16 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 17 juillet 1791.J pouvait avoir lieu dans de telles occasions : l’ordre qui y a régné, ainsi que la prestation du serment de la garnison, et les sentiments que la garde nationale et les troupes de ligne ont fait éclater, sont la meilleure réfutation des prétentions de ceux qui, dans les calculs ou dans les transports aveugies de leur haine, osent avancer que nous n’avons plus de force publique. « Nous sommes, etc... « Signé : DE BlRON, BOULLÉ, ALQUIER. » M. Goudard, au nom du comité d’ agriculture et de commerce, fait un rapport sur Le transit et l’entrepôt réclamés par les départements du Haut et du Bas-Rhin, et sur le remboursement des droits perçus sur les toiles blanches de coton étrangères qui seront introduites dans le royaume pour être imprimées dans les manufactures du département du Haut-Rhin ; il s’exprime ainsi : Messieurs, les départements du Haut et du Bas-Rhin sont aujourd’hui, par le reculement des douanes aux frontières, placés dans l’intérieur du royaume, et se trouvent, avec l’étranger, dans les mêmes rapports que les autres départements de l’intérieur. Vu leur position particulière, ils réclament de la justice de l’Assemblée nationale : 1° La conservation du transit pour les marchandises étrangères; 2° L’établissement d’un entrepôt dans la ville de Strasbourg, pour recevoir les marchandises étrangères qui entreront dans le royaume par certains bureaux situés sur le Haut et le Bas-Rhin ainsi que pour toutes les marchandises ve' antdes îles françaises, qui seraient expédiées avec acquit-à-caution pour celte destination; 3° La faculté de recevoir le remboursement des droits acquittés sur les toiles blanchi s de coton tirées de l'étranger par le bureau de Saint-Louis, avec la destination d’être réexportées à l’étranger, après avoir été peintes dans les manufactures du Haut et du Bas-Rhin. Ces trois objets de demande sont, il est vrai, une exception à la loi générale; mais les raisons qui les motivent ont paru assez pressantes à votre comité; il s’est convaincu que l’égalité sera toujours le dernier résultat de cette légère différence établie pour les douanes d’une localité particulière; si les demandes des départements du Haut et du Bas-Rhin ne s’appuyaient que sur un intérêt purement particulier ne relevant en rien de l’intérêt national, votre comité ne s’en serait pas rendu l’organe auprès de vous. Je passe maintenant à l’examen de ces trois questions importantes. La première question est relative au transit. La ville de Strasbourg se trouve située au milieu à peu près d’une étendue de 50 lieues, dont une extrémité débouché au Palalinat par le bureau de Rulsheim, et l’autre touche à la Suisse par le bureau de Saint-Louis. Le Rhin parcourt cette étendue dans toute la longueur, et se trouve, pour ainsi dire, enfermé entre deux routes, dont l’une est sur le territoire français, et l’autre passe sur le territoire allemand; toutes deux partent à peu près du même point, de Spire, et aboutissent à Bâle. Le milieu du fleuve sert de limites aux deux puissances. Cette position fuit sentir de quel-e importance il est de conserver sur la rive et sur la rouie française le transit réciproque des marchandises d’Allemagne et de Suisse. Le commerce national ne peut qu’en être vivifié, le numéraire étranger arrive et reste daus les communautés riveraines par la consommation des denrées qui se fait sur le lieu même dans une étendue de plus de 50 lieues. Les habitants de ces cantons sont assurés d’un débouché périodique de leurs comestibles et de leurs fourrages. Ce commerce d’ailleurs attache à la France un nombre considérable de voituriers et de bateliers, qui, en cas de guerre, deviennent une ressource précieuse pour le transport des vivres et des munitions nécessaires à nos armées. Ainsi, sous tous les rapports possibles de commerce et d’industrie, de convenance et de sûreté, il doit vous paraître démontré, comme à votre comité, qu’il est utile de conserver et même de favoriser le transit dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, en l’entourant de tous les moyens de surveillance nécessaires pour qu’il ne puisse être fait aucune introduction de marchandises étrangères dans le royaume. 208 voitures sont employées au transit sur le territoire français; la valeur des marchandises qu’elles portent s’élève à 70 millions, et si elles étaient destinées pour la France, elles acquitteraient environ 6,600,000 livres. Il ne faut donc pas laisser sans surveillance cette masse énorme de marchandises traverser notre territoire pendant plusieurs jours et sur une étendue de 50 lieues; mais le commerce ne devrait pas être moins inquiet de les voir sur la rive opposée menaçant toujours nos manufactures, parce que tous les points ne peuvent être tellement gardés que l’introduction soit impossible. Les nombreuses sinuosités du Rhin rendraient la fraude très facile ; aussi a-t-il paru à votre comité que le transit était lui-même un moyen efficace de surveiller ces marchandises. La deuxième question est relative à l’entrepôt. C’est une très grande question que celle de savoir si, après avoir repoussé toutes perceptions aux extrêmes frontières, on peut et l’on doit établir dans certains lieux, ou rapprochés des frontières ou plus intérieurs dans le royaume, des entrepôts pour y recevoir les marchandises étrangères et qui ne payeraient les droils que lorsqu’elles seraient destinées à la consommation du royaume. Sur une question de cette importance, il faut se tenir en garde contre la première impression qui naturellement doit, être contraire à de pareils établissements, il ne faut pas croire que cette exception est un privilège, qui, par cela seul qu’il� est avantageux à la ville qui le sollicite, doit être nuisible à l’intérêt général du commerce. Il faut surtout que ceux qui confondent ces entrepôts avec ce qu’étaient les douanes extérieures apprennent à les distinguer et à les considérer comme des dépôts libres qui ne mettent aucune entrave à ceux qui ne veulent pas en user. La circulation générale et intérieure ne se trouvant nullement gênée, la question devient simple et se réduit à examiner si le commerce national est ou n’est pas intéressé à ce qu’il y ait de ces sortes d’établissements dans le royaume. L’entrepôt, considéré sous ses plus grands rapports et distribué avec sagesse dans certains lieux du royaume, offrirait de grands avantages; peut-être rendrait-il inutiles les franchises des ports. Mais ce n’est pas une mesure générale dont votre comité s’est occupé et qu’il vous soumet en ce moment. Lorsque l’esprit public plus 17 [Assemblée nationale. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1791.] formé, les préventions moins fortes, permettront de connaîire plus aisément ce que l’intérêt général exige, les législateurs prononceront sur celte importante question. Votre comité n’a cependant pas cru devoir différer de vous proposer l’établissement d’un entrepôt dans la ville de Strasbourg pour le commerce des départements du Haut et du Bas-Rhm, parce qu’il est une suite indispensable du transit, parce qu'à défaut de prendre aujourd’hui cette mesure, on s’expose à voir passer dans un instant le commerce de l’autre côté du Rhin et dans la ville de Kehl. Votre comité du commerce, justement alarmé des conséquences funestes qui pourraient en résulter, voyant l’inquiétude des départements du Haut et du Bas-Rhin, a cherché les moyens les plus propres à leur conserver les avantages que leur position leur assure, et à garantir le commerce en général de tous les abus qu’on pourrait craindre d’un pareil établissement. Les précautions qu’il a prises à cet égard ne peuvent paraître ni trop rigoureuses, ni gênantes aux commerçants dis départements du Haut et du fias-Rhin, puisqu’elles sont la sûreté du commerce et des intérêts nationaux. La troisième question est la suivante : Permettra-t-on d’introduire en exemption de droits les toiles blanches de coton, qui viennent dans les manufactures de toiles peintes du Haut-Rhin, pour y recevoir uniquement l’impression et retourner ainsi à l’étranger? Enoncer ainsi la question, c’est démontrer clairement qu’il s’agit uniquement de prêter notre industrie à l’étranger et d’en recevoir le prix. Les manufactures de ces contrées occupent 30,000 ouvriers; elles étaient essentiellement employées à imprimer les toiles étrangères, et, pour la consommation étrangère, ce serait les réduire à une sorte d’inaction si on les astreignait à n’imprimer que les toiles nationales; ce serait renoncer pour la nation à tout bénéfice de cette main-d’œuvre que l’étranger vient chercher auprès de nous; ce serait donner lieu à des établissements de ce genre chez l’étranger qui ne consentirait pas à payer des droits d’entrée bien supérieurs aux frais d’impression. Il est donc sensible que nous avons le plus grand intérêt de conserver cette main-d’œuvre dans les lieux où ces manufactures sont établies, en prenant toutefois les précautions nécessaires pour que ces marchandises ainsi imprimées ne puissent jamais circuler dans le royaume, au préjudice de nos manufactures nationales. D’après ces considérations, votre comité a réuni dans un seul décret les trois objets des demandes des départements du Haut et du Bas-Rhin. Voici notre projet de décret. « L’Assemblée nationale décrète : Art. 1er. « Toutes marchandises étrangères importées en Alsace par le pont du Rhin, ou directement à Strasbourg par le Rhin ou par la rivière d’Ill, seront conduites à la douane sans aucune vérification, sous l’escorte de deux préposés à la police du commerce extérieur, dûment prévenus par les voituriers et bateliers ; elles y seront déclarées par espèce, poids ou quantité, et déposées de suite dans un magasin particulier, sous la clef respective du préposé de la régie des douanes nationales et du préposé du commerce. I16 Série. T. XXVIII. Art. 2. « Le négociant à quilesdites marchandises auront été adressées sera tenu de déclarer dans la quinzaine de l’arrivée pour les objets de manufacture et fabrique étrangères, et dans 2 mois pour les drogueries et épiceries, et autres objets non manufacturés, les quantités des marchandises qu’il voudra faire entrer dans la consommation du royaume, et celles qu’il destinera à faire passer à l’é'raoger en transit. 11 acquittera les droits du nouveau tarif sur les marchandises déclarées pour le royaume, et sera tenu de les retirer aussitôt de l’entrepôt. Les autres seront entreposées dans un magasin séparé, d’où elles ne pourront être retirées que pour transiter à l’étranger. Ce magasin sera également sous la clef respective du préposé de la régie des douanes nationales et du préposé du commerce. Art. 3. « La durée de l’entrepôt, à compter du jour de l’arrivée, ne pourra excéder 6 mois, à l’expiration desquels les marchandises, qui n’auront point été expédiées en transit pour l’étranger, y seront envoyées, sans pouvoir en aucun cas être retirées pour la consommation du royaume. Art. 4. « Les conducteurs des marchandises étrangères qui seront présentées au bur-au de Rul-sheim ou de Saint-Louis, pour passer à Strasbourg sans destination fixe, seront tenus de déclarer le nombre des colis, le poids de chacun et leur contenu. Ladite déclaration sera vérifiée; après quoi, les voitures, sur lesquelles seront lesdites marchandises, seront plombées par capacité, et les marchandises expédiées par acquit-à-caution pour l’entrepôt de Strasbourg, où elles seront reconnues. Les négociants, à qui elles auront été adressées, auront, pour en disposer, les délais fixés par les articles 2 et 3, auxquels iis seront tenus de se conformer. Art. 5. « Les marchandises qui sortiront de l’entrepôt de Strasbourg à la destination de l’étranger seront expédiées par acquit-à-caution, qui devra être déchargé après vérification dans les bureaux de Rulsheim ou de Saint-Louis, lorsqu’elles seront voiturées par terre; et par les bureaux de Honheim, ou de Neuhoffen, ou de Gautzan, lorsqu’elles seront conduites par la rivière d’Ill pour être transportées par le Rhin. Art. 6. « Les marchandises venant de l’étranger, et présentées aux bureaux de Rulsheim ou de Saint-Louis, pour passer en transit par l’Alsace, seront également déclarées, vérifiées, plombées par capacité de voiture, et expédiées par acquit-à-caution, pour être représentées au bureau de sortie, où l’acquit-à-caution sera déchargé. Art. 7. « Dans le cas où une partie des marchandises présentées auxdits bureaux serait destinée pour les départements du Haut et du Bas-Rhin, et le surplus pour passer directement à l’étranger, les premières acquitteront les droits au premier bureau d’entrée; les autres seront expédiées par acquit-à-caution, qui sera déchargé au dernier bureau de sortie. 2