[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 janvier 1790. J 285 « 2° Que ce département est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont : Brest, Lan-dernau, Lesneven, Morlaix, Carhaix, Châteaulin, Quimper, Quimperlé et Pont-Croix ; sauf à partager entre les villes du département les établissements qui seront déterminés par la constitution. » M. Lebrun, membre du comité des finances, propose la création d’un comité de liquidation des créances arriérées et l’adoption d'un projet de décret concernant les dépenses de 1 790, conçu en ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant qu’il importe essentiellement à l’économie dans les finances de liquider la dette de chaque département ; que Ton ne peut y parvenir si on ne sépare pas la dépense courante de la dépense arriérée, a décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. A compter du premier janvier 1790, le Trésor public acquittera exactement, mois par mois, sans aucun retard, les dépenses ordinaires de l’année courante. « Art. 2. Sera pareillement acquitté tout ce qui sera dû de la solde des troupes de terre et de mer. « Art. 3. Les arrérages des rentes continueront d’être payés dans l’ordre de leurs échéances, et les paiements seront rapprochés par tous les moyens possibles. « Art. 4. Seront également payés les intérêts de toutes les créances reconnues auxquelles il en est dû, les obligations contractées par achat de grains, les assignations, les rescriptions sur les revenus de 1790, et les dépenses relatives à l’Assemblée nationale. c Art. 5. Il sera sursis au paiement des autres créances arriérées jusqu’à ce qu'elles soient liquidées. « Art. 6. Et, pour procéder à cette liquidation,. il sera nommé un comité de douze membres dans le comité des finances. « Art. 7. Dans un mois au plus tard, les administrateurs de chaque département, et les ordonnateurs de toutes espèces de dépenses, remettront à ce comité un état certifié véritable de toutes les dépenses arriérées dans leurs départements. « Art. 8. Les fournisseurs et entrepreneurs qui auront des titres de créances, seront tenus de les représenter. « Art. 9. Le comité rendra compte à l’Assemblée de chaque partie de la dette, à mesure qu’elle aura été vérifiée, et lui soumettra le jugement de celles qui pourraient être contestées. « Art. 10. L’Assemblée avisera aux moyens les plus prompts et les plus convenables d’acquitter les créances dont la légitimité aura été reconnue. » La discussion est ouverte sur ce projet de décret. M. Camus. J’observe que l’état de 90 millions, qui a été présenté dans le mois dernier, contient les dépenses de l’Assemblée nationale pour novembre et décembre. On ne demandait point alors de fonds pour cette même dépense faite dans le mois précédent, et je demande comment il se peut qu’elle soit aujourd’hui rangée parmi les dépenses arriérées. M. le marquis de llontesquiou. Nous demandons seulement qu’une ligne de démarcation soit tracée entre les dépenses courantes et les dépenses arriérées. Nous ne changerons rien à la nature des créances ; celles qui ne seront pas reconnues légitimes ne seront pas payées. Il paraît essentiel de procéder promptement à cette liquidation, et surtout de prononcer contre ceux dont les créances ne pourraient être liquidées, à défaut de présentation de leurs titres, car sans cela les répétitions n’auront point de terme, et les finances resteront dans une étrange confusion. M. Rœderer. Il est indispensable de charger encore le comité des finances de cet objet. Beaucoup de raisons peuvent déterminer à lui donner cette marque de confiance. Je propose que le comité de liquidation soit formé parmi les membres du comité des finances. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angely). Le )rojet de décret blesse la stricte justice, de aquelle l’Assemblée ne s’est jamais écartée dans es actes émanés d’elle ; il contient la suspension du paiement des fournisseurs des divers départements. Cette disposition, par une réaction progressive et successive, n’influerait-elle pas sur la fortune de beaucoup de particuliers? Je propose d’ajouter au décret, qu’il sera versé à la caisse de l’extraordinaire des fonds assez considérables-pour faire donner des à-comptes aux créanciers dont la quotité de la dette ne sera pas liquidée, et dont les créances seront cependant reconnues par le gouvernement. M. l’abbé Gouttes. Je m’oppose à cet amendement. S’il est dans l’administration un objet de dilapidation et de fraude, c’est sans doute celui des marchés pour fournitures et approvisionnements. En adoptant l’amendement, un fournisseur infidèle jouirait impunément de son infidélité ; il viendrait recevoir l’argent, et l’emporterait, et ne nous laisserait que Je regret d’avoir payé un fripon. Il est indispensable que le comité examine les titres de toute espèce de marchés. L’Assemblée adopte l’amendement de M. Rœderer, et décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur celui de M. Regnaud. M. le comte de Mirabeau. 11 est impossible de rien comprendre à la rapidité avec laquelle on propose des amendements sur un décret dont la plus grande partie de l’Assemblée n’a pas entendu les articles. Je commence par déclarer que je ne donne point en ce moment un dernier avis; car assurément je n’ai pas pu saisir complètement le projet de décret dans une lecture rapide : ce que j’ai compris, c’est qu’il renferme des inutilités et une confusion d’idées fort étranges. On nous parle de dettes arriérées, de la liquidation de toutes ces dettes. Malgré la quantité de beaux plans, de grimoires imposants, de chiffres respectables, je ne crois pas qu’il existe un seul homme, pas même le premier ministre des finances, qui soit en état de suivre cette opération, tant que tous les éléments n’auront pas été découverts et exposés , Je n’entends pas surtout comment il sera possible de faire la liquidation des dépenses des départements, avant de connaître les dépenses de ces départements. La grande inutilité que renferme le projet de décret consiste à ordonner qu’un décret déjà sanctionné sera exécuté. Je veux bien croire que cet article n’a été présenté que par erreur ; mais ce que j’ai pour objet d’établir, c’est que ce décret n’a pas été entendu, et que les deux tiers de l’Assemblée ne le comprennent pas. J’ajoute 28ÏÏ [Assemblée nationale.] ARCHIVES’ PARLEMENTAIRES. [2*j aimer 1790.] qir’il faut un singulier oubli de là naturë des départements pour vouloir que tous les comptes soient remis dans un mois. Comment pourra-t-on se procurer, dans ce délai, les comptes de l’Inde, des Antilles, etc.? M. Anson. Le projet de décret a été imprimé et distribué il y a huit jours. Son objet principal est de demander aux ordonnateurs le détail de l’arriéré, détail qu’ils doivent toujours avoir sur leur bureau, et d’empêcher les ministres d’employer à ces dépendes arriérées les fonds destinés pour l’année 1790. M. Camus. Il faut sans doute que les ordonnateurs fournissent l’état des dépenses de leur département, mais il faut aussi exiger que ces dépenses ne soient déterminées que conformément au taux fixé pour chaque département par le rapport du comité des finances et par le décret du 6 octobre. M. l’abbé Maury. Nous devons prendre une route opposée à celle qui a été suivie. On a toujours, jusqu’ici, porté la recette au niveau de la dépense ; mais c’est la dépense qu’il faut ramener au niveau de la recette ; c’est donc la dépense qu’il faut déterminer avant tout. Pour cet effet, il faut se livrer à la discussion. M; de Cazalès. Je demande que le comité s’applique principalement à découvrir les causes de l’augmeDtation de la dette, qui depuis deux ans s’est accrue de près de 2 milliards ; on serait probablement obligé d’augmenter les impôts; je demande que le comité soit chargé de rechercher toutes les dettes de l’Etat, et d’en constater la légitimité, et que le voile soit à la fin déchiré. M. Charles de Cametb. J’observe que la motion de M. de Cazalès serait impolitique dans ce moment-ci ; qu’elle entraînerait des longueurs dans un temps où tout nécessite une prompte détermination. M. le comte de Mihabeau; La motion de M. de Cazalès tend à faire envisager le comité proposé comme une espèce de chambre ardente. Nous devions scruter la dette, non pas dans le sens que nous devions en constater la légitimité, mais pour en connaître l’état; où est, par exemple, l’extension de l’emprunt de 80 millions ? comment pourra-t-on Ja constater ? c’est ce qu’il nous est impossible de découvrir. On demande que la discussion soit fermée. M. le Président' annonce la question préalable contre l’amendement de M. de Cazalès; Les plus vifs débats s’élèvent. Les injures succèdent aux raisons. Plusieurs membres, taxés d’aristocrates, menacent d’en appeler au peuple. Un autre se plaint que tout se décide aux Jacobins. M. l’abbé Maury, ne pouvant obtenir la parole, demande si M. le président veut paralyser le côté droit. Enfin, à la seconde lecture du projet il obtient la parole. M. l’abbé Ilaury. L’arriéré des' départements ne forme pas la troisième partie de la dette publique ; mais c’est Ja dette entière que nous devons constater. Il n’appartient1 pas aux représentants de Ja nation de couvrir d’un voile la1 dette qu’ils sont chargés de vérifier. On s’opposera sans doute à ce qu’un comité soit nommé pour' la révéler à la France tout entière. Je demande à ceux de cette Assemblée à qui la nature a refusé tout autre courage que celui de la honte, ce qu’ils pourront répondre... (De violents murmures s’élèvent de toutes parts.) Oh demande que l’opinant soit rappelé à l’ordre ; d’autres veulent qu’il soit censuré. Un membre propose de le bannir de l’Assem-blée et de le faire rappeler par ses commettants. M. le comte de Mirabeau. L’incident fâcheux qui trouble la séance nous e3t un grand exemple que la colère est un mauvais conseiller. Le préopinant a eu le malheur de provoquer votre censure ; il a été contre son but par son propre emportement : pour vous, Messieurs, qui devez être au-de8sus de toutes les offenses, sûu& tous les rapports, permetiez-moi d’établir le principe ; mais auparavant* je demande que M. le président pose la question nettement, afin que je puisse donner mon opinion. M. le Président répond qu’il a été fait une: motion dont il va donner lecture. M. de Foucaud, De qui est-elle? qu’il se présente... Plus de cent membres se lèvent à la fois, en disant : C’est, nous, ce sont tous les bons citoyens !... MM.Ie vicomte de Foucault et de Mirabeau, quelques autres, réclamen t alors qu’au lieu de ces. voix confuses, il y en ait une seule qui se présente et qui formule nettement l’accusation contre M. l’abbé Maury. M. Guillaume. Ne cherchez pas un dénonciateur à M. l’abbé Maury. Il se présente de lui-même ce dénonciateur; c’est moi, et vous allez connaître mes motifs et mes conclusions. S'il est des hommes assez flétris dans1 l’opinion publique pour que leurs injures tiennent souvent lieu d’éloges, il n’appartient qu'aux particuliers, maîtres de leurs actions, de mépriser les outrages de ces individus ; mais les corps, et surtout les corps représentatifs, comptables de leur dignité envers leurs mandataires, leur doivent de repousser les offenses qui leur deviennent personnelles. Le corps législatif, ayant l’honneur de représenter la Dation tout entière, ne peut donc pas, lorsqu’il est offensé, borner sa vengeance au mépris, quel que soit l’agresseur, et il le doit d’autant moins que le respect qu’on a pour ses membres dépend du respect dû à ses décrets, et le succès de ses opérations si importantes au bonheur de t’empire. Je propose que M. le président écrive au bailliage de Péronne, afin qu’il retire les pouvoirs donnés à M. l’abbé Maury et qu’il envoie un suppléant à sa place. Un membre donne plus d’étendue à la motion de M. Guillaume, en l’appliquant à tous les membres de l’Assemblée ; il faut écrire, dit-il, à tous nos commettants pour qu’ils nous changent tous, vu la division qui règne dans i’Assemblce. M. Corollër fait une motion plus sévère encore ; elle tend à exclure M. l’abbé Maury de