittement des dettes du clergé et de l’Etat. Brouet demande la suppression de l’ordre de Malte, et les fonds employés à l’acquittement des dettes de l’Etat. La suppression du casuel des curés et des vicaires, et la fixation d’appointements fixes et proportionnels; Réclame contre son seigneur le droit de vendre toutes les productions de leurs terres, même les buis, bois, paille et fumier; Demande enfin que les pigeonniers soientfer-més dans les temps des semences et de la maturité des blés. Aups dénonce à Sa Majesté une injustice surprise à sa religion, lorsqu’on l’a portée à accorder le droit de prestation sur la moitié de là juridiction, que ladite communauté avait achetée sous la clause expresse de la remettre au Roi ; Demande la dispense de la milice pour tous les enfants uniques ; De revenir contre l’arrêt qui lui défend la compascuité dont elle jouissait depuis longtemps à Moissac, comme arrêt surpris et consenti par un conseil de ville peu nombreux ; Demande appui contre le seigneur d’Aigüines qui veut exiger la désemparation du tiers des domaines de la communauté du lieu, dans lesquels celle d’Aups a droit de compascuité ; Même appui contre le seigneur de Fabrègues qui veut troubler les habitants d’Aups dans le droit de compascuité et autres facultés, dans son territoire, ainsi que contre le seigneur de Turennes qui, par des défrichements, nuit aux mêmes facultés des habitants d’Aups. La communauté d’Aups regarderait comme un acte de justice de n’accorder qu’aux enfants du lieu et à mérite égal les bénéfices de l’église collégiale de la ville ; et que les religieuses ursuli-nes ne puissent exiger pour la réception d’une fille du lieu que la somme de 2,400 livres, suivant leur obligation, au lieu de 4,000 livres qu’elles exigent. Demande de pouvoir faire annuellement deux battues aux bêtes fauves dans les terres des seigneurs voisines et limitrophes ; Que les règlements sur la coupe des bois le long des grands chemins soient exécutés sous peine grave ; Enfin que les premiers jugements, pour fait de dénonce, soient définitifs et en dernier ressort pour favoriser les pauvres qui n’ont pas les moyens de suivre un appel . Draguignan demande la reconstruction des prisons, et l’établissement d’une commission pour la recherche des faux nobles. La Garde-Freinet se plaint qu’étant soumise à l’entretien des gardes-côtes, elle est aussi soumise à la levée et entretien de la milice. Grimaud se joint à cette dernière communauté, pour se plaindre de la moindre mesure du sel et de la mauvaise qualité de celui qui est mesuré au bureau de Saint-Tropez. Le Luc demande que la noblesse ne puisse plus être acquise à prix d’argent et le rétablissement des Missi dominici ; qu’il soit accordé un encouragement aux pères d’une nombreuse famille relativement aux facultés qu’ils ont. Villecroze demande qu’en cas que le droit de la chasse ne soit pas supprimé, les seigneurs ne puissent l’exercer que sur leurs propres terres ; La révocation des, noblesses acquises à prix d argent, ou par charges, et de toutes celles qui ne dérivent pas de services essentiels ; Indemnité par les seigneurs des dégradations par eux faites dans les défends ; Un seul évêque dans la province payé par elle ; Les cures amovibles et électives par le peuple ; Suppression de la dîme et des bénéfices simples, dont les revenus seront versés dans le trésor royal, pour l’acquittement des dettes de l’Etat, néanmoins après la mort des titulaires. La Molle demande qu’il lui soit permis d’embarquer les denrées et marchandises du pays dans la plage de Grimaud, apres en avoir pris l’expédition au bureau des droits. Tavernes réclame la justice du Roi pour obliger les chanoines de Rarjoleà a acquitter les fondations dont ils sont chargés et dont ils perçoivent les revenus. Comps demande, à raison de sa situation et des grands chemins dont il est traversé, rétablissement d’une maréchaussée. Sainte-Maxime demande que les rente» foncières constituées entre particuliers soiént extin-guibles ; Qu’il soit permis à toutes personnes d’établir des fabriques, en payant le sol et les matériaux à dire d’experts; Que le tiers des revenus ecclésiastiques soit distribué aux pauvres des lieux où les revenus sont perçus, par un bureau composé du curé, des consuls et de quelques notables ; Que dans le cas où la dîme no serait pas supprimée, l’entretien des fabriques et des autels soit à la charge seule du décimateur ; D’être exempté de la milice, garde-côte, attendu qu’elle fournit Gent matelots au service du Roi. Le Muy demande la suppression de tous les droits seigneuriaux qui pèsent sur les habitants, et particulièrement de celui de faire pétrir tout le blé que le seigneur perçoit dans ses terres, et d’en faire vendre le pain sans être soumis aux droits de boulangerie et de gabelle ; Qu’il soit permis à tout habitant de bâtir sans être soumis à payer le sol, dans tous les fonds qui appartenaient autrefois à la communauté et que le seigneur s’est appropriés. Carces demande que la paix et la guerre soient votées dans leB Etats généraux, sans préjudice des dispositions préliminaires dans l’urgence de l’un ou l’autre cas, en attendant Rassemblée des Etats généraux qui sera convoquée dans trois mois au plus tard . Qu’en cas de négligence de la part du ministre de faire ladite convocation aux époques déterminées, les Etats provinciaux soient autorisés à la faire; Que la distinction des ordres soit abolie et qu’à défaut la dénomination d’ordre de citoyen soit substituée à celle du tiers-état. La renonciation du tiers à la noblesse héréditaire. Lorgues demande la disjonction absolue des offices de notaire et de procureur; que les fonctions de ces deux états soient déclarées incompatibles, même dans les juridictions où il d’y a pas de procureurs érigés en titre d’offices; de manière qu’il soit interdit aux notaires d’occuper dans quelque juridiction que ce soit comme procureurs, et aux procureurs de prendre des offices de notaire; Demande encore qu’avant la signature des actes lecture en soit faite par Un des témoins qui y sont appelés. 264 [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Sénéchaussée de Draguignan.] Château-Doubîe demande que les instructions données par M. le duc d’Orléans à ses procureurs fondés soient présentées en entier dans les Etats de la sénéchaussée ; Que lesdits députés soient chargés de solliciter l’entérinement cfe l’édit du 8 mai, concernant les tribunaux en bailliages; L’abolition à jamais de la cour plénière; L’établissement d’un bailliage de Draguignan ; La suppression des collégiales et bénéfices simples ; et que les chapitres des cathédrales soient composés d’anciens curés; La faculté aux communautés de rentrer en la possession des terres gâtés ; Et la tenue d’un concile, pour établir le concours libre de toutes personnes aux sacrements, sans incompatibilité. Tourtour demande qu’il soit défendu d’interpréter les lois et d’en publier des commentaires; De Connaître les motifs de l’établissement d’Af-frique. Saint-Tropes demande la confirmation des privilèges du lieu, ratifiés jusqu’à Louis XIV inclusivement, sauf la contribution générale aux charges de l’Etat; La suppression de la citadelle de la ville comme inutile à l’Etat et à charge aux habitants; ou, à défaut, que le pouvoir et les prérogatives du commandant, à Saint-Tropez, soient confirmés à ceux des autres villes ; La maintenue dans le régime constitutionnel des terres adjacentes. Bargemont demande l’exécution de l’arrêt du conseil d’Etat, du 14 janvier 1781, et supplie Sa Majesté de réunir à son domaine toutes les juridictions et fiefs qui en ont été aliénés ou engagés, sans excepter ceux qui avaient été aliénés ou engagés par les comtes de Provence. Bauduen demande le rétablissement de son ancienne paroisse. Flayosc demande la faculté de dériver les eaux des fleuves et rivières non navigables ainsi que des torrents pour le service des fabriques et engins; La faculté aux coseigneurs dudit lieu d’assister aux conseils de la communauté et de participer aux charges municipales. Roquebrune a formé la môme demande ; Il demande, de plus, que tous les coseigneurs n’aient entre eux tous qu’un même juge, pour faire cesser l’abus et surtout l’incertitude de la justice divisée entre une foule de coseigneurs qui tous ont leurs officiers ; Une nouvelle répartition des revenus du clergé aux membres du premier et du second ordre, et la distribution du surplus en faveur des militaires qui auront bien mérité. Le Revest demande l’établissement d’un seul juge entre les divers seigneurs, et se joint à Ro-uebrune pour demander qu’aucune charge ne ispense du payement des droits dus au Roi. Telles sont lestrès-humbleset très-respectueuses doléances que le tiers-état de la sénéchaussée de la ville de Draguignan a l’honneur de présenter à m Majesté, le suppliant de daigner les prendre en xisidération, dans la tenue des prochains Etats oérau *,et d’accueillir les vœux et les sentiments ’an peuple soumis et fidèle. L’assemblée donnant, au surplus, aux députés aux Etats généraux tous pouvoirs généraux et suffisants, pour proposer, remontrer, aviser et co i sentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d uu ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du Royaume et le bien de tous et de chacun des sujets de Sa Majesté, bien que non exprimés dans les présentes instructions et suivant les mouvements de leur conscience et de leur patriotisme. Signé Muraite-Maximin, lsnard cadet; Lions, Sieyrs,LéonTemplier,Pascnal, Perreymond, Boyer, médecin, Martin Roquebrune. Paraphé nevarielur par nous, lieutenant général en la sénéchaussée de cette ville. A Draguignan, ce 1er avril 1789, Signé Lombard-Taradu-Thouron, greffier-secrétaire de l’assemblée. CAHIER Des doléances des sieurs curés congruistes , non posî sédant bénéfices , du diocèse de Fréjus (1), Assemblés dans la ville de Draguignan en exécution des règlements de Sa Majesté, et par l’ordonnance de M. le lieutenant général en la sénéchaussée de la ville, M. l’évêque de Fréjus présidant à ladite assemblée ; lequel cahier doit être remis pour être joint aux autres cahiers contenant les doléances générales du clergé de Fréjus; Les sieurs commissaires, après avoir pris lecture de toutes les doléances des curés, vicaires, et autres ecclésiastiques, ou des députés et procureurs fondés d’iceux qui leur ont été remises, ont arrêté : Art. lep. — Votation sur les impôts. Que les sieurs députés qu’aura élus l’ordre du clergé, pour assister et voter aux Etats généraux de France, seront expressément chargés de supplier Sa Majesté de vouloir bien permettre qu’ils ne votent à aucun impôt, qu’après que les doléances de la nation auront été discutées, et que les moyens qui doivent faire cesser les abus auront été arrêtés et fixés. Art. 2. — Voter par tête. D'accorder que le clergé vote par tête et non par ordre. Art. 3. — Education chrétienne et catéchisme Ils supplieront Sa Majesté de vouloir bien jeter un regard paternel sur l’éducation trop négligée que ses sujets reçoivent dans les collèges et autres maisons d’éducation, et d’ordonner, à cet effet, qu’il sera incessament rédigé un même code de doctrine et de morale pour tout le clergé de France, un seul catéchisme, un seul bréviaire et un même rituel pour toutes les paroisses de son royaume. ArT. 4. — Universités. D’accorder à tous les séminaires le droit d’agrégation aux universités, pour que les séminaristes qui désireront prendre des grades ne soient oint refusés, quand ils seront munis de certi-cats favorables de leurs supérieurs et professeurs. Art. 5. — Pluralité des bénéfices. Que nul ecclésiastique ne pourra posséder plusieurs bénéfices, quand l’un excédera le taux fixé pour les portions congrues. Art. 6. — Décimes. Que les portions congrues n’étant que des pensions alimentaires, seront franches de décimes. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.