Séance du 12 fructidor an II (vendredi 29 août 1794) Présidence de MERLIN (de Thionville)(l) 1 Un membre fait lecture de la correspondance et de plusieurs adresses; elles félicitent la Convention nationale sur les mémorables journées des 9 et 10 thermidor, et l’invitent à rester à son poste (2). a [La muncipalité et le conseil général de la commune de Marcillac département de l’Aveyron, réunis à la société populaire et au comité de surveillance, à la Convention nationale, s. d.] (3) Représentants du peuple, Elle a donc été étouffée au moment de son explosion cette conspiration infernale qui devait nous ravir la liberté en inondant de sang le sol de la République, et en couvrant sa surface de cadavres des déffenseurs des droits de l’homme. Grâces immortelles vous en soient rendues sages Législateurs, vous avez encore une fois sauvé la patrie, recevez-en le tribut de nos félicitations et de notre reconnaissance. Le génie tutélaire de la France libre plane sur vos têtes, intrépides déffenseurs de nos droits; d’après les dangers auxquels vous venez d’échaper, vous n’avez plus à craindre pour vos jours, nous n’avons plus à craindre pour notre liberté. Restés à votre poste jusqu’à ce que la coalition des tirans étrangers soit annihilée, et celle de nos ennemis intérieurs totalement détruite. Clôt (président de la société), Camaly, Pradie, Bordes, Barlie (officiers municipaux), Carcenac (secrétaire), (et onze autres signatures.) (1) D’après Débats, n° 709. (2) P.-V., XLIV, 206. (3) C 319, pl. 1304, p. 1 (mention marginale : M.h., I. au b., le 12 fructidor); Bull., 12 fruct. (suppl.) b [Le conseil général de la commune de La Rochelle, Charente-Inférieure, à la Convention nationale, 27 thermidor an II\ (4) Législateurs, Si l’empire des circonstances fait de la sévérité une vertu républicaine, la justice doit en calculer les effets et surtout en peser avec une scrupuleuse exactitude les motifs, pour ne faire tomber ses coups que sur les seuls coupables. L’arrestation, ce premier pas vers un tribunal, est un acte arbitraire, si elle n’est réglée sur ce principe : aucune mesure de sûreté générale ne peut être prétextée en faveur de sa violation, et nul ne devant être présumé coupable avant l’examen du délit dont il est prévenu, nul ne doit par conséquent être longtems privé des moyens de défense. Ces principes font partie des droits du citoyen, et vous venez, Législateurs, de les consacrer de nouveau par votre décret du 18 de ce mois : ce décret honore l’humanité, rassure la vertu, déjoue l’intrigue, console le patriotisme, prévient l’erreur, commande la précaution pour ne pas confondre l’intérêt public avec un désir particulier de vengeance, et laisse enfin au malheur d’être coupable, la ressource d’essayer une justification. Un système de perfidie vouloit opprimer les patriotes confondus avec les ennemis de la République; plusieurs avoient moins qu’eux les moyens de se faire entendre. Mais déjà ils commencent à respirer, ils reconnoissent que ce n’est point en vain que vous avez mis la justice à l’ordre du jour. Législateur, quelle prompte révolution vient de s’opérer dans les esprits ! Le profond silence qui régnoit d’un bout à l’autre de la République avoit quelque chose de sinistre; sans oser s’avouer à soi-même le motif qui le faisoit garder, chacun aimoit encore mieux l’attribuer à la nécessité de juger avec sagesse et prudence, (4) C 319, pl. 1304, p. 3 (mention marginale : M. h., I. au b., le 12 fructidor); Bull., 12 fruct. (suppl.) 64 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE que de le rapporter à la terreur : tant il en coûte à des hommes libres de se prêter à l’idée même d’être comprimé. Continuez, Législateurs, continuez à travailler à notre félicité. La sévérité est nécessaire, mais elle n’est plus à redouter que pour ces hommes injustes qui versent le sang comme l’eau : disons mieux, ce n’est pas sévérité, c’est barbarie; puisque la sévérité n’est autre chose que l’inflexibilité dans l’exécution des mesures qu’a dictées la justice. Salut et fraternité. Pinet (maire), Bireux l’aîné (secrétaire), (et 13 autres signatures.) c [Les administrateurs et l’agent national du district de Chinon, département d’Indre-et-Loire, à la Convention nationale, 13 thermidor an II\ (5) Représentans du peuple français, Il est donc vaincu le plus exécrable de tous les attentats contre la liberté, conçu avec tant d’art, médité avec une dissimulation si profonde, préparé avec ce rafinement d’hypocrisie qu’une étude particulière et constante de tous les crimes a pu seule atteindre, exécuté enfin avec cette scélératesse dont un monstre vient de donner le premier exemple, le plus, grand des forfaits vient de balancer le salut de la patrie. Robespierre ! scélérat consommé ! quelles idées d’indignation et d’horreur tu fais naître ! après ces vertus dont l’éclat imposteur à trompé tant de monde, et qui n’étoient en toy qu’un prétexte infâme pour cacher tes abominables desseins; après ton crime, mis en évidence, quel nom mérites-tu ? te nommer aujourd’huy, c’est te peindre d’un seul trait. Oui, ton nom, par tous les français si justement abhorré, en exécration à toutes les races futures, est placé à la tête du cathalogue des plus grands scélérats qui aient souillé la terre, depuis l’origine du monde. Insensé ! tu croyais arriver à la gloire en anéantissant la liberté qui t’avoit fait naître; tu n’es parvenu qu’à te couvrir d’un opprobre éternel. Voilà le prix de ton forfait et de tes odieux complices. Où êtes-vous tous ? Déjà l’on ne se souvient que de vos crimes pour vous hair et vous détester : et ce souvenir durera jusqu’à la fin des siècles. Tel est le sort qui vous attendoit : il est réservé à tous les traîtres qui tenteroient de vous imiter. Anéantir la liberté ! et qui l’oseroit encore ? et qui le pourroit ? n’est-elle pas gravée dans le cœur de tous les français ? et la force qui la déffend ne la met-elle pas à l’abry de tout insulte ? qui pourroit donc y porter la moindre atteinte ? Attaquée tant de fois, jamais il est vrai, avec des coups si rudes que dans ces momens où nous venons d’échapper au plus grand des malheurs; elle est sortie victorieuse de tous les combats qu’elle a eu à soutenir; elle vient de terrasser ses derniers, ses plus dangereux ennemis; elle (5) C 319, pl. 1304, p. 4 (aucune mention marginale). triomphera de toutes les conjurations que la rage tyrannique, quelque forme qu’elle ait, suscitera contre elle et l’anéantissement total de ses ennemis, quels qu’ils soient, en manifestant sa puissance irrésistible, consolidera encore la baze sur laquelle elle est posée. Mandataires fidèles du peuple, Républicains invariables, que vous êtes dignes du poste où vous êtes placés ! quelle intrépidité de caractère ! et quelle magnanimité dans toutes vos actions ! plus elles sont grandes, sublimes, plus nous les admirons; mais elles ne nous surprennent pas : le crime seul peut étonner dans un représentant du peuple français. Quel exemple de vertus vous nous donnez ! nous les imiterons et l’héroisme de votre conduite sera la règle permanente de nos actions. Fondateurs de la liberté républicaine ! ô vous qui en sentez toute l’excellence, et pourquoi la vie n’est rien sans ce précieux bien; vous vouliez mourir, en la déffendant pour vous, pour le peuple dont les droits sont entre vos mains. Non, vous ne mourrez pas. Les français sont levés. Quelle formidable barrière, opposée à la fureur des tyrans ! Quel coup peut vous atteindre, quand il faut percer les corps de tant de millions d’hommes, pous arriver jusqu’à vous ? Nous vivons : nous sommes déterminés à mourir pour vous sauver, pour sauver la liberté, pour sauver la patrie. Notre salut est essentiellement lié au vôtre, votre cause est la nôtre : elle est celle de tous les français. Non, il n’est pas un seul parmi nous qui voulût survivre à ses représentans, à la mort de la liberté. Nous vous renouvelions avec un enthousiasme unanime le serment sacré de fidélité, de dévouement à la Convention nationale. Nous jurons de nouveau haine aux rois, aux dictateurs, à tout pouvoir arbitraire, aux tirans de toute espèce : nous jurons encore de mourir pour la République une et indivisible : elle est impérissable. Vive la Convention nationale ! Hollandrie (président), Isastard (vice-président), Bonneau,. Dutartre, Babeau, Simon Dubuisson, Paquinot, Champigny, Archambault, Branger, Leconte, Foresty, Lelorrain. d [La société montagnarde régénérée de Tarbes département des Hautes-Pyrénées, à la Convention nationale, s.d.] (6) Sauveurs de la patrie, Les représentans que vous aviez appellé à la victoire immortelle des 9 et 10 thermidor étoient la plupart désignes par les triumvirs : votre digne collègue, Monestier du Puy-de-Dôme, devoit être la victime de Robespierre. Ce tyran ne pouvoit lui pardonner la mort du fanatisme (6) C 320, pl. 1313, p. 40 (mention marginale : I. au B., renvoi au C. de Salut public, le 12 fructidor); Bull., 12 fruct. (suppl.).