[Assemblée nationale.] et la loyauté de cette Assemblée sont intéressées à ce que votre ordre du jour ne soit pas dérangé. M. l’abbé llaury. J’ai envoyé à M. de Mirabeau l’aîné toutes les pièce que son frère m’a adressées et qui sont nécessaires à l’apologie de celui-ci. M. de Mirabeau l’aîné n’est pas ici en ce moment; l’Assemblée ne voudra pas juger un accusé sans entendre son défenseur. Cependant, si l’on passe à la discussion, que les adversaires de l’accusé parlent, je répondrai. (L’Assemblée convient d’entendrequelques députations avant d’ouvrir cette discussion.) On admet à la barre une députation de Vau-girard, Issyr:Clamart, etc., septième canton du district méridional de Paris, qui présente à l’Assemblée nationale l’acte de fédération de ce canton. Celui qui porte la parole profite de cette circonstance pour renouveler à l’Assemblée i’hommage des respectueux sentiments dont tous les citoyens que représente sa députation, sont pénétrés pour l’Assemblée, et l’assurance de la juste confiance qui les anime. Il représente quelques réclamations sur l’inégalité de la répartition de l’impôt. M. le Président répond en ces termes : « L’Assemblée nationale a entendu votre pétition sur l’égale répartition de l’impôt. Ses travaux prouveront à jamais qu’elle regarde ce principe comme une des principales bases de l’organisation sociale, et qu’il est nécessairement lié à tous ceux qu’elle a consacrés : elle prendra en considération votre demande, si elle est fondée sur eux. Elle vous accorde les honneurs de sa séance. » Une société de suisses résidant à Paris , im-prouve et désavoue hautement la rébellion du régiment de Châteauvieux. Ces excès, dit-elle, doivent être imputés aux instigations et aux manœuvres perfides des ennemis de la liberté, à cet amas d’étrangers, écume de toutes les nations, que l’avarice des chefs a fait admettre dans ce corps... Le régime aristocratique des régiments corps suisses a pu également, dans le moment où l’aristocratie expire, briser les liens de la discipline et de l’obéissance. L’Assemblée, sans avoir cette intention, a consacré ce régime en ordonnant le 18 août qu’il ne serait rien changé à l’organisation des régiments suisses. Nous désirerions que, sans déroger à ce décret, l’Assemblée statuât le renouvellement de nos capitulations. C'est alors que nous serons dignes de la nation dont nous sommes les enfants et de celle qui nous a adoptés; c’est alors que nous serons relevés d’un avilissement auquel nous préférons la mort. Nous nous proposons d’envoyer à tous les régiments suisses une lettre dans laquelle nous les exhortons à l’obéissance, à la modération; nous les conjurons de ne porter jamais que par des voies légales, les plaintes qu’ils auraient à faire contre leurs chefs. {V Assemblée applaudit .) M. le Président répond en ces termes : « L’Assemblée nationale n’est point étonnée de voir les députés d’une société, composée de Suisses de tous les cantons et de tous les Etats, venir lui témoigner leur improbation de la conduite du régiment de Châteauvieux, et de sa rébellion à la loi. Ce devaient être les sentiments de cette nation généreuse et fière, qui sait allier «l’intrépidité dans les combats, à l’amour de la [2 septembre 1790.] ej|| liberté, et à la soumission la plus parfaite à la discipline, et qui, depuis tant de siècles, est l’alliée la plus fidèle du peuple français. Cette nation doit chérir chez ses amis cette liberté qui lui a tant coûté à elle-même, et que l’indiscipline du soldat pouvait étouffer dans son berceau. L’Assemblée nationale est douloureusement affectée que le régiment de Châteauvieux ait attiré sur lui la juste sévérité de la loi; mais cette faute passagère de quelques-uns de vos compatriotes, sera bien moins célèbre dans l’histoire que les sentiments que vous venez lui manifester ; le nom de la nation suisse ne peut être séparé dans ses fastes de l’idée des plus mâles et des plus touchantes vertus. « L’Assemblée vous accorde les honneurs de sa séanee. » (Pendant ce discours, il s’élève quelques clameurs dans les Tuileries. Le bruit s’accroît, et bientôt un grand nombre de voix fait entendre, au milieu de cris tumultueux, ces mots mille fois répétés : Le renvoi des ministres ! La foule très excitée par les événements de Nancy et de 25 à 30,000 personnes menaçant de se porter à tous les excès, on fait venir de nombreux détachements de la garde nationale, on entoure la salle de canons et, peu à peu, on dissipe les rassemblements.) On introduit à la barre M. Palloy, artiste, accompagné de plusieurs de MM. de la garde nationale parisienne ; il fait hommage à l’Assemblée nationale d’une représentation de la Bastille, exécutée dans une des pierres de la démolition de cette prison. M. Palloy prononce un discours, dont la. teneur suit . « Messieurs, lorsque le pouvoir arbitraire accablait le citoyen de toute sa force, et que l’homme, fait pour la liberté, était tout à coup précipité dans les cachots d’une Bastille, nos tyrans n’imaginaient guère que si près d’expier ses forfaits, cette Bastille, frappée par la fureur d’un peuple réduit au désespoir, allait se cacher sous ses ruines, monument de vengeance et de barbarie que le voyageur cherche et ne retrouve plus. Moi-même j’y suis entré l’un des premiers, mes ouvriers y combattaient avec moi, et quand nos citoyens eu eurent retiré les victimes qu’elle recélait, les armes meurtrières qu’elle devait tourner contre nous ; quand, vide d’esclaves, de �satellites, elle n’était plus qu’un monument honorable au courage des citoyens, je craignis qu’en le laissant plus longtemps debout, il ranimât l’espoir des despotes, et n’écoutaat que l’amour de la patrie, j’allai, sans en avoir reçu l’ordre, abattre ces tours. Moi-même je les frappai le premier, j’armai la main des ouvriers : l’assemblée de la commune et le roi lui-même, ont approuvé mon zèle, puisque des architectes ont été nommés pour surveiller cette démolition ; mais ce qui fera mon souvenir le plus cher, quand les années viendront m’atteindre, c’est d’avoir le premier porté le fer destructeur dans les flancs de cette horrible forteresse. « Mais ce n’est pas assez de cacher sous le sol les monuments de la tyrannie : il faut, s’il est possible, en perpétuer la honte; c’est aux arts à la transmettre à la dernière postérité : ils ont trop longtemps servi à flatter la tyrannie chez un peuple libre, ils en éterniseront la haine; c’est ce que j’ai entrepris. « Des pierres mêmes qui formaient les voûtes ARCHIVES PARLEMENTAIRES.